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Légionnaire toujours...

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Le courage, clé de voûte des vertus militaires ? Intervention du chef de Corps du 1REC

 

La matinée du 10 octobre 2019, à l’hôtel de la région Provence Alpes Côte d’Azur, à Marseille, s’est tenue la deuxième édition de la fête du management. Avec pour thématique « Le Courage », cette conférence réunissait un auditoire de professionnels de la gestion autour d’une table ronde faisant intervenir des experts de différents domaines tels que M. Philippe Moro, président de l’AGEFOS-PME, spécialiste de l’aide à la reconversion professionnel ; Mme. Carole Errante, comédienne et metteur en scène ; M. Henri Manticello, dirigeant et fondateur de Energem France, entreprise leader du génie climatique en région Sud ; et le colonel Nicolas Meunier, chef de corps du 1er Régiment étranger de cavalerie.

 

Après un discours introductif de Mme. Isabelle Campagnola-Savon, élue des Bouches du Rhône à la commission régionale de l’économie, de l’industrie, de l’innovation et des nouvelles technologies, la table ronde s’est articulée entre les différents intervenants grâce à une modération et des questions du public cadrant le thème du courage managérial1.

Animateur : Les modes de communication, d’échange, de gestion connaissent des évolutions rapides. La notion et la définition même du courage changent à chaque génération. Comment une institution comme la vôtre y fait-elle face ?

COL Meunier : Je sers dans une institution, le service que nous délivrons est celui de la Défense de nos concitoyens. La Défense, un ministère du temps long, qui évolue par rapport à la menace, par rapport à l’évolution de la situation géopolitique et par rapport aux objectifs que nous fixe la sphère politique. Sommes-nous des représentants du courage ? Il est évident qu’il est attendu du militaire, du pompier, du gardien de la paix qu’il se montre courageux aussitôt qu’il lui est demandé d’agir. C’est un courage multiforme car notre institution compte des soldats, dont des étrangers, issus d’une société moderne et complexe, à laquelle nous nous adaptons pour répondre à leurs aspirations et ainsi leur permettre d’exprimer leur courage. Depuis deux ans, au niveau de l’armée de Terre, nous recrutons désormais les premiers représentants d’une génération dont les parents n’ont pas fait leur service militaire. Je cite cet exemple pour vous montrer à quel point le lien entre les pays et son institution Défense est crucial et menacé par un phénomène de distanciation, donc charge à nous de nous faire connaître et comprendre.

 

Animateur : Mon colonel, quelle est votre définition du courage ?

COL Meunier : Pour moi le courage est un ensemble de dispositions : physiques, intellectuelles et morales. Celles-ci sont propres à la personne, permettent le dépassement et donc la réalisation d’une action. J’ajoute à cette définition une nuance : il est nécessaire de mêler au courage la réflexion sur la notion de prise de risque. Si le courage devient témérité, les conséquences peuvent être négatives.

 

Animateur : Mon colonel, pouvez-vous nous donner un exemple d’action de courage ?

COL Meunier : Je vais vous emmener en opération extérieure, à Bangui en République Centrafricaine dans le cadre de l’opération SANGARIS en 2015. Je vais vous parler de mon prédécesseur (le colonel Seiler), à l’époque où j’étais son chef des opérations et son second. Pour comprendre, il est nécessaire de rappeler ce qu’est la singularité militaire, par rapport à tous les autres métiers, notamment ceux de la sécurité. Il est inscrit dans la loi, que nous acceptons de mourir et de donner la mort. Cette notion d’acception du sacrifice suprême et d’application de la violence est inscrite dans le code de la Défense. Si je vous précise cela, c’est bien pour vous décrire une action de courage au combat : la base dans laquelle nous nous situons est attaquée par un certain nombre de belligérants, alors qu’un de nos éléments se trouve à l’extérieur et est pris en embuscade. La nécessité de les tirer de là ne fait aucun doute. Mon chef décide alors d’y envoyer une unité de secours et d’en prendre lui-même la tête. J’assiste donc à cette prise de décision fulgurante de mon chef qui prend l’ascendant, décide de descendre lui-même dans l’arène, me laissant aux manettes de ce qui reste en arrière. J’y ai vu une action de pur courage. Une décision qui fût la bonne puisque qu’aucun de nos hommes n’est mort lors de cette embuscade grâce à cette opération de sauvetage.

Il faut bien vous rendre compte que l’engagement au combat revêt une forme d’aboutissement. Pour vous donner une image : nous nous entraînons 364 jours par an pour l’éventualité où le dernier jour de l’année ait lieu cet engagement. Donc cette situation, nous y étions préparés. Cela a permis à chacun d’entre nous de prendre les bonnes décisions, chacun à son niveau, sans subir aucun effet de sidération, ni de torpeur. Cela nous a également permis a posteriori de mettre les choses à plat et de débriefer les points positifs et points à améliorer dans la façon dont nous avons réagi.

 

Public : Quelle furent vos bénéfices personnels tirés de cette expérience ? Les bénéfices que les hommes sous vos ordres en ont tiré ?

