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Légionnaire toujours...

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2008

Mai 1978,La Légion étrangère saute sur Kolwezi

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mercredi 21 mai 2008

Retour en vidéo sur Intervention militaire française au Zaïre dans le conflit du Shaba


 
Mai 1978, il y a trente ans, au Zaïre, des rebelles katangais venus d’Angola s’emparent de Kolwezi. L’intervention des forces zaïroises tourne à la catastrophe et près de 700 civils, dont une centaine d’Européens, sont assassinés. La France lance alors une intervention militaire de grande ampleur qui verra 600 légionnaires sauter sur la ville.

Après une première tentative de Coup d’état depuis l’Angola contre le Président Mobutu Sese Seko en avril 1977 qui avait été repoussée, quelques milliers d’anciens gendarmes du Katanga, commandés par Nathanaël Mbumba, s’emparent le 13 mai 1978 de Kolwezi où vivent plus de 2.000 Belges et Français, employés principalement à la société minière La Gécamine.

Une tentative de reprise en main manquée par les forces zaïroise le 16 mai, ainsi que la crainte d’une intervention occidentale, vont entraîner une tuerie. Près d’un millier de civils et une centaine d’Européens sont massacrés. Certaines sources accusant le régime de Mobutu d’avoir organisé ces assassinats pour forcer la main des Européens.

A la demande du président Valéry Giscard d’Estaing, la France va organiser une opération aéroportée et 600 légionnaires du 2e REP (Régiment étranger de parachutistes) vont sauter sur Kolwezi dans ce qui s’appellera l’Opération Bonite.

Au prix de faibles pertes (5 morts), les forces françaises vont mettre en déroute les rebelles katangais et rendre la ville aux forces zaïroise.

 
 

Trente ans après, VGE commémore Kolwezi

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19/05/2008
Lundi à Calvi, Valéry Giscard d'Estaing a rendu hommage au régiment qui a permis la libération de 2 000 civils européens au Zaïre.

 

L'ancien président a célébré, lundi en Corse, la «dernière grande victoire de l'armée française».

«Premier largage effectué ; la première vague a sauté entre 15 h 40 et 16 heures locales. Erulin a installé son PC au sol ; opération réussie.» À l'époque, le 19 mai 1978, le président Valéry Giscard d'Estaing se prend la tête entre les mains, soulagé, plongé dans l'émotion. À l'Élysée, il imagine les quelque 500 corolles blanches des parachutistes qui se sont ouvertes sans problème à la verticale de la ville de Kolwezi, au Zaïre, à plus de 6 000 kilomètres de la France. Mais il ne sait pas encore qu'après des combats violents, les légionnaires du 2e REP (régiment étranger de parachutistes) vont libérer avec un minimum de pertes les quelque 2 000 civils européens, Belges ou Français, pris en otages par «les gendarmes katangais», des rebelles zaïrois­.

Lundi, l'ancien président de la République s'est rendu à Calvi, en Corse, à l'invitation du 2e REP, pour se souvenir avec eux, trente ans plus tard, de cette «dernière grande victoire de l'armée française». Devant les légionnaires, képis blancs, torses décorés et bras tatoués, devant deux anciens de Kolwezi qui servent encore ce régiment, devant plusieurs généraux qui ont sauté sur Kolwezi, parmi lesquels le général Bruno Dary, gouverneur militaire de Paris, devant la veuve du colonel Philippe Erulin et quelques autorités civiles, VGE a rappelé que le succès de cette «opération Bonite» est devenu «une référence, un cas d'école pour tous ceux, militaires ou dirigeants politiques, qui auront à préparer ce qu'on appelle aujourd'hui les opérations extérieures».

 

«Opération réussie»

Mais lundi, l'atmosphère volontairement intimiste de la commémoration, le ciel noir et lourd, la marche lente des légionnaires, la sonnerie aux morts pour les cinq membres du régiment tombés sur ce champ d'honneur, ont fait se rappeler à l'ancien chef des armées combien fut difficile à prendre la décision de s'engager dans cette opération aéroportée exceptionnelle. «Opération réussie, a-t-il dit. Mais il avait fallu prendre la décision de l'engager. Il avait fallu la mener.»

En marge de la cérémonie, l'ancien président s'est dit conscient des pressions économiques exercées aujourd'hui sur l'armée. «Je ne donne de conseils à personne, a-t-il précisé, ce n'est pas dans mon habitude. Mais je dis tout de même : faites attention à l'armée de terre !» Des propos bus comme du petit-lait par les généraux présents à ses côtés. Le général de brigade Louis Pichot de Champfleury, commandant la Légion étrangère, dit d'ailleurs observer «avec attention» les décisions en cours d'être prises. «Une opération comme celle-ci pourrait encore avoir lieu aujourd'hui, assure-t-il. Mais nous devons veiller sur cette compétence comme sur la prunelle de nos yeux. Elle se perd très vite…»

Demain, aux Invalides, le président Nicolas Sarkozy célébrera à son tour le 30e anniversaire de Kolwezi, la première des grandes «opérations extérieures» qui caractérisent l'armée aujourd'hui. Une façon aussi de mettre en œuvre cette «politique de mémoire moderne» évoquée lors de ses vœux aux armées, en janvier.

Sophie de Ravinel


Kolwezi, la réussite d'un triple pari

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19/05/2008 | Mise à jour : 14:32


Bruno Dary, gouverneur militaire de Paris, participait à l'opération comme chef de section de combat il y a juste trente ans. Il revient sur cet événement qui, dès 1978, eut pour conséquence d'enclencher une réflexion sur l'armée professionnelle.

