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La Légion étrangère - Récits militaires par M. ROGER DE BEAUVOIR. Illustrations de M. DOLDIER.

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Le Monde Illustré - 17/11/1888

Un entre autres :

Pendant le siège de Puebla, une compagnie du régiment étranger, forte de trois officiers et de soixante deux hommes, sous les ordres du capitaine Danjou, est commandée pour aller à Palo-Verde au-devant de deux convois venant de la Vera-Cruz, l'un porteur de trois millions, l'autre composé de l'artillerie destinée au siège.

Le détachement s'arrête à Palo-Verde pour y faire le café, quand des cavaliers mexicains sont signalés du côté de Chiquihuite. Aussitôt, le capitaine Danjou ordonne à ses hommes de renverser les marmites, de charger le campement sur les mulets, de rappeler l'escouade laissée à la garde de l'eau et de se diriger sur le village de Camerone.

A peine la petite colonne a-t-elle dépassé les dernières maisons de ce village, que tout à coup elle se trouve en présence de nombreux cavaliers qui l'assaillent de toutes parts. C'est l'avant-garde du corps mexicain commandée par le colonel Milan, au nombre de trois cent cinquante guérilleros, trois bataillons d'infanterie, représentant en tout douze cents fantassins et huit cent cinquante cavaliers.

— Formez le carré! crie le capitaine Danjou. Et ne tirez qu'au commandement !

Il laisse approcher l'ennemi à cinquante pas, et alors des feux de salve font une brèche énorme dans la masse profonde des cavaliers mexicains qui, épouvantés, vont se reformer à l'abri de la fusillade.

Danjou profite de ce moment de répit, charge à la baïonnette, s'ouvre un passage et parvient à gagner une maison située au sud de la route.

Cette habitation est connue sous le nom de Camerone, et elle fut le théâtre d'une défense si opiniâtre, si extraordinaire, si héroïque, que le nom de Camerone, par décision impériale, dut être inscrit sur le drapeau de la légion, comme celui d'une grande victoire.

« Une lutte de géants ! » dit de cette journée le maréchal Forey.

La maison où s'était réfugiée la compagnie du capitaine Danjou, déjà éprouvée par le feu des Mexicains, a derrière elle une cour entourée sur trois côtés de hangars ouverts. Le capitaine fait occuper la cour et une chambre située au nord-ouest.

Pendant ce temps, l'ennemi prend possession de la chambre de l'angle oppose de la même maison, laquelle chambre a une fenêtre donnant sur la cour.

Et le feu commence.

A neuf heures et demie, l'officier français est sommé de se rendre. - Jamais !

A onze heures, il était évident pour tous que la résistance de cette poignée d'hommes devait être tôt épuisée. Eh bien! on mourra, mais on ne se rendra pas. Tous prêtent le serment de lutter jusqu'à la mort.

Danjou, à ce moment même, tombe foudroyé, une balle l'a atteint au cœur.

Le sous-lieutenant Vilain prend le commandement et dirige la défense avec la même opiniâtreté.

Un bruit de tambours; des sonneries de clairons !.


C’est du secours; c'est un bataillon français envoyé pour les délivrer ! l'espérance renaît et le feu redouble d'intensité.

Hélas! ce sont trois bataillons mexicains, qui viennent s'ajouter à ce millier de soldats acharnés contre une trentaine de braves, non encore atteints.

La chaleur est suffocante ! Les hommes n'ont pas mangé depuis la veille, ni bu depuis le matin. Le martyre des blessés est horrible; quelques-uns boivent leur sang et même leur urine.

A deux heures, le sous-lieutenant Vilain est tué.

Le commandement passe alors au seul officier qui reste, au porte-drapeau Maudet.

Les Mexicains, décimés par cette poignée de héros et désespérant de les réduire, entassent des fagots, des broussailles autour des hangars extérieurs et y mettent le feu. Bientôt toute la cour disparaît dans une masse opaque de fumée. Et malgré tout, malgré les flammes et la suffocation, les enragés sont toujours aux créneaux et le feu ne discontinue pas !

A cinq heures, l'attaque est suspendue, le colonel Milan place, ses troupes à l'abri d'une maison voisine, et, là, harangue ses deux mille hommes avant de les lancer sur les vingt-cinq survivants.

— Il faut en finir avec cette poignée d'hommes épuisés ! s'écrie-t-il.

Un légionnaire, de nationalité espagnole, entend ces paroles et les traduit à ses camarades.

— Non, mille fois non, ne nous rendons pas !

Alors, l'ennemi fait ce grand effort de se ruer par toutes les ouvertures précédemment pratiquées. A la porte principale, il reste encore un homme: il est pris.

Quatre soldats qui défendent la brèche sont enveloppés et entraînés. Le sous lieutenant Maudet, barricadé avec quatre hommes dans les débris d'un vieux hangar, s'y défend héroïquement quelque temps encore, puis donne l'ordre de charger à la baïonnette, mais, à sa sortie, tous les fusils sont braqués sur lui; un des légionnaires lui fait un rempart de son corps et tombe foudroyé; lui même est grièvement blessé par deux balles et renversé à terre. Enfin, les Mexicains se précipitent sur les quelques survivants et ont la gloire de faire prisonniers les dix-neuf hommes que le feu avait épargnés.

Il était six heures du soir. La lutte durait depuis dix longues heures. Deux officiers étaient tués, le troisième mortellement blessé; vingt sous-officiers et soldats avaient été tués, vingt-trois blesses, parmi lesquels sept moururent de leurs blessures; les autres furent faits prisonniers à l'exception d'un tambour, laissé pour mort et qui, recueilli le lendemain par une reconnaissance du régiment étranger, donna les premiers détails sur l'attaque et la défense de Camerone.

Les Mexicains avaient perdu trois cents hommes, dont deux cents morts. Grâce à la sublime résistance de cette compagnie de la légion, le colonel Milan rétrograda avec sa colonne et laissa passer les convois sans les inquiéter.

Du reste, on doit cette justice à l'ennemi qu'il traita avec humanité ses prisonniers, s'honorant lui-même par les égards dont il entoura les vaincus. Quand le sous-lieutenant Maudet mourut de ses blessures, les Mexicains lui rendirent les honneurs militaires.


(A suivre.)


Traduction

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