Col Meunier : De l’humilité que l’on peut ressentir face à une telle situation, on en ressort rassuré sur sa propre capacité à supporter, à faire face à ce type d’évènements. Dans la vie d’un soldat, l’épreuve du feu est une « consécration ». Je retire de la satisfaction personnelle de cet épisode : avoir rempli la mission.

Je crois que le bénéfice des hommes qui étaient avec moi est avant tout celui du sentiment du devoir accompli. C’est-à-dire celui d’avoir fait quelque chose d’utile dans des conditions ponctuellement difficiles. Dans cette mise en application, un peu extrême de l’engagement au combat, notre équipe de commandement a été rassurée sur sa capacité à faire face, sur la manière dont nous nous entraînons, nous comportons, sommes solidaires au quotidien et de la justesse de notre action.

 

Public : Le courage dépend-il de l’honnêteté dans le quotidien ?

COL Meunier : Je pense que l’honnêteté est un prérequis au courage. La malhonnêteté biaiserait toute construction morale. L’honnêteté fait partie des conditions à remplir pour accéder au courage, au même titre que la confiance et la bienveillance qui consistent avant à s’occuper des hommes et des femmes avec lesquels nous travaillons. Il est nécessaire de construire un système humain, de lui donner du sens afin de créer un ensemble permettant de poser les conditions de l’exercice du courage.

 

Animateur : L’importance du groupe et de l’intégration personnelle dans un corps social n’est plus à démontrer pour permettre l’expression du courage. Comment la Légion étrangère s’y prend-elle pour développer cela ?

Col Meunier : La légion étrangère est un objet insolite, unique au monde. Elle a été créée en 1831 pour permettre à des étrangers de porter les armes de la France, afin de pallier le manque d’effectif au sein de l’Armée française, après que les guerres napoléoniennes l’aient laissé exsangue. Elle a perduré depuis quasiment deux siècles en permettant à des étrangers de servir les armes de la France et ainsi d’acquérir la nationalité française par la manière la plus active, la plus rapide et la plus honorable qui soit. Une disposition récente du droit français permet également à ceux d’entre eux qui ont été blessés de devenir « Français par le sang versé ».

 

Public : Le courage se puise dans des ressources extrêmement personnelles. Comment vous situez-vous par rapport à la distinction à apporter entre vie professionnelle et privée ?

Col Meunier : J’ai pour règle, que j’ordonne à mes officiers d’appliquer, quatre mots simples : Bonjour, Bravo, Merci et Pardon. Dans un monde digitalisé et désincarné où l’on reçoit des dizaines de mails, SMS, appels par jour, il est nécessaire de remettre l’homme au cœur du projet. Donc le simple fait de dire « bonjour », de remercier quand le travail est bien fait, le cas échéant de sanctionner lorsqu’il est mal fait, ou encore d’avoir l’honnêteté d’admettre ses éventuelles erreurs, sont des éléments simples à mettre en place mais essentiels à l’établissement d’un tissu social sain.

Dans des cas extrêmes, je peux être amené à aller annoncer à une épouse que son mari est mort. Cela n’est possible que si j’ai une bonne connaissance de mes hommes et de leurs familles. Un homme est un ensemble, le légionnaire n’est pas dissocié de l’époux et du père de famille. Il est donc nécessaire que je connaisse mes légionnaires dans leur complexité. Je ne peux pas concevoir qu’un chef puisse se désintéresser de la sphère privée. Mon épouse et moi-même œuvrons donc au quotidien pour recevoir toute l’information que les familles, qui constituent la communauté humaine de mon régiment, veulent bien nous délivrer. Cette possibilité d’expression et cette écoute permanente apportent énormément de solidité au vivre ensemble.

 

 

1 Cette retranscription de la table ronde ne prend en compte que les interventions du Colonel Meunier


Gérer et administrer les légionnaires : une place pour chacun, chacun à sa place

Chaque légionnaire s’engage à servir la Légion étrangère et non pas un régiment ou une spécialité, chaque légionnaire est géré selon son mérite : voilà les règles de base auxquelles il faut ajouter que la Légion doit continuellement pourvoir à ses besoins en fonction des obligations opérationnelles. Le détail des actes de gestion peut, lui, connaitre des évolutions qui sont un signe d'adaptation du système Légion.

 

D'abord au service de la Légion

Parce que chaque légionnaire s’engage à servir la Légion étrangère et non pas spécifiquement un de ses régiments, la Maison-mère, à Aubagne, en coordination étroite avec les chefs de corps des régiments étrangers, fait face à un défi permanent pour gérer et administrer le personnel servant à titre étranger : faire coïncider les capacités et les aspirations de chaque légionnaire avec les besoins de l’institution. Ce principe était déjà celui qui guidait l’action du général Rollet lorsqu’il fit proposer à la direction de l’infanterie les bases de la nouvelle organisation du 1er REI en 1925. L’idée de “dépôt commun”, intégrant en outre la partie instruction initiale des recrues envoyées à Sidi-Bel-Abbès, était née.