Ceux qui écrivent l'histoire, étudient les batailles d'autrefois et analysent les combats d'hier ont un travail aisé dès lors qu'il s'agit d'en tirer des enseignements pour ceux de demain ; en recherchant les causes et les préliminaires d'un conflit, ils ont en effet la possibilité de connaître aussi les conséquences des décisions prises au moment des faits dans l'incertitude de l'action et le «brouillard de la guerre». Il en est ainsi de l'opération conduite voici trente ans par les légionnaires parachutistes sur Kolwezi. Aujourd'hui, 19 mai 2008, trentième anniversaire de cette opération, alors que le président Valéry Giscard d'Estaing va personnellement à Calvi en Corse pour rendre hommage au 2e régiment étranger de parachutistes et à ses légionnaires, il semble pertinent de se souvenir du triple pari que constitua à l'époque cette opération et qui explique sans doute son retentissement international, car le succès n'était pas garanti d'avance.

Kolwezi fut d'abord un fabuleux pari politique. Il faut se rappeler le contexte de 1978, celui de la guerre froide, où les États-Unis, sous la présidence de Jimmy Carter, sont en phase de repli sur eux, entre l'affaire du Watergate de 1974 et à la veille d'une autre affaire, celle des otages de l'ambassade de Téhéran en 1979 ; cette situation laisse le champ libre aux Soviétiques, qui, par puissance interposée en l'occurrence Cuba , vont déstabiliser l'Afrique par une stratégique indirecte, concrétisant ce qu'avait écrit Lénine quelques années auparavant : «Le chemin de l'Europe passe par l'Afrique !» Ainsi, l'Angola, l'une des premières cibles, peut-il servir de base de départ pour l'invasion du Shaba : une première fois en 1977, où la France était intervenue en fournissant des moyens logistiques au profit de l'armée zaïroise, qui repoussa l'offensive des Tigres, nom dont s'étaient affublés les rebelles du Front national de libération du Congo ; lors de la seconde invasion, en mai 1978, juste à la fin de la saison des pluies, ce qui rend les pistes carrossables et permet une attaque surprise de la ville. La France est donc bien seule sur l'échiquier mondial et africain. Elle l'est d'autant plus, qu'il n'y a encore jamais eu de telles interventions, mises à part quelques opérations limitées au Tchad et en Mauritanie. De surcroît, le Zaïre est un pays immense, qui représente plus de cinq fois la France ; aussi, mettre un pied dans la province du Shaba revient à mettre un pied dans un pays gigantesque, ce qui, même en cas de succès initial, risque d'impliquer la France dans une opération sans fin avec tous les problèmes d'enlisement afférents, comme le montrent d'ailleurs aujourd'hui les opérations qui y sont menées depuis plusieurs années.

Or la France va gagner ce premier pari, par une opération audacieuse, courte, intense et bien ciblée, qui permettra d'abord le sauvetage de plusieurs milliers de vies humaines et qui suscitera, en outre, une pleine adhésion de la communauté internationale.

Le saut sur Kolwezi a été et restera également un pari stratégique majeur. L'histoire des opérations aéroportées nous révèle que, si elles ont enregistré des succès éclatants, elles ont été aussi le tombeau de beaucoup de parachutistes : les paras allemands vainqueurs en 1940 au fort d'Eben-Emael et sur le canal Albert, se feront étriller quelque temps plus tard en Crête ; les parachutistes anglo-saxons libérateurs de la Normandie dans la nuit du 5 au 6 juin paieront un lourd tribut à Arnhem. Pour Kolwezi, les délais sont très contraints, car les interceptions radio font état de pillages et d'exécutions sommaires d'Européens et d'autochtones, ce qui impose une intervention, conduite dans l'urgence, sans planification et avec un largage au plus près de l'objectif. En outre, les moyens français sont limités : la projection depuis la France a été assurée par des avions civils réquisitionnés et parmi les six avions tactiques du largage, deux seulement sont français. Il n'est pas utile de revenir sur l'épiphénomène des parachutes américains ou sur les avions en panne au moment du décollage, si ce n'est pour rappeler la précarité des moyens. En fait, il s'agissait pour le régiment d'un vol sans retour possible ; une fois le largage décidé et effectué, les légionnaires ne pouvaient espérer ni soutien, ni appui feu, ni renfort à moins de deux ou trois jours.

Or le 2e REP va gagner ce pari stratégique par une opération militaire exemplaire, allié à une mission humanitaire remarquable ; en effet, en moins de 24 heures, les unités vont s'emparer rapidement de quelques points majeurs de la ville, sans chercher à contrôler le cœur de l'agglomération ou à établir une ligne de front, cela dans le double but de déstabiliser l'adversaire et de faire arrêter les massacres de ressortissants européens et de Zaïrois, tout en leur permettant de se regrouper auprès des points sécurisés ; dans les jours suivants, une fois la majorité des civils mis à l'abri ou évacués, le régiment devra sécuriser les faubourgs et les villages environnants, pour repousser l'ennemi sur ses bases de repli en Angola.

Les décisions politiques les plus pertinentes et les manœuvres les mieux conçues ne peuvent réussir que si elles se concrétisent par une exécution rigoureuse, et c'est bien ce qui va se passer durant l'engagement ; c'est le troisième pari de cette opération, le pari tactique. Quelques semaines auparavant à Calvi, l'inspecteur de l'infanterie, le général Henri, en mission de contrôle au régiment avait bien dit en s'adressant aux cadres et aux légionnaires, qu'ils étaient le «régiment des tempêtes» ! Mais, trop disciplinés pour paraître sceptiques et trop expérimentés pour être entièrement convaincus, les hommes continuaient de s'entraîner, attendant une opération, mais n'ayant eux-mêmes aucune expérience opérationnelle. En effet, les anciens d'Algérie encore en activité à Calvi ne se comptaient plus que sur les doigts d'une main et ceux qui avaient participé aux dernières opérations au Tchad n'étaient à peine plus nombreux ; à titre d'exemple, au sein de la 4e compagnie à laquelle j'appartenais, seul l'adjudant d'unité avait une expérience opérationnelle, ce qui se traduisait à l'époque par le port d'une barrette de décorations, les autres, non sans humour, se tapaient sur la poitrine en disant : «Pas de décoration, mais la place pour en mettre !» Toutefois, ce pari tactique a été gagné, car le REP palliait cette absence d'expérience opérationnelle concrète par plusieurs facteurs qui furent prépondérants : un entraînement continuel quelles que soient les circonstances, par tous les temps et dans tous les domaines ; sans aucune prétention, je crois que l'on peut dire que les compagnies étaient sérieusement entraînées ; l'ensemble du régiment avait aussi une excellente forme physique, ce qui a permis d'encaisser sans difficulté, outre la fatigue liée à la projection, aux nuits courtes, au stress du saut dans l'inconnu, et au poids des munitions à transporter, celles liées aux déplacements à pied des premiers jours ; enfin, troisième facteur essentiel, le moral du régiment, des compagnies et des sections, car si nous n'avions que peu de renseignements sur l'adversaire, nos forces morales, renforcées par la justesse de notre cause, nous conféraient une ardeur et même plus que cela, une force d'âme qui était palpable simplement dans le regard des légionnaires, embarqués dans le bruit assourdissant des moteurs, équipés pour le saut, chargés comme des mulets, et volant vers une destination connue mais incertaine.

