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Lettre à un jeune capitaine 22042010

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22 avril 2010

Mon capitaine,

j’ai bien reçu, comme d’autres, votre lettre du 9 avril, que vous avez intitulée «Supplique à un ami journaliste». Veuillez d’abord me pardonner de vous répondre aussi tard. Puisque vous me faites l’honneur d’employer le mot «ami», permettez d’en faire autant. Cher ami, sachez que votre courrier m’a ému.

Nous ne nous connaissons pas personnellement. Vous êtes capitaine, à la tête d’une compagnie du REP en Afghanistan. Je suis journaliste et la chose militaire ne m’est pas indifférente. C’est à ce titre que je vous réponds. Vous avez perdu l’un de vos hommes, le légionnaire Hutnik. J’ai eu, un jeudi soir, la tâche d’en rendre compte ici même. C’est un devoir avec lequel je ne transige pas et qui est, à chaque fois, douloureux.

Vous cherchez à donner un sens à la mort de ce jeune Slovaque de 23 ans venu s’engager dans la Légion étrangère et servir la France. Comment ne pas vous comprendre ? Comment ne pas vous approuver ?

Mais, parce que j’ai sur vous le privilège des ans, permettez-moi, mon capitaine, de vous dire ce que j’ai ressenti en vous lisant.

Votre lettre ressemble à celle que vos anciens du BEP ou d’autres régiments auraient pu écrire durant la guerre d’Indochine. Une guerre dans laquelle de jeunes officiers servaient comme vous le faites aujourd’hui, avec enthousiasme. Une guerre dans laquelle des légionnaires mourraient en grand nombre. Tous croyaient en leur mission et ne comprenaient pas l’indifférence, voire l’hostilité, du pays à leur égard. 

Plus tard, les mêmes se retrouvèrent plongés dans un autre conflit, celui de l’Algérie. Là encore, ils croyaient bien faire. Vous m’écrivez : «Aidez cette population qui désormais, d’elle-même, dénonce l’insurgé. Je vous en conjure, parlez des projets d’essor qui peuvent et doivent être proposés, venez compléter l’œuvre de pacification par celle du développement…» Croyez vous que ces mots auraient  sonné faux dans la bouche de vos anciens ?

Capitaine au REP, vous êtes bien placé pour savoir comment tout cela s’est terminé.

Cher ami, je n’ai aucune envie de vous mentir. Les Français n’approuvent pas cette guerre, ils l’acceptent du bout des lèvres, parce qu’elle ne les touche pas. Et croyez vous que «si la liberté du monde se joue en Afghanistan», il est logique de n’y pas envoyer les renforts que nos alliés nous réclament ?

Même si elle a toute les formes de la légalité, décidée par un gouvernement légitime - comme l’étaient celles d’Indochine et d’Algérie - la guerre que vous menez en Afghanistan n’est pas notre guerre - elle n’est pas la guerre de la France. C’est ma conviction. De tout cela, vous vous en rendrez compte bien assez tôt. Je vous en prie : n''oubliez pas ce que j’ai ressenti à vous lire.

Pas plus que je n’oublie que le légionnaire Hutnik est mort au nom de tous les Français. Et donc en mon nom également. Cela nous oblige à une chose : honorer sa mémoire mais aussi vous donner les moyens nécessaires pour que vous-même et vos hommes rentriez vivants à Calvi.

N’en demandez pas plus, mon capitaine. Ou alors, vous risquez d’être déçu par votre pays. Ce n’est pas un bon sentiment, surtout lorsqu’on le sert les armes à la main.

Jean-Dominique Merchet

Traduction

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