AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

Deux légionnaires dans l’enfer vert

Envoyer

Depuis cinquante ans, dans l’état d’Amazonie, l’armée brésilienne dispose d’un camp établi en pleine forêt dans lequel elle forme ses militaires et des soldats étrangers à survivre et à se battre dans la jungle. Deux légionnaires français y ont suivi récemment un stage de 10 semaines. Une expérience extrême.

Les participants transportent leur matériel dans des baluchons fabriqués avec des ponchos sur un radeau qu’ils ont construit.

Une explosion suivie d’un long coup de sifflet retentit sur les rives du Rio Puraquequara, affluent de l’Amazone. Il est à peine 5 heures du matin sur la base d’instruction Jorge Teixeira, du nom du premier commandant du Centre d’instruction de la guerre dans la jungle (CIGS), situé à Manaus, au Brésil. L’ambiance est donnée. Après quatre heures de sommeil, 73 stagiaires commencent une nouvelle journée d’instruction dédiée au combat en jungle, plus particulièrement aux opérations fuviales, dans cette région la plus humide du globe. Les quinze premiers jours du stage, ils étaient 118. Les tests ont eu raison de 45 d’entre eux.
Certains sont partis d’eux-mêmes, d’autres, à la suite d’exemptions physiques. Les stagiaires qui iront jusqu’au bout seront brevetés et deviendront des spécialistes de ce type de combat. Humidité et chaleur intenses, densité de la végétation, fleuves et cours d’eau sombres, fore et faune sauvages, sensation de cloisonnement et visibilité réduite… ne seront plus des obstacles insurmontables.

Confort proscrit et interdit de rire

Cette formation de 10 semaines en forêt amazonienne est réputée être l’une des plus difficiles au monde. Pourtant, le lieutenant Bastien, 26 ans, et le sergent Pablo, 40 ans, tous deux légionnaires, sont toujours présents malgré 4 semaines intenses, coupés du monde. Français, Sénégalais, Vénézuéliens, Argentins ou encore Équatoriens partagent une volonté commune aux côtés de leurs camarades brésiliens : obtenir le Graal, le brevet des combattants de la jungle, symbolisé par un jaguar. Tout au long du stage, ils sont placés dans des conditions réelles de combat en jungle.
Tout confort est proscrit. L’hygiène n’est pas la priorité. Rire est interdit. La nourriture est identique à chaque repas : riz, haricots rouges et farine de manioc. Les protéines ? On peut les trouver dans la jungle. Les hommes dorment également peu : pendant plus de deux mois, ils ont pour seul lit un hamac. Dans la chaleur et l’humidité de la forêt, aucune intimité n’est possible.
Ils sont pourtant tous volontaires.
« Depuis 1964, l’école forme l’armée brésilienne et des armées étrangères au combat en jungle. Il existe différents stages selon les grades.

Exercice d’infiltration : après avoir sauté du Black Hawk, les soldats nagent sur deux kilomètres avec sac et armement.

En ce moment, nous en proposons un dédié aux offciers subalternes et aux sous-offciers, explique le colonel Alcimar, 23e commandant du CIGS. Il se compose de trois phases : connaissance du milieu et survie, techniques spécifques et opérations spéciales. Son objectif : savoir commander du plus bas échelon au plus haut durant un combat en jungle. » Tous les stagiaires portent le même uniforme brésilien afn que règne l’esprit de groupe. Oubliés grade, nom et prénom. Un numéro, collé sur leur arme et leur chapeau camoufé – qu’ils ne quittent que pour dormir – les désigne désormais. Pour le lieutenant Bastien, qui porte le numéro 13, « il ne s’agit pas de nous déshumaniser, mais simplement de nous reconnaître plus facilement. Les 15 premiers jours du stage sont les plus diffciles. Le rythme est épuisant, c’est physique, mais tout est dans le mental. Nous n’avons pas un moment à nous. Nous ne connaissons pas le programme de la journée. D’ailleurs, nous ne savons jamais ce que nous allons faire dans les 5 minutes à venir ».

