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Légionnaire toujours...

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2010




Décès de l'écrivain austro-polonais Adam Zielinski

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Le dernier ouvrage d'Adam Zielinski "Au shtetl", nom des communautés juives d'Europe centrale et orientale, sortira en août prochain.

VIENNE (AFP)---L'écrivain austro-polonais Adam Zielinski, dont les parents sont morts dans l'Holocauste et dont l'oeuvre était consacrée au drame des juifs d'Europe de l'Est, est décédé samedi soir à 82 ans, a annoncé son éditeur autrichien Lojze Wieser, qui dirige la maison d'édition du même nom. 

Son oeuvre littéraire, débutée tardivement, en 1989, et écrite en allemand, polonais et anglais, est entièrement consacrée à la chronique de la vie juive et en particulier à ses souvenirs de l'Holocauste: sous le titre "Douze histoires juives", les éditions Wieser ont publié en 2004 son oeuvre en dix volumes et son dernier ouvrage, intitulé "Au shtetl", nom des communautés juives d'Europe centrale et orientale, sortira, toujours publié par Wieser, en août prochain.

Avant d'entamer son oeuvre littéraire, il avait fait des études de sciences sociales et de journalisme aux Universités de Cracovie et de Varsovie, puis avait brièvement travaillé comme journaliste en Pologne. Après son émigration en Autriche, il avait créé une entreprise d'import-export active jusqu'en 1987, essentiellement en direction de l'ex-Yougoslavie et surtout de la Chine, une des grandes passions de sa vie et où il s'est rendu plus de 100 fois.

Né dans un shtetl, à Drogobycz, près de Lvov (Lviv en ukrainien, Lwow en polonais, Lemberg en allemand), alors située en Pologne, aujourd'hui en Ukraine, une localité de Galicie, une des provinces russes de l'empire austro-hongrois, Adam Zielinski a été orphelin après l'assassinat en 1941 de son père, un avocat, fusillé par les nazis comme nombre d'intellectuels, et la mort de sa mère en déportation.  

Ironie du destin, il avait dû fuir ensuite les persécutions antisémites du régime communiste polonais et avait émigré en 1957 en Autriche, pays dont il avait acquis la nationalité en 1959. 

En 2008, il avait obtenu le Prix Manes-Sperber, du nom de l'écrivain et intellectuel autrichien Manes Sperber (1905-1984), dont il s'est toujours réclamé et qui avait connu un parcours proche du sien: comme lui, il était né dans un shtettl de Galicie et avait émigré à Vienne. Proche de Sigmund Freud et d'Alfred Adler, rallié au communisme, il avait rompu avec le stalinisme en 1937 et publié une retentissante trilogie romancée sur son expérience de militant "Et le buisson devint cendre".  

En 1939, il s'était engagé dans la Légion étrangère française puis s'était réfugié en Suisse. Grand ami de l'écrivain et homme politique français André Malraux, il s'était engagé, pour lutter contre le communisme, dans l'aventure du Congrès pour la liberté de la culture.  

Parmi les principaux lauréats du prix figurent les écrivains allemands Siegfried Lenz et Ilse Aichinger, l'écrivain et universitaire italien Claudio Magris, ainsi que l'écrivain israélien David Grossman.


Légion étrangère par le colonel Villebois Mareuil 1896

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Nicolas Sarkozy sur le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle

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Jeudi 10 juin 2010

Messieurs les ministres, Amiral, Mesdames et Messieurs les Officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres et marins,

C'est une vraie fierté pour moi d'être aujourd'hui en mer avec vous, sur le porte-avions Charles de Gaulle, le navire amiral de la flotte française de combat. Je suis très heureux de saluer ici des femmes et des hommes, qui, tous unis au service de la France, accomplissent les missions essentielles à notre indépendance et à notre sécurité. Je suis déjà venu à bord de votre porte-avions, mais c'est la première fois que j'embarque en tant que chef des armées.

