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Dictionnaire de référence

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Guerres et conflits (XIXe - XXIe s.)  

 

Actualité de la recherche et de l'édition en Histoire

 

22 novembre 2013

La Légion étrangère

Histoire et dictionnaire

André-Paul Comor (Dir.)

Nous avions chroniqué dès sa parution au printemps dernier (ici) l'excellent volume paru en avril dans la collection 'Bouquins'. Après lecture attentive, avec son enthousiasme et sa liberté de ton, le professeur jean-Charles Jauffret nous adresse la recension ci-dessous que nous nous faisons une joie de publier.

 

André-Paul COMOR (sous la direction de),

La Légion étrangère. Histoire et dictionnaire,

préface d’Etienne de Montety,

collection Bouquins, Robert Laffont, mars 2013, 1 140 p., 32 euros.

 

Premier dictionnaire historique et critique consacré à la Légion étrangère, cette œuvre monumentale doit tout à la persévérance d’André-Paul Comor. Maître de conférences honoraire à Sciences Po Aix, auteur, entre autres, de La Légion étrangère (PUF, coll. « Que Sais-Je ? », 1992), et d’un retentissant Camerone (Tallandier 212) qui renouvelle, en histoire militaire comparée, le récit de ce combat fondateur du mythe légionnaire, il a su s’entourer d’une équipe de 59 spécialistes, y compris étrangers (dont l’historien américain Douglas Porch qui publia chez Fayard, en 1994, une somme, La Légion étrangère,1831-1962).

A corps d’élite, ouvrage d’exception ! Mieux que tous les autres dictionnaires de la collection Bouquins, celui-ci est à la fois un instrument de travail et une synthèse. Ce qui est d’autant plus difficile à réussir qu’il s’agit d’une étude d’un corps vivant et dynamique. En effet, après la préface lumineuse d’Etienne de Montety qui souligne en quoi la Légion est bien « la promesse de l’extraordinaire », s’ensuivent une présentation de l’antériorité des étrangers au service de la France depuis les Ecossais chers à Charles VII et, in fine, une anthologie de la littérature légionnaire (poèmes, anecdotes, extraits de mémoires…). Une chronologie comparée, des cartes, quelques illustrations étayent la présentation alphabétique des entrées. Un dernier regroupement est offert au lecteur par l’intelligence de la présentation de la bibliographie sélective, par pays, d’ouvrages non cités dans les notices. Elle est exhaustive pour le relevé des ouvrages et témoignages publiés relatifs à la Légion. Même rigueur scientifique pour la présentation de l’abondante (et insoupçonnée) filmographie (films de fiction et documentaires) démontrant que la Légion, d’Under Two Flags (Etats-Unis, 1912, de Lloyd Lonergan) à Français par le sang versé (France, 2011, de Marcela Feraru), est autre chose que l’inévitable et populaire Beau Geste (1939, avec Gary Cooper, et « remake » de 1966). Ce dictionnaire recèle des trésors, telle cette précieuse discographie depuis les premiers 78 tours aux supports contemporains. Et ce, en  montrant comment, une des toutes dernières musiques principales de l’Armée de terre peut, en 2012, offrir aussi la fantaisie d’aubades et chants du monde entier où elle se produit d’ailleurs, de Santiago du Chili aux capitales européennes.  En ce sens, par leur prestige, ces légionnaires musiciens sont à l’Armée de terre ce que la Patrouille de France est à l’Armée de l’air.

