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Algérie, 1962 : des Européens enlevés et prélevés de force pour transfuser les blessés du FLN

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09/02/2015

© Fernand Parizot, AFP | Un hôpital clandestin du FLN où étaient soignés les Algériens victimes des attentats de l'OAS à Alger, en 1962.

À la fin de la guerre d’Algérie, près de 630 civils, policiers et militaires ont été kidnappés entre Alger et Oran. Certains d’entre eux ont été victimes de prélèvements sanguins forcés par le FLN, affirme l’historien militaire Gregor Mathias.

C’est un épisode méconnu, presque incroyable de la guerre d’Algérie. Des Européens "vampirisés", vidés de leur sang. Entre mars et juillet 1962, plusieurs centaines d’entre eux ont été kidnappés. Des rumeurs affirment alors que le but est de les prélever leur sang pour pallier la pénurie frappant cruellement les infrastructures médicales du Front de libération nationale (FLN).

Loin d’être un pur fantasme, ces faits sont aujourd’hui en partie établis, grâce au travail de recherche de l’historien militaire Grégor Mathias, qui a publié "Les vampires à la fin de la guerre d'Algérie, mythe ou réalité ?" (Éditions Michalon, 2014).

Tout part d’un document précieusement conservé pendant 40 ans par un ancien légionnaire devenu prêtre. "Ce prêtre d’origine chilienne travaillait à la sécurité militaire où il traduisait des documents, raconte Grégor Mathias. Lorsque l’armée française a évacué Sidi Bel Abbès [à 80 km d’Oran], elle a ordonné de brûler les archives. Mais il a sauvé la lettre d’un légionnaire espagnol enlevé".

Dans ce document édifiant, envoyé à son frère en métropole, "le légionnaire X" raconte avoir été enlevé le 8 mai 1962 à 30 km d’Oran. "Ils sont corrects avec nous, nous donnent bien à manger mais c’est pour prendre notre sang. Et après, ils nous tueront", écrit-il. Son corps n'a jamais été retrouvé.

Le sang, nerf de la guerre

À l’époque, l’Organisation armée secrète (OAS), créée en 1961 pour défendre l’Algérie française, sème le chaos à Alger mais aussi à Oran. En quelques mois, les attentats sanglants se multiplient. Le bilan est lourd : 1158 morts et 1776 blessés parmi les musulmans, selon les chiffres officiels de la sûreté nationale. Très vite, les musulmans n’osent plus aller se faire soigner dans les hôpitaux situés dans les quartiers européens. Le FLN décide alors de créer ses propres unités de soins. Tout manque et malgré les pillages des hôpitaux et cliniques françaises, elles fonctionnent sans aucun moyen. Mais surtout sans sang.

Jusque là, dans les hôpitaux, "lorsqu’on avait des blessés, on demandait aux appelés de donner leur sang. Or, on a assiste progressivement au retrait du contingent", rappelle l’historien. Quant aux musulmans, ils refusaient de donner leur sang pour des raisons religieuses, même à leurs proches. "Dans les années 50, on considérait que le sang était impur", précise Grégor Mathias.

Avec ce témoignage, transmis à l’État major, l’armée dispose d’une preuve. Pourtant, rien n’est fait. Certainement au nom de la préservation de la paix, encore fragile. "Ils n’ont pas fait d’enquête approfondie parce que toute l’infrastructure militaire était en train d’être évacuée et le gouvernement algérien n’était pas vraiment en place, rappelle l’historien. L’armée est confrontée aux attentats de l’OAS et surtout le général de Gaulle ne veut pas relancer la guerre".

Les fragiles accords d’Évian, signés le 18 mars 1962, viennent en effet de sortir l’Algérie de huit ans de conflit. Quelques enquêtes sont tout de même diligentées mais dans le chaos généralisé, beaucoup de signalements se révèlent sans fondement. "On a parfois fait état de personnes enlevées et qui quelques jours plus tard s’avéraient être parties en métropole", raconte Grégor Mathias. "J’ai rencontré un médecin qui faisait des constats de décès mais jamais d’autopsie. On ne connaissait donc jamais la cause réelle de la mort", poursuit-il.

Une pratique établie dont l'ampleur reste à définir

Dans ce contexte de haine exacerbée et réciproque entre musulmans et français, les rumeurs pouvaient également flirter avec le fantasme. "L’OAS avait une propagande excessive et était dans l’outrance verbale systématique. Elle n’hésitait pas à faire des comparaisons avec la Seconde Guerre mondiale, à tout déformer. Par conséquent, lorsqu’elle parlait de prélèvements forcés, tout le monde pensait que c’était totalement inventé".

Au total, ce sont 630 civils, policiers et militaires qui ont été enlevés pendant cette période. Que sont-ils devenus ? "C’est très difficile à dire surtout qu’à l’époque, le FLN, au lieu de répliquer par d’autres attentats à ceux des activistes de l’OAS, préfèraient répondre par des kidnappings et des assassinats, ce qui leur permettait de respecter les accords d’Évian, tout en se vengeant", insiste l’historien. "Je ne pense pas que ces 630 personnes aient été enlevées pour leur sang."

Plus de cinquante ans après l’indépendance, cette page de l’histoire reste donc encore à écrire. Mais faute de témoins encore vivants, l’ampleur de cette pratique de prélèvement forcé de sang est impossible à établir. "J’ai apporté ce que je pouvais avec les documents en ma possession, conclut Grégor Mathias. J’espère que le travail se poursuivra de l’autre côté de la Méditerranée".
Texte par Assiya HAMZA

Traduction

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