J'ai tenu à venir vous rencontrer pour vous dire d'abord mon estime et ma confiance. La France et les Français peuvent être fiers de vous, fiers de vos compétences et fiers des moyens tout à fait exceptionnels qui sont mobilisés ici au service de nos engagements internationaux et de notre sécurité. Ce bâtiment et l'ensemble du groupe aéronaval, avec leurs technologies de pointe, avec ces fleurons de l'aéronautique française que sont les Rafale, symbolisent tout ce que la France est capable de maîtriser et de développer comme savoirs les plus avancés, dans le cadre d'une autonomie stratégique dont disposent aujourd'hui très peu de nations. Vous incarnez également la détermination de la France à conserver la maîtrise de son destin dans un monde de plus en plus complexe, dans un monde plus instable, dans un monde au final plus dangereux.

La France est, avec les Etats-Unis, l'un des deux seuls pays au monde capables de réaliser une telle prouesse : concevoir et construire un porte-avions nucléaire ainsi que son groupe aérien embarqué. Nous faisons donc partie d'un club très fermé ; je n'ignore nullement qu'il a fallu des années d'apprentissage, de persévérance pour maîtriser de tels savoir-faire techniques, industriels et opérationnels. Mon devoir, c'est de les conserver.

Vous êtes aujourd'hui les détenteurs de ces savoir-faire hors du commun. Et c'est là une fierté plus grande encore, de voir nos armées maîtriser et diriger les technologies d'une telle précision. Je vous remercie parce que j'ai été très impressionné par la qualité des démonstrations qui m'ont été présentées et par la capacité de coordination exceptionnelle que tout ceci révèle. Sur un porte-avions, l'erreur ne pardonne pas et il faut à chaque instant être au rendez-vous de l'excellence, du professionnalisme le plus exigeant. Le métier de pilote est particulièrement exposé, et je m'en voudrais de ne pas évoquer la mémoire du capitaine de frégate François DUFLOT. Je veux redire à sa famille toute ma solidarité.

Je salue votre dévouement, votre rigueur, votre perfectionnisme qui sont des atouts pour remplir les missions que la Nation vous confie. Je mesure le travail qu'a représenté la période d'entretien majeur que vous avez récemment connue, et la détermination avec laquelle vous avez dû vous entrainer pour revenir au meilleur niveau opérationnel. Je sais que nous pouvons compter sur vous, et nous avons besoin de vous. Que nul n'en doute, vous n'êtes pas seulement un élément du prestige de la France, vous êtes des femmes et des hommes opérationnels.

Pour qu'un ensemble tel que le Charles de Gaulle puisse fonctionner, il faut une qualité qui est au coeur de l'engagement des marins : ce que vous appelez l'esprit d'équipage. C'est un défi de savoir maintenir cet esprit sur un navire qui réunit près de 2 000 personnes. Ici, la réussite est collective ou elle n'est pas. La réussite, et parfois la vie, de tous dépend de chacun. Chacun, quelles que soient sa place et sa fonction, doit se mettre au service de tous. Vous montrez un beau visage de la France et un bel exemple.
Être soldat, être marin, c'est travailler en équipage, c'est consacrer sa vie au service de la France. Ce choix, vous l'avez fait en acceptant les contraintes de la vie embarquée, et notamment celle de ne pouvoir partager en permanence le quotidien de vos proches, Je veux vous dire ma reconnaissance et celle de la Nation. Je veux avoir une pensée pour vos familles, parce que vos familles partagent votre engagement en vous laissant le vivre.

Vous faites un métier difficile, un métier d'exception qui révèle des personnalités d'exception. Je pense notamment à l'actuel chef d'état-major des armées, l'amiral Guillaud, qui a été commandant de ce bâtiment. J'ai dit à votre commandant que cela lui donnait des perspectives !

Notre porte-avions porte un nom qui symbolise la grandeur de la France. Il porte le nom de Charles de Gaulle, celui qui refusa la défaite, qui refusa la soumission à l'ennemi, qui remit la France sur le chemin de la liberté, sur le chemin de l'honneur, qui rétablit la République et l'Etat de droit, et qui nous légua les institutions les plus stables et les plus efficaces de notre Histoire. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce que vous soyez associés à la commémoration du 70ème anniversaire de l'Appel du 18 juin. A Carlton Gardens, devant la statue du général de Gaulle, c'est à vous qu'il reviendra de lui rendre les honneurs.

