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La France, l'adieu aux armes ? (2/5)

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Michel Cabirol - 28/08/2012

Respectée par ses alliés, l'armée française, qui appartient encore au club très restreint des puissances militaires autonomes, est aujourd'hui face à un tournant dans ses ambitions opérationnelles pourtant déjà en mode de "juste suffisance". La très forte contrainte budgétaire et surtout la rédaction d'un nouveau Livre Blanc vont avoir très certainement des conséquences sur ses moyens, et donc son fonctionnement. C'est ce qui ressort des auditions à l'Assemblée nationale des quatre grands patrons de l'armée française réalisées en juillet. Le deuxième des cinq états des lieux proposés par "latribune.fr" met en lumière les lacunes dans les équipements des trois armées. Ce qui les oblige à faire des impasses dans la mise en place de leurs dispositifs, notamment sur les théâtres d'opérations extérieures. Au détriment de la sécurité des soldats.

Entre grandeur et décadence, la France oscille. L'état des lieux en matière d'équipements militaires est inquiétant mais ces lacunes ne sont pas encore irréversibles... à condition de poursuivre l'effort de renouvellement des systèmes d'armes, dont certains datent déjà des années 1970. Car la panoplie du soldat français a quelques trous. Et pas des moindres. "Aujourd'hui je dois constater que la cohérence de nos armées est mise à mal", explique le patron des armées, l'amiral Edouard Guillaud. Et d'énumérer certaines lacunes bien connues de l'armée française et des experts.

Les avions ravitailleurs français ont près de 50 ans

Certaines capacités "nous font défaut, comme le SEAD - la suppression des défenses antiaériennes ennemies - en général indispensable pour entrer en premier" en territoire hostile, précise l'amiral Edouard Guillaud. Ce qui n'a toutefois pas empêché les pilotes de l'armée de l'air française de s'illustrer en Libye lors de l'opération Harmattan. Tout aussi inquiétant, l'armée française ne dispose pas d'avions de ravitaillement en vol performants, qui servent pourtant encore dans les Forces aériennes stratégiques (dissuasion nucléaire), et de drones MALE (Moyenne altitude et longue endurance). Ces capacités sont "notoirement insuffisantes" alors que d'autres sont "d'une conception suffisamment anciennes pour que leur modernisation, leur entretien ou leur mise aux normes d'exploitation actuelles deviennent très coûteuse", précise l'amiral Edouard Guillaud. A l'image des matériels datant des années 70 et 80 comme le missile Milan, les véhicules de l'avant blindés (VAB), les avions de reconnaissance ATL 2, les hélicoptères Cougar...

"Nos vénérables Boeing ravitailleurs approchent de la cinquantaine !", ironise en outre le chef d'état-major des armées. "L'âge des ravitailleurs en vol est une incontestable faiblesse", confirme le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Jean-Paul Paloméros, qui souhaiterait disposer d'Airbus A330. "Les produits choisis (A330, ndlr) par le Royaume-Uni, les Emirats arabes unis et l'Arabie saoudite correspondraient tout à fait, par leur polyvalence, à nos besoins», assure-t-il.

"Le feuilleton des drones n'a que trop duré"

Le chef de l'état-major de l'armée de l'air regrette également les retards de la modernisation des Mirage 2000D (multirôle), pourtant validée en 2008, et des radars. "La rénovation de nos radars, dans le but de les porter aux meilleurs standards technologiques, a été retardée et pose dès lors un réel problème, explique-t-il. C'est dommage car cette rénovation permettrait d'améliorer notre plancher de détection et de réduit les coûts de fonctionnement et de maintenance de radars en voie d'obsolescence". Autre besoin criant, les drones MALE qui restent encore à ce jour l'une de ses préoccupations majeures même si l'armée de l'air a pu déployer en Afghanistan des Harfang, qui ont effectué plus de 5.000 heures de vol en trois ans, et a pu mettre en service un exemplaire en Libye, dans les dernières semaines de l'opération Harmattan. "Cette performance, pour excellente qu'elle soit, ne saurait suffire", indique-t-il.

Car, regrette-t-il, "il est clair que les drones nous auraient beaucoup simplifié la tâche pour les premières opérations en Libye". Et de taper du poing sur la table en estimant que "le feuilleton des drones n'a que trop duré". En conséquence, "il est urgent de renouveler les drones qui, acquis dans les années 90, sont en voie d'obsolescence, notamment au regard de leur système informatique, dont la puissance équivaut à un dixième de celle d'un iphone". Le général Jean-Paul Paloméros recommande l'achat d'un système américain. "Des systèmes américains ou israéliens sont actuellement disponibles - compte tenu des cours de l'euro et de la monnaie américaine -, il peut être intéressant d'acheter dans la zone dollar". D'autant que, rappelle-t-il, la Grande-Bretagne et l'Italie ont choisi le Predator. Seule l'Allemagne a opté pour des drones israéliens Heron 1.

Le déficit "béant" du transport aérien

Autre lacune très inquiétante pour l'armée de l'air, le transport aérien. « Le déficit est béant puisque nous ne satisfaisons que 25 % à 30 % de cet exigeant contrat », explique le chef de l'état-major de l'armée de l'air. Un déficit en partie comblé par le commandement du transport aérien européen (EATC), qui mutualise depuis deux ans les flottes de transport de la France, de l'Allemagne, de la Belgique et des Pays-Bas. « Mais cette structure ne dispose que de flottes vieillissantes en attendant mieux, c'est-à-dire l'A400M », précise le général Paloméros. « Nous avons un besoin urgent de l'A400M », dont les premiers exemplaires devraient être opérationnels dans l'armée de l'air en 2013, rappelle-t-il.