Du côté des aspirations des individus, il y a la durée du contrat, le choix d’un régiment, celui d’une spécialité ; une fois devenu plus ancien, le légionnaire qui a fondé une famille fait souvent entrer celle-ci dans l’équation. Et du côté du besoin de l’institution, on trouve des référentiels en organisation à remplir, la durée des formations, la sélection demandée par certaines expertises et bien sûr, l’impératif pour notre institution que chaque régiment de la force opérationnelle terrestre ou d’outre-mer soit au rendez-vous de l’excellence opérationnelle.

À l’horizon 2025, les enjeux à venir sont nombreux. La Légion s’adaptera et accompagnera les évolutions.

Une adaptation permanente

 

Nous devons avant tout veiller à ce chaque légionnaire soit traité de la même manière en termes de droits, quel que soit le régiment d’affectation ou l’organisme d’administration. La mise en place du groupe administration, droits individuels et pensions de la Légion étrangère (GADIPLE) qui verra le jour en 2020, permettra d’accompagner la transformation du Service du Commissariat des Armées tout en apportant l’assurance d’homogénéité de traitement de la solde des militaires servant à titre étranger et le supplément de contrôle nécessaire. Tandis que l’armée de Terre se prépare à passer à son nouveau logiciel de traitement de la solde “Source Solde” et qu’une réforme des retraites se prépare, la Légion tient à être prête à appuyer les services compétents et les évolutions dans ces domaines.

Ensuite, nous devons nous assurer que tous connaissent les possibilités que peut offrir l’institution. Sur ce sujet, le dialogue entre l’intéressé, le commandement et la DRHLE doit être franc et honnête : il doit permettre à chacun de se voir offrir des perspectives claires, des ouvertures réalistes auxquelles il n’aurait pas forcément pensé, des opportunités concrètes à saisir lui permettant, s’il le faut, de rebondir dans nos rangs. Et puis aujourd’hui, un contexte économique favorable pourrait inciter certains à vouloir quitter la Légion pour tenter leur chance ailleurs. Que ceux-là sachent aussi que la porte peut rester ouverte et que la Légion examinera soigneusement toute demande de rengagement après interruption de service.

Enfin, la préparation du plan annuel de mutation (PAM) est un des points forts de l’année et nous devons avoir à coeur de progresser dans son élaboration. La Légion étrangère implique chaque légionnaire concerné, le commandement, le RRH et les gestionnaires de la DRHLE dans la recherche de la meilleure solution possible. La mobilité n’est généralement pas une contrainte pour le légionnaire et dans certains cas, c’est même un outil de fidélisation. Pour les chargés de famille, lorsque cela s’avère nécessaire et possible, les problématiques familiales font l’objet d’une attention particulière. Cette année d’ailleurs, le tempo du plan annuel de mutation sera avancé de manière notoire afi n de permettre aux familles d’avoir le temps de mieux s’organiser. Autre nouveauté : les missions de longue durée outre-mer passeront de trois à deux ans pour la plupart des postes au 3e REI et au DLEM. Grâce à cette mesure, ce sont 950 cadres et légionnaires supplémentaires qui pourront bénéficier d’un tour de service hors métropole dans les dix années à venir. Mais la Légion étrangère ne peut satisfaire chacun sur son premier choix : la vie d’un soldat est ainsi faite qu’il ne peut toujours servir dans la garnison de ses rêves et qu’à défaut d’obtenir celle qu’il aime, il aimera celle qu’il aura obtenue.

 

Le dossier de ce mois est consacré à la DRHLE et à ses experts : voilà un métier de passionnés, exercé pour la Légion et par la solidarité qui unit chaque légionnaire entre eux. N’oublions pas, derrière chaque légionnaire combattant, il y a un légionnaire dans un RRH ou à la DRHLE, qui veille sur lui dans l’ombre. Un jour sans doute, ils échangeront leur place pour que les aspirations du premier soient connues et défendues par le deuxième. C’est aussi cela la fraternité d’armes.

 

Général de brigade Denis Mistral,

commandant la Légion étrangère

(Éditorial Képi-blanc Magazine N° 824)


Quand survient la blessure

 

Le 22 juin dernier s’est déroulée la journée annuelle des blessés de la Légion étrangère.

Arrivés la veille, nos camarades blessés, accompagnés d’une délégation de chaque régiment de Légion, ont pu bénéficier d’informations, participer à des activités communes et partager leur douloureuse expérience avec ceux qui les entouraient. Et puis le quotidien souvent pénible de nos blessés a repris ses droits.

À la reconnaissance offerte lors de ce moment exceptionnel a succédé la poursuite du combat pour se reconstruire, retrouver son aptitude, reprendre sa place au régiment ou dans l’intimité d’une famille parfois meurtrie. La Légion n’abandonne pas ses blessés.

Mettre à l’abri son camarade, son caporal, son chef de groupe qui vient d’être blessé par l’ennemi et lui prodiguer les premiers soins procèdent des actes du combattant comme de la fraternité d’armes. S’assurer que chaque légionnaire blessé soit suivi et aligné sur ses droits administratifs résulte tout autant de l’article 7 de notre code d’honneur.

