A peine avions-nous fait quelques pas, nous aperçûmes tout à coup, sur un monticule à droite et en arrière de nous, les cavaliers mexicains massés, sabre au poing et s'apprêtant à charger. ils avaient remis leurs vestes de cuir sur leurs épaules, et nous les reconnûmes très bien; le coup de feu de leur vedette les avait appelés. A cette vue, le capitaine Danjou, ralliant les deux sections de l'escouade d'arrière-garde, nous fait former le carré pour mieux soutenir la charge; au milieu de nous étaient les mulets; mais les deux maudites bêtes, pressées de tous les côtés et regrettant leur ancienne liberté d'allures, ruaient, faisaient un train d'enfer; force nous fut de leur ouvrir les rangs, et ils partirent au triple galop dans la campagne, où ils n'allaient pas tarder à être capturés. Les ennemis avaient sur nous l'avantage du lieu, car le terrain, plan et dégarni aux abords de la route, favorisait les évolutions de leur cavalerie; au petit pas, ils descendirent le coteau, se séparèrent en deux colonnes afin de nous envelopper, et, parvenus à 60 mètres, fondirent sur nous avec de grands cris.Le capitaine avait dit de ne point tirer: aussi les laissions-nous venir sans broncher, le doigt sur la détente; un instant encore, et leur masse, comme une avalanche, nous passait sur le corps; mais, au commandement de feu, une épouvantable décharge, renversant montures et cavaliers, met le désordre dans leurs rangs et les arrête tout net. Nous continuions le tir à volonté. ils reculèrent. Sans perdre de temps, le capitaine nous fait franchir un petit fossé garni d'une haie de cactus épineux, formant clôture, qui bordait la route sur la gauche et remontait jusqu'à Camaron. Par malheur! une partie des Mexicains nous avait déjà tournés par le nord-est de la hacienda; les autres avaient essayé de franchir la haie de cactus! mais leurs chevaux! pour la plupart! s'étaient dérobés. Une seconde fois! nous nous formâmes en carré, et comme les assaillants étaient moins nombreux, comme ils ne chargeaient plus avec le même ensemble, nous soutînmes cette attaque encore plus résolument que la précédente. Ils reculèrent de nouveau. Cependant! notre situation devenait critique. Rejoindre les bois? il n'y fallait plus songer: la hacienda au contraire était peu éloignée; avec du sang-froid, du bonheur aussi, nous pouvions nous y réfugier, et tenir derrière les murs! jusqu'à l'arrivée probable d'un secours. Le parti du capitaine fut bientôt pris: sur son ordre, nous mettons baïonnette au canon, puis, à notre tour, tête basse, nous fonçons sur les cavaliers groupés devant nous; mais il ne nous attendent pas et détalent comme des lièvres. Si le Mexicain fait preuve souvent, en face des balles, d'un courage incontestable, et même un peu fanfaron, il semble que tout engagement à l'arme blanche soit beaucoup moins de son goût. |