Édition du samedi 11 décembre 2010
Le musée régional d’art contemporain dévoile les “Spray” de Hans Hartung. Ou comment un artiste transcende sa paralysie
On connaît ses grands signes, des figures informelles tracées d’un geste nerveux et autoritaire. Ce n’est pourtant pas le Hans Hartung chef de file de l’abstraction lyrique des années 50 que présente le musée de Sérignan. Sous le titre Spray, l’exposition dévoile un pan moins connu, et étonnant, de son œuvre : les peintures par pulvérisation.
Hans Hartung (1904-1989), artiste Allemand qui avait choisi la France pendant la guerre, expérimente cette technique dès 1961. Il la systématise dans les années 80, quand la paralysie le crucifie sur un fauteuil roulant. Mais il n’utilise pas la pulvérisation par défaut. Il s’est engagé depuis longtemps dans cette voie avec un arsenal d’appareils détournés : aspirateur inversé, sulfateuse à vigne, tyrolienne pour crépi.
Hartung construit alors une géographie poétique de giclées impétueuses, de coulures imprévues, mais aussi de vaporisations pleines de légèreté et de sérénité. L’exposition révèle des liens inattendus avec les peintures floues de Gerhard Richter.
La dernière année de sa vie, l’artiste grabataire produit 360 toiles. Avec une vitalité inouïe et une explosion de couleurs. Il ouvre des échappées imaginaires qui se prolongent hors de la toile. « Hartung se lâche complètement, avec la même liberté que Monet quand il peignait les nymphéas », dit Hélène Audiffren, commissaire de l’exposition.
« Le plaisir de vivre se confond en moi avec le plaisir de peindre. Lorsqu’on consacre toute sa vie à la peinture, que l’on cherche à aller plus loin, il est impossible de s’arrêter », écrit Hans Hartung.
À la fin, il utilise un pistolet à air comprimé vaporisant de la peinture. Ses assistants le filment dans l’atelier. Le document capte l’énergie qui porte l’artiste. C’est aussi une preuve destinée à chasser les doutes sur ses capacités, qui pourraient naître chez les historiens de l’art.
Parmi les films présentés en complément de l’exposition, les images muettes d’un documentaire inachevé d’Alain Resnais montrent Hartung en pleine création, dans sa maison de Minorque, en 1946.
À Sérignan, il faut aussi visiter le cabinet de dessins où les amateurs d’Hartung retrouveront le peintre qu’ils connaissent. Celui des entrelacs de signes. Les esquisses préparatoires révèlent que la spontanéité apparente du geste - marque de fabrique de l’artiste - était parfois méthodiquement balisée. Hans Hartung commence à vraiment improviser sur des pastels, avant les pulvérisations libératrices.
Hartung, grand-père des graffeurs ?