Loin des clichés habituels, c’est de l’étude d’un bien de l’humanité, profondément ancré dans la tradition militaire française, dont il s’agit. On s’attend, tout d’abord, à trouver les monographies de chaque régiment, d’unités particulières (compagnies d’infanterie montées, escadrons dotés de « crabes » en Indochine…), mais loin de l’hagiographie type Livre d’or. En effet, rien n’est laissé dans l’ombre : mutineries de 1840, 1915, 1916 et 1940, drames de conscience en juin 1940 et du Levant en 1941, choix d’avril 1961 lors du putsch des généraux (où le colonel Brothier, chef de corps du Premier étranger, sut préserver l’unité de la Légion malgré critiques internes et sécessions)… Des entrées concernent également  la légende noire de la Légion, les questions de l’alcoolisme et des bordels (Sidi-Bel-Abbès, les BMC…), sans oublier les désertions et les suicides, formes ultimes du « cafard ». Sont aussi évoqués des personnages qui font aussi partie de l’histoire de la Légion avant de choisir l’activisme terroriste de l’OAS, tel le lieutenant Roger Degueldre. En revanche, parmi les grandes figures, comme l’emblématique « père de la Légion », le général Rollet ou les « maréchaux de la Légion », c’est-à-dire ses célèbres sous-officiers, véritable ossature de ce corps d’exception, apparaissent les nobles destins de femmes, telle la marraine du 1er REC (régiment étranger de cavalerie), la comtesse Leila du Luart (1888-1985) ou Edmonde Charles-Roux. On croise également l’inattendu, d’Isabelle Eberhardt à la tempête de neige et de sable de Forthassa sur les confins algéro-marocains, en février 1908, qui vit la mort par le froid de 34 légionnaires épuisés après une marche forcée dans la montagne. Sans doute une des approches les plus nouvelles concerne les relations entre les politiques et la Légion (Adolphe Thiers, Louis de Montfort, Pierre Messmer, ancien de Bir Hakeim…). A noter comment le Parti communiste s’est associé aux campagnes de presse dénonçant les exactions de la Légion, avant d’en réclamer la suppression par une proposition de loi de 1980. Tout comme les troupes de marine, dont on peut un jour espérer qu’elles auront un dictionnaire de cette qualité, les unités de légionnaires ont aussi été engagées dans des opérations de maintien de la paix, sous l’égide de l’ONU ou de l’OTAN, de 1992 à nos jours. Les aspects internationaux ne sont donc pas négligés, y compris le droit pour l’extradition de criminels notoires. Les amateurs d’exotisme ne seront, eux aussi, pas déçus, entrées : « chapeau chinois », « Boudin, le », « Fêtes »… Ce qui relève souvent de l’image et de l’imaginaire liés à la Légion dont un long article offre une synthèse.

Ce dictionnaire est avant tout consacré à la foule anonyme Des hommes sans nom. Leur « code de l’honneur » si particulier remonte, pour la version écrite, à mars 1937. Cet ouvrage offre un baromètre des recrutements, depuis 1831, lié aux crises politiques et économiques en Europe et à présent dans le monde. Ce peuple bariolé sous l’uniforme, aux antipodes d’un racisme à présent récurrent dans une France décadente, est évoqué de main de maître dans les multiples aspects de la vie quotidienne, mais aussi des rudes entraînements et de l’esprit de corps. Un des aspects les plus novateurs de cette œuvre magistrale, prouvant qu’un corps d’élite sort grandi de l’analyse scientifique, concerne la culture légionnaire (chants, traditions…) et la définition de ce qui conduit, un jour, des étrangers sous un drapeau français d’accepter l’ultime sacrifice pour remplir la mission. En ce sens « faire Camerone » les distinguent des mercenaires, fléau du monde militaire contemporain qui sacrifie l’armée à des sociétés d’Affreux, précurseurs d’une nouvelle forme de féodalité dans le délitement des devoirs régaliens des Etats. De plus « On n’est pas à la Légion pour la gamelle » : le légionnaire gagne une misère à l’engagement. A travers l’étude des primes et soldes, c’est aussi  s’intéresser aux motivations, hors des stéréotypes habituels, qui poussent un homme à choisir de servir avec honneur et fidélité sous le képi blanc. Evidemment, toutes les campagnes où fut engagée la Légion sont magistralement décrites, y compris les avatars tel le « jaunissement » à la fin de la guerre d’Indochine. Sont également analysées, ce qui confirme l’aspect d’histoire totale de ce dictionnaire propre de l’histoire militaire contemporaine, les croyances religieuses (articles « Eglise catholique », « Pasteurs », « Juifs dans la Légion » (et question de l’antisémitisme en 1915 et 1940 surtout)…)

Enfin, ce dictionnaire ouvre également sur les représentations de la Légion à travers la presse, la littérature, tout en séparant ce qui relève du mythe et ce qui correspond au vécu du combattant. De sorte que l’objectif est atteint : permettre au grand public de découvrir une société jugée imperméable, comprendre pourquoi à chaque 14 juillet, sur les Champs-Elysées, la Légion précédée de sa musique principale et de son corps de sapeurs portant barbe, tablier et hache, suscite un tel enthousiasme. Il reste à souhaiter qu’à l’heure de la réduction des forces armées françaises à un format de poche, ce travail aide à réfléchir les politiques timorés et les petits boutiquiers de Bercy issus de l’énarchie : un corps d’élite ne s’improvise pas, il est le fruit d’expériences et d’une longue tradition. De sorte que rayer d’un trait de plume un régiment au savoir-faire inégalable et irremplaçable dans une opération extérieure, ou muter un autre régiment de tradition liée au substrat de la Légion romaine à Orange pour le cul-de-basse-fosse du camp de Carpiagne, outre le mépris du contribuable pour la dépense inutile, relève de l’inconscience

                                               Jean-Charles Jauffret

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