Ce bâtiment symbolise une France qui assume ses responsabilités, nous sommes un grand pays, cela nous donne des droits, mais cela nous donne d'abord des devoirs. Nous devons consacrer les moyens qui nous permettent de peser sur la scène internationale comme un grand pays, nous devons conserver les capacités d'agir partout dans le monde en projetant nos forces. Sinon, nous ne serions pas un grand pays, nous ne serions plus un grand pays.

Avec le porte-avions et son escorte, la France dispose d'un instrument politique de premier plan ; le Charles de Gaulle, c'est une pièce maîtresse de notre dissuasion nucléaire. Le général de Gaulle a été le premier à avoir compris l'importance de la dissuasion nucléaire pour notre indépendance. Eh bien, la dissuasion reste pour la France un impératif absolu. La dissuasion nucléaire est pour nous l'assurance-vie de la Nation, c'est la garantie qu'un autre Etat devra bien réfléchir avant de s'en prendre à nos intérêts vitaux, sauf à s'exposer à une sanction qui serait alors hors de proportion avec les avantages recherchés.
Le porte-avions est un outil décisif pour que la France exerce les responsabilités qui lui incombent en tant qu'acteur majeur sur la scène internationale. Nous vivons, Mesdames et Messieurs, dans un monde incertain, caractérisé par la multiplication des risques, par la dissémination de la violence, un monde qui repose sur des organisations et des règles désormais obsolètes, un monde qui doit inventer celles du siècle qui s'ouvre. C'est pourquoi j'ai pris une responsabilité lourde, qui consiste à m'engager, en tant que chef de l'État, à ne pas baisser la garde en relâchant notre effort de défense. C'est la vocation première de l'État et c'est ma responsabilité en tant que chef des armées. Depuis 2007, toute mon action a eu pour objectif de construire une défense crédible, cohérente avec les menaces qui pèsent sur notre nation. Pour réaliser cette ambition, l'ensemble du ministère de la défense et des forces armées s'est mis en mouvement de façon exemplaire et je remercie Monsieur le ministre Hervé Morin, ainsi qu'Hubert Falco. Les réformes commencent à porter leurs fruits et je rends hommage à tous ceux qui y contribuent. Peu d'administrations de l'Etat peuvent se targuer d'avoir conduit à intervalles réguliers des efforts d'adaptation et de modernisation aussi conséquents. Chacun doit être conscient, dans nos forces armées comme ailleurs, que cet effort d'adaptation est indispensable. La remise en question et le changement ne peuvent plus être l'exception. Ils doivent être la règle. Il n'y a pas de place, il n'y a plus de temps, il n'y a pas d'avenir pour l'immobilisme et le report indéfini des décisions difficiles dans le monde d'aujourd'hui. Nous n'avons pas d'autre choix. Nous devons nous adapter, nous devons prendre les décisions au moment où on a encore une chance de pouvoir les prendre, nous ne pouvons pas subir. Le monde bouge à une vitesse stupéfiante. La France ne peut pas demeurer immobile. Et nos forces armées doivent s'adapter, et elles le font, pour rester opérationnelles.

Je sais que, parmi vous, il y a des inquiétudes sur les moyens de notre défense au moment où nous devons redoubler d'efforts pour redresser les finances de la nation. Car, évidemment, un pays trop lourdement endetté n'est plus un pays indépendant. Chacun y contribuera, mais je veux vous assurer de ma détermination : je veillerai en toutes circonstances à ce que la France et les Français soient en sécurité. C'est mon premier devoir de chef de l'Etat et de chef des armées : garantir la sécurité de la France et des Français, et cette sécurité passe par vous. Alors j'y veillerai, à l'intérieur de nos frontières comme à l'extérieur, afin que vous disposiez des capacités opérationnelles dont vous avez besoin ; la France doit tenir son rang, la France doit rester à la hauteur de ses responsabilités en Europe et dans le monde. La France, vecteur de paix.

Notre pays assume aujourd'hui pleinement ses responsabilités de grande puissance, grâce à notre participation aux structures de commandement de l'OTAN. Nous avons 10 000 femmes et hommes actuellement engagés au nom de la France dans des opérations extérieures pour préserver la paix et défendre nos valeurs. Et j'annonce que vous allez vous-mêmes allez partir en opérations avant la fin de l'année en Océan Indien et dans le Golfe persique. Cela ne peut que vous réjouir. Vous êtes engagés pour ça, pour partir, pas pour rester. Donc, l'Océan Indien et le Golfe persique.

