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Légionnaire toujours...

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Octobre 1950 le désastre de la R.C.4 au Tonkin

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Le Vietminh lance une grande offensive sur le Haut Tonkin.

Le corps de bataille du Vietminh peut compter sur la division 308, créée le 6 juin 1948, forte de trois régiments d’infanterie complets, et d’un quatrième en formation, d’un bataillon de transport et d’un de D.C.A. Au total, 22 000 hommes qui gravitent entre la R.C. 4 et la frontière chinoise.

18 septembre : la chute de Dong Khé.

            Dong Khé, à 40 kilomètres au sud-est de Cao Bang, est dominé à l’est et au nord par des sommets calcaires. Cinq postes périphériques, plantés sur les hauteurs, contrôlent les accès de la plaine. La citadelle, bâtie sur une butte, accueille le P.C. de la défense, aux ordres du capitaine Allioux, adjudant-major du II/3e R.E.I., la 6e compagnie, quelques artilleurs et les canons. La 5e compagnie occupe une vieille enceinte fortifiée dans le village.
            Le 14 septembre, les Viets isolent Dong Khé.
            Le 16 septembre, l’attaque se déclenche avec un bombardement intensif de la citadelle.
            Au lever du jour, la citadelle et les défenses immédiates tiennent toujours.
            Le 17 septembre, les survivants se regroupent dans la citadelle.
            Le 18 septembre, vers 4 heures, c’est la ruée. Par centaines, les Viets montent à l’assaut.
            Les légionnaires opposent une résistance farouche à leurs assaillants avant d’être anéantis. Au terme de 48 heures d’une résistance héroïque, le poste succombe. Seul un officier et quelques légionnaires réussissent à rejoindre That Khé.
            Dong Khé est tombé. 85 légionnaires ont été tués. Plus de 150 légionnaires, presque tous blessés, prennent le chemin des camps de prisonniers pour y connaître souffrances et mort.
            Le fanion du II/3e R.E.I. reçoit la croix de guerre des T.O.E. avec palme.
            La R.C. 4 est désormais coupée à Dong Khé par les Viets.

17 septembre : le 1er B.E.P. saute, en deux vagues (le 17 à 18 heures 15 et le 18), sur That Khé, à 25 kilomètres au sud, où se rassemble la colonne Lepage, groupement Bayard. Le 1er B.E.P., est sensiblement au complet avec 500 hommes dont 23 officiers et 53 sous-officiers aux ordres du commandant Pierre Segrétain, handicapé par une sciatique.

    That Khé n’est qu’une modeste cuvette baignée par un arroyo, le Song Ky Cong. La bourgade s’étire le long d’une rue principale, avec une petite église catholique. Deux compagnies du II/3e R.E.I., commandées par le capitaine Labaume, tiennent les lieux.


L’évacuation de Cao-Bang est décidée.

18 septembre : ayant décidé le 16 septembre, en plein accord avec Pignon le Haut-commissaire, le repli de Cao-Bang, le général Marcel Carpentier se rend à Langson pour conférer avec le colonel Constans, chef de corps du 3e R.E.I., pour préparer le repli de Cao-Bang où se trouve son adjoint, le lieutenant-colonel Pierre Charton.

            Face au Vietminh, est prescrit le repli sur Lang Son des garnisons de Cao Bang et des postes disséminés le long de cette artère infernale, la R.C.4., l’opération Thérèse.
            Les civils et inaptes sont évacués de Cao-Bang par avions, qui amènent un Tabor en renfort ; le lieutenant-colonel Pierre Charton dispose pour sa colonne de retraite de trois bataillons : le III/3e R.E.I ; du commandant Forget, un bataillon de partisans et le Tabor.
            La colonne montant en appui et recueil est confiée au lieutenant-colonel Lepage, artilleur. Elle est constituée par deux Tabors, 1er et 11e, et un bataillon de marche du 8e R.T.M. Le 1er B.E.P. lui est affecté en renfort.

