Seul, il allait, de son pas lent, vers ce lieu Seul
Où dormaient à jamais dans leurs mornes cercueils
Ceux qui sont tombés au mutant de la guerre
Et qu'on baptise héros quand on les met en terre.
Il était seul, pourtant il était multitude
Riant tout bas de ceux qui dans sa solitude
Le croyaient enfermé !
Car ils étaient tous là
Les amis de toujours, ses amis de Combat
Qui l'attendaient au rendez vous du Souvenir
Morts, Morts ! Allons donc
Lui les ferait sortir
De l'humus pourrissant par l'ardente magie
D' un cœur qui se souvient...Et redonne la vie.
Et de tombe après tombe, il s'en va, leur parlant
Tel un chœur antique, un pôle récitant :
Karl Müler, vieux copain de guerres emmêlées
Croix de Guerre et de Fer, médailles en allées
Au trou de ta poitrine.
Ustini Aldéo,
Chante encore pour moi
Ton dernier Bel-Canto.
Kuksisko Andréas, de ta voix de stentor
Je t'entends engueuler cette putain de mort
Qui osait te défier mais qui t'a eu, la Garce
Car tu ne croyais pas en son ultime farce.
Bébert de Belleville, Aristo de la Butte
Tard venu parmi nous pour partager nos luttes…
Tu avais lu Dumas et te croyais Porthos !
Fine lame éclatée au fil d’une bastos…
Et toi, Mon Lieutenant, je peux te tutoyer…
Mon frère, mon ami, mon Chef, beau Chevalier
Qui ne porta jamais d’autre rubannerie
Que le sillon sanglant sur ta face meurtrie….
Et toi, Signor Gomez…et toi fier Martinez
Et toi, Van Copenol, blond flament au long nez
Et toi, et toi, Debout ! Voici la Garde…
Debout pour le Caïd qui là bas te regarde !
Il était multitude…..Et cette multitude
L’entourait, le grisant, lui donnant fortitude.
Et il criait, et il criait et il hurlait
Et il pleurait, il riait et pleurait et riait
Car il portait en lui la Vérité Première
Ardente Vérité, essentielle et fière….
Un Légionnaire Seul, Cela n’existe pas
Mort ou vif, au repos, paré pour le Combat
C’est toute la Légion, sa Clarté, son Mystère…
C’est lui
C’est toi
C’est moi
C’est nous les Légionnaires….
Achille SOEERTAERT
Ancien Aumônier de la Légion étrangère