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Légionnaire toujours...

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Eloge funèbre du général de corps d’armée Jacques LEMAIRE

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Mon général, mon ancien, et, si vous le permettez, cher compagnon d’armes,

Le 11 juillet 2011, ici même aux Invalides, vous étiez élevé à la dignité de Grand Croix dans l’ordre de la Légion d’Honneur ; par cet adoubement, la France reconnaissait en vous un de ses grands serviteurs et par cet adoubement au soir de votre vie, vous entriez dans la cohorte restreinte des Français qui ont eu cet honneur : quelques chefs militaires, quelques résistants ou déportés, des Compagnons de la Libération, quelques grands hommes de lettres ou des serviteurs de l’Etat parmi les plus connus ! En deux siècles d’existence de l’Ordre, moins de 3 000 hommes et femmes ont reçu cette distinction et vous êtes moins de 100 Français à pouvoir l’arborer !
Et aujourd’hui, moins de 18 mois plus tard, vous êtes à nouveau présent pour un ultime hommage, « couché dessus le sol à la face de Dieu » et, puisque la noblesse, la grandeur et l’histoire du lieu s’y prêtent, on peut poursuivre cet ode de Péguy :
« Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l'appareil des grandes funérailles ! »
Car il en est ainsi de la vie des hommes, comme de la vie des Invalides : aux heures heureuses, succèdent les heures douloureuses, au temps des fêtes suit le temps du deuil, après la splendeur de l’été et la douceur de l’automne, vient l’hiver avec ses jours sombres.
Et aujourd’hui, mon ancien, vous retournez dans la terre qui vous a vu naître, voici près de 90 ans ; vous retournez vers cette terre charnelle, que vous avez si souvent et si bien défendue ; vous rejoignez surtout tous vos compagnons d’armes, partis très jeunes, sans doute trop jeunes, dont la mort vous a marqué, plus que votre pudeur ne vous autorisait à le dire.
Vous rejoignez ainsi vos camarades, qui comme vous se sont engagés dans le régiment des sapeurs pompiers, et, en tant que résistant, ont participé à la libération de la Capitale en ce mois d’août 44.
Vous rejoignez vos légionnaires, tombés en Indochine, sacrifié dans l’indifférence de la nation et au cœur de la jungle indochinoise :
- ceux du 2e Etranger avec qui, par une mauvaise blessure au cou, vous avez failli perdre la vie ;
- ceux de la Compagnie disciplinaire que vous conduirez au combat pour se couvrir de gloire ;
- et surtout ceux du 2e Bataillon étranger de parachutistes, avec qui vous allez écrire parmi les plus belles pages de l’histoire du bataillon, à tel point que vous en porterez la fourragère à titre personnel.
Vous rejoignez ceux qui sont tombés à vos côtés au cours des combats dont les noms sont inscrits désormais en lettres d’or au régiment : Nghia-Lo ; Ba Vi ; Vietri ; Phu Doan ; Na San ; la RC6 et tant d’autres !
Mais vous rejoignez aussi, votre chef, le Ces RAFFALLI, mort au combat, pour être resté une fois de trop debout face à l’ennemi, et le capitaine HAMACEK, tué à la tête de sa compagnie de combat.
Vous rejoignez aussi tous vos camarades, qui comme vous ont écrit les débuts de l’épopée des légionnaires-parachutistes, qui comme vous sont revenus meurtris d’Indochine, qui comme vous ont continué le combat en Algérie et, une fois la paix revenue, ont poursuivi leur route, et puis qui, atteints un jour par l’âge ou frappé par la maladie, ont quitté la terre des hommes, MORIN, CAILLAUD, CABIRO, LIESENFELT, BLOCH et bien d’autres !
Et puis vous rejoignez aussi ceux qui sont tombés sous vos ordres en Algérie, que ce soit à la tête du Centre d’entrainement militaire de la jeunesse algérienne ou dans les rangs du 14e Régiment de Chasseurs Parachutistes.
Vos blessures et vos 11 titres de guerre sont suffisamment éloquents pour montrer que vous fûtes un homme d’action, et sans doute plus que cela, un homme de passion pour l’action, au point de vouloir rester toujours en pointe des combats, en première ligne des hommes des troupes d’assaut.
Vous qui avez eu une jeunesse rude, vous qui avez connu, à votre adolescence, l’humiliation de l’occupation, vous avez, durant les 40 premières années de votre vie, forgé votre caractère à l’école de la guerre ; vous avez appris que les plus grandes réussites sont toujours du côté de la plus grande exigence ; et vous n’aurez de cesse de montrer, par votre style de commandement exigeant et même parfois rugueux, qu’au combat les erreurs dues à la bonté d’âme ou au sentiment, sont vraiment la pire des choses, car vos nombreux engagements vous ont montré que l’adversaire, lui, n’en avait guère à votre égard, à notre égard !
C’est ainsi qu’une fois la paix revenue après la tragédie algérienne, une fois les armées rapatriées dans leurs garnisons de France, vous mettrez votre sens de l’action au service de la formation des élèves et des stagiaires qui vous seront confiés ; vous allez alors avoir la passion de la formation et la passion de transmettre aux plus jeunes générations tout ce que l’expérience du combat vous a appris : d’abord à l’Ecole des troupes aéroportées de Pau, puis durant 5 ans, vous allez donner au centre d’entraînement commando de Givet ses lettres de noblesse ; vous serez désigné ensuite pour commander le lycée militaire de Saint-Cyr que vous marquerez de votre empreinte et enfin vous commanderez l’Ecole Nationale des sous-officiers d’active de Saint-Maixent, dont les élèves sont venus vous rendre ce dernier hommage.
Ces commandements en école seront entrecoupés de deux commandements de formations opérationnelles : celui du 67e Régiment d’Infanterie d’une part, à la tête duquel vous allez vous illustrer en juin 1972, lors de la catastrophe ferroviaire de Vierzy en apportant les premiers secours et en assurant leur coordination durant les premières 48 heures en attendant que les autorités civiles prennent le relais et, puis, sommet de votre carrière de soldat et de parachutiste, vous commanderez la 11e division parachutiste, avant de vous retirer définitivement de la vie active.
Si vous êtes restés discret durant votre retraite, sachez que votre nom et surtout votre visage restent gravés chez vos héritiers du 2e REP, car parmi les photos qui ornent la salle d’honneur et le PC du régiment, se trouvent ces quelque clichés mythiques d’Indochine, celui où vous êtes aux côtés de RAFFALLI, inquiets devant une liaison radio qui ne passe pas, celui de votre remise de Légion d’honneur par le général de LATTRE et celui où vous portez vous-mêmes un de vos lieutenants, grièvement blessé pour accélérer son évacuation par hélicoptère.

Mon général et mon ancien, vous qui avez connu les tempêtes de notre pays, qui en avez connu les heures glorieuses et en avez partagé les drames, vous qui avez sacrifié beaucoup de votre vie personnelle pour le service de notre pays, vous qui avez aimé la vie et côtoyé la mort, nous tenons aujourd’hui à vous adresser un dernier hommage, pour être resté fidèle à votre parole, à votre honneur et à vos amis ; votre vie, votre sens du service, votre caractère trempé et même entier et votre exemple nous engagent aujourd’hui, nous vos fils spirituels, à écouter votre voix et à suivre votre trace, pour éclairer notre chemin, celui qui nous mène à demain.
Adieu mon ancien et merci !

Général d'Armée Bruno Dary

Les Invalides - le vendredi 7 décembre 2011


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