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1895

L'expédition de Madagascar

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Le Monde illustré du 14/09/1895

 

Dans une intéressante correspondance adressée au Petit Marseillais, M. Léon Boudouresque nous fournit le commentaire des illustrations de notre envoyé spécial, M. Louis Tinayre, dont il est le compagnon de route, à la suite de l'expédition.

Suberbieville, le 29 juillet 1895


Le 23 juillet dernier, à Marololo, cinq tirailleurs du bataillon sakalave, les nommés Totou, Laimanga, Botou, Levao et Zikini quittaient le campement du bataillon et gagnèrent un village sakalave situé non loin de là.

Ils traitèrent le village en pays conquis par des vainqueurs sauvages : une femme fut assassinée par eux, après avoir été outragée, et l'incendie des cases, qu'ils allumèrent, vint couronner dignement leur ouvrage de bandits. Puis, ivres morts, ils s'endormirent tous les cinq auprès des ruines fumantes; ils cuvaient encore leur ivresse le lendemain, lorsqu'un détachement du bataillon, envoyé de Marololo, où les habitants du village étaient allés porter plainte, les y arrêta au petit jour.

Viol. assassinat, pillage et incendie, leur affaire était claire; si claire même que l'un d'entre eux, Levao, bien fixé sur le sort qu'il lui était réservé, profita du premier défaut de surveillance qu'il put remarquer, durant leur transport de Marololo à Suberbieville, et parvint à gagner la brousse où il court encore.

Désireux de frapper d'un exemple terrible les imaginations des indigènes divers qui font partie du corps expéditionnaire, le commandant en chef n'hésita pas à livrer à toute la rigueur de notre loi militaire les auteurs de ce premier acte de pillage.

Dans une pièce d'une des maisons de Suberbieville, le conseil de guerre fut réuni : un président, M. le lieutenant-colonel Andry; quatre juges, un commandant, un capitaine, un lieutenant et un adjudant; un greffier qui était justement M.Vergne, l'ex-greffier du conseil de guerre du XVe corps d'armée qui n'a laissé à Marseille que des sympathies méritées; en deux avocats, l'un lieutenant désigné d'office, l'autre avocat de profession, inscrit au barreau de Paris, M. Ferdinand Pages, qui s'était offert avec bonne grâce pour défendre trois des prévenus.

Dans le fond une table grossière, derrière laquelle siégeait le tribunal; à gauche et à droite deux petites tables, la première pour le commissaire du gouvernement et le greffier, la seconde pour les défenseurs. Sur chacune des tables, un méchant couvre-pieds de troupiers et c'est tout. Dans un décor aussi banal, je ne sais trop ce que serait devenue la majesté toute d'emprunt de nos juges civils; mais je sais bien que nous fûmes tous vivement impressionnés lorsque retentirent les commandements du sergent chef de la garde d'honneur: « Portez armes! Présentez armes ! » et que lentement, un à un, les membres du conseil, président en tête, entrèrent dans la salle, en simple tenue de campagne, sabre au côté, revolver à la ceinture, jugulaire au menton et qu'ils se furent assis au milieu d'un silence plus solennel.

Les accusés furent interrogés séparément; mais ce qui fut étrange par-dessus tout ce fut le contraste entre l'attitude des accusés pendant qu'ils se défendaient pied à pied contre l'accusation et celle qu'ils observèrent lorsque, devant la garde assemblée, on leur donna lecture du jugement terrible qui les condamnait tous les quatre à la peine de mort. Autant ils avaient mis de passion, d'énergie et de fougue à s'innocenter, accompagnant leurs paroles de gestes si expressifs que nous les comprenions presque avant que l'interprète juré ne les eût traduites autant ils avait vibré contre l'accusation, autant ils restèrent impassibles devant la condamnation sans appel. Pas un mot, pas un geste, pas un tressaillement sur leur physionomie tout à l'heure si mobile et l'on peut avancer à coup sûr que chacun des assistants était plus ému que les quatre condamnés ensemble.

Cette impassibilité extraordinaire devient plus extraordinaire encore si l'on songe que cette condamnation leur parut hors de toutes proportions avec le crime commis. Eu effet le respectable Père Bardon, qui passa en leur compagnie plusieurs des heures qui s'écoulèrent entre la condamnation et le
jugement — car Laimanga était catholique et demanda à mourir dans sa foi —le Père Bardon me racontait, très ému, que Zikini lui avait dit : «Nous avons nié à l' audience, mais en somme, nous avons réellement fait ce que l'on nous reproche.

