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Le miracle légionnaire

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25 Avril 2013 par Geoffroy Lejeune



Intégration. Le 30 avril, la Légion étrangère célébrera le 150e anniversaire de la bataille de Camerone. Depuis près de deux siècles, ce corps d’élite promeut le modèle d’assimilation à la française pour transcender ses hommes.

Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche immense, / Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé / N’est pas cet étranger devenu fils de France / Non par le sang reçu mais par le sang versé ? » Composé en 1920 par Pascal Bonetti pour le soldat qui repose sous l’Arc de triomphe, ce sonnet posait la question essentielle : comment des étrangers au service de la France peuvent-ils concevoir, après lui avoir sacrifié leur passé, de donner leur vie pour un pays qui n’est pas le leur ? Dans une société aux repères bouleversés, qui voit le lien entre la nation et ses enfants se déliter, la Légion étrangère, avec sa devise, “Honneur et Fidélité”, demeure un îlot de résistance. Chaque année, elle assimile des étrangers, pour la plupart déracinés, leur transmet le goût de l’effort et leur inculque l’amour de la France. C’est le “miracle légionnaire”.

« L’étranger qui entre à la Légion passe véritablement le fleuve d’oubli », résumait le romancier Roger de Beauvoir. La devise “Legio patria nostra” invite le soldat à se dépouiller de sa culture d’origine pour se fondre dans l’esprit de corps, qui « se manifeste tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la Légion par des signes de reconnaissance (uniformes, emblèmes et fanions, insignes, chants, etc.), des actes quotidiens et des fêtes », résument les auteurs de la Légion étrangère, histoire et dictionnaire (lire notre critique, page 67).

« Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion », ordonne le code d’honneur dans son article 2. Au sein de ce corps, la condition de légionnaire est la seule qui prévaut : « Nos valeurs transcendent les communautarismes », explique un officier chargé de l’intégration des engagés volontaires. « La Légion étrangère peut être citée en exemple comme un modèle d’intégration des valeurs de la République, insiste le général de Saint Chamas, commandant la Légion étrangère. Elle est une vitrine témoignant des traditions d’intégration de la France. »

Cette intégration emprunte trois sentiers escarpés : les valeurs, la discipline, la langue. À sa création, en 1831, la Légion répartissait les engagés volontaires dans les unités en fonction de leur nationalité. Les ordres y étaient donnés en langue étrangère. Dès 1836, conscient que l’assimilation des étrangers passe par la maîtrise du français, le commandement de la Légion met en place la politique de l’amalgame, opérant un mélange des nationalités au sein des unités.

Nous sommes à Castelnaudary (Aude), le creuset de la Légion. Ici sont formés durant quatre mois les engagés volontaires. Les mains crispées sur son petit calepin, un jeune Asiatique s’approche du tableau noir dressé sous le préau. Il y déchiffre à grand-peine les lettres inscrites à la craie et leur code établi par l’alphabet phonétique de l’Otan : alpha, bravo, charlie, delta… Quelques secondes plus tôt, il a dû épeler son nom. Plus chanceux que ses camarades slaves, dont les patronymes excèdent parfois les quinze lettres, il s’est contenté de lima (L) et india (I) pour Li.

Quelques jours plus tôt, un lieutenant chargé de l’instruction l’a surpris en pleine nuit, profitant de la lumière des douches du baraquement, en train de réciter par coeur, syllabe par syllabe, le code d’honneur du légionnaire — auquel il ne comprend goutte. Le lieutenant l’a envoyé se coucher : « Tout de même, quelle détermination ! », s’étonne-t-il encore en racontant la scène. Seize semaines plus tard, à l’issue desquelles il maîtrisera un vocabulaire de 500 mots, ce jeune Chinois rejoindra les rangs de son futur régiment. L’adaptation n’est pas aisée, la langue pas totalement domptée. Témoin cette scène, racontée par un sous-officier du 2e régiment étranger de parachutistes (Rep), encore hilare : « Le chef de corps, qui décide de pousser la chansonnette à la fin d’un repas, demande à un légionnaire d’aller lui chercher un carnet de chants. » Le soldat s’exécute et revient, essoufflé, tendant fièrement à son colonel un… pot de cornichons ! « Il avait compris “cornichons” au lieu de “carnet d’chants” ! »

La Légion étrangère va faire de ces hommes déracinés des soldats d’élite. Elle va surtout en faire des Français. Devenus légionnaires, ils forment ce corps soudé qui chemine, via l’attachement à la famille légionnaire, vers l’amour de leur patrie d’adoption. « Légionnaire, tu es un volontaire servant la France avec honneur et fidélité », leur intime l’article 1 du code d’honneur. Ces hommes en képi blanc ou en béret vert incarnent la tradition assimilationniste française, parfois jusqu’au sacrifice. « Nous, étrangers, justifiait le lieutenant-colonel Amilakvari, nous n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a réservé : nous faire tuer pour elle. » Sa mitrailleuse en mains, Dimitri Amilakvari a trouvé la mort en Égypte, en octobre 1942, touché à la tête par un éclat d’obus…

Valeurs actuelles avait rencontré, à l’été 2012, le sergent-chef Harold Vormezeele, tué le 19 février 2013 au Mali. Dans les mêmes termes, il nous disait lui aussi avoir fait sienne cette notion de sacrifice, même poussée à l’extrême. Son nom a rejoint le monument aux morts du 2e Rep, à Calvi, aux côtés de ceux qui sont tombés à Kolwezi, au Tchad, au Liban…

Ces étrangers exemplaires, la République sait aussi les remercier. « Je ne vous demande ni argent ni médailles, simplement d’être français », avait supplié le légionnaire Mariusz Nowakowski, s’adressant, en 1993, au ministre de la Défense, François Léotard, après avoir perdu sa jambe gauche à Sarajevo. Son histoire aura permis aux légionnaires blessés au combat de devenir, au terme d’une intense bataille parlementaire, “français par le sang versé”. S’ils en font la demande, ils peuvent obtenir un décret de naturalisation depuis 1999.

Le 30 avril, la Légion étrangère commémorera le 150e anniversaire de la bataille de Camerone, fondatrice de son mythe. Une épopée glorieuse et sanglante, où 3 officiers et 62 légionnaires, assiégés dans une auberge, résistèrent aux assauts répétés de 2 000 Mexicains. En découvrant le nombre de ses ennemis, le colonel Cambas, à la tête de l’armée mexicaine, s’exclame ce jour-là : « Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons ! » À travers la liturgie de Camerone, la Légion rendra hommage au sacrifice héroïque de volontaires engagés au service de la France, dépeints jadis par le légendaire commandant Faulques en « soldats de l’impossible, sans calculs, sûrs d’eux-mêmes et orgueilleux de leurs sacrifices ».

Photo © AFP


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