Les missions que vous allez accomplir là-bas sont cruciales. En Afghanistan la France mène, avec ses alliés, la lutte contre la barbarie et les barbares qui menacent de faire basculer une région si importante pour les équilibres et la sécurité du monde.

Je veux saluer tous ceux qui se trouvent déployés en Afghanistan pour notre sécurité.
Il y a 3 jours, au sud de Tagab, un légionnaire a été tué par un éclat de roquette tirée par des insurgés : je m'incline avec respect devant sa mémoire, au nom de la France. Mes pensées vont à sa famille, et à ses trois camarades qui ont été blessés avec lui. Nous sommes avec eux dans l'épreuve.
Je veux que vous soyez convaincus d'une chose : à chaque fois que l'un d'entre vous ne rentre pas à la maison, je me sens personnellement responsable parce que la décision ultime de vous envoyer est prise par le chef des armées. Et je ne considère pas que mourir soit le destin d'un militaire. Je n'accorde aucun crédit à la fatalité. Chaque fois, je me remets en question moi-même devant ce cercueil ou devant cette famille. Vous avez un devoir, j'en ai un aussi. Je dois prendre des décisions difficiles. Et, croyez-bien que c'est un moment où la pression est très intense sur les épaules d'un chef de l'Etat et d'un chef des armées.

Mais la France ne peut pas renoncer à lutter contre le terrorisme et les terroristes. Ce n'est pas possible. Et nous devons aider les Afghans jusqu'à ce qu'ils soient en mesure d'assumer seuls leur sécurité et leur développement. Nous devons poursuivre le combat contre les Taliban et Al Qaeda. Si la France n'a connu, au cours de ces dernières années, aucune attaque terroriste, nous le devons à l'efficacité de nos forces de sécurité et de défense, nous le devons à notre détermination et à notre pugnacité ; mais la menace est là, elle est réelle et il n'est pas question de relâcher notre vigilance ou notre action.

Aujourd'hui, sur l'arc de crise qui s'étend jusqu'à l'Océan Indien se joue l'avenir de notre sécurité, de notre prospérité, la crédibilité des valeurs universelles que la France a toujours portées. Notre Nation sait qu'elle peut compter sur vous pour assurer cet avenir.

Alors en mon nom et au nom de la France, je veux vous dire aujourd'hui, à chacun d'entre vous personnellement, marins et pilotes du porte-avions Charles de Gaulle, toute ma reconnaissance et toute ma confiance. Soyez fiers de l'uniforme que vous portez, des valeurs que vous servez, du métier que vous avez choisi, de la mission que vous accomplissez. Tout le monde ne peut pas le faire. Vous pouvez être fiers de ce que vous faites pour la France, fiers du drapeau et des valeurs que vous servez. Quand vous vous levez le matin, vous n'avez pas à vous demander pourquoi vous avez choisi ce que vous faites, vous le savez. Vous avez beaucoup de difficultés, vous affrontez beaucoup de menaces. Mais il y a une chose dont vous ne doutez pas : la raison pour laquelle vous vous êtes engagés et ce que vous faites ici. C'est une forme de privilège ! Quel que soit votre grade, quelle que soit votre fonction, ce n'est pas rien de pouvoir se dire qu'on participe à la sécurité et à l'indépendance nationale de la cinquième grande puissance du monde. Vous êtes les dignes successeurs des grands noms que portent ce magnifique navire et, avant lui, ses deux prédécesseurs, le Foch et le Clemenceau.

Avec Hervé MORIN, avec Hubert FALCO, avec le chef d'Etat-major, l'Amiral GUILLAUD, avec mon chef d'Etat-major particulier, Benoit PUGA, je voudrais vous dire que c'est un réel plaisir d'être ici avec vous et de partager ce moment avec vous. Sachez aussi que, lorsque vous serez dans la peine, dans la douleur, je serai avec vous aussi et que je veillerai quel que soit le contexte très difficile des finances publiques, à ce que votre sécurité ne soit jamais mise en cause par un défaut d'équipement ou un défaut d'entrainement. C'est aussi ma responsabilité.

