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« Le soldat et la mort » : au cœur des réalités combattantes

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The Conversation

18 mars 2016

Antonio Lopez, l'un des soldat dont on suit le parcours. Philippe Bodet

Ils sont cinq. Cinq soldats, aux parcours différents, mais qui partagent tous une expérience : celle de la confrontation avec la mort dans l’exercice de leur mission. Avec leur mort, toujours possible, et avec celle des autres, de leurs camarades de combat, des civils pris dans le chaos de la guerre, mais aussi de leurs ennemis, qu’ils ont tués. C’est parce que cette confrontation avec la mort est au cœur de l’engagement sous les drapeaux que le réalisateur Philippe Bodet a voulu se pencher sur la question et faire parler ces cinq hommes.

Cinq parcours en compagnie de la mort

Antonio Lopez est un ancien légionnaire d’origine espagnole, devenu français. Pendant vingt-sept ans, il a accompli sa mission sous les drapeaux d’un pays qui n’était pas encore le sien. Des morts, il en croisé ; il en a causé. La pudeur avec laquelle il l’évoque laisse deviner qu’il n’a pas traversé l’épreuve sans y réfléchir. Brice Erbland, lui, est toujours militaire ; il a longtemps piloté un hélicoptère Tigre. Avec son arme puissante, il a tué pour la première fois en Afghanistan ; il en est revenu fortement marqué mais n’a rien regretté : il a accompli sa mission, loyalement et avec droiture.

Michel Goya est désormais connu et reconnu comme un expert, qui publie et qui s’exprime dans les médias. Aujourd’hui revenu à la vie civile, indemne de ses guerres, il se livre là sous un jour peu habituel, ne dissimulant pas le fait que le retour à Sarajevo, sous l’œil de la caméra de Philippe Bodet, est une expérience délicate. En Afghanistan, Yoann a été physiquement blessé mais aussi, et peut-être surtout, psychologiquement. Toujours militaire, il est inapte au combat en raison de ce traumatisme mais ne se considère pas plus comme un survivant que ses camarades valides. S’il doit se résoudre à quitter l’armée, ce sera un crève-cœur.

Et puis vient le dernier grand témoin, Hélie Denoix de Saint-Marc, grâce aux quelques minutes d’un entretien inédit réalisé avant sa mort. Il aurait eu mille raisons de se plaindre de ce destin combattant débuté dans la résistance, sous l’Occupation, puis avec l’expérience de la déportation, et achevé dans les prisons françaises suite à sa participation au putsch d’Alger. Il ne l’a jamais fait.

Le choix assumé du métier des armes

Ces hommes ont choisi une vie, ils l’assument et ne rendent personne responsable des épreuves traversées. Et c’est en cela que ce film est intéressant, au-delà même de ces cinq destins qui à eux seuls méritent le détour : sans rien dissimuler des questions profondes que pose la confrontation avec la mort, ni de la trace psychologique, quand elle n’est pas physique, que laisse ce passage par la guerre, il raconte l’histoire de l’engagement d’hommes qui ne regrettent pas la décision librement posée de choisir le métier des armes. Ils évoquent ce goût pour le combat, qui n’est pas l’expression d’une sauvagerie et d’une violence incontrôlée. Ils parlent de la morale et des règles qui encadrent leur métier, et sans lesquelles ils ne pourraient plus se tenir debout. Ils ne sont ni des victimes, ni des bourreaux. Ils sont juste des soldats.

Avec ce documentaire, dans une grande sobriété de récit, Philippe Bodet remet la figure combattante du militaire français au cœur du récit en permettant que s’exprime une parole trop rarement entendue dans les médias grand public. Ce n’est ni un documentaire à sensations fortes sur les commandos ni un reportage à scoops plus ou moins solides sur la manière dont des militaires français sont devenus des violeurs ou des criminels. C’est pourtant un film important parce qu’il pose une pierre de plus dans la manière dont le récit médiatique sur les militaires français parvient, peu à peu, à se renouveler.

Faire entendre d’autres voix

Michel Goya évoque au fil de son propos ce sujet des représentations collectives, le passé traumatique de la guerre d’Algérie dans notre mémoire nationale et les « hypocrisies », parfois même de l’institution militaire, qui ont conduit à afficher toutes les fonctions du soldat, de la logistique à l’humanitaire, au détriment des réalités combattantes. Parce qu’il vient d’une famille de militaires, parce qu’il a songé lui-même à le devenir et parce que, comme journaliste, il a beaucoup filmé ces soldats, Philippe Bodet contribue à combler des vides avec subtilité, et avec l’aide des organismes du ministère de la Défense (de l’ECPAD – Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense – et de la CABAT – Cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre – en particulier) qui n’ont rien contrôlé du contenu.

Le sujet n’est évidemment pas épuisé, et il n’est pas question non plus qu’émerge un récit uniformément épique sur la vie des militaires français. Bien entendu, les médias continueront, et c’est heureux, de parler de ceux qui estiment avoir été oubliés, malmenés ou illégitimement engagés et meurtris dans des opérations dont les politiques portent la responsabilité. Bien entendu également, et c’est une nécessité, ceux qui dérivent, transgressent et oublient toute morale devront toujours être dénoncés. Mais il est bon que d’autres voix se fassent entendre et contribuent à donner de la figure du militaire un portrait plus complet et plus nuancé, dans un contexte où, chaque jour, la guerre devient un sujet un peu plus central du discours politique.

Diffusions du documentaire « Le soldat et la mort » : 19 mars à 22h10, dimanche 20 mars à 09h10, samedi 26 mars à 23h25 et dimanche 27 mars à 10h20.


Traduction

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