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Les forces terrestres "ont accumulé une expérience constituant un précieux capital"

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Publié le 27/08/2012

Selon le général Dominique Delort, l'armée de terre, visée par de potentielles réductions d'effectifs, constitue l'atout de l'armée.

En Libye, la première guerre "zéro mort", gagnée sans intervention au sol, laisse parfois croire que le temps des forces terrestres a vécu. Patron de la Saint-Cyrienne (association des élèves et anciens élèves de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr), le général Dominique Delort n'est pas du tout d'accord.

Alors que le retrait d'Afghanistan se poursuit, le débat sur le rôle futur de l'armée de terre, et surtout sur son format et ses effectifs, est au coeur des sujets que doit traiter la commission du livre blanc présidée par Jean-Marie Guéhenno. À la lueur de ce départ, des voix encore discrètes se font entendre, qui évoquent une réduction drastique qui ferait passer les forces terrestres françaises de 120 000 militaires d'active (plus 20 000 civils) aujourd'hui à 80 000 militaires - comme l'armée britannique qui doit remplir des missions comparables.

Sur ces points, nous avons souhaité interroger le général de corps d'armée (2S) Dominique Delort. Ancien cavalier issu des troupes de marine, il a commandé le 5e régiment interarmes d'outre-mer à Djibouti, avant de devenir notamment chef du Centre opérationnel interarmées, à l'état-major des armées. Dans sa dernière affectation, il fut commandant de la région terre Nord-Ouest et officier général de la zone de défense Ouest, à Rennes. Il exerce aujourd'hui une grande influence dans l'armée de terre, en raison de sa position de président de la Saint-Cyrienne, l'association des anciens élèves de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, basée au camp militaire de Coëtquidan (Morbihan).

Le Point.fr : La France exécute en ce moment son retrait d'Afghanistan. Quelles conséquences pour l'armée de terre faut-il attendre de la fin de cette mission ?

Dominique Delort : Je n'ai pas été le seul à lire dans vos colonnes les propos recueillis auprès de monsieur Yché, et pas mal d'officiers d'active m'ont fait savoir qu'ils hésitaient entre la sidération et le fou rire. Je ne suis pas aussi sévère qu'eux, mais quand même... La défense est un sujet très sérieux. On parle de stratégie, d'opérations, de capacités. L'art de la guerre, comme tous les autres, exige d'avoir été pratiqué pour émettre une opinion fondée. Je ne suis pas sûr que tous ceux qui s'expriment sur le sujet aient à un moment quelconque de leur vie professionnelle participé, préparé, planifié, contrôlé ou commandé des opérations.

Pour autant, il n'est pas besoin d'avoir commandé au front pour admettre que l'exceptionnelle expérience opérationnelle collective acquise en Afghanistan risque de manquer à l'avenir...

Il est certain qu'un retour d'expérience sera indispensable, pour tous. Les politiques des différents gouvernements ayant engagé et poursuivi cette opération vont devoir être analysées. Il faudra en tirer les enseignements en termes de stratégie, de capacités, de coût budgétaire, de prise de risque. Mais attention ! Il est toujours très difficile de définir à l'avance à quel conflit la France pourrait être mêlée ou souhaiter se mêler pour des raisons liées à la sécurité collective. Qui aurait pu dire avant 2001 que la France pourrait être amenée à s'engager sur un territoire aussi particulier que l'Afghanistan ? Qui plus est dans le cadre d'une coalition, aux côtés des Américains, au sein de l'Otan ? Lorsque l'on tire des enseignements d'une opération, il convient de se garder du dogmatisme.

Ne pensez-vous là qu'à l'Afghanistan ?

Pas du tout. La Libye est un autre exemple. On ne saurait faire une exégèse partielle de cette guerre pour définir les capacités qui seraient nécessaires dans l'avenir. En Libye, les forces européennes et notamment françaises se sont engagées par voie aérienne, maritime et aéroterrestre. Soyons prudents sur les conclusions qu'on en tire ! Pas plus tard qu'en 2006 les Israéliens ont payé très durement dans le sud du Liban une interprétation erronée de ce que peut être la puissance aérienne. Il leur a fallu engager dans d'assez mauvaises conditions un corps blindé mécanisé pour essayer de trouver une vague porte de sortie politique. Autant il est juste d'analyser les opérations, autant la prudence s'impose quand on en arrive à la définition de moyens de défense futurs. Je n'en veux pour preuve que l'interprétation curieuse que M. Yché fait des théories de Joseph Nye sur le soft power.

