AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Affaire Ghesquière : pièces à conviction d'un procès à charge.

Envoyer

 

Vendredi, 23 Novembre 2012 

Retenu de longues semaines avec son collègue Stéphane Taponier par des talibans afghans, Hervé Ghesquière a raconté dans un livre publié récemment son enlèvement. A sa manière, qui n'a pas convaincu notre contributeur Jean-Christophe Notin, historien et écrivain.


Selon Jean-Christophe Notin, la version de son enlèvement par Hervé Ghesquière et les accusations qu'il porte sont plus que contestables.

Qu'ont en commun Nicolas Sarkozy, Hervé Morin, Claude Guéant et le chef d'état-major des armées?
En un an, Hervé Ghesquière leur a à tous reproché d'avoir pointé son imprudence comme la raison première de sa capture, le 30 décembre 2009. Le seul, selon lui, à avoir pu les "abreuver" de "fausses informations": le conseiller communication des forces françaises (ou CONSCOM) en Afghanistan, le lieutenant-colonel Jackie Fouquereau. En cause, principalement, un email, envoyé par l'officier le 29 décembre au rédacteur en chef de l'émission Pièces à conviction, Lionel De Coninck, qui, dès le 30, atterrit sur le bureau du président de la République.
Un seul email aurait suffi à faire naître la colère au sommet de l'Etat?

Retour sur les faits.
En novembre 2009, après un premier refus de l'Etat-Major des Armées, Pièces à conviction décroche le feu vert du cabinet du ministre de la défense en lui "vendant" un hommage aux troupes françaises. Ghesquière dit ne pas en avoir été informé "si clairement", mais il cautionne: sans ce mensonge, affirme-t-il, impossible de pénétrer la forteresse militaire et d'atteindre le vrai but, démontrer que l'armée française ne contrôle pas la route Vermont, axe principal de la Kapisa.
Mais sur place, la méthode dérange. Selon les témoignages recueillis, le journaliste agace par ses questions répétitives à des personnes et en des lieux non autorisés; il sort du blindé qui le transporte pour faire un "plateau" en plein échange de tirs avec les insurgés.
Enfin, en apostrophant à Tagab un civil américain, il suscite un cas de "strong protest" des autorités US. Voilà ce à quoi fait allusion le fameux e-mail du 29 décembre, où Ghesquière - et pas Taponier - est dépeint comme "assez peu respectueux des consignes, bravant les interdictions et manifestant trop souvent une agressivité verbale", animé enfin "en permanence par un sentiment de suspicion".

"C'est une première pour moi", relate le CONSCOM qui, rien qu'en 2009, a accueilli 167 journalistes. Quant à la route Vermont, le colonel Vincent Pons, commandant des lieux, expose au deux journalistes de France3 sa mission depuis un mois: assurer le contrôle des dix kilomètres au sud de Tagab pour y installer durablement les forces afghanes. Il pense que les récents accrochages sont suffisamment significatifs de l'insécurité qui y règne. C'est néanmoins là que Ghesquière et Taponier se rendent, le 30 décembre, pour, diront-ils, interroger les Afghans hors de la présence de militaires.


547 jours de captivité plus tard, Ghesquière choisit l'attaque pour s'expliquer: jamais personne ne l'aurait mis en garde. Pourtant le CONSCOM est venu en Kapisa, le 24 décembre, le menacer d'arrêter le reportage en raison, affirme-t-il, "des risques que l'on m'indiquait qu'il faisait courir à la troupe. Mon plus grand regret est de ne pas être passé à l'acte".
Le 28, nouvelle conversation houleuse. Prévenu par l'une de ses subordonnées du projet de Ghesquière de "faire", seul, la route Vermont, Fouquereau appelle aussitôt le journaliste: "Il m'a expliqué qu'il passerait par le sud où même nous ne nous aventurions pas, puis par le nord où c'était à peine moins dangereux". Au bout de 45 minutes, Ghesquière renonce, ainsi que l'entendent distinctement l'adjoint du CONSCOM grâce au haut-parleur, tout comme la subordonnée se trouvant au côté de Ghesquière. Mais, pas totalement serein, Fouquereau appelle De Coninck qui lui aurait promis d'intervenir. Et, à la demande de ce dernier, Fouquereau rédige l'e-mail du 29, dont Ghesquière, à son retour, niera l'existence avant de se raviser. Le CONSCOM en effet n'a pas jugé nécessaire de stipuler dans son e-mail qu'il avait déconseillé à Ghesquière de se rendre seul en Kapisa. Il ignorait que l'idée de ce "petit crochet hors du giron [militaire]", dixit le journaliste, avait été décidée "bien avant qu'[ils] parte[nt]".