À l'époque où, en école, j'avais choisi de rejoindre la Légion étrangère et de servir au 2e REP, beaucoup de cadres affirmaient de façon péremptoire que les troupes professionnelles ne servaient à rien, qu'elles étaient onéreuses et que le seul avenir se trouvait à l'Est, au sein du corps de bataille, avec les appelés du contingent, et dans le cadre de la dissuasion, c'est-à-dire dans ce que l'on appelait à l'époque, une «armée de non-emploi».

Ils avaient raison, en ce sens qu'une vingtaine d'années plus tard, eux ou leurs successeurs de l'armée de non-emploi ont gagné la guerre froide, et de la plus belle manière qui soit, sans avoir à tirer un seul coup de canon ! Mais ils n'avaient pas entièrement raison et auraient perdu leur pari, car, à les écouter et avec le recul du temps, l'armée française n'aurait pas pu sauter à Kolwezi, s'engager au Liban, intervenir dans le Golfe ou sauver des otages en Afrique !

Leur propos partiel et partial, qui visait la seule rentabilité immédiate, n'intégrait pas le principe selon lequel un outil de défense pour être cohérent doit être global et couvrir tout le spectre des scénarios envisageables ; sinon l'adversaire potentiel trouvera la faille et s'y engouffrera ! Il s'agit donc d'être prudents dans les choix d'aujourd'hui qui engagent la défense de demain, parce qu'un outil comme le 2e REP ou comme toute formation opérationnelle ne se construit pas en un jour, qu'il faut recruter, former, équiper, protéger, entraîner, aguerrir son personnel, et que tout cela représente un coût ! Il faut surtout lui donner une âme, et cela demande du temps, de la générosité et même de la passion !

Il faut donc être prêts, il faut être toujours prêts, car, comme il est écrit : «Nul ne sait ni le jour ni l'heure !»


"On a sauté sur Kolwezi"

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11 mai 2008

Le 19 mai 1978, 400 légionnaires libéraient la ville zaïroise de Kolwezi, tenue par 4 000 rebelles. Un légionnaire contre dix rebelles, le rapport de force était disproportionné. Mais l'opération éclair fut un véritable succès. A tel point qu'elle est aujourd'hui enseignée dans les écoles militaires françaises, mais aussi américaines. Trente ans après, les acteurs se souviennent. 

N'en déplaise au général Puga, Kolwezi fut une affaire d'hommes, une histoire de héros. Une opération militaire, rapide comme l'éclair, redoutablement efficace, comme on aime à se les imaginer. Un condensé de force virile pour la bonne cause qui emballerait les esprits les plus chevaleresques. Tout ce qui a le don de hérisser le général qui ne cesse de marteler: "Ce sont des rêveurs casqués, ceux qui parlent de belles guerres et veulent l'enrober de littérature." Il n'empêche. On aimerait bien faire de la littérature avec le général, à Kolwezi, ex-Zaïre. Imaginez un jeune officier, 25 ans, le plus jeune d'ailleurs, brillant, parachuté au sens propre du terme, sur une toute première mission aéroportée menée au sein de la Légion étrangère, et qui deviendra plus tard un parfait cas d'école, étudié non seulement dans les écoles militaires françaises, mais aussi dans les écoles américaines.

Américain justement, le parachute l'était. Le commandant Zlatko Sabljic, 23 ans à l'époque, s'en souvient très bien. "On est parti en catastrophe, normal. Mais on avait dû choisir entre les parachutes et les munitions avant de prendre l'avion qui nous emmenait sur Kinshasa. Le commandement a évidemment opté pour la première des solutions. Donc, on s'est servi sur place et les seuls parachutes à disposition, c'étaient les T10, des modèles américains." Et alors ? "Alors, ils n'avaient pas de harnais pour accrocher notre arme, comme sur les Français. On a dû en bricoler un, vite fait, avec du fil de fer, où l'on a pu accrocher notre arme."

Un territoire grand comme la France

1978. Le président Valéry Giscard d'Estaing a eu le temps d'être informé, de partir en week-end, soudainement injoignable, d'hésiter puis enfin de prendre la décision d'y aller, lorsque les pillages et les massacres ont déjà commencé depuis le 13 mai, à Kolwezi, ville minière au sud-est du Zaïre, en plein territoire katangais. Le président général Mobutu Sese Seko est au pouvoir. La presse de l'époque pense, à tort, et l'Histoire le prouvera, qu'il ne fera pas long feu. Ce qu'on a appelé la deuxième guerre du Shaba a débuté. La première avait eu lieu en 1977 et avait été réglée, sans trop de dommages, par une intervention franco-marocaine. Mais le Shaba, ex-Katanga, attise toujours autant les convoitises. C'est un territoire grand comme la France et on y trouve, pêle-mêle, du cuivre, du cobalt, de l'uranium et du radium. C'est donc, bel et bien, à une nouvelle tentative de sécession que l'on assiste. Avec l'appui, et malgré les démentis, de l'Angola, indépendant depuis 1975. Cette fois, néanmoins, ceux que l'on avait appelés par le passé les gendarmes katangais, et qui se sont regroupés sous le sigle du FLNC, Front de libération nationale du Congo, sont nettement plus au point. Ils ont peaufiné leur entraînement, encadrés par les hommes de la révolution cubaine de Fidel Castro. Et ils sont allés très vite. Parce qu'au matin du 13 mai, le Shaba est coupé en deux parties et plus de deux mille Européens ont été pris en otage.