Un légionnaire blessé, au combat comme à l’entraînement, est un soldat qui reçoit subitement une nouvelle mission, imprévue, difficile, douloureuse : se soigner et reprendre sa place parmi ses frères d’armes. Mais ce peut être aussi un moment où la vie bascule, où elle sera changée à tout jamais. Et parce qu’une blessure peut toucher n’importe qui et survenir n’importe quand, la Légion étrangère a mis en place un dispositif pour l’aider à accomplir cette mission, quelles que soient les étapes de sa carrière.

À Castelnaudary d’abord, car tout se joue dans les commencements. Le jeune engagé volontaire qui se blesse au point d’avoir besoin de soins longs rejoindra la section d’instruction adaptée (SIA). Là, dans cette section, il pourra se reconstruire : priorité aux soins le matin et cours l’après-midi.

Dès que le médecin estimera qu’il peut suivre à nouveau sa formation, l’ex-blessé rejoindra celui des neuf groupements du régiment dont l’avancée dans l’instruction correspond à son niveau atteint. Ce niveau n’est pas celui obtenu au moment de la blessure, mais celui atteint à la fin du séjour à la SIA, afin d’optimiser le temps passé à l’instruction initiale.

La SIA est composée de légionnaires très motivés car leur blessure ne signifie pas la fin de leur parcours : leurs cadres, dont certains sont eux-mêmes d’anciens blessés, les encouragent et les guident. Dans les régiments opérationnels, si la blessure est grave, le dispositif actuel permet d’optimiser les soins mais surtout, d’envisager le retour à une vie professionnelle compatible avec d’éventuelles séquelles. Ainsi, le blessé est placé en position administrative dite Section administrative des isolés (SAI).

Il n’en perd pas pour autant ses repères : tous les isolés sont commandés par le capitaine commandant la compagnie d’administration du personnel de la Légion étrangère (CAPLE) du 1er Régiment étranger, qui est chargé de leur suivi et du respect des délais règlementaires administratifs, aspect fondamental pour les droits à reconnaissance de la blessure.

Le blessé pris en charge rencontrera ainsi tous les acteurs de la chaine : médecins, direction des ressources humaines, agence de reconversion, assistante sociale. L’objectif est de se reconstruire pour reprendre une place au sein de la “famille légion” en fonction de ses capacités ou pour envisager de quitter correctement le milieu militaire si une réforme est prononcée. Au 1er Régiment étranger, on trouve les mêmes principes qu’à la SIA du 4e Régiment étranger : le sas thérapeutique permet à ceux dont l’état le permet d’effectuer leurs soins tout en occupant un poste et accomplir des missions quotidiennes.

Cet aménagement du temps de travail proposé en totale concertation entre le commandement et le médecin permet de retrouver progressivement son aptitude en évitant la bascule en congé de longue maladie. Enfin, une instance de suivi, la commission de suivi des blessés de la Légion étrangère (CSBLE), existant depuis 2011, est spécifiquement consacrée au suivi global des légionnaires blessés.

Elle fait le point plusieurs fois par an des nombreux cas médico-administratifs afin que soient coordonnées l’ensemble des actions : ressources humaines, action sociale, soins médicaux, intérêt des familles, Foyer d’entraide de la Légion, CABAT, associations. Tout est fait pour que le dialogue soit permanent et que le blessé ne s’enferme pas, avec pour seul compagnon, la douleur. Pour la Légion étrangère, chaque légionnaire compte : le blessé d’aujourd’hui est peut-être le héros de demain.

Elle s’est battue pour que soit votée la loi de décembre 1999 dite d’acquisition de la nationalité française “par le sang versé”, permettant à nos blessés en opérations, qui en font la demande, ou aux orphelins de légionnaires tués au combat, de devenir Français. Elle met tout en œuvre pour qu’au bout du sentier sinueux de la guérison, entre règlementation et accompagnement, le légionnaire blessé puisse trouver ou retrouver sa place.

L’adjudant-chef Kamencei, ancien du 1er BEP et du 2e BEP, figure de la Légion, n’était pas en reste sur le sujet : la maladie lui fit attendre un an et demi son départ pour l’Indochine, il fut plusieurs fois blessé au combat, alla se reposer à La Ciotat et fut même affecté un temps comme gérant de mess car déclaré momentanément inapte au service en campagne.

Moqué par certains camarades, il eut la main droite paralysée de manière inexplicable, et un jeune médecin de l’hôpital Lanessan diagnostiqua un blocage simplement dû au fait que l’adjudant-chef faisait un métier qu’il n’aimait pas. Tout rentra dans l’ordre quand ce grand soldat retourna se battre au sein de son unité.

En 2008, lors de la commémoration du combat de Camerone, l’adjudant-chef Kamencei remontait la voix sacrée en portant la main du capitaine Danjou.

par le général de brigade Denis Mistral, commandant la Légion étrangère
Éditorial Képi-blanc Magazine 823


Dossier de presse musique de la Légion étrangère Moscou Festival international de musique militaire du 29/08 au 02/09/2019


Dossier de presse Légion étrangère 14 juillet 2019


Servir à la fois la Légion étrangère, patrie choisie, et la France, pays d’accueil

La Légion étrangère compte dans ses rangs des hommes de 147 nationalités différentes, derrière lesquelles vivent 147 cultures et autant de façons de considérer la société et les rapports humains.