Vive la République !
Vive la France !


En partant pour le Mexique

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LA HACIENDA DE CAMARON

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EPISODE DE LA GUERRE DU MEXIQUE


par L. LOUIS-LANDE


paru dans la Revue des Deux-Mondes, le 15 juillet 1878

 puis édité en 1887 dans un livre intitulé : Souvenirs d'un Soldat.

 

LA HACIENDA DE CAMARON


 
 
 
 
 
 

 « J'ai eu l'honneur de connaître un des rares survivants de cette affaire. Quarante-cinq ans environ, la taille plutôt petite que moyenne, le teint bistré, les yeux petits et vifs, les traits ouverts, énergiques, dans les gestes cette allure un peu brusque que garde toujours l'ancien militaire sous l'habit bourgeois, tel est au physique le capitaine Maine, aujourd'hui en retraite. A sa joue, marquée d'une balle qu'il reçut en Crimée et qui lui fait comme une large fossette, à la rosette d'officier ornant sa boutonnière, sans peine on reconnaît qu'il a dû passer par de rudes épreuves. Souvent prié de nous raconter l'épisode de Camaron, il s'y refusait toujours, non par fausse modestie sans doute; mais ce souvenir, disait-il, si honorable qu'il fût, ne laissait pas de lui être pénible. Un soir pourtant, comme nous le pressions, il dut céder à nos instances, et c'est son récit, religieusement écouté, que j'ai essayé de reproduire. »


LA HACIENDA DE CAMARON

 

 

Nous faisions partie des renforts de toutes armes envoyés à la suite du général Forey après l'échec de Puebla. Le régiment étranger, qui avait fait si souvent parler de lui en Algérie, allait trouver au Mexique de nouvelles occasions de se distinguer. Sitôt débarqués, nous avions été dirigés sur l'intérieur: notre 3e bataillon s'était arrêté à la Soledad, à huit lieues environ de Vera-Cruz; les deux autres, avec le colonel Jeanningros, avaient continué jusqu'à la chaîne du Chiquihuite, en bas duquel ils s'étaient établis, tenant ainsi la route qui de Vera-Cruz mène à Cordova.
 
Le Chiquihuite est pour ainsi dire le premier gradin qui sépare les Terres-Chaudes des Terres-Tempérées. Vous connaissez déjà par la carte l'aspect particulier du territoire mexicain; on l'a comparé fort exactement à une assiette renversée qu'on recouvrirait d'une soucoupe également renversée; les deux rebords de l'assiette et de la soucoupe figureraient, l'un la zone des Terres-Chaudes, qui comprend tout le littoral et qui s'enfonce d'une vingtaine de lieues dans l'intérieur du pays; l'autre, la zone intermédiaire, dite des Terres-Tempérées; l'espace plan situé au sommet formerait la troisième zone, celles des Terres Froides ou hauts plateaux. Ainsi la plupart des noms de lieux au Mexique, Chiquihuite a un sens précis, et signifie en langue indienne une hotte ou mannequin comme en portent nos chiffonniers : par sa forme en effet, la montagne rappelle assez bien un de ces paniers retournés.
 
Quoi qu'il en soit, dès notre arrivée le colonel s'était empressé d'établir à certaine hauteur, sur les premières pentes de la chaîne, un poste d'observation; de là on dominait une partie de la plaine, et principalement Paso deI Macho, -le Pas du Mulet, - où s'étendaient nos avancées. Une longue-vue, mise à la disposition des soldats du poste, leur permettait de fouiller au loin la campagne, alors infestée par les bandes mexicaines, et de signaler sans retard tout mouvement suspect.
 



 
Un mois s'était déjà écoulé sans grave incident, et j'étais précisément de garde sur la montagne avec deux escouades de ma compagnie, commandées par un sergent, quand, le 29 avril, vers onze heures du soir, l'ordre nous vint de rallier aussitôt nos camarades qui campaient dans le bas. Dès que nous eûmes rejoint, on prit le café, et vers une heure du matin la compagnie se mit en marche.
 
Juste au même instant, un immense convoi militaire concentré à la Soledad s'apprêtait à quitter ce point à destination de Puebla, dont le second siège était commencé depuis plus de deux mois; nous étions chargés d'aller à sa rencontre et d'éclairer tout le terrain en avant de lui, entre le Chiquihuite et la Soledad.
 