20 septembre : le lieutenant-colonel Lepage envoie les légionnaires sonder les crêtes proches. Manifestement il y a du monde, notamment sur la cote 703, qui domine le col de Lung Phai où s’insinue la RC 4 avant la descente sur Dong Khé.

22 septembre : le groupement Bayard, fort de quatre bataillons avec le 1er B.E.P., lance une reconnaissance en force, en direction de Poma, à 12 kilomètres au nord-est de That Khé. L’endroit est plus que fréquenté. Les goumiers occupent les crêtes, les légionnaires les objectifs signalés. L’opération se solde par des stocks de munitions détruits, quelques prisonniers et de nombreux documents. Le repli s’effectue sous des tirs nourris de mortiers de 81 qui occasionnent des blessés.

24 septembre : le lieutenant-colonel Charton reçoit du général Alessandri l’ordre de repli de Cao Bang ; par la R.C. 4 la colonne Charton devra faire sa jonction avec le groupement Lepage qui viendra à sa rencontre.


Du 23 septembre au 4 octobre : la bataille de Sin Ma Kay.

            La situation s’est aggravée à l’est de Lao-Kay où les garnisons évacuent. Celle de Hoang Su Phi, à base de tirailleurs Thaïs et de partisans Méos, avec le capitaine Paul Bazin, pique vers l’ouest pour rejoindre le poste de Muong Khuong, via Pha Long ; la garnison de Pa Kha, le III/4e R.T.M. remonte vers le nord car les Viets au sud et une barrière montagneuse à plus de 1500 mètres à l’ouest, lui interdisent de progresser vers Lao Kay.
            Le sous-groupement du capitaine Dussert saute sur Sin Ma Kay pour aider le III/4e R.T.M.
            Prévenu par des partisans Méos d’une présence Viet au sud-est de Sin Ma Kay, le capitaine Dussert dépêche la 2e compagnie du lieutenant Bernard Cabiro avec les sections des lieutenants Gervet et Yvon Neveu et la section du lieutenant Rollin de la 1re. Le Cab a les réflexes rapides et la surprise joue à plein ; 15 Viets tués, un F.M. et une vingtaine d’armes individuelles saisies. Une fois de plus, le grand Bethery s’est mis en exergue.
            Ordre est donné au III/4e R.T.M. d’accélérer son regroupement.
            Le 27, à 23 heures, la colonne s’ébranle en direction du bac de La-Heu sur le Song Chay qu’il faut impérativement franchir pour se retrouver sur le versant de Lao Kay.
            Le 27, vers deux heures du matin, les éléments de tête atteignent La-Heu ; le Song Chay roule des flots impétueux avec des remous et des tourbillons. Au cours d’une première tentative avec le radeau, le lieutenant Yvon Neveu disparaît entraîné par les flots ainsi que les deux passeurs ; le sergent Simonot, le caporal Klimper sont les seuls rescapés.
        Le 28, le radeau est remis en état et le Song Chay amorce une décrue sensible : une journée et demie est nécessaire pour achever les transvasements.
        Le 29, en fin d’après-midi, Pha Long est atteint. Pha Long possède un poste d’importance ; cette position se situe en pays Méo de population francophile.
        Le 30, le capitaine Paul Bazin, replié de Hoang Su Phi via la Chine, rallie Pha Long.
        Le 3, vers 17 heures, une trouée dans la couche nuageuse, permet le ravitaillement en vivres et en munitions sur la DZ de Pha Long.
        Le 4 à 9 heures, le sous-groupement du capitaine Dussert se remet en route en direction de Lao Kay, à 90 kilomètres : trois étapes de 30 kilomètres avec bivouac nocturne à Muong Kuong et Ban Lao. Le 2e B.E.P. a accompli sa mission après un crapahut difficile.


Le groupement Bayard du lieutenant-colonel Lepage se met en route.

30 septembre 1950 : à 5 heures du matin, c’est le vrai départ du groupement Bayard pour l’opération Tiznit ? Sa mission est de porter le gros des forces sur Dong Khé.