À peine arrivés à la Légion étrangère, tout sépare ces étrangers. Le 14 juillet, sur les Champs-Élysées, tout les rassemble.

Comment ces hommes peuvent-ils faire abstraction de l’histoire de leur patrie d’origine et devenir frères d’armes ? Ailleurs, ils peuvent se détester, voire se faire la guerre, mais à la Légion, ils s’entraident, travaillent, souffrent et vivent ensemble, acceptent de mourir les uns pour les autres. Comment cette alchimie est-elle créée ? Pour le soldat français, naturellement attaché à sa patrie, c’est souvent une énigme de voir ces étrangers ayant accepté d’abandonner leur propre pays et être prêts à mourir pour un drapeau qui n’est pas le leur. Longtemps, les légionnaires furent considérés comme des mercenaires. Mais aujourd’hui, rien de ce qui fait leur statut n’est comparable à celui de soldats perdus car la France les accueille dans un cadre bien précis et très normé.

La devise de la Légion est “Legio Patria Nostra”. À elle seule, cette devise contient le système Légion tout entier, pensé et organisé comme une patrie. “Il y a une patrie qui n’est faite ni avec des champs, ni avec des hameaux, ni avec des villes mais avec des opinions, des coutumes, des sentiments et des principes communs et dans cette grande harmonie sociale, politique et religieuse, on peut vivre sans trop de désespoir”, écrivait le Vicomte Walhs. Ainsi, cette “patrie Légion” est d’abord dotée d’une langue, le français, langue de travail incontournable pour se comprendre et progresser dans le métier. Et puis, il y a des valeurs fortes, pour se reconstruire, essentielles pour qui la vie n’a pas été tendre : accueil, nouvelle chance, rédemption, travail et avancement au mérite, effort individuel et collectif, dignité. Mais aussi des valeurs pour mourir. Mourir pour la Légion se suffit à soimême. C’est une opportunité d’écrire des pages de gloire de l’armée française, d’envisager de devenir un jour un héros et la certitude de n’être jamais oublié grâce au respect des morts et de leur souvenir. La Légion étrangère est une famille, que viennent rejoindre nombre de déracinés, rendant vivant ce mot de Gustave Flaubert : “la patrie est comme la famille, on n’en sent bien le prix que lorsqu’on n’en a plus”.

La Légion dispose aussi d’un riche patrimoine hérité de son passé prestigieux : un musée de France, des salles d’honneur, un Foyer d’entraide dont tous les militaires à titre étranger d’active ou en retraite peuvent être potentiellement bénéficiaire, une institution des invalides qui accueille anciens et jeunes légionnaires blessés ou en difficulté, des cimetières, des carrés Légion, une maison de repos, le vin de ses anciens. Ses particularismes sont forts : code d’honneur, uniforme spécifique, traditions. Elle offre bien des rites aussi : Noël, fête de la famille ; Camerone, combat fondateur ; la fête des Rois chez les cadres et de nombreuses fêtes régimentaires qui forgent l’esprit de corps. On y trouve des relations intergénérationnelles uniques et une prise en charge jusqu’à la mort pour qui le souhaite. C’est une patrie choisie, mais où s’impose une discipline forte et librement consentie : même règlement que pour l’armée française, mais plus strictement appliqué, parce que 147 idées de ce qu’est une troupe d’élite doivent se fondre sans concession dans le moule de la conception française de tout cela, pour le service de la France.

Ainsi, le 14 juillet prochain, sur la plus belle avenue du monde, les légionnaires clôtureront le défilé à pied de leur pas lent, avançant au son du “Boudin”, hymne de la Légion, leur patrie. Devant la tribune présidentielle, ils tourneront d’un bloc, sans se scinder, pour montrer aux Français et au chef des armées leur cohésion et leur attachement sans faille au fanion de la Légion comme au drapeau français qui les précède. Regardez ces étrangers défiler : certains ne connaissent pas encore les paroles de la Marseillaise. Mais, “au son de notre Marseillaise, savent combattre les Képis blancs”.

par le général de brigade Denis Mistral, commandant la Légion étrangère
Éditorial Képi-blanc Magazine 822


La FSALE : 10 000 frères d’armes fidèles à l’unité de la Légion étrangère

La Fédération des sociétés des anciens de la Légion étrangère (FSALE) est l'unique association nationale d'anciens légionnaires reconnue par le COMLE. Elle coordonne les amicales régionales ou d'armes (cavaliers, parachutistes). Elle incarne le lien fort entre jeunes et anciens. En France, comme à l'étranger,elle regroupe les anciens légionnaires et prolonge le lien de solidarité qui les ont unis durant leur période d'activité.

Les 14, 15 et 16 juin aura lieu le congrès national de la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère (FSALE) à Nîmes,organisé avec l’appui du 2e REI.

Ce rassemblement d’ampleur, qui a lieu tous les trois ans, est un moment important dans la vie denos anciens. Mais pas seulement. C’est un évènement de taille pour l’ensemble du monde légionnaire.