Mais revenons à nos légionnaires qui sont encore à Calvi, en Corse, en train de s'entraîner. Sabljic n'est encore que sergent-chef. Un autre homme, l'aumônier Yannick Lallemand, crapahute, lui aussi, quelque part dans le maquis corse. Il l'apprendra plus tard, le dira et redira avec toujours autant de fierté : le colonel Philippe Erulin, qui dirigera les 400 parachutistes du 2e REP sur le terrain, a cherché à le joindre toute la journée. "En ce temps-là, on n'emmenait pas l'aumônier, mais visiblement il tenait à moi, parce qu'il m'a bombardé brancardier, pour que je puisse faire partie de cette expédition. Aujourd'hui, il y a systématiquement une place pour nous." "Est-ce que vous prendrez une arme, lui demande-t-on, lorsqu'il va chercher son paquetage ? - Non, répond-il, avec la certitude des hommes de foi. Je m'en remets à Dieu et à mes légionnaires."

L'opération Léonard

Mercredi 17 mai 1978. C'est la mise en alerte. L'opération baptisée Léopard est lancée. Les hommes d'Erulin arrivent le soir à Kinshasa. Ils ont dû se défaire de leur propre matériel de saut, un comble pour des paras, en raison de la petitesse des appareils aériens. "On a dû laisser tout le superflu, poursuit Sabljic, les médicaments, les vêtements pas indispensables, pour ne garder qu'un bon gros paquet de munitions." L'aumônier a une pensée pour sa mère. "Si j'y reste, ça va faire beaucoup." Son frère étant mort en Algérie. Sabljic, lui, jette un coup d'?il à sa feuille de route qu'il a soigneusement pliée en quatre et placée dans son portefeuille. Il s'agit d'une photocopie en noir et blanc, format A4, sur laquelle figurent les objectifs. "Inutile d'imaginer une palanquée de cartes avec des données ultraprécises et détaillées, poursuit le commandant, avec amusement. On n'était pas encore à l'ère de l'informatique."

A 8 h 30, le vendredi 19 mai, les avions sont en piste, prêts à décoller. Cinq C130 zaïrois et deux Transall arrivés dans la nuit du Tchad. Il y aura encore un contretemps, une tentative d'arrêter carrément l'opération, mais, à 15 h 12, le premier des 400 parachutistes saute sur Kolwezi. A 15 h 30, ils établissent le contact avec les premiers civils. Au moment du largage pourtant, le départ a été chaotique. Les banquettes du Transall sont tellement endommagées que cela entrave la bonne circulation des militaires harnachés. "On n'a pas pu sauter dans l'ordre requis, explique Sabljic. L'ouverture des portes ne se faisait pas." Les paras ont donc récupéré leurs fameux T10 américains, et s'apprêtent à faire ce qu'ils ont effectué des centaines de fois en entraînement : sauter dans le vide. "Sauf que là, quand on a ouvert les portes, on a senti que le sol n'était pas bien haut." 250 mètres, en effet, alors que, d'ordinaire, les sauts se font à 400 m de hauteur. "On a eu d'un coup d'un seul les odeurs des hautes herbes vertes et celle de la mort, à cause des cadavres qu'il y avait déjà partout." Le padre atterrit sur le cadavre d'un Africain que les chiens ont déjà entamé.

Le largage patauge aussi un peu. Résultat, Sabljic se retrouve à 400 m de son point de chute programmé. "On avait pour mission de s'emparer du Motel Ampala censé être un repaire de rebelles. En fait, on a atterri juste à 30 m de l'écriteau qui indiquait l'établissement. Heureusement pour nous, les types avaient décampé." Un autre des légionnaires reste accroché dans un arbre. Problématique, d'autant qu'il s'agit du transporteur radio. Un autre encore, tout juste 18 ans, s?empêtre dans l'empennage du C130. "Lui, il a eu la peur de sa vie, rigole le padre. D'ailleurs, lorsqu'on est rentré à Calvi, il a déserté !" Sabljic avance, l'autre mission étant de s'emparer puis de sécuriser le pont qui sépare Kolwezi, la nouvelle, la ville des Européens, et Kolwezi, l'ancienne, habitée par la population zaïroise. "On est arrivé à proximité de la cité Manika, près d'une école, et il y avait une grenade dégoupillée, là juste devant nous. J'ai shooté dedans, dans l'autre sens, et je m'apprêtais à en balancer une, lorsqu'on a entendu les premières notes de la Marseillaise. En fait, il y avait 37 Européens et 9 Africains qui s'y étaient réfugiés. On aurait pu faire un carnage."

Un parachute en guise de linceul

Les légionnaires n'ont pas encore sécurisé la zone. Mais ils ont leurs premiers morts. Le caporal d'élite, Arnold, une petite vingtaine, dont on aperçoit les pieds blancs qui sortent de terre. Il a été enterré avec son casque encore sur la tête. Le corps a été lacéré, la tête a explosé. "Mais qu'en faire? s'indigne encore le padre. Où le mettre ? Il n'y avait pas de cercueil. Alors j'ai pris un parachute et je l'ai enroulé dedans, comme dans un linceul. Il est arrivé et il est reparti dans son parachute." Il y aura le sergent-chef Daniel, 25 ans, capturé par les rebelles et emmené sur une colline. Ses potes la prendront d'assaut. Trop tard, Daniel a été tué de deux balles dans le c?ur. Au total, cinq légionnaires trouveront la mort au combat et une vingtaine seront blessés. Le général Benoît Puga pense encore à eux. "Je m'en souviendrai toujours. Ils sont la preuve que la guerre, c'est d'abord un groupe, un travail d'équipe mais que, face à la mort, on est toujours seul." En fin d'après-midi, néanmoins, la vieille ville est sécurisée. Et le lendemain, le samedi, les objectifs sont atteints. Kolwezi la nouvelle est libre.