            Goumiers et tirailleurs ouvrent l’itinéraire et occupent la cote 703.
            Le 1er B.E.P. est parti avec deux jours de ration.
            Dans la descente du col, les légionnaires doublent les tirailleurs. Le commandant Pierre Segrétain veut jouer la rapidité et la surprise. A  cinq kilomètres de Dong Khé, la 1ère compagnie du capitaine Garrigues, suivie par le P.C. du bataillon, le peloton des élèves gradés, la C.C.B. aux ordres du lieutenant Deborde, et la 2e du capitaine Bouyssou, déboîte et part s’installer sur le Na Kéo, hauteur à environ un kilomètre de la R.C. 4. La 3e compagnie du capitaine de Saint-Etienne reste en réserve d’intervention.
            Le peloton des élèves bradés avec le lieutenant Roger Faulques avance vers Dong Khé ; il rencontre une patrouille de quatre Viets ; les P.M. français tirent les premiers. Trois hommes boulent à terre, le dernier disparaît sous les couverts. L’alerte est donnée.
            Le peloton fonce vers Dong Khé mais son élan est bloqué par le tir d’une mitrailleuse et une salve d’obus de 81. Un élève caporal est tué. Deux autres sont légèrement blessés.
            Rapidité et surprise sont les seuls atouts des légionnaires parachutistes. Le 1er B.E.P. est prêt à donner l’assaut mais le lieutenant-colonel Lepage en décide autrement.

1er octobre 1950 : le Morane d’observation signale de nombreuses files de Viets, dévalant des massifs à l’est de la R.C. 4, progressant par de petites pistes en direction de l’ouest, voulant encercler les P.A. avec le 1er B.E.P. du commandant Segrétain et du Na Kéo avec le 11e Tabor du commandant Delcros.

2 octobre 1950 : un message du colonel Constans précise au lieutenant-colonel Lepage sa mission : Cao-Bang décrochera cette nuit ; le groupement Bayard doit se porter au devant du lieutenant-colonel Pierre Charton. Le lieutenant-colonel Lepage renonce à enlever Dong Khé ; il bascule sur sa gauche pour retrouver la colonne de repli qui, devant le verrou tiré devant elle, sera contraint d’adopter un autre itinéraire. Mais il s’affaiblit en scindant sa troupe. Le B.E.P. sur la cote 615 et 11e Tabor sur le Na Kéo le couvriront face à l’est tandis que lui-même avec le 8e R.T.M. et le 1er Tabor s’avancera vers la colonne de repli. A 15 heures, la bataille fait rage sur le Na Kéo ; les Viets pilonnent le 11e Tabor sans cesser de lancer des assauts ; le 1er B.E.P. entame son mouvement pour contourner Dong-Khé. Sur les nerfs depuis le matin, les légionnaires sont déchaînés et passent littéralement sur le ventre des bo-doï, submergés par cette hargne trop longtemps contenue. Le 11e Tabor passe une nuit d’enfer sur le Na-Kéo ; les goumiers se battent au corps à corps. Les Viets sont près du sommet.


Le groupement du lieutenant-colonel Charton quitte Cao-Bang.

3 octobre 1950 : la chasse intervient sur le Na Kéo pour soulager les goumiers. Le 1er B.E.P. délaisse la cote 615 pour se porter à la rescousse du 11e Tabor. Le 11e Tabor n’est plus qu’une troupe laminée par les combats menés depuis 48 heures. Les rescapés se replient vers Na Pa et la R.C. 4. Vers le 1er B.E.P. convergent deux régiments de la brigade 308, l’unité phare du général Giap. Les légionnaires aménagent au mieux les tranchées existantes et creusent de nouveaux abris. Le lieutenant Meyer de la 2e compagnie est tué par une balle de mitrailleuse.