Le conseil de guerre nous a condamnés à être fusillés : tant pis pour nous, mais nous ne nous y attendions pas. »

A la veille d'être exécutés, ils ont demandé l'autorisation de voir « la lune et les étoiles» une dernière fois. On les a laissés près d'un quart d'heure hors de leur tente, sur cette prière, et ce quart d'heure, ils l'ont passé à regarder le ciel, étendus nonchalamment sur le dos; de temps en temps ils répétaient : « Dernière nuit ! Dernière nuit ! Mangé dernier riz ce soir ! » Toutes phrases qu'ils prononçaient sur un ton simple de mélancolie très douce, sans qu'on y pût relever une nuance d'amertume ou même de vif regret.

Mais c'est au matin de l'exécution surtout, qu'ils étonnèrent tout le monde par leur attitude et leur sang-froid magnifique, au cours de la terrible parade où ils avaient le rôle tragique que vous savez.

Vous connaissez le cérémonial de ses parades que l'armée organise lorsqu'elle a à rejeter solennellement de son sein, soit par la dégradation, soit par la mise à mort, ceux que sa loi a déclarés indignes de servir son drapeau. Le châtiment infligé au coupable s'accompagne d'un exemple donné en public et c'est devant toutes les troupes de la garnison, rangées en carré, que s'exécutent les jugements des conseils de guerre; et pas de bourreau officiel: aux anciens camarades du ou des condamnés, aux anciens compagnons de gamelle et de tente est imposé le pénible devoir de donner sa sanction à la sentence, quelle qu'elle soit... Ce matin, donc à 6 heures 1/2, je gagnai le ravin dans lequel devait avoir lieu l'exécution et qui est situé à peu de distance de Suberbieville. Quatre poteaux, branches d'arbre non dégrossies, avaient été alignés là, distants de douze mètres l'un de l'autre et devant chaque poteau, à six mètres, un peloton de douze hommes, commandés par un sergent, était placé sur deux rangs, l'arme au pied. Au milieu de l'intervalle qui séparait les deux pelotons du centre se tenait l'adjudant qui, tout à l' heure, allait donner aux quatre pelotons l'ordre de faire feu.

A droite, à gauche, en arrière brillent, double enceinte d'acier, les baïonnettes des troupes massées là, comme le veut le règlement.

Là-bas, à environ cent mètres, un groupe de soldats paraît et s'avance,baïonnette au canon: ce sont les condamnés et leur escorte. «Portez, armes ! Présentez, armes ! » Les deux mouvements s'exécutent avec un bruit mat de métal que l'on frappe; un silence; puis subitement, coupant étrangement l'angoisse qui déjà nous oppresse,voici que retentissent pimpants, alertes, gais même, les accents des clairons qui, massés au centre du carré, sonnent aux champs à toute volée, comme pour saluer la venue d'un général en chef. Et dans ce bruit de fanfare triomphale, parmi ce déploiement d'honneurs suprêmes rendus à la justice qui passe, les quatre condamnés pénètrent dans le carré, et le traversent.

Cependant les condamnés sont seuls auprès de leurs poteaux et l'adjudant a levé son sabre; à ce commandement muet les pelotons mettent en joue, visent et au commandement : Feu ! à peine entendu si rapide est la salve, une longue détonation retentit : pas un cri sur la ligne des poteaux, seule une courte vibration de chacun d'eux, plutôt entrevue que vue, et sans un geste de douleur, sans une crispation d'agonie, les quatre cadavres s'affaissent l'un sur le dos, étendu dans toute sa longueur, les deux autres sur le côté,les jambes repliées, et le quatrième, le quatrième enfin, dont la corde qui lie sa ceinture au poteau n'a pas été brisée, demeure accroupi, les genoux dans la posture d'un suppliant qui demanderait humblement pardon.

Ils sont bien morts; toutefois les quatre placés à la sergents tête des quatre pelotons se détachent vivement, et, par mesure de précaution,donnent aux quatre exécutés le coup de grâce.

De nouveau les clairons jettent leurs sonneries alertes dans le silence respectueux et contemplatif qui a succédé aux quatre coups de feu derniers. C'est le défilé : section par section, les troupes passent devant les cadavres.

