Que pensez-vous des dernières décisions du gouvernement?

C’est très pertinent. Tout le monde bénéficie des augmentations d'effectifs, que cela soit le service central du renseignement territorial, le premier servi avec une augmentation de plus de 25% de son personnel, la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), le renseignement pénitentiaire, les douanes, la gendarmerie, la sous-direction antiterroriste. Tout cela est bien fait. D'autant que leurs budgets vont s'accroître pour l'achat de matériels. Mais il est malheureux qu'il ait fallu dix-sept morts pour en arriver là alors qu’en comparaison avec nos alliés américains, allemands ou anglais qui avaient augmenté leurs services de 25%, voire 50%, pour certains après les attentats du 11 septembre 2001, nous n'avions accru nos effectifs que de 5% à 10%. Il était temps qu'on le fasse! Sachant aussi qu'avec une mise en place qui va durer trois ans, il ne faudra pas attendre de résultats immédiats.

Que faut-il inclure dans la loi sur le renseignement?

Il faut y regarder à deux fois avant de dire que l'on a besoin de nouveaux moyens et d'étendre les mesures de type écoutes téléphoniques, autrement qu'à la marge. Un «Patriot Act à la française» serait totalement contre-productif et attentatoire aux libertés civiles. D'après ce que l'on en dit, le but de ce texte est d'être une loi-cadre sur le renseignement. Ce qui aurait dû exister depuis trois ou quatre décennies. Il s'agit de définir ce qu'est un service de renseignement, qui le contrôle, qui le note, etc. C'est-à-dire de formaliser tout ce qui a été fait depuis les réformes menées par Nicolas Sarkozy en 2008. Il faut éviter la confusion en ajoutant de nouvelles mesures antiterroristes car ce n'est pas le rôle de cette loi! Je trouve très dangereux de dire comme Jean-Jacques Urvoas, le président de la commission des lois qui doit la piloter, que l'on doit pouvoir écouter tous ceux sur qui on a une suspicion. Il faut faire très attention aux risques de dérive. Nous avons un système très développé pour lutter contre le terrorisme. Si on prend des mesures antidémocratiques, les terroristes auront gagné. Le Patriot Act américain n'a servi à rien pour éviter des attentats, mais il a institutionnalisé la torture et mis le parlement et les citoyens sur écoute. Il a favorisé le développement d'une industrie américaine de la sécurité et de la surveillance pour espionner les entreprises, les alliés des Etats-Unis et bien sûr la Chine, la Russie... Ne soyons pas naïfs! Le Patriot Act s'est révélé extrêmement négatif pour le citoyen américain et il a permis aux Etats-Unis le développement des capacités de renseignement à des buts hégémoniques et non à des fins de lutte antiterroriste.

Que vous inspire la présence d'anciens soldats français dans les rangs djihadistes?

C'est quelque chose d'extrêmement préoccupant. Même si c'est une dizaine de personnes, cela veut dire que parmi les services qui doivent voir leurs moyens renforcés figure la direction de la protection et de la sécurité de défense (DPSD). On a déjà vu par le passé des soldats perdus rejoignant des causes de toute nature par attirance pour l'aventure ou par amour de la guerre ou de l'action. Mais quand ce sont des gens qui sortent de nos unités d'élite type la Légion étrangère, c'est inquiétant. Pas tant parce que cela renforce les capacités des djihadistes que par le travail à faire dans ces unités en matière de détection des profils pouvant se radicaliser. C'est le rôle de la sécurité militaire.