La porte vole en éclats. Sabljic et ses hommes ratissent le périmètre. Nous en sommes au troisième jour. Ils en ont vu les légionnaires, des belles demeures, au mobilier raffiné, des pelouses si bien tondues qu'elles pourraient rivaliser avec des gazons anglais. Ils ont pénétré dans le salon et l'odeur leur saute à la gorge et leur pique les yeux. Une femme est assise sur le canapé. Hébétée, elle tient un bébé dans ses bras. Les militaires ont un mal fou à le lui enlever. En réalité, l'enfant est mort depuis trois jours. Mais la mère s'y accroche. "Elle était jeune, pourtant elle avait les cheveux tout gris, raconte Sabljic. Le toubib a dit que c'était le choc. Je suis sûr qu'elle a fini à l'asile", souffle-t-il, toujours désemparé trente ans après.

Justement, trente ans après, que reste-t-il de Kolwezi ? Que reste-t-il de cet exploit militaire ? Un cas d'école, une opération moderne comme jamais auparavant. Une action humanitaire qui sauva plus de deux mille Européens. "Il y a eu l'effet de surprise, souligne le général Puga, parce que les rebelles s'attendaient à ce qu'on arrive par le sud et on a sauté au nord. La prise de risque a été assumée aussi bien au niveau politique qu'au niveau opérationnel." Et il fallait être gonflé pour choisir de larguer ses hommes, au plus près de la ville. Et s'isoler de facto de l'aéroport qui aurait pu représenter une porte de sortie salutaire. Cela signifiait : vaincre ou périr. D'autant que le rapport de force était pour le moins disproportionné : un légionnaire contre dix rebelles, le premier jour, un contre sept par la suite. Il n'y avait pas eu de saut opérationnel depuis 1956 et 1961. "On peut dire qu'avec Kolwezi, on a senti qu'il y avait un avant et qu'il y aurait un après", conclut le général Benoît Puga.

Karen LAJON - Le Journal du Dimanche

dimanche 11 mai 2008


Quatre Sétois médaillés militaire

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Quatre Sétois médaillés militaire


Samedi 19 avril, au Monument aux morts du parc Simone-Veil, quatre Sétois ont reçu la médaille militaire des mains du colonel Relave, commandant l’Ecole d’Application de l’Infanterie de Montpellier.

Cette remise de médaille s’est déroulée au cours de la prise d’armes célébrant le 145° anniversaire de la bataille de Camerone.
Un détachement de la Légion étrangère et son président Georges Rakebrand ont rendu les honneurs à Monique Faure, Bernard Lesaignoux, ancien pilote du port, Marcel Gros et Guy Cardinale.

Cette célébration a aussi été l’occasion pour un autre Sétois, le colonel Sala, de retracer l’épopée des légionnaires lors de la bataille.

François Commeinhes, maire de Sète, présidait la cérémonie réunissant anciens combattants et anciens légionnaires venus nombreux de l’Aude, Hérault et Gard.

Publié le mardi 22 avril 2008.


La main amie de Cendrars

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10/04/2008

Dans une monographie admirative, Gisèle Bienne retourne sur les lieux de désolation où le poète fut blessé.

«C'est un soleil qui a besoin d'une énorme nourriture pour s'embraser et monter au zénith», estime Gisèle Bienne à propos de Blaise Cendrars dans l'exercice d'admiration qu'elle lui consacre. L'essayiste se souvient qu'à ­vingt ans, La Prose du Transsibérien la transporta en Russie alors qu'elle s'ennuyait à Nancy. A partir de cette lecture, elle ne cessa plus de lire l'œuvre de celui qui répondit à Pierre Lazareff, curieux de savoir si son ami avait vraiment pris ce train: «Qu'est ce que ça peut te faire puisque je vous l'ai fait prendre à tous!» A la recherche du fantôme de l'écrivain, la lectrice décida de retrouver l'endroit exact où Cendrars perdit sa «main amie» lors de l'attaque du mardi 28 septembre 1915. Direction les portes de l'Argonne, là où des millions d'hommes sont tombés au champ d'honneur. Au volant de sa voiture, elle se rendit vite compte qu'elle roulait en fait sur les corps sans sépulture.

Blaise Cendrars est omniprésent dans cet ouvrage qui n'est pourtant pas de lui. Aucune monographie n'avait à ce point restitué sa présence incandescente. Le Suisse Frédéric Sauser alias Blaise Cendrars ne tira-t-il pas son pseudonyme des mots braise et cendre? Pour mieux être en résonance avec le légionnaire, Gisèle Bienne avait besoin de retrouver l'emplacement de l'ancienne ferme de Navarin, près de Reims, qui vit le poète recevoir une balle de mitrailleuse allemande au bras droit pendant qu'il courait. Quatre jours auparavant, la grande offensive de Champagne, à l'initiative de ­Joffre, coûta la vie à cent quarante milles personnes.

 

Amputé en février 1916

Dans le feu de l'action, ­Cendrars ne voulut pas quitter ses amis malgré sa grave blessure. Au milieu des estropiés, on le conduisit à l'évêché de Sainte-Croix transformé en hôpital pour l'amputer de la main droite. On fit boire du cognac au rescapé de l'escouade afin de lui éviter le coma. Mal soigné, il subit l'amputation de l'avant-bras, au-dessus du coude, en février 1916. Refusant la prothèse, il abandonna le bras artificiel à la consigne d'une gare. Dans sa retraite d'Aix-en-Provence ou de Villefranche-sur-Mer, le nouveau gaucher réapprit à écrire et à taper sur sa Remington sans perdre sa verve.