La FSALE, héritière de l’USAL et reconnue d’utilité publique depuis 1957, entretient des liens forts avec la Légion dite“d’active”. D’abord, parce qu’elle cultive dans ses rangs les mêmes valeurs que la Légion d’active, car chaque ancien de la Légion les emporte avec lui lorsqu’il retourne à la viecivile. Ensuite parce qu’elle n’a cessé d’œuvrer concrètement depuis sa création en 1960, pour le rapprochement entrecette dernière et les anciens en favorisant le reclassementet l’entraide. Enfin, le COMLE est membre de droit de son conseil d’administration. Lors de son congrès national, elle procèdera au renouvellement des membres de ce conseild’administration, à la tenue de son assemblée générale et réaffirmera ses valeurs.

La Légion étrangère restera fidèle à l’idée initiale du général Rollet qui batailla ferme dans les années 30 pour que les sociétés d’anciens se regroupent : il savait qu’ensemble et fédérées, elles seraient plus fortes pour défendre les droits des anciens légionnaires que la société avait du mal à reconnaître. Ainsi, la FSALE est et restera la seule fédération nationale que la Légion reconnaît et soutient. Les valeurs qu’elle affirme ne se décrètent pas, elles s’entretiennent et se cultivent. Ce sont, entre autres, la solidarité, le souci de l’intérêt général et l’exigence de cohésion.

La solidarité ne s’épanouit que dans la durée. Le légionnaire n’est pas un homme de “coups” : il cultive la constance et la continuité dans la fraternité d’armes. La mise en œuvre de la solidarité légionnaire est la première mission d’une amicale d’anciens : apporter un soutien pour des démarches administratives, aider à reclasser ou soutenir les veuves et les orphelins de légionnaires.

C’est aussi grâce à cette solidarité que l’on accompagne, malgré tout, à sa dernière demeure un compagnon d’armes disparu trop seul, sans famille et parfois loin d’une amicale. Dans “amicale”, n’y a-t-il pas avant tout le mot “ami” ? L’intérêt général, qui doit nécessairement passer devant les intérêts particuliers. Derrière la solidarité, il y a beaucoup d’humilité et d’effacement de soi. Il faut s’oublier pour donner plus de place aux autres, pour avoir la volonté de jouer collectif.

Des efforts de chacun doit naître le bien-être de tous. Le souci de l’intérêt général se manifeste aussi par le refus de l’instinct de propriétaire, des manifestations excessives de l’ego, de voir la Légion étrangère et ses valeurs être récupérées ou instrumentalisées pour des causes qui lui sont éloignées voire totalement étrangères. Pour cela, les présidents de la FSALE et des amicales sont aussi les garants de la stricte neutralité de leur fédération et associations. C’est d’ailleurs ce que stipule entre autres l’article VII du code d’Honneur de l’ancien légionnaire : “je m’interdis d’impliquer la Légion étrangère dans toute action politique”.

La cohésion, enfin, qui assure l’unité indispensable de la Légion étrangère. L’ancien légionnaire, fier de l’adage “légionnaire un jour, légionnaire toujours”, arbore dignement son béret vert et son blazer brodé de l’insigne de son amicale. Il représentera toujours, où qu’il soit, cette Légion à laquelle il est fidèle et quine peut aller que d’un bloc, dans l’attachement à l’ensemble de ses valeurs, au premier rang desquelles se trouve cette solidarité étroite qui unie les membres d’une même famille. C’est d’ailleurs comme cela que la Légion étrangère est forte : toujours dans l’unité, jamais dans la division.

Pour être sûr de savoir où elle va, la Légion étrangère doit savoir d’où elle vient. C’est pour cela que les liens qui unissent la Légion d’active et ses anciens doivent être forts, visibles, au service de l’ensemble comme de chacun. Des liens forts, réaffirmés dans le prochain recueil des traditions de la Légion, car plus que jamais, la FSALE et les amicales qui lui sont affiliées prolongeront dans les années qui viennent l’action de la Légion étrangère. La devise “More majorum”, inscrite sur le mur du musée de la Légion étrangère, parfaitement visible depuis l’entrée du quartier Vienot à Aubagne, est là pour nous le rappeler.

par le général de brigade Denis Mistral, commandant la Légion étrangère
Éditorial Képi-blanc Magazine 821


Faire connaitre la Légion étrangère

Tradition et modernité, vecteurs conventionnels et techniques modernes, la Légion étrangère sait mettre tous les outils au service de la communication de ses valeurs, de l'affirmation de son identité.

Au début...

Au début de son existence et durant plusieurs décennies, la Légion étrangère n’était ni très visible, ni très connue. Elle ne portait pas de distinction particulière sur ses uniformes. Si certains en parlaient, c’était sous la forme de quelques romans, de souvenirs de campagnes ou de poésies. En 1885, dans son célèbre poème, “à mes hommes qui sont morts”, le capitaine de Borelli implorait d’ailleurs : “il serait temps qu’en France on se prit de vergogne à connaître aussi mal la vieille Légion…”.

