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Cheyenne Carron : “Sans héros, la jeunesse est condamnée à mourir de froid”

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Par Auteur Laurent Dandrieu / Dimanche 18 mars 2018

Cheyenne Carron avec d'anciens légionnaires sur le tournage. Photo © Presse/Cheyenne Carron

Interview. Dans son nouveau film, Jeunesse aux coeurs ardents, Cheyenne Carron orchestre la rencontre d’un jeune à la dérive et d’un vieux légionnaire empreint des valeurs militaires. Rencontre avec une cinéaste résolument hors des modes.

Comment une jeune femme comme vous en vient-elle à s’intéresser à la Légion ?

À l’adolescence, pour des raisons liées à mon parcours [née en 1976 de parents kabyles qui la violentaient, elle est placée à l’âge de 3 mois dans une famille aimante, mais qui ne peut pas l’adopter avant que ses géniteurs l’aient officiellement abandonnée], la Légion me fascinait. Pour moi, pupille de l’État, la Légion, ça représentait des valeurs, l’occasion de servir mon pays, aussi de changer d’identité et de trouver une famille. À 16 ans et demi, j’ai voulu m’engager et il a fallu qu’on m’explique que la Légion n’engageait pas de femmes… Finalement, je me suis tournée vers le cinéma, mais, si j’avais été un homme, j’aurais peut-être été légionnaire ! Mais les grands rêves d’enfant ne vous quittent jamais complètement… Plus tard, à Paris, je suis devenue la voisine de Pierre Schoendoerffoer, j’ai redécouvert son cinéma à ses côtés (j’ai d’ailleurs glissé une photo de lui en Indochine parmi les souvenirs de mon légionnaire) et puis, un jour, je me suis dit qu’il était temps de faire mon film qui parle de ce rêve de jeunesse.

Mais en quoi ce prisme de la Légion peut-il éclairer un film sur la jeunesse de 2018 ?

Ces valeurs de la Légion, de camaraderie, de solidarité, ce code d’honneur qui oblige à porter secours au frère d’armes, quelles que soient sa nationalité, sa race ou sa religion, toutes ces choses créent une fraternité et un respect véritables, cette fraternité et ce respect dont la société dans laquelle nous vivons nous parle sans arrêt mais qu’elle est incapable de mettre en place. Mais ce que nous apprend la Légion, et l’armée dans son ensemble, c’est que cette solidarité n’est possible que dans une société qui est régie par des mythes, des valeurs, qui sont supérieurs aux hommes qui la composent et au service desquels ils se placent. La Légion, c’est le contraire de notre société éclatée où chacun a ses propres règles. Et quand on est jeune, ça fait rêver, parce que les jeunes se retrouvent dans cette quête de transcendance et d’idéaux.

L’idée qui sous-tend tout votre film, c’est qu’il y a dans la jeunesse actuelle une soif d’idéal qui, faute de se voir proposer des débouchés positifs par la société, ne peut que se perdre…

Cette quête d’idéal, la société contemporaine y répond difficilement. Quand mon héros répond à son prof de philo : « J’avais besoin d’un maître, pas d’un copain », il traduit bien cette quête d’autorité, qui est si difficile à satisfaire, aujourd’hui, dans la société civile, mais qui est au coeur du monde militaire. J’ai voulu dépeindre un jeune à qui il ne manque rien, aux niveaux affectif, financier, culturel — rien sauf l’essentiel, de quoi répondre à cette soif de transcendance, de quelque chose de plus haut et de plus beau que les hommes, qu’il ne sait pas où trouver et que les anciens de la Légion vont lui offrir : ces valeurs d’honneur, de sacrifice, de fidélité, de sens de la parole donnée… Toutes ces choses qu’il avait cherchées confusément, de manière un peu foireuse, faute de modèles.

Cette solidarité, vous avez pu l’expérimenter à travers le soutien apporté par l’armée à votre film…

J’avais annoncé sur les réseaux sociaux que mon prochain film parlerait d’un jeune qui finit par s’engager dans la Légion et j’ai reçu un mail m’invitant à venir en parler à Aubagne ; là, j’ai eu la surprise d’être reçue par le commandant de la Légion en personne, le général Maurin. Je lui ai présenté mon projet, puis il m’a serré la main en me disant : « Bonne chance pour votre mission. » C’était magnifique, parce que cela voulait dire qu’il me donnait sa confiance ! De même, quand le président de l’Association de soutien à l’armée française (Asaf), le général Pinard Legry, qui m’a aidée à triompher de plusieurs difficultés durant le tournage, m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, je ne vous lâcherai pas. » Le général Gausserès, qui préside la Fédération des anciens de la Légion, m’a présenté plein de gens et figure dans le film. Pour moi, qui ai toujours fait mes films toute seule, c’était précieux. Sans eux je n’aurais pas pu faire le film !

Il y a aussi dans votre film un éloge des vertus militaires de transmission…

Ce qu’il cherchait sans vraiment le savoir, mon personnage va le trouver au contact d’un ancien d’Algérie qui, sans vouloir l’épater, va lui parler avec simplicité de son parcours, avec le sentiment de faire lui-même partie d’une lignée. Il va ainsi lui permettre de s’inscrire dans une filiation qu’il s’est lui-même choisie, de choisir son destin. Et le sauver du nihilisme. Il y a une scène du film qui exprime ce danger du nihilisme qui menace tant notre jeunesse, où le héros se drogue, à la sortie d’une boîte de nuit, avec un autre jeune qui porte un tatouage, inspiré de Patrice de La Tour du Pin : « Malheur à la jeunesse dont les héros sont oubliés, car elle est condamnée à mourir de froid. » Sans modèles et sans héros, la jeunesse est condamnée à se déliter et à être tentée d’aller se chercher de nouveaux héros ailleurs — fussent-ils négatifs.


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