Une belle compagnie que la nôtre, la 3e du 1er, comme on dit à l'armée, et qui passait à bon droit pour une des plus solides de la légion! Il y avait là de tout un peu comme nationalité, - c'est assez l'habitude du corps, - des Polonais, des Allemands, des Belges, des Italiens, des Espagnols, gens du nord et gens du midi; mais les Français étaient encore en majorité.
 
Comment ces hommes, si différents d'origine, de moeurs et de langage, se trouvaient-ils partager les mêmes périls à tant de lieues du pays natal? Par quel besoin poussés, par quelle soif d'aventure, par quelle série d'épreuves et de déceptions? Nous ne nous le demandions même pas; mais la vie en commun, le voisinage du danger, avaient assoupli les caractères, effacé les distances, et l'on eût cherché vainement entre des éléments aussi disparates une entente et une cohésion plus parfaites. Avec cela, tous braves, tous anciens soldats, disciplinés, sincèrement dévoués à leurs chefs et à leur drapeau.
 
Nous comptions dans le rang au départ 62 hommes de troupe, les sous-officiers compris, plus 3 officiers: le capitaine Danjou, adjudant-major, le sous-lieutenant Vilain et le sous-lieutenant Maudet, porte-drapeau, qui, bien qu'étranger à la compagnie, avait obtenu de faire partie de la reconnaissance. Notre lieutenant, malade, resta couché au camp du Chiquihuite. Nous avions la tenue d'été: petite veste bleue, pantalon de toile, et, pour nous garantir du soleil, l'énorme sombrero du pays en paille de latanier, dur et fort, qui nous avait été fourni par les magasins militaires. Nos armes, comme celles des autres troupes du corps expéditionnaire, étaient la carabine Minié à balle forcée, alors dans tout son prestige, et le sabre-baïonnette. Deux mulets nous accompagnaient, portant des provisions de bouche.
 
Au bout d'une heure de marche environ, nous atteignîmes Paso del Macho, sur le bord d'un grand ravin sinueux, au fond duquel coule un torrent. Ce poste était occupé par une compagnie de grenadiers sous les ordres du Capitaine Saussier ; une vieille tour en ruines, dominant le ravin, pouvait servir tout à la fois de lieu d'observation et de refuge. Nous n'y demeurâmes qu'un instant; les officiers échangèrent quelques mots, puis se serrèrent la main, et après avoir franchi le torrent sur une passerelle, d'un pas relevé, nous continuâmes notre chemin.
 
Nous suivions sur deux rangs serrés le milieu de la route; il faisait pleine nuit encore, et le terrain, fort accidenté dans cette partie, couvert de bois et de hautes broussailles, pouvait cacher quelque embuscade. A certains endroits, des deux côtés de la voie, s'étendaient de larges éclaircies faites dans l'épaisseur du fourré par la hache ou l'incendie, lors du passage des convois.

Quant à la route elle-même, jamais réparée, défoncée par les pluies torrentielles de l'hiver, par le défilé incessant des voitures et des caissons, elle était presque impraticable, et il nous fallait cet instinct que donne l'habitude de la marche dans les pays vierges pour ne pas rouler tout à coup dans des trous ou des ornières profondes comme des précipices.
 
Au point du jour, nous approchions du village de Camaron, en espagnol« écrevisse»; il tire ce nom bizarre d'un petit ruisseau qui coule à quelques centaines de mètres et qui, paraît-il, abonde en crustacés d'une grosseur et d'une saveur sans pareilles.
 
Comme presque tous les villages aux alentours, celui-ci était complètement ruiné par la guerre. D'ailleurs il ne faudrait pas se méprendre sur l'importance du dégât: un méchant toit de chaume fort bas qui descend presque jusqu'à terre, soutenu tant bien que mal par deux ou trois pieux mal dégrossis ou quelques branches d'arbres, parfois une poignée de boue pour boucher les trous, voilà ce qui constitue l'habitation d'un Indien; et si elle risque de s'écrouler dès qu'on a le dos tourné, du moins n'en coûte-t-il pas beaucoup pour la rebâtir. Les maisons vraiment dignes de ce nom et solidement construites sont toujours la grande exception.
 