Ce n’est que lorsque le progrès technique permet la démocratisation des voyages et de l’aventure, au début du XXe siècle, que la Légion étrangère commence à se faire connaître. L’attrait de l’exotisme et le mystère entourant l’engagement des légionnaires commencent à façonner l’image de l’homme sans nom et de son environnement. Avec le cinéma, les exploits du RMLE sont portés au grand public et la Légion remporte, dans l’entre-deux guerres, un franc succès grâce aux productions américaines friandes du thème du héros au lourd passé venu chercher la rédemption. C’est aussi le moment où le général Rollet œuvre pour l’image de l’institution, en imposant le képi blanc ainsi que d’autres spécificités de l’uniforme. Avec la hache des pionniers, le pas lent et les cérémonies martiales reflétant la dure discipline, le mythe prend forme et le septième art s’en empare.

La deuxième guerre mondiale permet aux auteurs et chroniqueurs de mettre en lumière le rôle des étrangers venus s’engager pour combattre l’Allemagne nazie et ses alliés. D’ailleurs, l’épopée de la 13e DBLE, unité “compagnon” qui compte elle-même 97 compagnons de la Libération dans ses rangs, est à ce titre emblématique. Mais après le conflit, la Légion étrangère est souvent objet de polémiques dans les médias, sur fond de guerre froide et de guerres de décolonisation. Depuis la fin des années 70, auréolée de la gloire des opérations Bonite et Tacaud, intégrée dans le cycle des opérations extérieures de l’armée française, elle fait l’objet de nombreux reportages et documentaires, fascinant toujours comme le montrent les nombreux projets de séries ou de films qu’elle suscite.

Aujourd’hui, comment la Légion se fait-elle connaître ?

Pour rayonner, la Légion étrangère s’appuie sur une division de son état-major organisée autour d’un centre chargé des médias conventionnels et numériques, un pôle muséal, une capacité de production image et éditoriale, sur sa Musique (MLE) et surchacun d’entre nous. Le pôle muséal est composé du grand musée du quartier Viénot à Aubagne, entièrement réhabilité et agrandi en 2011, possédant le label “musée de France” depuis cette date, d’un centre de documentation et d’une annexe se trouvant au sein du domaine du capitaine Danjou (IILE), à Puyloubier. En appui de ce pôle et depuis 2003, intervient la Société des amis du musée de la Légion étrangère (SAMLE), association qui contribue à l’enrichissement du musée et à son ancrage local et régional. De 2013, date de l’inauguration du nouveau musée, à 2018, 13 expositions temporaires ont été organisées par le conservateur du musée. En 2019, ce sont trois expositions qui seront proposées au public :“Légionnaires” (photographie), “Yom de Saint Phalles : More Majorum(sculptures) et “Noël Légionnaire”. En 2018, le musée a reçu plus de 26 000 visiteurs. Quant à la Musique, héritière des musiques de la Légion et de sa musique principale, elle est aujourd’hui la seule des musiques de l’armée de Terre dont les membres sont aussi des combattants. Elle brille autant dans les concerts et les prises d’armes (quelques cinquante prestations en 2018) qu’au sein du dispositif Sentinelle.

La communication interne de la Légion, c’est avant tout le magazine Képi blanc, véritable institution depuis le 30 avril 1947 et dont l’objectif est de relater la vie de nos unités. Le journal est toujours ce que le premier rédacteur en chef appelait de ses vœux dans le premier éditorial du premier numéro : “un organe de liaison, une lettre de famille, un journal sans politique et sans polémique”. Équipe réduite mais experte, larges contributions régimentaires pour les articles et impression externalisée : telle est la recette du Képi blanc que vous tenez entre les mains, édité à 10 500 exemplaires par mois et dont les bénéfices tirés des abonnements viennent abonder le Foyer d’entraide de la Légion étrangère. Certains le verraient bien dématérialisé : ce serait mal connaître la Légion et ses anciens, car “KB” est aussi un lien “physique et tangible”qui circule de main en main, un fond documentaire précieux,véritable journal de marche que certains relient religieusementau fil des années, et plus surprenant, un support simple,pratique et sans cesse renouvelé de l’apprentissage dufrançais aux jeunes légionnaires.

Enfin, la Légion étrangère s’inscrit résolument dans la modernité d’une communication plus directe, plus interactive. Elle anime son site Internet, récemment refondu, ainsi que les réseaux sociaux Facebook, Twitter, Instagram, YouTube ou encore LinkedIn. En 2018, c’est une nouvelle audience vers plus de 35 millions de personnes, tous publics confondus, qui ont suivi ainsi quotidiennement les aventures de nos légionnaires. Le vœu du capitaine de Borelli est aujourd’hui quasiment exaucé…

 

par le général de brigade Denis Mistral, commandant la Légion étrangère
Éditorial Képi-blanc Magazine 820


Camerone 2019


Camerone, ou quand souffle l’esprit de sacrifice

Nous célèbrerons, avec la commémoration du 156e anniversaire du combat de Camerone, l’esprit de sacrifice. C'est à dire le sacrifice suprême et le sacrifice au quotidien.

S'inscrivant pleinement dans ce thème, nous fêterons les vingt ans du 2e Régiment étranger de génie, à cette occasion.

