AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Les Forçats de la gloire

Envoyer

05 fév. 2012 Par Francis Moury

Wellman (1896-1975) s’était engagé durant la Première Guerre mondiale de 1914-1918 comme brancardier dans la Légion étrangère avant d’intégrer la célèbre « Escadrille Lafayette ». Il y fut blessé et décoré.

William Wellman (né William Augustus Wellman le 29 février 1896 à Brookline, Massachusetts - 9 décembre 1975 à Los Angeles) est un réalisateur de cinéma américain. Il est surtout connu pour ses films Les Ailes (Wings) et Une étoile est née.

Ayant servi comme ambulancier, puis pilote dans l'escadrille La Fayette, il s'attache à montrer dans ses films de guerre la réalité du front plus qu'à idéaliser l'héroïsme des soldats. Même souci de vérité dans ses westerns, son genre de prédilection, où l'action est souvent délaissée au profit de scènes où se font jour les tensions d'un groupe ou la dimension psychologique des personnages. Nulle violence gratuite enfin : Wellman « omet » souvent de filmer une bagarre dans son intégralité, préférant en souligner les à-côtés, avec une grande sobriété de moyens. Sa volonté de montrer la réalité le conduit à préférer les décors naturels ou à s'affranchir des conditions de tournage imposées par ses producteurs : pour Les Ailes (Wings), il exige d'attendre l'arrivée de nuages dans un ciel parfaitement bleu pour rendre les combats aériens plus saisissants.

Cinéaste « sensible, ouvert aux injustices sociales » (selon Jean Tulard), plus que cinéaste engagé, il réalise L'Étrange Incident (The Ox-Bow Incident) (1943) qui dénonce le lynchage dans une période où la ségrégation raciale vis-à-vis des Noirs se double de la mise au ban des Japonais soupçonnés de collaboration, ainsi que Wild Boys of the Road, film douloureux sur la violence engendrée par la Grande Dépression.

Plusieurs de ses westerns, enfin, témoignent de sa volonté de montrer la contribution essentielle de la femme dans l'histoire des États-Unis. Dans La Ville abandonnée, Anne Baxter tient tête à une bande de hors-la-loi ; dans Convoi de femmes, 200 femmes déclassées (filles-mères, prostituées...) traversent les États-Unis et affrontent avec courage et dignité de multiples épreuves pour épouser des colons à demi-sauvages qui représentent leur dernière chance de réhabilitation.

Si sa carrière fut couronnée de nombreux succès (Les Ailes et Une étoile est née, entre autres), il termine sur un échec, avec C'est la guerre (Lafayette Escadrille) (1958), film semi-autobiographique où il prête sa voix à celle du narrateur.

Quelques jours avant sa mort, il confiait à son fils avoir vécu « la vie de cent hommes ».

Surnommé « Wild Bill » à Hollywood autant en raison de son engagement durant la Grande Guerre que pour son comportement et ses exigences sur un tournage, Wellman était un cinéaste avant tout soucieux de réalisme.

 

The Story of G.I. Joe qu’il tourne en 1945, environ un an après les faits réels dont il s’inspire, inaugure une idée qui sera par la suite souvent reprise par le film de guerre américain : montrer la guerre à travers le regard d’un journaliste. Les Bérêts verts de John Wayne la reprendra par exemple en 1968 d’une manière plus réflexive encore puisque le journaliste y est au départ hostile à l’intervention américaine et qu’il finit par s’y engager comme soldat, une fois convaincu de son bien-fondé. Le jeune homme qui s’engage dans le Platoon d’Oliver Stone n’est certes pas journaliste mais c’est un intellectuel qui s’engage volontairement afin de savoir de quoi il retourne : la démarche est proche. Bien sûr, dans le cas du film de Wellman, l’idée repose d’abord sur un fait : Ernie Pyle a réellement existé, célèbre au point que son nom était le plus gros sur l’affiche américaine du film. Et il est mort, ainsi qu’une partie des figurants soldats, assez peu de temps après le tournage, raison pour laquelle Wellman ne pouvait plus supporter de revoir Les Forçats de la gloire alors même qu'il le considérait comme son meilleur film. On comprend pourquoi Samuel Fuller, qui fut en somme un Ernie Pyle à sa manière, admirait The Story of G.I. Joe au point de déclarer que c’était le seul film de guerre « adulte et authentique » produit par Hollywood sur la seconde guerre mondiale. Fuller reprendra certaines idées de Wellman dans son génial Les Maraudeurs attaquent : les séquences de fatigue notamment, d’épuisement. Robert Aldrich, assistant de Wellman en 1945, s’inspirera de très près de l’attaque de l’église de San Pietro lorsqu’il réalisera  certains plans de son propre Attaque ! avec Jack Palance.