            A 15 heures, c’est l’assaut au sifflet. L’adversaire à moins de 50 mètres, les légionnaires ouvrent le feu avec des MP 40 et des grenades défensives ; un straffing des King Cobra contribue à refouler les assaillants. De son côté le lieutenant-colonel Lepage est accroché sur l’autre versant de la cuvette de Dong Khé. Le Viet en force est partout disséminé.
            Le jour décline. Précédée d’une intense préparation de 75, une nouvelle vague arrive en hurlant suivie aussitôt par une autre. La 3e compagnie supporte le choc principal. Le P.E.G. du lieutenant Roger Faulques intervient et rétablit une situation un moment compromise. L’attaque est brisée. Les pertes des Viets sont lourdes. La situation est grave : les chargeurs de F.M. net de P.M. sont presque tous vides. Grenades et obus de mortiers manquent. Une centaine de blessés, légionnaires et goumiers, alourdit la position. Le médecin-capitaine Pédoussant et le médecin-lieutenant Levy sont débordés ; ils se dépensent au mieux avec les infirmiers pour soulager temporairement les blessés.
                Sur ordre, le groupement du lieutenant-colonel Charton quitte sa position fortifiée de Cao Bang : il comprend le III/3e R.E.I., le 3e Tabor marocain, un bataillon de partisans thôs ; en tout 1 600 hommes, auxquels se joignent 500 civils. La colonne emprunte la R.C.4 et marche lentement. Des groupes de partisans, dont celui du 1er B.E.P. du caporal Constant et du sergent Hoï, éclairent la colonne. Mais la colonne avance au massacre. Le général Giap dispose d’une gigantesque embuscade sur la R.C.4 avec 30 000 hommes, dix fois l’effectif total des forces françaises.

4 octobre 1950 : le décrochage de Na Kéo vers la R.C. 4 commence vers 3 heures du matin. Une mauvaise pluie rend la pente excessivement glissante ; les légionnaires qui portent les brancards de fortune évitent difficilement les chutes ; les blessés précipités à terre se taisent.

            Les retrouvailles avec la R.C. 4 redonnent espoir. Tirailleurs et goumiers rescapés du Na Kéo progressent en tête. Le 1er B.E.P. suit. Mais dans le défilé dit de la 73/2, dans la montée vers le col de Lung Phai, une embuscade se dévoile. Les Viets essaient de tronçonner la colonne Delcros. L’embuscade provoque une panique chez les goumiers et les tirailleurs traumatisés. Une intervention énergique des légionnaires du capitaine Garrigues fait refluer les Viets. Mais colonne est bloquée par un à-pic de 100 mètres.
            Le lieutenant-colonel Lepage est installé sur la cote 765, point culminant du massif, sur la ligne faîtière séparant la cuvette de Dong Khé de la vallée de Quang Liet par laquelle doit déboucher la colonne de repli. Il demande au 1er B.E.P. de le rejoindre. Mais il décide de partir vers l’ouest en direction de Coc Xa, un hameau dans la vallée de Quang Liet, afin de se rapprocher de la colonne de repli. Mais la compagnie du 8e R.T.M. qui doit attendre le 1er B.E.P. sur la cote 765 décroche. Lorsque les légionnaires se présentent, ils sont reçus par des feux nourris de mitrailleuses. La piste descendant vers Coc Xa s’avère impossible.
            Le commandant Pierre Segrétain a l’obligation de faire demi-tour. Il cherche un autre itinéraire. Avec les brancards et les blessés, tout en se gardant des Viets, la tâche devient inhumaine. Finalement, à minuit, le commandant Pierre Segrétain et son adjoint, le capitaine Pierre Jeanpierre, décident d’attendre le jour et d’exploiter une faille éventuelle.

5 octobre 1950 : les officiers du 1er B.E.P. peuvent faire le point. Ils découvrent, sur leur droite et sur leur gauche, les arêtes rocheuses qui leur barraient le chemin durant la nuit. La fameuse vallée de Quang Liet, étroite bande de rizières entre les hauteurs, s’allonge nord-est en contrebas de leur position. La cote 533 domine le thalweg. Le hameau de Coc Xa doit se trouver à trois bons kilomètres. Le P.E.G. utilise la faille : la voie vers la vallée est ouverte. La 1re compagnie dépêche sur la 533 la section du lieutenant Tchabrichvili.  

