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2008

La mort du dernier poilu

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publié le 12/03/2008

Le dernier combattant français survivant de la guerre de 1914-1918, Lazare Ponticelli, est mort ce mercredi à l'âge de 110 ans. Un hommage national lui sera rendu lundi matin aux Invalides à Paris. 

C'est l'Elysée qui a annoncé dans un communiqué ce mercredi la disparition de Lazare Ponticelli.

« J'exprime aujourd'hui la profonde émotion et l'infinie tristesse de l'ensemble de la nation alors que disparaît Lazare Ponticelli, dernier survivant des combattants français de la Première guerre mondiale », déclare le président Nicolas Sarkozy dans ce communiqué.

« Je salue l'enfant italien venu à Paris pour gagner sa vie et qui choisit de devenir Français, une première fois en août 1914, lorsque, trichant sur son âge, il s'engagea à 16 ans dans la Légion étrangère pour défendre sa patrie d'adoption. Une deuxième fois en 1921, lorsqu'il décida de s'y établir définitivement » ajoute le chef de l'Etat.

L'Elysée précise qu'un hommage national « à l'ensemble des Français mobilisés durant la Première guerre mondiale » sera rendu dans les prochains jours. Lazare Ponticelli avait, dans un premier temps, refusé des obsèques nationales, avant de revenir sur sa décision « au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes » durant la Première guerre mondiale.

Retrouvez la voix de Lazare Ponticelli, lors de sa dernière apparition publique fin 2007 :

 

 

Une vie digne d'un roman

Né italien en 1897 dans une petite ville du nord de l'Italie, Lazare Ponticelli arrive à Paris en 1906 pour gagner sa vie, sans savoir ni lire, ni écrire ni parler français.

En 1914, dès le début de la Première Guerre mondiale, il s'engage dans la Légion étrangère pour défendre sa patrie d'adoption en trichant sur son âge. Il est envoyé sur le front à Soissons. En 1915, il se trouve près de Verdun lorsqu'on le démobilise. L'Italie vient d'entrer en guerre. Il doit alors rejoindre l'armée italienne pour combattre l'Autriche.

De retour en France en 1920, il fonde avec ses deux frères « Céleste et Bonfils », une société de fumisterie qui deviendra une multinationale dans le domaine de la maintenance industrielle.

1939 : c’est la Seconde Guerre mondiale. Il demande et obtient la nationalité française. Mais, jugé trop vieux pour le service actif, il est renvoyé à son entreprise. On estime que ses services seront plus profitables à l'effort de guerre. Ce qui ne l'empêchera pas de s'engager plus tard dans la Resistance.

Une vie, donc, consacrée à la France, mais il ne voulait pas de funérailles nationales Les obsèques nationales au Panthéon, toute sa vie il les a refusées. Mais il s'était rétracté il y a quelques semaines, à condition qu'elles soient simples et dédiées à tous les morts de la Première Guerre mondiale. Et qu’il soit enterré auprès des siens.


Hommage national au dernier «poilu» lundi

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12/03/2008


Lazare Ponticelli voulait une célébration digne et sans tapage. Crédits photo : AP

Le dernier combattant de la Première Guerre mondiale, Lazare Ponticelli, voulait «qu'au-delà de sa personne, on rende hommage à toutes le victimes civiles et militaires de la Grande guerre».

Il était le dernier survivant de la Première guerre mondiale, le dernier des 8,5 millions de poilus français. Lazare Ponticelli est mort mercredi à l'âge de 110 ans. Il s'est éteint au domicile de sa fille au Kremlin-Bicêtre, dans le Val-de-Marne. C'est l'Élysée qui a annoncé la nouvelle. Ses obsèques se dérouleront lundi matin aux Invalides, à Paris.

«J'exprime aujourd'hui la profonde émotion et l'infinie tristesse de l'ensemble de la Nation alors que disparaît Lazare Ponticelli, dernier survivant des combattants français de la Première guerre mondiale», a déclaré Nicolas Sarkozy dans le communiqué qui révélait la nouvelle. Un hommage national à l'ensemble des Français mobilisés durant la Première Guerre mondiale sera rendu «dans les prochains jours».

