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Les Tirailleurs de Diego Suarez(2) : Le baptême du feu

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Mercredi, 25 Juin 2014 06:23

« Exercices d’instruction des tirailleurs Skalalaves »
« Exercices d’instruction des tirailleurs Skalalaves »

En cette année anniversaire du début de la Grande Guerre, il nous a paru nécessaire d’évoquer les tirailleurs malgaches dont une grande partie furent stationnés à Diego Suarez. C’est même dans le Nord de l’Ile que furent créées les premières unités « indigènes1 »

Avant 1885: Les premiers combats

Comme nous l'avons vu dans l'article précédent, la France avait recruté, par l'intermédiaire du Colonel Pennequin, et avec l'appui de la Reine Sakalave Binao, un corps de tirailleurs sakalaves. Ces troupes, organisées dans des unités mixtes avec des soldats français, se trouvèrent engagées dans plusieurs affrontements contre les troupes hovas de la Reine Ranavalo, notamment à Anorotsangana où elles affrontent, le 18 octobre 1884, les troupes royales et à Andampy, le 27 aout 1885 où la victoire, revendiquée par les français, semble être revenue aux troupes merina. En 1885, les troupes recrutées par Pennequin sont ramenées à Diego Suarez, devenue possession française. Dans un rapport du 14 février 1886, le nouveau Gouverneur de Diego indique qu'il est nécessaire de les affecter au nouveau Territoire « pour ne pas subir la vengeance des merina ».

La guerre de 1894-1895

Après la rupture des négociations entre la France et le Gouvernement royal, les Tirailleurs de Diego Suarez vont devoir, à nouveau, affronter les « hova ». Le 19 décembre 1894, d'après Galli dans son livre La guerre à Madagascar : « le capitaine Jacquemin, des tirailleurs sakalaves, à la tête d'un détachement de ce corps, attaqua [...] un poste hova vers Antanamitarana et l'enleva d'assaut en infligeant à l'ennemi des pertes sérieuses ». Le 23 décembre 1894, 150 soldats merina s'attaquent au fort de Mahatsinjo où ils sont repoussés par les troupes françaises et « indigènes ». Le 24 décembre, la colonie de Diego Suarez est déclarée en état de siège et quelques ouvrages de défense sont construits à la hâte. Le 19 février 1895, les tirailleurs participent, sous la conduite du Commandant Pardes, à l'attaque du Point VI, à quelques kilomètress d'Antsirane, tenu par les Merina : ils perdent 7 hommes dans cette action. Il faudra attendre le 14 avril pour que les combats cessent , dans le Territoire de Diego Suarez, avec la prise du fort d'Ambohimarina, occupé par les troupes royales. Mais cette action, menée par le bataillon des volontaires de La Réunion, n'impliqua pas les Tirailleurs malgaches dirigés sur Majunga en appui des forces françaises débarquées. En effet, dès le début de l'année, un détachement comportant des troupes de marine et d'artillerie avait été embarqué à Diego Suarez, les 13 et 14 janvier, sur la Rance et la Romanche, pour Majunga, où il arriva le 16 janvier ...après la prise de la ville. Les tirailleurs participèrent cependant à la suite des combats, avec l'avant-garde du Corps expéditionnaire commandée par le Général Metzinger. Avec le bataillon d'infanterie de marine de Diego Suarez et une partie du régiment d'Algérie, ils s'emparent de Mahabo le 25 mars et de Marovoay le 2 mai 1895 .

Le casernement des « tirailleurs indigènes » à Ankorika
Le casernement des « tirailleurs indigènes » à Ankorika
Réorganisation du corps des tirailleurs après 1895