    Vers midi, un convoi muletier venant du P.C. Lepage se manifeste. Pas de quoi réveillonner mais, pour des affamés, cette manne calme un peu les ventres creux. Le lieutenant Lefebure, chef du détachement, a risqué gros en s’aventurant sans grande protection. En milieu d’après-midi, le convoi repart avec les blessés et une section de légionnaires comme escorte.
    Vers 17 heures la liaison avec le P.C. Lepage s’établit ; Segrétain et Jeanpierre veulent quitter cette position indéfendable : les ordres attendus arrivent ; le 1er B.E.P. doit s’implanter sur la cote 477, qui domine la vallée de Quang Liet sur l’ouest.
    Le 1er B.E.P. commence son mouvement quand une intense fusillade éclate sur la cote 533. La 1re compagnie marche au canon. Trop tard. Une nuée de bo-doïs, s’est ruée sur la section Tchabrichvili. Le combat a été bref. La section est balayée. A cet assaut répond le rush des légionnaires balayant tout sur son passage. Au sommet, ils retrouvent les rares rescapés de la section. Le sergent Antonoff se demande quelle baraka l’a inscrit avec trois camarades au nombre des rescapés.
    Cette attaque remet en cause tout le déroulement de la bataille. Les Viets se manifestent en force dans la vallée de Quang Liet. Les groupements Lepage et Charton sont encerclés.
    Le 1er B.E.P. se met sur la défensive, à court de munitions, dans un terrain truffé de Viets. Il doit désormais rejoindre le colonel à Coc Xa dès que possible.
    La marche s’amorce sur une piste étroite. Les voltigeurs de pointe se méfient de l’embuscade : elle survient sur les arrières. A la 3. Les sections des lieutenants Marce et Berthaud sont coupées du gros. Marce rejoindra le lendemain mais Berthaud isolé sera piégé trous jours plus tard.
    De son côté, le convoi de Cao Bang parcourt en deux jours une vingtaine de kilomètres. La chaussée devient inutilisable. Cependant, le Vietminh ne manifeste que rarement sa présence. Le gros de ses forces s’oppose au groupement Lepage qui se trouve en grande difficulté. Dès lors le plan prévu ne peut être suivi et la colonne Charton doit modifier sa marche. Evitant la R.C.4 et Dong Khé, elle emprunte la vallée du Quang Li.

6 octobre 1950 : le colonel Lepage n’est pas à Coc Xa, au fond de la vallée, mais un peu plus haut, ‘’dans la cuvette de Coc Xa’’, une large dépression, un bon kilomètre au sud de la cote 649, traversée par la piste menant de la cote 765 à Coc Xa.

    Le 1er B.E.P. ne compte plus guère que 350 valides quand il amorce la montée vers la cuvette. La piste, enserrée dans une végétation intense, se glisse entre deux parois calcaires. Aux deux tiers du parcours, sur un palier, elle offre une source ; ce point de passage quasi obligé verrouillant la descente de la vallée est gardée par des tirailleurs du 8e R.T.M. Le site est dominé de toutes parts. ‘’Un vrai trou à rats’’ grommelle Jeanpierre.
    Un parachutage à moitié réussi permet aux légionnaires de compléter leurs chargeurs et de se partager une boîte de rations pour deux. Les partisans du lieutenant Stien, l’O.R., font cuire des tubercules de manioc sous la cendre. Un festin de roi !
    Segrétain et Jeanpierre sont partis aux informations. Lepage compte sur Charton pour se dégager. De Langson, Constans ne cesse de dire ‘’Décrochez, décrochez’’.
    En début d’après-midi, une éclaircie ; la colonne de Cao Bang a été retardée mais demain matin, elle se portera sur la cote 477. Lepage voit dans sa cuvette un havre de paix.
    Des salves de 81 tombent ; les Viets ont parfaitement localisé les Français. Leur étau se resserre. Vers 17 heures, Les Viets sont à la source et verrouillent l’issue de la cuvette.
    Dans son P.C., Lepage est conscient d’avoir séjourné trop longtemps dans sa cuvette. Il n’a qu’un recours : le B.E.P. A Segrétain et ses légionnaires de forcer le passage pour gagner la cote 477 avec une attaque de nuit. Les blessés resteront sur place avec le médecin-capitaine Pédoussant, les médecins lieutenants Lévy, Rouvière et Ensalbert du 11e Tabors, du 1er B.E.P. et du 8e R.T.M., volontaires pour rester, et quelques infirmiers.
    De son côté, exténuée de fatigue, la colonne Charton arrive à proximité du secteur où le combat fait rage. Vers 18 heures, en débouchant sur la cote 590, le III/3e R.E.I., arrière-garde du groupement, est durement accroché. A l’avant, le 3e Tabor subit des attaques violentes sur la cote 477. La colonne Charton passe la nuit entre ces deux points.
    Durant la nuit, les Viets tentent de s’emparer des positions tenues par le III/3e R.E.I. Ils sont repoussés avec des pertes sévères. Mais les harcèlements aux armes lourdes continuent de plus belle. La puissance de feu des Viets est impressionnante.