Grillant cigarette sur cigarette, l'auteur de L'Homme foudroyé n'oublia jamais son camarade de tranchée, Van Lees, qu'un obus projeta dans les airs pour ne restituer que son pantalon vide. La mémorialiste Gisèle Bienne semble avoir connu ce sergent qu'elle sauve de l'oubli, évoquant aussi de manière très émouvante Apollinaire, André Masson et Yves Gibeau. Ce tombeau littéraire à la gloire de ­Cendrars ranime la flamme de tous les soldats inconnus.
La Ferme de Navarin de Gisèle Bienne Gallimard, 130p., 14,50€.

 Bernard Morlino


Kostas Sarantidis, un soldat blanc de l'Oncle Hô 240308

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De nationalité grecque, son nom est Kostas Sarantidis, pourtant il préfère le patronyme Nguyên Van Lâp, typiquement vietnamien. Durant la guerre du Vietnam, ce soldat de la légion étrangère a déserté l'armée française pour s'engager parmi les combattants de l'Armée populaire vietnamienne. Résidant à présent en Grèce, le Vietnam reste toujours sa 2e patrie où il a vécu une vingtaine d'années.


Kostas Sarantidis est né en 1927 en Grèce. Février 1946, le jeune Kostas s'est engagé avec la 2e R.I.E pour aller à Saigon "désarmer les fascistes japonais" selon le contrat signé avec la légion étrangère. "Mais à mon arrivée, j'ai compris mon erreur, raconte Kostas, il n'y avait aucun soldat japonais, seulement l'armée française".

Les jours suivants, le jeune homme a témoigné et participé, avec sa troupe, aux massacres et ratissages, dont les victimes étaient des civils, y compris des femmes et des enfants. "J'ai pleuré et souffert, en voyant ces crimes envers la population vietnamienne. J'ai passé plusieurs jours tourmenté par mes réflexions. Je pensais à mes compatriotes grecs, massacrés par les fascistes allemands durant la 2e guerre mondiale et me demandais pourquoi l'Armée française agissait aussi cruellement à l'égard de gens innocents. En participant aux massacres, je me comportais vis-à-vis des Vietnamiens comme l'avaient fait les fascistes allemands avec les Grecs", se souvient le vétéran.

Rejoindre la cause du Viêt-minh

Kostas Sarantidis s'est épanouit en renonçant à l'armée française pour "suivre la voie d'une juste cause". En rencontrant Mai Lê Lily, une agent de renseignements du Viêt-minh, Kostas a clairement compris le Viêt-minh et le noble idéal que poursuivaient les soldats vietnamiens dans leur œuvre de lutte pour l'indépendance nationale. "J'ai trouvé depuis mon chemin entre justesse et idéal", raconte-t-il.

Le 4 juin 1946 est un jour "historique" pour le jeune Kostas, qui, avec son ami de la 2e R.I.E, l'Espagnol Santos Merinos, a fui l'armée française pour rejoindre l'armée du Viêt-minh. Il y a été accueilli et porte depuis un nom vietnamien : Nguyên Van Lâp. Officiellement admis au rang des "soldats de l'Oncle Hô", il s'est engagé à militer pour la justice au Centre du Vietnam jusqu'en 1954. Kostas se souvient à jamais des jours passés sous le drapeau des communistes. "Ce sont des moments inoubliables. L'esprit d'équipe et la cama- raderie m'ont donné la force spirituelle de surmonter les difficultés de la guerre et de poursuivre la lutte pour l'indépendance du Vietnam", dit-il. Jusqu'aujourd'hui, il se montre toujours fier d'avoir combattu pour "l'idéal communiste, la liberté et une cause juste", confie l'octogénaire.

En 1954, les troupes de l'Armée vietnamienne au Sud ont été regroupées au Nord. Le soldat Kostas Sarantidis en faisait partie pour se rendre dans la province de Thanh Hoa. Un an après, Kostas a été mobilisé à l'aéroport de Gia Lâm à Hanoi. En 1956, il a été démobilisé et a travaillé comme interprète à l'imprimerie Tiên Bô, puis comme chauffeur aux mines de houille de Cao Bang et La Duong. En 1965, Kostas est revenu en Grèce avec sa femme vietnamienne et ses 3 enfants.

Trois rencontres inoubliables avec Hô Chi Minh

Kostas Sarantidis a eu l'honneur de voir le président Hô Chi Minh à 3 reprises. "Jamais je n'ai rencontré une personne comme l'Oncle Hô. Quand j'étais proche de lui, j'étais captivé par ses yeux, brillants comme des perles baignées par les rayons du soleil", dit-il avec émotion. Kostas a approché Hô Chi Minh la première fois alors que le Président passait en revue le régiment 354 à l'aéroport de Gia Lâm, Hanoi. La 2e fois à la cérémonie d'inauguration de l'imprimerie Tiên Bô et la 3e à l'hôpital C de Hanoi, lorsque Hô Chi Minh rendait visite à Lê Duc Tho (diplomate et membre du politburo du Parti des travailleurs du Vietnam à l'époque (actuel Parti communiste du Vietnam), au moment où Kostas y était aussi hospitalisé. "Chaque rencontre m'a donné tant d'affection, je n'oublierai jamais les moments, où le tenant par la main, j'écoutais sa voix douce", ajoute Kostas.

Réinstallé en Grèce depuis 1965, Kostas Sarantidis est revenu à multiples reprises au Vietnam. Tout récemment, il était au Vietnam sur l'invitation de la Télévision nationale pour le programme "Nous sommes soldats". "J'y reviendrai prochainement".

La France redéfinit sa stratégie de défense

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Publié le 17/05/2008

L'armée française (ici la Légion étrangère, lors d'un défilé du 14 juillet) ne pourra plus déployer que 30 000 hommes sur les théâtres d'opérations extérieures, contre 50 000 actuellement (Delort/Le Figaro)

L'armée française (ici la Légion étrangère, lors d'un défilé du 14 juillet) ne pourra plus déployer que 30 000 hommes sur les théâtres d'opérations extérieures, contre 50 000 actuellement (Delort/Le Figaro) Crédits photo : Le Figaro

Le renseignement est au cœur de la vision présentée dans le nouveau livre blanc.