Sur les océans, les lacunes sont tout aussi significatives. Le chef d'état-major de la marine, l'amiral Bernard Rogel, va devoir faire l'impasse sur le deuxième porte-avions (soit entre 3 et 5 milliards d'euros) compte tenu des contraintes budgétaires. Et la France fera l'impasse de la permanence à la mer. D'une manière générale, l'amiral Bernard Rogel recommande le maintien du format de la marine, "au moins au niveau actuel". Notamment, précise-t-il, dans le domaine des sous-marins et des mines. "Aujourd'hui, 43 Etats utilisent des sous-marins, contre 10 au moment de la Guerre Froide", rappelle-t-il. Sans compter que les frégates de lutte anti-sous-marine ont 28 ans de moyenne d'âge "alors qu'il est difficile de dépasser 30 ans". Bref, la Marine gère la pénurie. C'est d'autant plus vrai qu'elle dispose encore, pour l'action de l'Etat en mer, de 28 hélicoptères Alouette III, qui ont maintenant 50 ans.

Des patrouilleurs à bout de souffle

Un bateau de surveillance par Pour surveiller et protéger toute la Zone économique exclusive (ZEE), la marine ne dispose que de six frégates de surveillance, de 20 patrouilleurs P400, de quelques bâtiments de transport légers (Batral) à bout de souffle. Des bâtiments touchés par des réductions temporaires de capacité (RTC). "Nous avons effectivement à la mer environ un bateau de surveillance par territoire métropolitain", regrette l'amiral Bernard Rogel. Il compte beaucoup sur le programme interministériel de bâtiment multimissions, de gros navires de soutien de type civil armés par la marine, lancé en 2011. "J'espère que les contraintes budgétaires actuelles permettront de le conserver", s'interroge-t-il. La marine a également décidé, dans le cadre de ce programme, d'acquérir deux patrouilleurs pour la Guyane d'ici à 2016 compte tenu des problèmes rencontrés sur place pour la pêche et le pétrole en attendant le programme Batsimar (Bâtiment de surveillance et d'intervention maritime), qui ont pour objet de remplacer les P 400 et les Batral.

Les crédits affectés à l'armée de terre "insuffisants"

Chez les terriens, c'est aussi la soupe à la grimace. "Le montant des crédits affectés à l'armée de terre depuis des années est modeste, voire insuffisant", déplore le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Bertrand Ract Madoux. Ce qui tombe plutôt mal. Car certains grands équipements de l'armée de terre doivent être renouvelés... rapidement. D'autant que comme le rappelle, le général Ract Madoux, la "cohérence" de l'armée de terre est "mise à mal par la coexistence de matériels les plus modernes et d'autres obsolescents". Car elle subit "la double contrainte du maintien en service de matériels d'ancienne génération dont le coût d'entretien est de plus en plus élevé, et de la prise en compte de matériels de dernière génération, dont la technologie est malheureusement coûteuse". Et donc, selon le chef d'état-major de l'armée de terre, "tout le défi réside dans la poursuite du renouvellement des équipements majeurs, principalement dans le cadre du programme Scorpion".

Il consiste à remplacer les blindés de la classe des 20 tonnes (VAB, AMX 10RC et ERC Sagaie), les plus utilisés en opérations depuis 40 ans par les programmes VBMR (véhicule blindé multirôle) et lERC (engin blindé de reconnaissance et de combat). « Ce besoin de modernité et de cohérence est essentiel à la capacité opérationnelle future de l'armée de terre », rappelle le général Ract Madoux. Au-delà de ces blindés, il a également besoin de nouveaux drones tactiques. Et de préciser que l'armée de terre "éprouve un vif intérêt" pour le projet de drones Watchkeeper qui équipe déjà l'armée britannique. Ce matériel pourrait remplacer les systèmes de drone tactique intérimaire (SDTI) à bout de souffle. Enfin, le chef d'état-major se montre "vigilant" sur le renouvellement du parc des hélicoptères de transport par les nouveaux NH90 (133 exemplaires prévus). "Nous devons protéger ce programme majeur pour l'armée de terre des habituelles tentations d'économies et de rationalisations", estime le général Ract Madoux.

"Tout renoncement est potentiellement irréversible"

D'une façon générale, le chef d'état-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud, rappelle que "le temps du développement capacitaire est long, très long ! Le développement, l'industrialisation, l'emploi et le démantèlement d'un matériel militaire se mesurent en dizaines d'années. Ils impliquent des capacités industrielles pointues et dédiées. Tout renoncement est potentiellement irréversible". Il faudra que les rédacteurs du livre blanc prennent en compte cette donnée éminemment stratégique... Car comme le rappelle l'amiral Guillaud, s'il n'y avait pas eu les missiles balistiques nucléaires M1, M2 et M20 puis le S3 sur le plateau d'Albion, il n'y aurait pas eu Ariane 2, puis Ariane 3...

Tout comme Bull ne serait pas reconnu dans le monde entier pour ses calculateurs de très grande puissance sans la dissuasion nucléaire, qui a financé un programme français de simulation au lieu de l'acheter au Japon ou aux Etats-Unis. Sans la force nucléaire stratégique, qui a permis le développement des commandes de vol électrique des Mirage 2000, Airbus ne serait pas le champion qu'il est grâce aux commandes électriques. Et au final, explique-t-il, "il faudrait de toute façon dépenser de l'argent pour obtenir le même résultat dans ce domaine. Nous ne réaliserions donc pas les économies que certains imaginent". Mais l'imagination de Bercy est semble-t-il sans limite...


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