Justice est faite et les tirailleurs sakalaves qui ont assisté à l'exécution en sont revenus vivement impressionnés.

« Fata! 'Fata!' » disaient-ils en parlant de la loi française, ce qui signifie: « Dure ! Dure ! Il est donc permis de » supposer que de pareils faits ne se renouvelleront plus jusqu'à la fin de la campagne Et si vous voulez mon opinion tout entière, je souhaite que nos tirailleurs malgaches se gardent du pillage, autant pour la bonne renommée de notre discipline dans le pays que pour éviter de voir sou- tenir cette renommée au prix de la vie de braves — le mot n'est pas trop fort — tels que ceux qu'on a fusillé ce matin.

Ces nègres ont agi en brutes, mais ont su mourir en soldats; et pas un Français ne me contredira lorsque j'ajouterai que ceci rachète bien cela.


LÉON BOUDOURESQUE


Le Monde illustré du 07/09/1895

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Madagascar

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Le Monde illustré du 07/09/1895

 

On a fait grand bruit ces jours derniers autour de Madagascar, et d'un prétendu conflit qui se serait élevé entre les ministres de la guerre et de la marine au sujet du wharf de Majunga. Notre confrère du Gaulois nous donne à ce sujet de curieux renseignements.

Des retards considérables se seraient produits qui obligeraient le général Duchesne à suspendre les opérations jusqu'à une date indéterminée.

En l'absence du ministre de la guerre nous avons demandé à une personne, bien placée pour savoir exactement où en sont les choses, de nous renseigner Voici les déclarations qui nous ont été faites.

— Vous pouvez démentir formellement qu'il y ait jamais eu conflit, depuis le début de l'expédition, entre la guerre et la marine. Tout ce que celle-la a demandé à celle-ci, elle l'a obtenu sans délai. La marine a donc parfaitement le droit — elle en a même le devoir — de se défendre quand on l'attaque. Le ministre de la guerre ne peut que l'approuver. Il a seul ici la responsabilité de l'expédition, et j'ajoute qu'il entend bien ne point s'y soustraire. Voilà donc qui est entendu une fois pour toutes.

« Examinons maintenant les reproches qu'on adresse à la guerre : on critique surtout l'organisation de l'expédition et on se plaint des lenteurs.

S'imaginait-on que l'expédition de Madagascar devait ressembler à une promenade boulevard des Italiens ?

Sans doute les esprits forts pensaient ainsi. Or, on s'aperçoit que le pays est dangereux, que le climat n'est pas précisément très sain, bref, que c'est une vraie expédition et non pas une promenade que dirige le général Duchesne.

« Mais tout cela on l'avait prévu : on savait parfaitement, à peu de chose près, qu'il y aurait des lenteurs, et que pour atteindre le but il faudrait agir avec infiniment de sagesse et de prudence. Peut-on en vouloir au commandant en chef d'être ménager de ses hommes et de ses vivres ? Faut-il le critiquer de ce qu'il ne marche qu'à coup sûr, construisant des ponts qui resteront, traçant des routes qui ont entr'autres le mérite de n'être pas des routes provisoires mais des routes dont seront fort aises de se servir ceux qui iront dès l'an prochain à Madagascar se promener en touristes ou pour leurs affaires.

« Nous ne sommes point infaillibles. La guerre commet des erreurs comme tout le monde, seulement elle a à cœur de mettre beaucoup de hâte à les relever, pour n'y plus retomber ensuite, et, en l'espèce, ces erreurs n'ont pas pu compromettre le succès - désormais assuré — de l'expédition.

Trois mois avant de partir pour Madagascar, le général Duchesne commençait l'étude et l'organisation de l'expédition, aidé de son intendant; c'est à-dire que rien n'a été laissé au hasard et que, doué d'un large esprit d'initiative, le général saura parer à toutes les éventualités.

- Y aura-t-il un temps d'arrêt ?.

- En aucune façon. On continuera à ne point hâter inutilement se et pour le seul plaisir de donner satisfaction aux ignorants et aux badauds, mais le « long hivernage » annoncé par de bonnes âmes ne se produira pas : l'expédition sera menée à bonne fin et, dès le mois de septembre, le général Duchesne aura atteint le but.


