Mon cher G,
Merci pour cette information et la coupure jointe. Je suis très heureux de voir que le CID retrouve une autre vie. J'avais été désolé de le redécouvrir en 93, rentrant de Mayotte, complètement mort.
Je me demande seulement si les utilisateurs malgaches surmonteront le "fad" qui planait dans les esprits des stagiaires des fusiliers marins malgaches que nous recevions, une fois l'an. La première fois que j'ai reçu ce stage, un stagiaire est décédé au cours de l'exercice d'abandon de LCM. Après une évolution à la rame, les zodiac s'alignaient l'un derrière l'autre et le LCM leur lançait un bout en les dépassant. Après avoir stoppé pour s'assurer que tous étaient prêts, le LCM repartait à fond et tirait l'ensemble (simulation d'une extraction de zone). Ensuite, le bout ayant été lâché, le LCM ouvrait sa porte et les zodiac se présentaient, chaque équipage embarquant et rangeant son zodiac dans la cale. Après avoir relevé sa porte, le LCM remettait la puissance puis, des deux côtés, les stagiaires abandonnaient en se jetant à l'eau - un peu comme les parachutistes -, se regroupant en cercle en se tenant par les mains, attendant qu'on vienne les récupérer. Évidemment, tous avaient une maywest. C'est alors que tous attendaient tranquillement, exercice déjà effectué, qu'un stagiaire est mort, malgré toutes les tentatives faites dans le LCM et à l'hôpital. Un an plus tôt, sous le commandement du Lt Bernard Soubirou, le même accident était survenu, avec un légionnaire, de l'Escadron je crois. L'autorité qui commandait l'unité malgache avait été d'une grande courtoisie à mon encontre, attitude dont n'avait pas bénéficié mon prédécesseur, alors qu'il n'était nullement responsable… L'année suivante, en 72, lorsque les stagiaires de la même unité (ils chantaient remarquablement à plusieurs voix) ont abordé la même phase, nous avons essayé d'y aller doucement, ajoutant des exercices "à sec" car courait la légende que c'était le dieu de la mer qui avait tué le stagiaire pour de sombres raisons… Et, progressivement, nous sommes passés à l'eau, pas au même endroit d'ailleurs. L'exercice s'est bien passé. Mais, le jour de la synthèse, au moment de refermer la porte du LCM avant l'abandon, blocage! Ce genre de panne s'était déjà produit mais pas là. Les malgaches en ont déduit que c'était voulu par le même dieu de la mer… Du coup, pas d'abandon car, le faire avec la porte ouverte baignant largement dans l'eau, c'eût été voir le LCM plonger.
C'était aussi toute une histoire pour les faire progresser dans le tunnel (derrière le poste de police, à droite en entrant au camp) de nuit car ils avaient une peur bleue des fantômes… Tu pourras toujours ressortir ces anecdotes à ces chers Malgaches.
Le grand gagnant des stages malgaches c'était Pluto, ce sympathique chien genre berger allemand, qui nous accompagnait tout au long des stages, se contentant, pour la descente en rappel, d'aller de haut en bas par les rochers. Lorsque nous revenions des parcours de jungle en LCM, lorsque nous entamions de doubler le cap, il abandonnait et nous retrouvait à l'embarcadère! Avec les Malgaches, sa ration quotidienne augmentait en riz et viande car c'était alors la base de l'alimentation des stagiaires.
Le jour où j'ai quitté le CID, il a refusé de m'accompagner à l'embarcadère, se réfugiant sous la table du poste de police: il avait compris…
Tout ça c'est bien loin mais un tel commandement, pour un lieutenant, c'était remarquable.
Encore bravo pour tout ce que tu fais pour entretenir les tombes des anciens légionnaires et d'autres armes ou armées. La France y a laissé beaucoup de monde par le feu sans doute mais surtout par maladie.
Amicalement, B D
