AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Afghanistan sous le feu avec la Légion 17062010

Envoyer

Le 17 juin 2010

Le lundi 7 juin, en début d’après-midi, un premier homme du 2e REP à terre dans une ruelle de Shaehwatay, un village en apparence paisible qui s’est révélé être un piège. Le jeune légionnaire, légèrement blessé, informe ses camarades que l’ennemi est tout proche.Photo Jonathan Alpeyrie

Paru dans Match

Notre reporter a suivi une opération du 2e REP et vu tomber plusieurs hommes. Leurs camarades se plaignent des règles de combat qu’on leur impose.

Photos et reportage Jonathan Alpeyrie - Paris Match

Jamais je n’aurais imaginé ce qui m’est arrivé. J’ai atterri le 1er juin à Bagram, la grosse base américaine où tous les pays de la coalition sont représentés. On m’a donné un casque et un gilet pare-balles. Le lendemain, j’ai rejoint un convoi de Vab (véhicules de l’avant blindés) qui se dirigeait sur Tora, la base avancée de la Légion, où il y a également des Bérets rouges. Pendant quatre jours, j’ai pris des photos de la vie du camp et me suis lié avec plusieurs hommes. Le 4, on apprend que l’opération « Altor Libeccio » va être lancée. Il s’agit d’un gros mouvement de troupes destiné à consolider la présence alliée dans le sud de la vallée de Tagab, particulièrement dans la « green zone », la bande de terres fertiles, parce qu’irriguées, où se trouve l’essentiel des villages de la région. Pas question pour autant de faire la guerre « à la russe ».Au contraire, les officiers expliquent qu’on fait désormais des « chouras », des actions où le rapprochement avec les populations locales est l’objectif prioritaire.

Avec l’élimination des « insurgés », bien sûr. Les militaires ne parlent jamais de talibans. Outre les 2e et 3e compagnies du 2e REP, le GTIA (Groupement interarmes) engagé par la France est composé du 1er RHP, du 35e RAP et du 17e RGP. Au total, environ 500 hommes. Un bataillon de l’Ana (Armée nationale afghane) est également de la partie. Deux hélicoptères Tigre et des F-15 américains seront en appui. Je suis content, quelque chose va se passer. Dans l’après-midi, un énorme diorama est installé. Il s’agit d’une maquette géante du terrain sur lequel nous allons intervenir. Les hommes parlent du « bac à sable ». Tout y est représenté, les hameaux, les maisons et le lit des « wabis », rivières asséchées. Des petits ­drapeaux indiquent les positions ennemies supposées, ainsi que les probables endroits où pourraient être planquées des mines artisanales. Les officiers afghans ont l’air un peu paumés. Alors que le commandant G. voudrait décrire le déroulé des opérations pour les cinq jours futurs, ils sont apparemment incapables d’anticiper la situation sur plus de 24 heures. Ils ne connaissent que les techniques de guérilla, ils n’ont pas lu Clausewitz.

La priorité : se rapprocher des populations locales

5 juin au matin. « Tu vas voir, ça va péter. » Il y a de la tension dans l’air. Les légionnaires nettoient leurs armes, démontent les mitrailleuses, chargent les Vab. ­Départ vers 16 heures. J’accompagne la 3e compagnie, une centaine d’hommes. La 2e est partie hier soir pour la base avancée de Rocco. Chaque régiment a sa propre ligne de front. Notre but est d’atteindre le Cop 46 : le poste de combat (Combat Outpost) situé sur le 46e parallèle. Il vient d’être rebaptisé Cop Robert Hutnik, en hommage au caporal de 23 ans, d’origine slovaque, qui y a trouvé la mort le 8 avril dernier. « Plus on grimpe, plus c’est dangereux », m’explique le lieutenant L. Il y a de plus en plus de noyaux durs de résistance. La limite de l’intervention des troupes françaises est le Cop 51. Au bout d’une heure et demie de routes et de pistes, on fait halte pour la nuit. On dort par terre près des Vab. Réveil à 2 h 30. Une demi-heure plus tard, nous sommes en vue du village de Shaehwatay, le plus au sud de la « green zone ». Les quatre sections de la compagnie se dispersent.

Les Vab se positionnent de façon à être protégés sur tous les flancs. Les opérations commencent vraiment. Je me retrouve avec la 1re section (« Noire 1 », les « Rouges » sont la 2e compagnie). Elle est commandée par un adjudant biélorusse avec qui j’ai un bon feeling. Les gars sont calmes. Les insurgés attaquent rarement de nuit, car ils savent que les forces alliées disposent de détecteurs thermiques. 9 heures : j’entame ma première patrouille à pied en Afghanistan. C’est assez flippant. Tu pénètres dans le bourg de maisons en terre où le danger peut venir de partout, d’un coin de rue, d’un toit, d’un arbre. A chaque carrefour, la pression monte d’un cran. Il ne se passe rien. Nous rentrons sur nos positions. Les légionnaires vérifient s’il y a du monde dans les champs alentour. C’est l’indice de base : s’il n’y a personne, ça veut dire que quelque chose se trame, les paysans sont au courant et sont partis se mettre à l’abri. Là, c’est la vie normale de la campagne afghane. Seconde patrouille en début d’après-midi. Même calme. Mes compagnons m’expliquent que les insurgés ne passent jamais à l’offensive le premier jour. Ils observent la tactique déployée par les alliés avant de se décider à attaquer ou non. Ils ne se déplacent qu’en petit nombre, pas plus de 15 individus, des « paks », comme disent les légionnaires.