7 octobre 1950 : il n’est pas encore 4 heures du matin lorsque le B.E.P. commence à s’engager vers le fond de la cuvette en direction du goulet et de la source : la 2e compagnie du capitaine Gilbert Bouyssou, le P.E.G. du lieutenant Roger Faulques, le P.C., puis la 1re compagnie du capitaine Pierre Garrigues, la 3e compagnie du capitaine Robert de Saint-Etienne et la C.C.B. du lieutenant Deborde.

    La section Chauvet est en tête de la colonne ; les légionnaires avancent un par un ; soudain la section se heurte à des centaines de Viets qui ne lui laissent pas le temps de réagir. En un instant, elle est anéantie.
    Les élèves-gradés et les survivants de la 2e compagnie font plier l’ennemi. Ils ont presque réussis mais ils sont aussi décimés. Faulques est blessé et avec lui, son adjoint. A deux, ils tentent l’impossible, avant de tomber. Bouyssou s’élance à son tour, sans plus de succès.
    Plus haut, la 1re compagnie du capitaine Garrigues a réussi à atteindre le bord de la falaise, au prix de lourdes pertes, dont la capitaine. De Saint-Etienne et la 3e foncent en criant. Comme ses camarades Garrigues et Bouyssou, et tout à l’heure Deborde, Saint-Etienne tombe au milieu de ses légionnaires.
    A 5 heures 30, la source est atteinte et les bo-doïs bousculés décrochent. Mais à quel prix ! Les quatre commandants de compagnie, plus de la moitié des chefs de section tués et avec eux la majorité de leurs légionnaires. Avant de foncer vers la vallée, Pierre Segrétain lance un dernier message à Lepage : ‘’Je n’ai plus de bataillon’’. Une centaine de chanceux avec les lieutenants Marcé, Roy et Cornuault, s’extraient de la cuvette de Coc Xa, et réussissent à se glisser au bord du ravin ; certains blessés mais encore capables de marcher.
    Le B.E.P. ouvre la marche ; derrière lui, goumiers et tirailleurs se pressent pour sortir. Les ultimes résistances Viets sont emportées par ce torrent humain qui s’écoule. Mais si les Viets ont cédé à la source, ils dévalent par le haut. Le groupement Bayard file vers la vallée, qui par la piste, qui par les falaises, à l’aide de lianes. Les rescapés des sections des lieutenants Hippert et Auboin descendent le long des parois verticales ; au sud de la faille, le lieutenant Stien et le groupe des partisans effectuent la même démarche. Il y a des chutes mortelles.
    L’objectif est toujours la cote 477 où la colonne de Cao-Bang est arrivée, plus éprouvée que prévu ; à l’aube le 3e Tabor est submergé et perd son piton ; mais, arrivant sur les lieux, les légionnaires du III/3e R.E.I. contre-attaquent avec succès. Poursuivant leur action, ils se heurtent à une résistance acharnée sur ce piton escarpé. L’ennemi est nombreux et tenace ; l’assaut doit être renouvelé plusieurs fois ; alors qu’il enlève la position dans une lutte au corps à corps, le commandant Michel Forget du III/3e R.E.I., l’une des plus grandes figures du 3e R.E.I., est tué.
    Les débris des deux colonnes se mêlent ; rares sont les unités encore à peu près constituées ; seul le miracle légionnaire permet à une centaine du B.E.P. à se présenter en sections, avec armes. Malgré ses lourdes pertes, le III/3e R.E.I. est encore le plus cohérent. Il est désigné pour fixer l’ennemi en queue de colonne. Il reçoit le choc du régiment 209, venu de Dong Khé. Isolé, affaibli par les combats précédents, le bataillon remplit sa mission d’arrière-garde et disparaît en entier dans la tourmente.
