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Grande précarité : Un jour on découvre qu'on n'a plus froid

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07/02/2012

Ahmad : "Le froid est une question d'état d'esprit. Moi je bouge sans arrêt. Je m'aide un peu, et quand il fait trop froid, il suffit de rajouter

du papier journal sous le blouson ou de boire un peu plus, et ça passe". (N.B-D.)

C'est l'histoire d'Ahmad. Libanais de 34 ans, il a été légionnaire pendant quatre ans au 1er régiment étranger d'Aubagne (Bouches-du-Rhône). Comme dans un film noir des années 50, il en est parti à cause de ce qu'il appelle une "sale histoire" mais il ne veut pas en dire plus. Il vit depuis quelques mois dans une cabane de fortune située entre Agde et Vias, non loin du Canal du Midi.

Une tente "5 places" de récupération

Sa cabane est une ancienne tente "5 places" de Décathlon, qu'il a récupéré par le biais d'un ami qui allait la jeter parce qu'elle s'était déchirée sur le coté. "J'ai recollé le trou avec de la colle à rustine et un morceau de chambre à air quand j'ai décidé de me "poser" ici." Il a rajouté sur le côté quelques planches et un morceau de tôle ondulée pour ranger son vélo et ses outils.

Devant son campement, tout ce qui peut se récupérer à la décharge ou dans les poubelles. "Les gens jettent n'importe quoi, seulement parce qu'il y a une tache ou un accroc. Comme le duvet dans lequel je dors, qui était nickel, avec seulement une déchirure, mais dans lequel je n'ai jamais froid".

Le froid justement. Comment vit-on dans un endroit aussi mal protégé lorsque les températures descendent jusqu'à - 7°, comme ça a été le cas cette nuit ? "Au bout d'un certain temps, on découvre qu'on a plus froid. C'est comme la faim. Au bout de quelques jours sans manger, on vit comme dans un rêve, et on n'a plus mal au ventre. On se rend compte qu'on peut facilement aller au-delà de soi-même si on arrête de se regarder le nombril"

"Une raison de se lever quand on pourrait dormir jusqu'à mourir"

Pourtant, avec le froid polaire qui s'est installé ces derniers jours dans la région, même les gens qui vivent dans des habitats traditionnels se plaignent du froid... "C'est une question d'état d'esprit. Moi je bouge sans arrêt. Je m'aide un peu (il montre un jerrican rempli de vin de la cave coopérative de Bessan, NDLR), et quand il fait trop froid, il suffit de rajouter du papier journal sous le blouson ou de boire un peu plus, et ça passe".

Gadjo, le chien, un gros bâtard noir au poil sale, vient remuer la queue et chercher l'affection de son maître. "Un chien, quand on est seul, c'est plus qu'un ami. C'est un réconfort, une chaleur pour dormir, de l'affection, une raison de se lever pour aller chercher à manger quand on pourrait se laisser dormir jusqu'à mourir".

A l'intérieur de la tente, Ahmad a rempli des sacs en plastique de journaux roulés en boule, "c'est mieux qu'un matelas et ça protège bien des courants d'air". Il y a aussi beaucoup de tissus, des couvertures, des vieux vêtements. "J'ai récupéré des stocks que jetait Emmaüs, à Valros, et sur le marché au puce de Marseillan, après le départ des vendeurs, il y a toujours plein de choses à prendre".

Parmi les trésors d'Ahmad, un grand panneau publicitaire pour Pepsi Cola, un mannequin de tailleur taché, "probablement de ketchup", un landau qui sert de garde-manger, avec les victuailles que le CCAS(1) et des autres associations qui viennent le voir régulièrement. Des boites de conserves surtout.

"Je vis bien. Je ne manque jamais de nourriture, et pour les "à-cotés" je fais un peu la manche. Ca ne va pas très loin, mais je ne suis pas mal ici. En plus, comme personne ne me voit, on me fiche la paix" raconte l'ancien légionnaire en découpant en morceau une palette récupérée devant un dépôt automobile d'Agde. "J'ai vécu longtemps au Sénégal, là-bas on a l'habitude de marcher des dizaines de kilomètres tous les jours. Ici je fais pareil, sauf que c'est plus difficile à cause des voitures qui passent sans arrêt, alors je vais tous les jours faire le tour des poubelles et voir si je peux rendre service."

"Un réchaud de camping, mon seul luxe"

Autour d'un réchaud de camping, c'est l'heure du café, qu'on sort pour la journaliste. "Mon seul luxe, une cartouche de gaz me fait dix jours, elle me chauffe la nuit et réchauffe l'eau pour le café et les boites de conserve. Ca c'est fantastique, mais ça ramollit. Quand je reste trop longtemps près du feu, après j'ai froid. Tandis que quand je ne l'allume pas, que je vais tailler mes buches ou prendre de l'eau au canal, je n'ai pas froid, même lorsque je me lave dans la cour". Ce qu'il appelle "la cour", c'est l'espace entre sa cabane et les chariots de supermarchés pleins de sac poubelles.

Pourquoi ne pas tenter de se réinsérer dans la vie commune ? D'attraper les mains qui se tendent pour tenter de l'aider à sortir de la misère ? "Je suis bien comme ça. J'ai ma petite vie, je fais ce que je veux, quand je veux. Je ne reçois d'ordres de personne. Quand j'ai vraiment besoin d'un dentiste ou d'un docteur, je sais à qui je dois m'adresser. Ne vous en faites pas pour moi. C'est vous qui êtes en prison".

(1) : Centre communal d'action sociale


Traduction

aa
 

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