Dans les eaux sombres du Rio Puraquequara

Dans cette phase dédiée aux opérations fuviales, le lieutenant et ses camarades auront droit à des cours théoriques de tir, de krav maga, d’orientation sur l’eau, des tests écrits, tous suivis d’entraînements pratiques, de jour comme de nuit. Tous les entraînements se font en treillis et rangers, sac sur le dos, le Para FAL, fusil d’assaut brésilien, à l’épaule et coupe-coupe à la ceinture. Soit plus de 35 kilos à porter ou tirer, lorsque les stagiaires sont au sec… Ce qui est rare dans cette séquence au cours de laquelle ils se retrouvent le plus souvent dans l’eau sombre du Rio Puraquequara. D’ailleurs, après un entraînement de descente en corde lisse et en rappel depuis un hélicoptère brésilien Black Hawk sur la zone habituellement dédiée aux exercices de tirs, ils sont héliportés au-dessus de la rivière. Nouvel exercice : sauter à l’eau depuis l’aéronef avec tout l’équipement puis nager sur 2 kilomètres pour rejoindre la rive. Mieux vaut éviter de boire la tasse, car le risque d’infection est réel. Mais tout ça n’arrête pas les stagiaires. Le commandant du CIGS ajoute : « Tout est surveillé. Le service de santé effectue des prises de sang, des analyses d’urine, veillant particulièrement à ce que personne ne contracte la leishmaniose ou la fièvre jaune... La moindre blessure est difficile à soigner à cause de l’humidité du climat. Souvent, malgré maladies et blessures, les stagiaires ne veulent pas s’arrêter. C’est ce qui est dangereux. Nous faisons donc attention. » Le temps libre étant compté, « nous le passons à entretenir notre corps et notre armement », commente le lieutenant Bastien. Le sergent Pablo donne des astuces pour tenir : « Il ne faut surtout pas mettre de talc sur les pieds ! Avec l’eau, il se transforme en boue, ce qui irrite la peau. Il faut se badigeonner de vaseline, la couche d’huile protège l’épiderme. »
Il faut apprendre à se soigner seul. Les crèmes sont autorisées, pas les comprimés. Pour combattre en jungle, il faut savoir durer, d’où l’importance des cours de survie : trouver sa nourriture, se soigner avec les plantes, et éviter celles qui sont toxiques… « La jungle est comme un magasin : on trouve tout ce qu’il faut pour survivre », explique le soldat Cauchman, du CIGS, en même temps qu’il se frotte les mains avec des termites. L’odeur qui se dégage de ces insectes écrasés – proche de l’odeur de la sève de pin – est un antimoustique naturel. Car le risque de paludisme est bien présent, lui aussi.
Nouveau coup de sifflet. Les stagiaires se regroupent rapidement, sans un mot, sac sur le dos, arme à la main. Au pas de course, entamant leur chant de section en portugais – bien que certains ne parlent pas la langue – ils partent pour une nouvelle instruction. « Sou guerra na selva (je suis la guerre en jungle), Vim para aprender (je suis venu pour apprendre), Para min lutar (pour lutter), treinar e combater (m’entraîner et combattre), Um, dois, Selva ! (un, deux, la jungle !), Três, quatro, Brazil ! (trois, quatre, le Brésil !). » Le soleil se couche sur l’Amazonie. Cela fait 13 heures que les stagiaires sont debout. Mais la nuit ne symbolise jamais la fn d’une journée lorsqu’on apprend à combattre dans la selva…

Flora Cantin


Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui4262
mod_vvisit_counterHier1915
mod_vvisit_counterCette semaine6177
mod_vvisit_counterSemaine dernière40850
mod_vvisit_counterCe mois83141
mod_vvisit_counterMois dernier119907
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0919942477

Qui est en ligne ?

Nous avons 1355 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42794498
You are here ARTICLES 2016 Deux légionnaires dans l’enfer vert