    Tout autour de 477, l’étau se referme et se durcit ; le salut est à That Khé vers les cotes 680 et 703 où le capitaine Labaume et ses légionnaires se sont portés en recueil.
    Charton en force et Lepage en souplesse tentent le passage et se font intercepter.
    Jeanpierre donne les ordres : les légionnaires constituent des groupes de 15 ; ils partent ensemble en colonne par un, sans matériel. En cas d’accrochage, les groupes prennent leur autonomie et s’efforceront de s’infiltrer entre les positions adverses. Objectif That Khé à 20 kilomètres d’ici.
    La colonne tombe dans une embuscade près de la rivière ; elle éclate non sans pertes ; le commandant Pierre Segrétain est très grièvement touché au ventre. L’héroïque commandant du 1er B.E.P. reste sur la piste avec deux sous-officiers blessés. Le soir même, il est emmené à l’hôpital Viet de Dong-Khé où il décède de ses blessures..
    Au départ, dans la nuit du 7 au 8 octobre, ils étaient une petite centaine ; au terme d’une odyssée infernale, ils ne seront qu’à peine un quart à rallier un poste de la Légion au nord de That Khé le mardi 10 octobre. Le capitaine Jeanpierre en tête, le lieutenant Marce en serre-file, le groupe formé après l’embuscade de la rivière rallie le poste.
    Au total, ils sont 23 rescapés du 1er B.E.P. : trois officiers, le capitaine Jeanpierre et les lieutenants Marce et Roy, les sous-officiers Hartkopf, Antonoff et Becker, 17 légionnaires.
    Dès leur arrivée à That Khé, ils sont évacués par avion sur Langson et Hanoï. Sinon ils auraient partagé le sort des derniers défenseurs de That-Khé.
    Au profit de la R.C.4, le commandement désigne le 3e B.C.C.P. du capitaine Paul Cazaux qui n’aligne qu’un effectif squelettique de 270 parachutistes, renforcé par la compagnie du lieutenant Daniel Loth avec ses 130 légionnaires, arrivée de Sétif à Bach Mai, la base arrière, en renfort du 1er B.E.P.. Le bataillon saute sur That Khé vers 16 heures.

8 octobre 1950 : au matin, le bataillon Cazaux reçoit mission de se porter à hauteur du groupement Labaume qui occupe la cote 608. Une fois sur la crête, Cazaux s’installe en position défensive, la compagnie Loth étant placée en réserve. Au soir du 8, Labaume décroche et c’est à Cazaux de couvrir son repli et de contenir les Viets. Ce qu’il exécute le 9 et dans la matinée du 10. La colonne des rescapés se disloque. Epuisés, abattus, les survivants se frayent un chemin à travers les Viets, marchant vers le nord. Embuscades devant et derrière. Des cris et des rafales d’armés déchirent la nuit. Beaucoup d’hommes, valides ou blessés sont fait prisonniers, souvent achevés sur place. S’ils sont épargnés, comme les lieutenants-colonels Charton et Lepage, ils connaîtront les souffrances de la captivité.

Au soir du 8 octobre, la presque totalité des forces françaises est hors de combat, tuées, disparues ou prisonnières.

    Malgré leur bravoure, le III/3e R.E.I. du commandant Michel Forget et le 1er B.E.P. du commandant Pierre Segrétain disparaissent dans la tourmente.

