Publié le 06/05/2015
Le Villeneuvois a été très marqué par la disparition de tous « les copains » sur les champs de bataille.
Quand le conflit éclate, André Charlet a une vingtaine d’années et travaille dans le bâtiment à Lille. Son atelier étant mobilisé, il devient facteur auxiliaire. Lorsque les Allemands arrivent en 1940, il croise leur route à proximité d’une boîte aux lettres, à Flers. Les soldats roulent dans une flaque à ses pieds. Vexé, André leur adresse un bras d’honneur humide en retour. « Un homme a assisté à la scène et m’a dit : Alors, on n’aime pas les Allemands ? »
C’est par ces mots que le Villeneuvois entre dans la Résistance. Son rôle ? Glisser au pied de la boîte aux lettres des informations sur les réseaux téléphoniques et l’arrivée de pièces d’artillerie aérienne. Mais fin 1941, tout bascule. Le mot « STOP » apparaît dans la planque. « J’étais repéré, il fallait que je quitte la France. » Grâce à un Ausweiss, André traverse le pays et embarque à Marseille, direction l’Algérie, pour quatre années qui vont transformer sa vie.
Cinq campagnes, trois blessures
Septembre 1941, André rejoint la légion étrangère en Algérie. L’arrivée des Américains le propulse dans une nouvelle dimension. Pendant quatre ans, il a combattu à leurs côtés. Algérie, Tunisie, Italie, France, Allemagne, le chef des mortiers « Andy Tcharlette » a connu cinq campagnes, dont deux débarquements. Il a vécu la bataille de Monte Casino, en renfort des troupes marocaines décimées : 1 500 morts, 1 400 blessés. André s’en est tiré avec un bras cassé. Un lance-flammes lui a brûlé les jambes dans un autre affrontement au cours duquel « 2 000 canons ont tiré pendant trois jours ! »
Le Villeneuvois a croisé le pape Pie XII à Rome, il a eu interdiction de tirer sur des monuments datant d’avant le XVIIIe siècle à Sienne. Surtout, il a perdu en route tous ses amis. « Ils sont morts sans avoir eu de nouvelles de leur famille pendant trois ans.
« Restez groupire »
Les années de guerre d’André Charlet ont parfois pris des allures de goguette façon Septième compagnie. Fait prisonnier à trois reprises, le légionnaire s’est échappé autant de fois. La dernière, c’était en Allemagne, peu avant la fin de la guerre.
Marchant en colonne avec d’autres prisonniers américains et anglais, André et son ami Henry, un pilote de Boston, prétextent un besoin naturel pour s’arrêter et s’enfuient. Ils marchent plusieurs jours, puis, affamés, jettent leur dévolu sur une grande bâtisse isolée. Henry reste aux aguets, André frappe vigoureusement à la porte. Les uniformes alliés font le reste. « Un mouchoir blanc a été agité par la fenêtre. À l’intérieur, il y avait un état-major au complet : 21 Allemands ! Nous leur avons dit que nous étions un commando américain, que des renforts arrivaient. » Les deux hommes, sans arme, tiennent en respect les soldats teutons, priés de « rester groupire ».
Quelques années plus tard, Henry a invité « Andy » à son mariage. « Je lui avais interdit de vendre sa bague de fiançailles pour nous acheter à manger… »
Pluie de médailles
André Charlet a reçu de nombreuses distinctions pour ses années passées dans la Légion étrangère : l’ordre national du mérite, la médaille de l’Europe, la croix de guerre, la médaille militaire, celle des blessés, la croix du combattant volontaire, notamment.
Mais ce dont il est le plus fier, c’est d’avoir aidé ses camarades « à surmonter cette épreuve en leur apportant un peu de bonne humeur », loin de leurs familles.
Hommage
Répondant à une invitation de l’État, la municipalité avait déjà mis à l’honneur ses anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, en 2009. Ils étaient alors 49. Six ans plus tard, lorsque l’idée a été lancée de renouveler cette manifestation, ils n’étaient plus que 13 quand les invitations ont été envoyées, en février. À l’approche de l’événement, il en reste huit. Six seront présents ce vendredi. Mais trois d’entre eux se rendront directement à la salle Marianne, leur santé ne leur permettant pas de défiler.