Camerone, ou quand souffle l’esprit de sacrifice

Sans faire ici l’exégèse philosophique de l’esprit de sacrifice, il me semble important de nous préparer à cette échéance du 30 avril en évoquant cette notion dans deux de ses dimensions qui nous intéressent, le sacrifice suprême et le sacrifice au quotidien. Puis de parler du contexte dans lequel il se vit et s’entretient.


Parlons d’abord du sacrifice suprême. Du latin sacrificium, dérivé de sacrificare (de sacer et facio “faire sacré, sacrifier”), le sacrifice consistait initialement en la destruction d’un objet sensible, doué de vie ou censé contenir de la vie, afin de procurer satisfaction et hommage aux divinités. Par analogie, il signifie un renoncement, une privation que l’on s’impose volontairement ou que l’on est forcé de subir, soit en vue d’un bien ou d’un intérêt supérieur, soit par amour pour quelque chose ou quelqu’un. Etre prêt au sacrifice suprême, c’est être prêt à “mourir pour des idées”, mais contrairement à ce que chantait Brassens, souvent de mort brutale. Mais sur ce chapitre, c’est Hélie Denoix de Saint-Marc qui a résumé enune phrase admirable ce qu’est l’esprit de sacrifice : “L’homme est quelque chose qui vaut la peine d’être dépassé et le dépassement suprême, c’est de risquer sa vie pour quelquechose que l’on croit supérieur à soi-même, et c’est là où l’ontrouve le mystère de la guerre et de ces hommes qui font deleur mort l’accomplissement de toute une vie”. Tout est dit. Le sacrifice au quotidien, pour les petites ou les grandes choses, est une somme de privations que l’on s’impose pourêtre fidèle à une idée ou un idéal, pour vivre pleinement une vocation. Sacrifer son temps ou ses loisirs à son métier, sacrifier son bien-être à la rudesse de son quotidien, sacrifier sa famille à son pays, à sa patrie : ce ne sont pas de vains mots pour le soldat. Il est un texte qui chante merveilleusement ce sacrifice au quotidien, c’est la prière du parachutiste, d’André Zirnheld : “Donnez-moi mon Dieu ce qui vous reste, donnez-moi ce que l’on vous refuse, je veux l’insécurité et l’inquiétude, je veux la tourmente et la bagarre (…), que je sois sûr de les avoir toujours, car je n’aurai pas toujours le courage de vousles demander”.

Sacrifice suprême et sacrifice au quotidien s’entrelacent de manière plus forte en fonction du contexte. Durant la Grande Guerre, l’esprit de sacrifice était le levier, la raison même d’une action rituelle aussi individuelle que collective, renforcée par l’horizon indépassable d’un conflit long et au grand nombre de morts. Blaise Cendrars, écrivain-légionnaire, évoque dans “La main coupée” cet esprit de sacrifice où se mêlaient grandeur, résignation, fatalité et détachement, égayé par les petites joies du quotidien et la fraternité d’armes qui le rendaient supportable. Dans les périodes plus calmes, chacun prépare ce rendez-vous à sa façon, tout en sachant qu’à chaque mission opérationnelle, il peut surgir et s’imposer, comme le rappelle l’article 6 du code d’honneur du légionnaire : “la mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout et, s’il le faut, en opérations, au péril de ta vie”. La Légion étrangère, par ses valeurs, ses traditions, son histoire, l’hommage qu’elle rend à ses morts et l’assurance qu’elle donne de ne jamais les oublier, offre un cadre exceptionnel à cet esprit de sacrifice. Magnifié ainsi, il s’impose à tous et sans jamais éluder la terrible question de la mort, rassure, exalte l’engagement et permet d’espérer.
Au Mexique, à Camerone, en ce mois d’avril 1863, pour la 3e compagnie du 1er bataillon du Régiment étranger commandée par le capitaine Danjou, il ne s’agissait finalement que de renforcer l’escorte d’un convoi transportant de l’argent et des vivres. Réarticulée à la hâte, sacrifiant son quotidien à une nouvelle mission qui semblait routinière, elle se dirigea résolument vers son destin et livra, jusqu’à l’engloutissement, cette lutte de géants qui en fit sa renommée. Chaque légionnaire de la compagnie Danjou, ayant pour habitude de pratiquer le sacrifice au quotidien, fut au rendez-vous de ce sacrifice suprême qui, rappelons-le, oblige : au combat, le chef, qui commande à des hommes animés de l’esprit de sacrifice, a l'impérieux devoir d’honorer ce don de soi en mettant tout en oeuvre pour concevoir une manœuvre épargnant leur vie autant que faire se peut. Au don de soi absolu de ses hommes, qui autorise tous les courages et tous les héroïsmes, le chef doit répondre par le don absolu de sollicitude, qui noue toute confiance. C’est aussi la leçon que nous a transmise le capitaine Jean Danjou.


Le 2e Régiment étranger de génie, lequel depuis sa création, a vu cinq des siens tomber au champ d’honneur, a gagné une fourragère et sait bien ce que sacrifice au quotidien veut dire par sa triple spécificité Légion-Sapeur-Montagne, fête ses vingt ans. Voilà qui illustrera aussi, avec force, le thème de cette année 2019.

Général de brigade Denis Mistral

commandant la Légion étrangère

Képi-blanc Magazine 819


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