Entre 1895 et 1900, le corps des tirailleurs est réorganisé à plusieurs reprises. Le 17 janvier 1895, une dépêche ministérielle stipule que « l'ancien corps de tirailleurs de Diego Suarez formera le 1er Bataillon du Régiment de tirailleurs malgaches » (J.O de Madagascar et Dépendances). Le 26 septembre 1896 la Décision 67 prévoit que « Le Bataillon de tirailleurs malgaches faisant actuellement partie du Régiment Colonial, est rattaché au Régiment de tirailleurs malgaches » et que l'ancien bataillon de Diego Suarez devient le 2ème Bataillon. Mais ces décisions restent souvent de pure forme, les engagements étant la plupart du temps insuffisants (c'est ainsi qu'en 1895, seulement 7 Comoriens pourront être recrutés dans le corps des Tirailleurs de Diego Suarez !). A partir de 1900, l'Armée coloniale est profondément réorganisée. La décision du 28 décembre 1900 fixant la composition des régiments malgaches prévoit que ceux-ci doivent comporter 12 compagnies ; chaque compagnie est dirigée par 3 officiers français, 12 sous-officiers français ou malgaches et 188 hommes de troupe. Le 25 avril 1903, un décret crée le 3ème Régiment de Tirailleurs malgaches (dans lequel existe un fort contingent de Sénégalais !) et, en 1905 seront créées les compagnies de batteries mixtes et celles de conducteurs auxiliaires qui assurent l'entretien des pièces d'artillerie et sont chargées de la défense de la place de Diego Suarez.


En 1904 la situation à Diego Suarez est la suivante (du moins sur le papier !) :
— 13ème régiment d'infanterie (3 bataillons),
— 3ème régiment de tirailleurs sénégalais (4 bataillons),
— 1 bataillon de tirailleurs sénégalais pour la défense de Diego Suarez,
— 1er, 2ème, 3ème régiments de tirailleurs malgaches ayant 3 bataillons chacun,
— 1 bataillon de légion étrangère et un 2ème bataillon de légion étrangère pour la défense spéciale du Point d'Appui,
— Artillerie coloniale : 1 régiment de 8 batteries mixtes dont moitié à pied et 2 compagnies d'ouvriers auxiliaires.

La vie quotidienne des tirailleurs à Diego Suarez avant la guerre de 1914
Les tirailleurs indigènes vivent en famille, dans des camps à l'installation sommaire. En service, ils portent leur uniforme mais pendant longtemps leur tenue ne sera pas vraiment fixée: il faudra attendre 1905 pour que les recrues malgaches aient un uniforme réglementaire, et la guerre de 1914 pour qu'ils portent des brodequins. De plus, une certaine fantaisie est admise suivant l'origine des tirailleurs. Nous l'avons vu, les tirailleurs « malgaches » de Diego Suarez sont loin d'être tous malgaches : on trouve dans leurs rangs, en plus des soldats venus de tous les coins de l'île (au début de la colonisation, les habitants des Plateaux sont réticents à l'idée d'être en garnison à Diego Suarez mais ils finiront par être assez nombreux par la suite) ; des Comoriens en nombre important, des « zanzibarites » et des sénégalais. Cette tour de Babel pose des problèmes de communication, d'autant plus que les officiers sont français. Le commandant du corps des tirailleurs de Diego Suarez, essaiera bien de composer un Petit interprète du soldat mais celui-ci, très rudimentaire d'ailleurs, ne pourra permettre de s'adresser qu'à une fraction des troupes parlant le malgache des Plateaux. D'où des tensions constantes et de nombreuses mutineries comme celle d'Ankorika , en 1897. Ou des affrontements, comme celui qui oppose, en 1903, sénégalais et malgaches du 3ème Régiment de tirailleurs et qui fera 3 morts (un officier et 2 tirailleurs) et une vingtaine de blessés.S'ils ont été dans une certaine mesure utilisés contre les rebellions des premières années de la présence française, (malgré les réticences du Général Voyron qui avançait que « les effectifs et les nécessités du recrutement s'y opposent pour le moment ») ,ils seront ensuite occupés à toutes sortes de tâches : des manœuvres militaires, bien sûr mais aussi des emplois qui dépassent la fonction pour laquelle ils ont été recrutés. Ils seront notamment souvent utilisés comme terrassiers pendant la construction du Point d'Appui de Diego Suarez. Ils sont aussi, parfois, chargés de la police. Le journal antsiranais La Cravache informe ses lecteurs, le 24 janvier 1909 qu'« un poste de police composé de trois tirailleurs et d'un caporal fut installé chez le gardien de la prise d'eau d'Antanamitarana ». En 1911, lors d'une série d'agressions perpétrées par les Antaimoros dans la région de Diego Suarez, ils seront chargés de réprimer ces troubles. D'ailleurs, une note circulaire de 1908, invite les Administrateurs à réserver aux anciens tirailleurs les engagements dans la garde indigène. De façon plus étonnante, une dizaine de tirailleurs de Diego Suarez seront affectés à la garde de l'Exposition Universelle de Paris en 1889 où ils auront un grand succès...