Sur le plan esthétique, le film demeure surprenant. On croit, dans le domaine du film de guerre, avoir tout vu. Mais on constate qu’un grand cinéaste est capable de renouveler le genre. On peut considérer que Wellman donne ici au film de guerre ce qu’un Roberto Rossellini lui donnera presque simultanément avec Païsa : en fait, il n’y a rien de nouveau sous le soleil de l’histoire du cinéma. Sadoul a tort, dans son Histoire du cinéma mondial, d’opposer Wellman et Rossellini en assurant que le second a réussi ce qu’avait simplement visé le premier. Deux courants esthétiques se disputent en effet constamment le genre : le documentarisme réaliste et l’expressionnisme, voire le baroque. Un film de guerre réussi emprunte en général un peu aux deux. C’est ici encore le cas : il y a même une ahurissante « atmosphère » de cinéma muet, presque allemande, dans la scène où l’épouse de Wellman jouant une infirmière, observe en gros plan clair-obscur très contrastés, son G.I. s’endormir épuisé, le soir de sa nuit de noce. On ne peut même pas dire que la scène « physique » de séduction d’une Italienne par un G.I. italo-américain soit artificielle par comparaison avec telle ou telle scène de Païsa puisqu’on sait à présent ce que Sadoul ignorait de toute évidence : probablement tout ce qu’on voit dans le film de Wellman est vrai, ou s’inspire de très près de faits réels. Le temps, en période de guerre, se rétrécit ou se dilate d’une manière inhabituelle : le temps des séquences de Wellman est minuté de manière à reproduire cette dilatation ou ce rétrécissement, et l’espace y est aussi découpé en fonction d’une appréhension subjective que seule un ancien combattant pouvait apprécier et reproduire. Cela dit, le réalisme existait avant Wellman : Les Croix de bois de Raymond Bernard, A l’Ouest rien de nouveau de Lewis Milestone et bien d’autres le prouvent. Mais le réalisme de Wellman, réalisme revendiqué, méticuleusement préparé et organisé, doit être reconnu. Le formalisme s’y insinue parfois mais il est alors si intense qu’il laisse aussi des traces très lointaines : tel plan d’Hamburger Hill de John Irvin ou d’Apocalypse Now de Coppola provient peut-être de tel plan de La Gloire et la peur de Milestone qui lui-même provient peut-être de tel plan de Les Nus et les morts ou Le Cri de la victoire ou Aventures en Birmanie de Raoul Walsh qui lui-même provient de tel plan tourné par Fuller ou Wellman ou Aldrich.

Autre aspect intéressant : la modification apportée par le temps à la structure du casting et même du récit. Ce qui nous intéresse aujourd’hui n’est plus le Ernie Pyle composé (impeccable) par le grand comédien Burgess Meredith qu’on préfère plutôt en Satan dans La Sentinelle des maudits de Michael Winner. C’est tout au contraire le Lieutenant Walker composé par Robert Michum : tous deux sont montrés par Wellman comme des héros non-conventionnels, des anti-héros mais le premier nous semble vieilli dans son unilatéralité positive, para-christique (bien que l’intéressé, nous assure le livret, ait constamment refusé cette analogie pourtant évidente) alors que le second est toujours dramaturgiquement vivant, d’une vie presque paradigmatique. Robert Mitchum en lieutenant Walker, c’est déjà tel lieutenant de The Thin Red Line, du Platoon d’Oliver Stone, du Sentiers de la gloire de Kubrick, du Trop tard pour les héros ou du Attaque ! de Aldrich.

Dans la filmographie guerre de Wellman, The Story of G.I. Joe demeure supérieur à Bastogne mais on peut lui préférer le romantisme lyrique de Lafayette Escadrille. Reste quelques lacunes qu’il faudrait combler concernant sa vidéographie « guerre » en zone 2 PAL : Les Ailes [Wings] (1927), Les Commandos passent à l’attaque [Darby’s Rangers] (1957).


Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui9018
mod_vvisit_counterHier12072
mod_vvisit_counterCette semaine38096
mod_vvisit_counterSemaine dernière18442
mod_vvisit_counterCe mois74210
mod_vvisit_counterMois dernier119907
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919933546

Qui est en ligne ?

Nous avons 6356 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42764723
You are here ARTICLES 2012 Les Forçats de la gloire