En revanche, Ghesquière n'a jamais reconnu l'échange téléphonique du 28, arguant même qu'"il était convenu avec [l'armée] que nous prendrions un jour de liberté pour nous rendre sur cet axe". Quoiqu'il en soit, le contexte n'appelait-il pas déjà à la plus grande prudence? Une embuscade sur la route Vermont avait récemment coûté la vie à trois soldats français; le journaliste n'avait jamais rallié la Kapisa qu'en convoi militaire ou en hélicoptère. Enfin, les Afghans aussi l'ont alerté.
Le 30 décembre, un check point barrait en effet l'accès à la vallée. Comme jamais la police locale n'y avait intercepté d'Occidentaux sans escorte militaire, elle appela à la rescousse l'armée nationale (ANA), qui déconseilla d'aller plus loin. Pour preuve, Ghesquière écrit avoir "insisté 'en douceur". Impossible de savoir ce qu'il entend par là puisqu'il n'a pas répondu à nos questions. De toute façon, les Afghans n'avaient pas instruction de barrer le passage à des Occidentaux. "Et pour cause, explique un officier français en poste non loin, personne n'avait imaginé ce cas envisageable!" In fine, Ghesquière prétend ne pas avoir été prévenu du danger d'une prise en otage. Cette année-là pourtant, sept ses confrères ont été enlevés en Afghanistan.


Dès sa libération, des e-mails ont agité les milieux militaires, évoquant des conséquences graves à sa mésaventure pour la task force française. Qu'en a-t-il été? Tout a été mis en œuvre en Kapisa pour rechercher les deux hommes et empêcher leur transfert au Pakistan, occasionnant pour le personnel une surcharge de travail indéniable, mais, comme l'affirme un officier, "les aléas font partie de notre métier". Plus dérangeant politiquement, l'enlèvement a provoqué le retour en Afghanistan des forces spéciales, dont ne voulait pas Nicolas Sarkozy.

En revanche, en dépit des rumeurs, aucun des 27 morts déplorés durant la période de captivité ne devrait, selon des sources informées, lui être directement reliée. L'armée française aurait pu néanmoins se retrouver en très fâcheuse posture si elle n'était parvenue à dissuader l'ANA de se livrer aux opérations de rétorsion qu'elle avait envisagées. Il est indiscutable, par ailleurs, que le déroulement des opérations fut durablement perturbé par celui des négociations, que deux zones stratégiques furent sanctuarisées, où les insurgés savaient pouvoir se replier et se recompléter en toute impunité.
De surcroît, la traque mobilisa tous les moyens de renseignement de la province, qui manquèrent donc partout ailleurs. L'impact de ces contraintes sur les troupes françaises est impossible à quantifier. Mais l'effet sur le moral des troupes continue de s'exercer de manière profonde.

* Hervé Ghesquière, 547 jours dans le piège afghan, Albin Michel, 2012
** On n'est pas couché du 16 septembre 2012
*** Interview à La Plume d'Aliocha (4 novembre 2011)
**** Arrêts sur Images (22 juillet 2011)
***** Interview à La Plume d'Aliocha (4 novembre 2011)
Jean-Christophe NOTIN

Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui6474
mod_vvisit_counterHier6287
mod_vvisit_counterCette semaine14676
mod_vvisit_counterSemaine dernière40850
mod_vvisit_counterCe mois91640
mod_vvisit_counterMois dernier119907
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919950976

Qui est en ligne ?

Nous avons 2500 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42815005
You are here REPERTOIRE ARTICLES 2012 Affaire Ghesquière : pièces à conviction d'un procès à charge.