Camaron n'en comptait qu'une alors: c'était, sur le côté droit de la route, un vaste bâtiment carré mesurant à peu près cinquante mètres en tous sens et construit dans le goût de toutes les haciendas ou fermes du pays. La façade, tournée vers le nord et bordant la route, était élevée d'un étage, crépie et blanchie à la chaux, avec le toit garni de tuiles rouges. Le reste se composait d'un simple mur très épais fait de pierres et de torchis, et d'une hauteur moyenne de 3 mètres. Deux larges portes s'ouvrant à la partie ouest donnaient accès dans la cour intérieure, nommée corral: c'est là que chaque soir, en temps ordinaire, on remise les chariots et les mules, par crainte des voleurs, toujours très nombreux et très entreprenants dans ces parages comme dans tout le Mexique.

Nous entrâmes. La maison était vide: point de meubles; seules, quelques vieilles nattes pourries, des débris de cuir gisant à terre laissés là par les muletiers de passage. En face et de l'autre côté de la route, il y avait encore deux ou trois pauvres constructions à demi écroulées et désertes, elles aussi.
 
Au sortir du village, le gros de la compagnie se partagea en deux sections, l'une à droite, l'autre à gauche, pour battre les bois; le capitaine, avec une escouade en tirailleurs et les deux mulets, continua de suivre la route. Rendez-vous était donné pour tout le monde à Palo-Verde, - taillis vert -lieu ou les convois s'arrêtent d'ordinaire à cause d'une fontaine qui est proche et qui fournit une eau excellente.
 
De fait, après une assez longue course sous bois, comme nous n'avions trouvé nulle part trace de l'ennemi, nous nous rabattions sur Palo-Verde. A cet endroit, le terrain, qui s'élève légèrement, est entièrement dégarni dans un rayon de plusieurs centaines de mètres; mais la forêt reprend bientôt, plus verte et plus touffue que jamais.
 


 

Nous marchions déjà depuis plus de six heures: il était grand jour, et le soleil, dardant tous ses feux, nous promettait une chaude journée. On fit halte. Des vedettes sont placées autour de la clairière en prévision d'une surprise, les mulets sont déchargés, et le caporal Magnin part pour la fontaine avec une escouade. Un grand hangar en planches, couvert de chaume, était établi sous un bouquet d'arbres, à l'abri du soleil. Tandis qu'une partie des hommes coupe du bois, prépare le café, d'autres s'étendent pour dormir.

Une heure ne s'était pas écoulée, l'eau bouillait dans les gamelles, et Yony mettait le café, quand, du côté de Camaron et sur la route même que nous venions de quitter, deux ou trois de nous signalèrent quelque chose d'anormal.
 
La poussière montait vers le ciel en gros tourbillons. A cette distance et sous les rayons aveuglants du soleil, il n'était pas facile d'en distinguer davantage. Pourtant nous n'avions rencontré personne en chemin; et, si quelque mouvement de troupes avait dû se produire sur nos derrières, on nous en eût avertis; tout cela ne nous présageait rien de bon.
 
Le capitaine avait pris sa lorgnette.
 
-« Aux armes! L'ennemi! » - s'écria-t-il tout à coup. Et en effet, avec la lorgnette, on les apercevait fort bien. C'était des cavaliers; coiffés du chapeau national aux larges bords, ils avaient, selon la coutume, déposé leur veste sur le devant de la selle et allaient ainsi en bras de chemise.
Comme nous l'apprîmes plus tard, depuis plusieurs jours déjà une colonne des libéraux, forte de près de 2,000 hommes, tant cavaliers que fantassins, et commandée par le colonel Milan, était campée sur les bords de la Joya, à environ deux lieues de notre ligne de communication, guettant le passage du convoi. Une chose les avait attirés surtout: l'annonce de trois millions en or monnayé, enfermés dans les fourgons, et que le Trésor dirigeait sur Puebla pour payer la solde des troupes assiégeantes.
 