Tirailleurs malgaches
Tirailleurs malgaches
L'approche de la guerre

Les années précédant la guerre vont voir le renforcement du corps des tirailleurs, notamment à Diego Suarez après le départ de la Légion Etrangère, en 1905. Cependant, les colons font preuve d'une certaine méfiance pour ces troupes indigènes, comme on peut le voir dans cet article du Signal de Madagascar du 19 mars 1908 intitulé : « Contre le départ des troupes blanches » : « Ce n'est pas avec des tirailleurs indigènes que, le cas échéant, nous pourrions maîtriser une rébellion [...] ils n'ont pas encore donné assez de preuves de leur loyalisme pour cela ». Force est de constater une certaine désorganisation dans la défense de Diego Suarez, due en partie au manque de moyens. Le 3ème régiment malgache, en garnison à Diego Suarez, ne recevra ainsi aucune dotation pour le matériel et l'armement. Par ailleurs, si la menace d'une guerre se précise, personne ne semble savoir d'où viendront les attaques éventuelles. La Revue des questions économiques et politiques de mai 1914 qui évoque « la constitution récente d'un « Comité de défense du point d'appui de Diego Suarez » constate que la rade est « vide de tout élément de défense mobile ». Et effectivement, avec le départ de la Légion Étrangère et celui du bataillon sénégalais (affecté à Majunga), la garnison de Diego Suarez a perdu une grande partie de ses effectifs.


Au 1er mai 1914, les troupes stationnées à Diego Suarez sont les suivantes :
— Le bataillon d'infanterie coloniale de Diego Suarez,
— le 3ème régiment de tirailleurs malgaches,
— le 7ème régiment d'artillerie coloniale.

Le 3ème régiment de tirailleurs malgaches dont l'Etat-major se trouve à Antsirane (sous le commandement du Lieutenant-Colonel Fraysse), est organisé en 3 bataillons et 12 compagnies :
— 1er bataillon : 1ère-2ème-3ème et 4ème compagnies - Etat-Major à Antsirane. Plus précisément, les 1ère, 2ème et 4ème compagnies sont à Ankorika. La 3ème compagnie à Anosiravo (Montagne des français, où l'on peut encore voir les restes des casernements)
— 2ème bataillon : Etat-Major à Cap Diego, 5ème compagnie à Ambohivahibe, Amponbiantambo, Ambakirano, Ambandrofo, Sadjovato et Loky, 6ème-7ème-8ème compagnies à Cap Diego
— 3ème bataillon : Etat-Major à Antsirane, 9ème compagnie à Sakaramy, 10ème, 11ème et 12ème compagnies à Antsirane, au Camp Mehouas.

Si les quota prévus sont respectés (188 hommes par compagnie), les tirailleurs de Diego Suarez doivent atteindre le nombre de 2948, mais il n'est pas sûr que cela ait été le cas, compte-tenu des difficultés de recrutement. Quant aux officiers... En théorie, il doit y avoir, à la tête de chaque compagnie, 3 officiers français et 12 sous-officiers. Si l'on en juge par les listes indiquées par l'Annuaire Général de 1914, c'est loin d'être le cas et de nombreuses compagnies (la 3ème, la 5ème, la 6ème, la 10ème) n'ont qu'un seul officier français. Quant aux 8ème et 9ème... elles n'en ont aucun ! Sans doute en raison du rapatriement de leurs officiers pour la guerre qui commence en Europe et dans laquelle les tirailleurs malgaches seront entraînés.
(à suivre)
■ Suzanne Reutt

1 Je rappelle ici que le mot indigène n'a pas en français une connotation péjorative: il désigne une personne originaire du pays où elle habite.


Traduction

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