C'EST désormais chose faite. Une version du livre blanc, dans lequel ont été enfermées, en secret, les grandes lignes de la politique de défense et de sécurité pour les quinze prochaines années, a été communiquée hier aux parlementaires. Ceux-ci devront le lire, l'analyser et éventuellement suggérer des modifications.

Rédigé par les 35 membres de la commission Mallet, créée en août dernier, le livre blanc contient les grandes orientations stratégiques de la France. Il est une restructuration de notre politique de défense dans un monde qui a beaucoup changé. Rédigé en 1994, le précédent livre était l'héritier de la guerre froide. Au milieu de ses pages, la terrible Armée rouge, sa cohorte de tanks et ses valeureux combattants communistes menaçaient encore les capitales occidentales et, parmi elles, Paris.

Entre-temps, les guerres issues de l'effondrement du communisme se sont peu à peu éteintes et le 11 septembre 2001 a chamboulé l'ordre international. Le livre blanc cuvée 2008 épouse son époque, avant tout marquée par la mondialisation. Il doit permettre à la France de s'adapter aux nouveaux périls terrorisme islamiste, attaques informatiques, pandémies, menaces liées au changement climatique, prolifération nucléaire…  qui sont à la fois plus volatils, asymétriques et incertains, et exigent une réponse moins conventionnelle. Il s'agit de préparer la guerre de demain et non celle d'hier. D'agir en amont pour créer une armée d'avant-garde, qui soit assez souple et moderne pour pouvoir combattre les talibans en Afghanistan, contenir les violences dans les Balkans, mais aussi prévenir une attaque chimique ou biologique ou protéger la population d'une épidémie de grippe aviaire.

Des bases fermées en Afrique

Pour répondre à ces nouveaux dangers tout en se protégeant contre toute « surprise stratégique », le livre blanc entend d'abord mettre l'accent sur le renseignement. Une nouvelle et cinquième fonction, baptisée « connaissance et anticipation », a été créée à cet effet. Elle doit permettre une réorganisation des différents services, la nomination d'un coordonnateur du renseignement auprès du président de la République et l'acquisition de nouveaux satellites d'observation. L'effort sur la dissuasion nucléaire, considérée comme l'assurance-vie de la nation, sera maintenu. Une attention particulière devrait également être accordée à la protection du territoire et de la population, jugée trop faible aujourd'hui.

Tout en adaptant sa défense au nouveau contexte international, la France doit tenir compte de l'impératif de rigueur budgétaire. Elle est donc obligée de faire des choix. Un certain nombre d'équipements devraient faire les frais de cette mauvaise conjoncture économique. Des bases seront fermées en Afrique. Et le nombre d'hommes que les armées doivent pouvoir déployer à l'étranger devrait passer de 50 000 à 30 000. Un chiffre suffisant, assurent les spécialistes du dossier, pour permettre à la France d'assumer ses responsabilités dans les opérations extérieures et tenir son rang dans le monde. Il ne sert à rien de voir grand, ajoutent-ils, si on ne peut pas honorer ses promesses pour des raisons budgétaires.

Ajoutées à la RGPP, la réforme générale des politiques publiques, qui intéresse aussi la Défense, ces réformes font grincer les dents de certains militaires. « Partout dans le monde les budgets militaires augmentent, sauf en Europe… Savoir sans pouvoir n'est jamais d'une grande utilité. Il faut combattre l'illusion que la connaissance peut remplacer l'action », rappelait mercredi dernier le chef d'état-major, Jean-Louis Georgelin, à l'occasion d'un colloque consacré à la Défense. Dans l'armée de terre, l'inquiétude sourde. « On se bat désormais contre des gueux en haillons. Pour gagner ce combat des valeurs, il faut de la volonté plus que de la technologie. Or, on est en train d'annihiler cette volonté en déstabilisant les militaires. Il faut 25 ans pour faire un système de défense. Mais trois seulement pour le détruire », prévient un officier.

Avant d'être adopté au conseil de défense début juin, autour de Nicolas Sarkozy, le livre blanc peut encore être modifié à la marge. Mais le fond et les grandes orientations seront maintenues. Crédibles et réalistes, les conclusions de ce document capital contiendront sans doute une révélation douloureuse. Si la dissuasion nucléaire et son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies donnent à la France un statut de premier rang dans le monde, la rigueur l'oblige aujourd'hui à faire le contraire de ce qu'elle a longtemps fait : adapter ses ambitions à ses moyens, et non plus ses moyens à ses ambitions.

Isabelle Lasserre


L'hommage de la nation au dernier poilu, celui "qui ne s'appartient plus tout à fait"

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LE MONDE | 18.03.2008

Depuis la levée du jour, les drapeaux sont en berne sur le fronton des mairies. A midi, lundi 17 mars, la foule des grands jours se presse, dans l'église Saint-Louis-des-Invalides, à Paris, pour l'hommage national que le dernier "poilu" français avait fini par accepter du bout des lèvres, il y a deux mois, à 110 ans. "Je crois que nous devons être reconnaissants à Lazare Ponticelli et à sa famille d'avoir accepté cet hommage national et cette célébration élargie", commente Mgr Patrick Le Gal dans son homélie. "Lazare, c'est l'homme qui ne s'appartient plus tout à fait", car "il a traversé l'Histoire".

Trois siècles d'histoire sont venus lui dire un dernier adieu : des chapeaux de feutre à grande plume d'aigle, ceux de chasseurs alpins italiens, qu'il avait rejoints en 1915, dix-huit ans après sa naissance en Emilie ; des faux "poilus" dans des uniformes bleu horizon, pour raconter les huit millions et demi d'hommes mobilisés entre 1914 et 1918 ; pour le XXIe siècle, sont venus l'un des ex-présidents de la Ve République, Jacques Chirac, et son successeur depuis 2007, Nicolas Sarkozy, qui joint ses mains et se signe à plusieurs reprises.