Il affirme en effet que "ce n'est pas avec des troupes au sol qu'on fait avancer un modèle de civilisation" en estimant que la promotion des valeurs occidentales ne doit plus être le fait des armées.

Et pour ma part, je prétends qu'il commet une faute grave en tentant d'opposer le soft power au hard power. L'action armée ne se conçoit pas selon Joseph Nye, que cite M. Yché, en opposant ces facteurs, mais toujours en complémentarité. Nye juge qu'il faut également s'appuyer sur le pouvoir économique, sur l'influence culturelle et que, tous ces facteurs se combinant, il devient possible d'atteindre un but de guerre voire, dans le meilleur des cas, de faire accepter un modèle de civilisation.

Voyez-vous des conséquences capacitaires au retrait d'Afghanistan ?

Il appartient au politique de définir la stratégie générale, en fonction d'une ambition. Quelle est celle de la France ? À ce jour, elle consiste à ce que la France participe au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membre permanent, à ce qu'elle soit un élément du système de sécurité collective, à ce qu'elle s'engage dans le règlement des conflits pour permettre un rétablissement du dialogue et le retour des équilibres favorables à la paix. Une évolution ne peut se concevoir qu'après l'analyse des menaces. On en tire alors les conséquences, comme cela a été fait après l'effondrement du bloc soviétique ou avec le développement du terrorisme islamiste international après 2001. Il est bien évident qu'il faut de nouveau se livrer à cet exercice confié à la commission du livre blanc, afin de déterminer quelles missions doivent être confiées aux forces. Mais dans tous les cas, il ne serait pas souhaitable de définir un modèle d'armée uniquement à partir des capacités. Il convient également de réfléchir en fonction des efforts que peut fournir le pays en fonction de son ambition.

Que pensez-vous de ceux qui prétendent, encore discrètement, que le format de l'armée de terre pourrait être réduit à 80 000 hommes ?

Il ne faut pas asséner n'importe quel diktat, mais raisonner sur cette question. Nous avons tout intérêt à conserver un équilibre à définir entre la projection de puissance et la projection de forces. Faire une dichotomie entre les deux, c'est introduire une faille dans le raisonnement qui pourrait nous conduire au pire. Si nous n'avions disposé que de la seule capacité de projection de puissance, nous aurions été incapables d'intervenir aux côtés de nos alliés en Afghanistan. Quand on évoque les Britanniques, ne disons pas n'importe quoi. S'ils font des coupes drastiques, celles-ci ne portent pas exclusivement sur les armées, mais bien sur l'administration tout entière !

En plus de dix ans, des dizaines de milliers de soldats français sont passés en Afghanistan. Comment l'armée de terre va-t-elle remplacer cette expérience incomparable ?

Nos jeunes officiers, nos sous-officiers, nos soldats ont emmagasiné une expérience exceptionnelle en Afghanistan et, pour nos pilotes d'hélicoptères, en Libye. Ce qui me fait dire que rien n'aurait été possible sans une préparation intense, un engagement physique et moral déterminé de tous. À nos soldats, cette expérience a donné une maturité qui sera très utile quand ils retourneront à la vie civile pour en faire profiter l'ensemble de la société. Je suis totalement convaincu que le passage de ces jeunes hommes dans les armées, notamment dans l'armée de terre qui compte le plus d'engagés de courte durée, est une très bonne chose pour la France. Les jeunes officiers, futurs colonels et généraux, ont accumulé une expérience constituant un précieux capital. En ce qui concerne nos unités, elles demeurent dans la belle tradition de l'armée française en s'engageant là où le pouvoir politique légitime les envoie, quand la nécessité le commande. Elles ne choisissent pas leurs missions, mais ambitionnent de les remplir au mieux et se retirent quand on le leur demande.


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