« Peut-être alors rendra-t-on pleine justice à la « guerre et au chef de l'expédition de Madagascar. "

Un dessin de notre envoyé spécial M. L. Tinayre nous montre une caravane composée des différents correspondants de journaux autorisés à suivre l'expédition.

C'est ensuite l'installation des artilleurs dans une batterie Hova prise à Suberbieville; un épisode de campagne, montrant la façon d'ont on transporte la viande destinée à l'alimentation de notre valeureuse colonne expéditionnaire, et enfin, un aspect des sépultures du jeune lieutenant Augey-Dufresse, vaillamment tombé au champ d'honneur, et du caporal Sapin, l'une des premières victimes de cette expédition lointaine et hasardeuse.


Le Messager de l'Ouest : journal de l'arrondissement de Sidi-Bel-Abbès – 03/09/1895

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Le Progrès de Bel-Abbès – 01/09/1895

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Le Monde illustré du 31/08/1895

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L'expédition de Madagascar.

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Le Monde illustré du 31/08/1895

 

 

L'expédition de Madagascar. - L'armée expéditionnaire a célébré avec toute la pompe qu'il était possible de déployer, la fête du 14juillet. Les hommes ont reçu partout triple ration, ont eu un repos complet, et des jeux divers, avec prix, eut été organisés par eux. A Suberbieville le général Duchesne a passé en revue le matin, les troupes de la garnison; au cours de cette revue, il a remis au colonel de Nonancourt la croix d'officier de la Légion d'honneur. Le soir réception par lui de tous les officiers présents à Suberbieville; punch monstre, remarquable d'entrain, a l'issue duquel le général en chef, eu quelques paroles martiales et patriotiques, a bu à la France « qui ales yeux fixés sur nous à cette heure », a t-il dit, et à la prise prochaine de Tananarive.

Puisse ce dernier souhait se réaliser à bref délai !

La fête du 14 juillet a été également célébrée a Tamatave « elle empruntait, dit un correspondant, à la situation actuelle un caractère que je qualifierais presque de religieux; nous avons bien eu les réjouissances habituelles : retraite aux flambeaux, jeux populaires sur la place, etc., etc.; mais le pèlerinage au monument commémoratif des combattants de 1885 fut particulièrement touchant. La colonie française et les protégés avaient été reçus à la résidence de France, à dix heures du matin, par le commandant Campion; ils furent présentés par le doyen de la colonie, M. Bonnemaison, qui, très ému, prononça une patriotique allocution à laquelle le commandant répondit.

Suberbieville dont nous donnons un panorama, est devenu en quelques sorte le centre des opérations.

C'est le premier échelon du plateau de Madagascar, et l'on peut espérer que, sur ses hauteurs, l'état sanitaire de la colonne va considérablement s'améliorer.

 

* **


Suberbieville contient de vastes bâtiments, quelques-uns très confortables, notamment la splendide maison d'habitation de M. Suberbie, qui aurait pu, à elle seule, contenir au moins cent lits, les bengalows, plus modestes, mais également bien conçus, de ses Ingénieurs et du personnel européen; mais tout cela a été forcément occupé par le quartier général et par le service administratif du corps expéditionnaire pendant que les soldats gisent sous la tente avec des températures de 38 à 40 degrés, qui suffiraient à affaiblir des hommes bien portants.

Le médecin en chef de l'hôpital n° 3, arrivé vers la mi-juillet, a été navré de cet état de choses, et il a voulu y apporter un prompt remède. Après d'infructueuses recherches, à Suberbieville, il a pénétré dans le village indigène de Ranomangatsieka dont les nombreuses cases étaient inoccupées. Il voulut y faire transporter les malades, mais l'autorisation ne lui a été accordée qu'après une lutte qu'on dit avoir été de la plus extrême violence et qu'après avoir menacé de demander sa mise à la disposition du ministre.

Ces cases étaient précieusement conservées pour recevoir les fidèles Sakalaves, dont le service des renseignements promet l'arrivée prochaine depuis bientôt deux mois! Le docteur Moine y installe des ambulances et nos malades seront moins mal.


Le Messager de l'Ouest : journal de l'arrondissement de Sidi-Bel-Abbès – 30/08/1895

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Le Messager de l'Ouest : journal de l'arrondissement de Sidi-Bel-Abbès – 27/08/1895

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Le Petit Journal Illustré. 25/08/1895.

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