9 octobre 1950 : au petit jour, les rescapés arrivent par la R.C.4 à un kilomètre au nord de That Khé, où des camions viennent les chercher. Mais le repli tragique ne s’arrête pas là.

Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1950, sur ordre du colonel Constans, toujours à Langson, That Khé et tous les postes de la R.C.4 sont évacués. Des centaines d’hommes se pressent devant le Song Ky Cong car les Viets ont fait sauter le seul pont et la traversée du fleuve s’effectue par des bateaux M2 du Génie. Commence la longue route en direction de Na Cham, à 30 kilomètres de là, encore défendue par la 4e compagnie du capitaine Mattéi du I/3e R.E.I. Les paras assurent l’arrière garde du repli de That Khé tandis que les Viets serrent de près et ne cessant d’harceler la R.C.4.

    Le repli s’effectue sans trop de pertes grâce au sacrifice de la 4e compagnie du I/3e R.E.I. et des parachutistes du 3e B.C.C.P. et du 1er B.E.P. Des fuyards, rebroussant chemin, signalent que les Viets viennent d’occuper le défilé de Déo Cat. Les postes qui gardaient ce passage délicat ont été abandonnés prématurément par leurs garnisons. La R.C.4 est barrée vers le Sud. Poursuivre implique livrer bataille et de déloger les Viets. La compagnie Loth à plusieurs reprises avec l’appui de trois King Cobra tente de faire sauter le verrou. Loth, blessé, transmet le commandement au lieutenant de Labrouhe.
    En fin d’après-midi et sur ordre formel, le capitaine Cazaux du 3e B.C.C.P. abandonne sur la R.C.4 tués et blessés dont le lieutenant Loth du 1er B.E.P.
    Hormis quelques isolés, les paras n’atteindront jamais Na Chan. Le 3e B.C.C.P. disparaît dans la retraite de That Khé ; son chef de corps, le capitaine Paul Cazaux est tué. La compagnie de renfort du 1er B.E.P. du lieutenant Loth disparaît également aux côtés du 3e B.C.C.P. dans une nature hostile face à un adversaire omniprésent.
    Malgré leur bravoure, le 3e B.C.C.P. du capitaine Paul Cazaux et la compagnie de renfort du 1er B.E.P. du lieutenant Loth disparaissent dans la tourmente.

L’évacuation de Langson est décidée.

Du 10 au 16 octobre, conformément à un ordre du général Alessandri, le colonel Constans organise des convois d'évacuation du matériel entreposé à Langson, notamment son artillerie.

Le 17 octobre, la garnison de Langson évacue la ville et rejoint le delta du Tonkin, sans pertes. Les dépôts de munitions laissés sur place sont détruits à 80 % par l'aviation.

Octobre 1950 : le désastre de la R.C.4 et de Langson, en Indochine, n’améliore pas le climat politique français. La retraite des forces françaises le long de la R.C.4 n’a été rendue possible que par le sacrifice du 1er B.E.P. et du 3e Etranger qui, à travers la jungle, ont combattu jusqu’au bout pour retarder l’avance ennemie. Les deux unités de la Légion sont exterminées.

    Partis 500, ils ne sont que 23 légionnaires du 1er B.E.P. à revenir. Leur chef de corps Pierre Segrétain est tué. Sont officiellement déclarés disparus, c'est-à-dire tués ou prisonniers, 14 officiers, 59 sous-officiers, 404 caporaux et légionnaires.
    Du III/3e R.E.I., partis 635, ils reviennent 32. Leur chef de corps, le commandant Michel Forget est tué.
    Dans les autres unités de la colonne Lepage, le pourcentage des rescapés est de un sur trois. Il chute à un sur sept pour la colonne Charton.
    Après négociations menées par le professeur Huard, les Viets rendent 52 blessés dont le lieutenant Roger Faulques, quatre fois touché, regardé comme condamné, l’adjudant Bonnin et le sergent Janos Kemencei.
    Plus de la moitié des prisonniers mourront en captivité, faute de soins, de nourriture, victimes des mauvais traitements.

Jean Balazuc P.P.P.

Traduction

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