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LES MÉMOIRES D'UN DÉSERTEUR AMERICAIN DE LA LÉGION ÉTRANGERE

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Le Petit Parisien. 14/02/1928

 

Doty raconte son évasion manquée, sa comparution devant le conseil de guerre, sa condamnation, sa grâce, puis sa libération complète, qui contrariait son vif désir de reprendre du service dans la légion.

 

 

III

 

 

Après maints combats victorieux, au cours desquels Doty reçoit la croix de guerre, les légionnaires ont participé à la délivrance de Soueida, et, contrairement à ce qu'ils espéraient, on les emploie à la reconstruction de la citadelle. Ce sont, déclare avec dédain le légionnaire, des « travaux de civils » qu'on ne devrait pas infliger à des gens qui s'enrôlent pour se battre. Et c'est ainsi qu'il explique le « cafard » qui s'empare de lui.

A Bzra, il a fait connaissance. quelques mois plus tôt, avec trois autres légionnaires l'Anglais Harvey et les deux Allemands Lass et Wesser. Lorsqu'ils apprennent qu'on va les occuper quelques mois encore à Soueida, ils n'y tiennent plus. Dans les conversations qu'il a avec ses trois camarades, nous dit Doty, il n'est guère question que de la « promenade », ce qui, en argot de légionnaire, signifie la désertion.

Nous avions réussi, conte-t-il, à nous procurer une carte que nous étudions avec passion et qui nous révéla que la frontière britannique était à peine à une quarantaine de kilomètres à vol d'oiseau. Cette découverte triompha de nos hésitations. L'évasion fut vite décidée.

Nous mîmes en commun nos ressources pour acheter des vivres de conserve, des cigarettes et autres petits objets.

C'est le 12 mai 1926 que nous entreprîmes la « promenade ». Après la sieste de midi, nous fîmes semblant d'aller laver nos vêtements et, au crépuscule, Harvey et moi, entraînant les deux Allemands qui paraissaient Indécis, nous descendîmes la colline.

La première et la deuxième nuits se passent sans accident, mais le lendemain, les quatre déserteurs Harvey ayant pris avec lui son mousqueton ont à lutter contre les Bédouins. Ils réussissent à s'échapper après en avoir tué deux et arrivent à El Umtalyo, où, un instant captifs du caïd, ils parviennent encore à triompher de leurs adversaires et à prendre le large, mais c'est pour tomber sur une patrouille de gendarmes syriens embusqués derrière des murailles. La lutte serait trop inégale. Harvey jette son ferme/ Le dernier chapitre dé la fuite est révolu.

Les gendarmes nous traitèrent fort bien, écrit-il. Ils nous conduisirent à leur poste, nous donnèrent ù manger, nous offrirent des cigarettes et nous permirent de dormir dans un endroit confortable.

Le jour suivant, sous la garde d'un caporal et d'un gendarme, nous fûmes conduits à Doora, où se trouve un camp d'aviation gardé par des troupes indigènes.

Le capitaine français qui commandait le camp nous accueillit sévèrement et nous fit mettre en cellule.

Après onze jours à Doora, en route pour Damas.

Nos déserteurs vont faire connaissance avec la prison de la citadelle, qui n'est évidemment pas un palace, et où on ne sert pas des mets de choix. Encore Doty, qui a conservé quelque argent, a-t-il la faculté de se faire préparer du chocolat par le cuisinier.

Si, au surplus, la vie à la prison est dure. et si la présence de puces l'aggrave, tous les hôtes subissent le même sort, qu'ils soient légionnaires ou non et, dans son récit, Doty ne témoigne pas qu'il y ait eu dans la façon dont ils furent traités quoi que ce soit d'inhumain ou de personnellement vexatoire.

Une semaine après mon arrivée dans la citadelle, poursuit^ le reçus la visite du consul américain, M. Keely. Il venait me voir parce qu'un correspondant de journal que j'avais rencontré à Soueida l'avait informé que j'avais été condamné par une cour martiale et que j'allais être fusillé.

Je tiens à déclarer tout de suite que jamais nous n'eûmes pareille crainte.

Personne ne me croirait, et é bon droit, si je disais que les Français fusillent les déserteurs de la légion ou tous autres déserteurs, à moins qu'il ne s'agisse d'une désertion sur le champ de bataille.

Ce n'était pas le cas. Nous savions parfaitement que nous serions punis si nous étions pris, mais nous ne redoutions guère plus de deux ans de prison.