Les rebelles préfèrent combattre en « binôme » ou carrément seuls. Surtout, ils sont dans le décor comme des poissons dans l’eau. Impossible de savoir si les civils sont des amis ou des ennemis. Un pauvre paysan peut se métamorphoser en insurgé en un rien de temps. Et il y a aussi les combattants ouzbeks, tchétchènes, pakistanais, proches d’Al-Qaïda, très motivés, « hard­core ». Pour le moment, on achète des bouteilles de Coca qu’on donne aux gamins. C’est la nouvelle doctrine : établir de bons rapports avec les gens du cru. Les hommes s’exécutent, ce sont des professionnels, mais je sens bien qu’ils ne sont pas 100 % OK. « Altor Libeccio » est une opération « civico-militaire », il n’est pas question de parler d’offensive. Les règles d’engagement sont en outre très contraignantes. Pas question de pénétrer dans les maisons pour rechercher des armes. Il est également interdit de tirer sur un homme armé, même s’il est animé de mauvaises intentions. Il faut ­attendre qu’il te canarde pour riposter. Las de son rôle de « libérateur-distributeur de friandises », un soldat me confie : « On ne peut pas gagner une guerre avec les mains accrochées aux couilles. »

« Las d’être un libérateur-distributeur de friandises »

Lundi 7 juin. Toujours rien. En plus, il pleut. Je commence à ­désespérer. Je demande au capitaine G. si je peux me joindre à la « Noire 4 », qui est stationnée plus près du village. Avec quelques hommes, le lieutenant L. est installé à l’abri d’un muret. On avance, courbés en deux. Nous venions juste de finir de déjeuner quand, tout à coup, ça s’est mis à canarder dur du côté du nord-est. Le lieutenant m’informe qu’il a plusieurs hommes isolés dans les parages. Des « Eagles », des membres du GCP, le groupement de commandos parachutistes du 2e REP. Des bêtes de combat. Alors que les tirs redoublent, le capitaine G. donne l’ordre par radio à la « Noire 4 » de se replier dans ses trois Vab vers l’est du village. L’idée, c’est de surprendre les insurgés par le côté. Une demi-heure plus tard, on s’extrait des véhicules blindés et on pénètre dans Shaehwatay en courant le long des murs. Depuis les Vab, les légionnaires tirent au canon de 20 millimètres et à la 12,7. Ça fait beaucoup de bruit, mais manifestement ça ne suffit pas à calmer l’ardeur des rebelles. Un premier légionnaire tombe devant moi. J’ai juste le temps de shooter, mais nous poursuivons notre course, c’est l’ordre. On pénètre dans une cour, ça « rafale » énormément. Deuxième blessé.

Puis je vois des « Eagles » déboulant d’une ruelle très étroite. Ils sont en train d’évacuer un combattant sur une civière de fortune. Stress maximal. Comme je veux prendre une photo, les légionnaires me l’interdisent sans ménagement. Leur compagnon est mort, tué par une rafale de kalach. ­Tandis que le capitaine G. ordonne de décrocher, dans le ciel, à moins de 100 mètres d’altitude, un F-15 fait un « show force ». Un boucan d’enfer. La bataille a l’air de se calmer. La « Noire 4 », les commandos du GCP et le capitaine attendent que la 2e compagnie (Rouge) ait décroché quand, soudain, une paire d’insurgés, l’un avec une kalach, l’autre avec un RPG-7, nous prennent dans leur ligne de mire. Les légionnaires forment alors une « boule de feu » : ils se mettent tous à tirer en même temps. Là, j’ai vraiment eu peur.

En se repliant, on fait un prisonnier, un drôle de hère en guenilles, au visage couvert d’hématomes et complètement excité. Il est vite calmé. Un mort et trois autres sous-officiers blessés, cinq insurgés tués, c’est le bilan de cette sinistre journée. Il n’y a pas eu la moindre erreur de commandement, seulement une embuscade très bien montée. Les légionnaires en ont gros sur le cœur. L’impression que s’ils pouvaient faire leur métier – se battre, rentrer dans le tas – ce genre d’accrochage fatal n’aurait pas lieu d’être. Pas question, néanmoins, de baisser les bras. Le lendemain, nous retournons au Cop 46 pour montrer à l’ennemi invisible que nous n’avons pas peur. Tout est calme. Je suis toujours avec la « Noire 4 ». Il fait très beau.On informe le lieutenant L. que 20 « paks » armés se cachent dans un « compound » (une maison fortifiée). Les Américains sur place assurent qu’ils peuvent le détruire avec leurs F-15. L’ordre ne sera pas donné. Le 8 juin au soir, la mission « Altor Libeccio » est déclarée achevée. Dans un mois, les hommes du2e REP regagneront Calvi. Ils seront remplacés par un régiment d’infanterie de l’armée régulière...

Propos recueillis par Pierre Delannoy

 


Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui2523
mod_vvisit_counterHier2652
mod_vvisit_counterCette semaine9192
mod_vvisit_counterSemaine dernière24288
mod_vvisit_counterCe mois95742
mod_vvisit_counterMois dernier347580
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919835171

Qui est en ligne ?

Nous avons 1868 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42453880
You are here PRESSE XXI° 2010 Afghanistan sous le feu avec la Légion 17062010