Grâce à leur parfaite connaissance des lieux et à l'habileté vraiment merveilleuse qu'ils déploient pour couvrir leurs marches, au camp de Chiquihuite on ne soupçonnait même pas la présence d'une pareille force sur ce point. Par contre, toute la campagne était remplie de leurs éclaireurs. Aussi la compagnie n'avait pas encore quitté Paso deI Macho, que déjà notre marche était signalée, et 600 cavaliers montaient en selle pour nous suivre. Ils nous accompagnèrent toute la nuit, à certaine distance et à notre insu. On avait compté nos hommes; on les savait peu nombreux; craignant eux-mêmes que leur position n'eût été éventée, les Mexicains avaient résolu de nous enlever, pour ne point manquer le convoi.
 
Au premier cri d'alarme, on donne un coup de pied dans les gamelles, on rappelle en grande hâte l'escouade de la fontaine, on recharge les bêtes, et, moins de cinq minutes après, nous étions tous sous les armes. Pendant ce temps, les Mexicains avaient disparu. Evidemment une embuscade se préparait sur nos derrières; le mieux était en ce cas de revenir sur nos pas et de chercher à voir de plus près l'ennemi auquel nous avions affaire.

Nous quittions Palo-Verde en colonne, précédés d'une escouade en tirailleurs; mais alors, au lieu de suivre la route, sur l'ordre du capitaine, la compagnie prend par la droite et s'engage sous bois. Nous y trouvions ce double avantage de dissimuler nos mouvements et de pouvoir à l'occasion repousser plus facilement les attaques de la cavalerie libérale.

Le bois s'étendait à l'infini dans la direction de la Joya. Au dessus des buissons et des touffes de hautes herbes montaient, reliés les uns aux autres par de longues lianes tombant en guirlandes, les magnolias, les lataniers, les caoutchoucs, les acajous, tous les arbustes rares, toutes essences précieuses de cette nature privilégiée. Parfois le fourré devenait si épais qu'il fallait s'y ouvrir un chemin avec le tranchant du sabre-baïonnette. Cà et là couraient d'étroits sentiers, connus des seuls indigènes.
 
Nous marchions depuis plus d'une heure sans avoir même perçu l'ennemi. Sorti l'un des premiers de l'Ecole de Saint-Cyr, jeune encore, estimé des chefs, adoré des soldats, le capitaine Danjou était ce qu'on appelle un officier d'avenir. Grièvement blessé en Crimée et resté manchot du bras gauche, il s'était fait faire une main articulée dont il se servait avec beaucoup d'adresse, même pour monter à chevaL Autant que son courage, ce qui le distinguait surtout, c'était cette sûreté, cette promptitude du coup d'oeil qu'on ne trouvait jamais en défaut.
 
Ce jour-là, il portait sur lui une carte du pays, très complète, dressée à la main par les officiers de l'état-major français, et qu'il consultait souvent. A quelque distance, en face de nous, coulait la rivière, profondément encaissée entre ses deux bords à pic et gardée sans doute par un ennemi nombreux. S'engager davantage pouvait paraître dangereux. Le capitaine nous fit faire volte-face et tendre de nouveau vers Camaron.
 
Au moment même où nous débouchions sur la route, à 300 mètres environ du pâté de maisons, un coup de feu parti d'une fenêtre vint blesser l'un de nos camarades à la hanche.
 
La compagnie s'élance au pas de course; à l'entrée du village, elle se dédouble, tourne par les deux côtés simultanément et se retrouve à l'autre bout, sans que rien de nouveau ait confirmé la présence de l'ennemi. Nous nous arrêtons, l'arme au pied, tandis qu'une escouade fouille soigneusement les maisons. En même temps, comme il fait très chaud et que la soif commence à nous tourmenter, des hommes avec leurs bidons descendent vers un petit ravin, situé à quelques pas sur la droite et où l'on trouve quelquefois de l'eau dans les creux du rocher. Par malheur, la saison des chaleurs était déjà arrivée, et nous dûmes rester sur notre soif. Dans le village, on eut beau chercher, l'adroit tireur ne s'y trouva plus: sans doute quelque vedette ennemie qui avait fui à notre approche.
 
Nous reprîmes alors la route du Chiquihuite. Nous allions encore une fois partagés en deux sections, une sur chaque flanc, le capitaine avec les mulets et une escouade au centre, plus une escouade d'arrière-garde à 100mètres de distance.
 

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