Le procès des quatre légionnaires s'ouvrit devant le conseil de guerre de Damas le 16 juillet 1926.

Le colonel président interroge Doty.

Je répondis que j'aimais la légion en tant qu'unité militaire, mais que, sinon la transformait en corps d'ouvriers manuels, elle m'inspirait de l'antipathie. J'ajoutais que, à mon avis, le gouvernement n'avait pas agi équitablement en nous promettant un poste de repos après une campagne aussi dure et en ne tenant, pas sa promesse.

Mon défenseur, un lieutenant d'artillerie, cita comme témoin un sergent turc, Rechad bey, mon ancien chef de section. Celui-ci déclara que j'avais été un excellent soldat, que mes officiers me tenaient en grande estime et que je n'avais jamais manqué à mon devoir. Il produisit mes états de service sur le champ de bataille et mon défenseur lut une appréciation du lieutenant Venion corroborant le témoignage du sergent.

Doty espérait à ce moment-là s'en tirer avec un an de prison. A sa grande surprise il fut. condamné à huit ans, ainsi qu'Harvey, tandis que les deux Allemands s'en tiraient avec cinq ans.

Nous étions ahuris, dit-il, par cette inégalité de traitement. Mais nous avions cependant une consolation on ne nous avait pas inculpés pour la mort des Bédouins. Le colonel déclara qu'ils s'étaient mis dans leur tort en attaquant des soldats français en uniforme.

A notre retour à la prison, nos codétenus nous entourèrent vivement. La plupart avaient commis la même faute que nous et Ils furent atterrés par la sévérité du verdict. C'était la peine la plus forte qui eût été infligée par le conseil de guerre pour une désertion dans les conditions de la nôtre.

De Damas, les condamnés sont transférés à Beyrouth où ils trouvent là une prison propre, avec une bonne nourriture et de bons gendarmes ». Après Beyrouth, c'est Marseille, puis Albertville, et enfin Clairvaux mais à vrai dire la légion n'est plus en cause ici et les impressions de Doty sur sa captivité ressemblent à celles de la plupart des détenus purgeant une peine.

C'est le 23 septembre dernier que Doty reçut, à la prison de Clairvaux, la nouvelle qu'il était gracié et qu'il retournait à la légion. Cette perspective l'enchante, et la façon dont il narre ses impressions est une nouvelle preuve que s'il a trouvé la vie dure à la légion, il n'est pas de ceux qui nient la justice des chefs.

Quand j'arrivai au quartier général de la légion, à Sidi-Bel-Abbès, la première personne que je rencontrai, ce fut mon vieil ami, Rechad bey, mon témoin à décharge au conseil de guerre. Je retrouvai aussi le sergent Etienne de mon ancienne compagnie, d'autres encore qui avaient été en Syrie avec moi.

A ce moment, on envoyait des renforts au Maroc. Je brûlais du désir d'y aller et de réaffirmer Gilbert Clare comme un combattant de premier ordre.

Après avoir attendu vainement pendant plusieurs jours, je crus un instant que mon espoir allait se réaliser. On m'administra les vaccins réglementaires et je me préparai pour la revue, à 9 heures du matin, lorsqu'on m'invita à me présenter au bureau du colonel, où je fus informé qu'un télégramme du ministère de la Guerre ordonnait ma libération immédiate. Je fus aussi surpris de cette décision que de celle qui m'avait été communiquée à la prison de Clairvaux.

Je m'attendais Il terminer mon engagement à la légton et je l'eusse fait avec joie.

C'est à ce moment que le colonel Rollet fit à Doty la recommandation de dire la vérité. Il en fit la promesse.

Doty affirme en terminant qu'il a tenu parole.

La légion étrangère, écrit-il, est une unité de combat soumise à une discipline de fer. Je le savais en m'enrôlant et j'ai connu le régime que j'avais prévu. Notez, d'ailleurs, que lorsqu'un étranger s'engage à la légion il ne prête pas serment d'allégeance à la France et on ne lui demande pas d'abdiquer sa nationalité. On s'explique, dans ces conditions, le contrôle rigide que les officiers doivent exercer sur les hommes.

Doty n'est pas passé en vain par la légion. Il a saisi l'esprit de sa discipline et ce n'est pas sans quelque fierté qu'il observe dans son dernier mot que Gilbert Mare a vécu d'une intensité de vie qui ne se peut dépasser.

Jean Massip.


Traduction

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