Mais "Lazare" avait aussi une grande et belle famille, et des amis venus en nombre. Avant que quatre soldats de la légion étrangère n'emportent son cercueil, Patrick Large raconte en quelques mots son grand-père : sa manière de dire, ainsi, "quand le pain était à l'envers sur la table : "On ne laisse pas le pain couché sur le dos.""

Sur les pavés, Nicolas Sarkozy a pris la main de la fille du "der des der". Définitivement consacré historien officiel du quinquennat, l'académicien Max Gallo cite Primo Levi : "Considérez si c'est un homme/Que celui qui peine dans la boue", et loue ce début de XXe siècle qui fut "le temps de l'héroïsme sans grands mots". Puis, sous le dôme des Invalides, on dévoile une plaque qui, à côté du tombeau du maréchal Foch, promet que "la France conserve précieusement le souvenir de ceux qui restent dans l'Histoire comme les "Poilus" de la Grande Guerre".

"Le souvenir, en effet, est fragile quand la mort est passée, dit M. Sarkozy. Nul désormais ne racontera plus à ses petits-enfants ou à ses arrière-petits-enfants la vie terrible des tranchées. (...) En cet instant, dans toute la France, la pensée de chacun se tourne vers ces femmes et ces hommes qui nous ont appris la grandeur du patriotisme, qui est l'amour de son pays, et la détestation du nationalisme, qui est la haine des autres."

Le choeur de l'Armée française entonne plus gaiement le chant fétiche des soldats des tranchées, Quand Madelon vient nous servir à boire, avant que Lazare Ponticelli ne soit inhumé, au cimetière parisien d'Ivry-sur-Seine.

Ariane Chemin


Hommage solennel à Ponticelli et à tous les poilus

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publié le 17/03/2008

La France a rendu lundi 17 mars un hommage solennel à Lazare Ponticelli, le dernier poilu français décédé le 12 mars à l'âge de 110 ans, et à ses 8,5 millions de camarades de la Grande guerre, dont 1,4 million furent tués lors de ce conflit (1914 -1918). 

Honneurs militaires rendus à Lazare Ponticelli ce lundi 17 mars 2008.(Photo : Reuters)

Honneurs militaires rendus à Lazare Ponticelli ce lundi 17 mars 2008.
(Photo : Reuters)

Porté par onze légionnaires, le cercueil de Lazare Ponticelli a quitté vers la mi-journée la cour d'honneur de l'Hôtel national des Invalides de Paris, la nécropole militaire où est notamment enterré Napoléon, après un dernier hommage. La Marche funèbre de Chopin accompagnait le pas lent et chaloupé des légionnaires du 3e régiment étranger d'infanterie, héritier du 4e régiment de marche de la Légion étrangère où Lazare Ponticelli avait servi, pendant les dix premiers mois de la Grande guerre.

Le chef de l'Etat dévoile une plaque rendant hommage aux poilus

Après avoir assisté lundi matin aux obsèques de Lazare Ponticelli en la cathédrale Saint-Louis des Invalides, le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, a rendu un hommage national aux poilus en milieu d’après-midi dans l'église du Dôme des Invalides. Lazare Ponticelli avait donné son accord à des « obsèques nationales sans tapage ni grand défilé » pour que soit rendu hommage, à travers lui, à l'ensemble des 8 410 000 Français combattants de la Grande guerre. De nombreuses personnalités du gouvernement assistaient à la cérémonie, parmi lesquelles l’ancien président Jacques Chirac et l’ancien Premier ministre Lionel Jospin.

Une immense photo de poilus dans une tranchée est suspendue sur la porte de l'église du Dôme des invalides. Les différents corps d'armée sont aux côtés de la Garde républicaine. De chaque côté de l'esplanade des écrans géants projettent de vieilles bobines de la Grande guerre mais c'est au son de la Marseillaise que Nicolas Sarkozy fait son entrée dans la cour du Dôme. Dans la foule, beaucoup d'anciens combattants, dont les médailles alourdissent la poche du veston assistent à la cérémonie. Ils sont particulièrement recueillis quand le président de la République entre seul dans l'église pour déposer une gerbe et dévoiler une plaque rendant hommage aux poilus.

Hommage aux Poilus

« Lazare Ponticelli était un homme modeste, il voulait que l'hommage rendu s'adresse aussi à tous ses camarades morts sur le front. »

Après la sonnerie aux morts, des militaires sortent de l'église avec les drapeaux les plus glorieux comme celui de la Légion étrangère ou des Chasseurs alpins. Un détachement du 3e régiment de Chasseurs alpins italiens auquel avait été incorporé Lazare Ponticelli de 1915 à 1920, a été associé aux honneurs militaires.

Sarkozy exalte le souvenir des poilus et le devoir de mémoire

La cérémonie s'est terminée par un discours du président de la République. Nicolas Sarkozy a évoqué le destin extraordinaire de Lazare Ponticelli qui a connu trois siècles. Il a rappelé le parcours de ce petit berger de 9 ans et demi, parti de son village de Betolla, en Italie, chaussures autour du coup pour les économiser, pour venir à Paris. Enfin le président a souligné qu'avec la disparition de Lazare Ponticelli une page de l'Histoire s'était tournée.

« Il est de notre devoir que, par-delà l'Histoire, la mémoire demeure malgré tout vivante. C'est un devoir national, c'est un devoir humain. On ne construit pas son avenir en oubliant son passé, mais en l'assumant et en le surmontant », a déclaré le chef de l'Etat.

Nicolas Sarkozy, président de la République

« Cet hommage solonnel n'est pas un hommage rendu à la guerre, c'est un hommage à ceux qui l'ont faite. »

« En cet instant, dans toute la France, la pensée de chacun se tourne vers ces femmes et ces hommes qui nous ont appris la grandeur du patriotisme qui est l'amour de son pays et la détestation du nationalisme qui est la haine des autres », a poursuivi le président Sarkozy.

Nicolas Sarkozy, président de la République

« Ils nous disent que la compréhension, le respect et la solidarité humaine sont les seuls remparts contre la barbarie. »


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