Après avoir longtemps refusé les obsèques nationales, Lazare Ponticelli avait récemment accepté cet honneur, promis par Jacques Chirac au dernier poilu qui disparaîtrait, et ce peu après le décès de Louis de Cazenave.Au nom «de tous ceux qui sont mort, hommes et femmes» pendant cette Guerre, avait-t-il expliqué dans une dernière interview accordée au Parisien-Aujourd'hui en France. Il avait posé ses conditions : pas de tapage important, ni de défilé. Et il souhaitait «une messe aux Invalides» pour leur rendre hommage.

Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a salué la mémoire d'«un semeur d'espoir qui refusait la fatalité». «Chaque combattant qui s'éteint emporte avec lui une part de notre histoire. Mais en nous quittant, il laisse le témoignage de ses sacrifices comme autant de graines d'espérance».

François Fillon, pour sa part, a appelé à ne «jamais oublier le courage inouï et le message si grave des poilus», une «génération qui a donné ses vingt ans pour la France». «La disparition de cet homme d'honneur et de courage nous confronte à nos propres responsabilités. Elle ravive en nous la profonde reconnaissance due à ceux qui ont tant donné pour défendre notre nation et ses idéaux», souligne le premier ministre.

L'ancien président Jacques Chirac a également rendu hommage à Lazare Ponticelli. «Je veux saluer le courage de l'homme et le symbole de ces millions de jeunes qui répondirent avec un courage admirable et au prix de sacrifices immenses, à l'appel de la Patrie envahie», a expliqué l'ex-chef de l'Etat. «Nous leur devons notre liberté d'aujourd'hui», a-t-il ajouté.

«C'est complètement idiot la guerre»

Cet Italien de naissance, né le 7 décembre 1897, était parti tout seul de son village natal du nord de l'Italie, à 9 ans et demi, pour fuir la misère et gagner le «paradis», la France. Il n'a que 17 ans et doit tricher sur son âge pour s'engager dès l'automne 1914 au 4e Régiment de marche de la Légion étrangère. « J'ai voulu défendre la France parce qu'elle m'avait donné à manger», expliquera-t-il plus tard.

Quelques semaines de classes et le voilà au front dans la forêt d'Argonne en décembre 1914. Très vite, il devra partir combattre sous le drapeau transalpin après l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de la France. De ce long conflit, dont il est sorti indemne hormis une blessure à la joue, il avait retenu une chose: «vous tirez sur des pères de famille, c'est complètement idiot la guerre».

Revenu en France, il lance en 1921 avec deux de ses frères une entreprise de montage et d'entretien de cheminées d'usine, dont les activités vont s'étendre au montage-levage, particulièrement dans le secteur du raffinage du pétrole, puis à la tuyauterie. La société Ponticelli Frères est devenue un groupe dynamique qui compte aujourd'hui près de 4.000 salariés. L'ancien légionnaire, naturalisé en 1939, évoquait avec fierté ses médailles, conservées dans une boîte à chaussures: croix de chevalier de la Légion d'honneur, Croix du combattant 14-18, Médaille interalliée 1918, Médaille des blessés, Croix de Vittorio Veneto, Merito di Guerra.

Quant au terme «Poilu», hérité du lexique de la Grande Armée de Napoléon, il s'agit d'un surnom apparu pendant le rude hiver 1914-1915 au cours duquel les barbes se multiplièrent, devenant l'emblème du combattant au front.


Le dernier poilu de la Grande Guerre est mort

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Publié le 12/03/2008

Lazare Ponticelli participe, , à l'inauguration de l'espace consacré à la mémoire orale, au musée national de l'Histoire de l'Immigration à Paris - Pierre Verdy AFP/Archives
Lazare Ponticelli participe, , à l'inauguration de l'espace consacré à la mémoire orale,
au musée national de l'Histoire de l'Immigration à Paris Pierre Verdy AFP/Archives

>> Vidéos << Lazare Ponticelli, le dernier poilu de la Grande guerre, est décédé à l'âge de 110 ans, a annoncé mercredi l'Elysée.

"J'exprime aujourd'hui la profonde émotion et l'infinie tristesse de l'ensemble de la nation alors que disparaît Lazare Ponticelli, dernier survivant des combattants français de la Première guerre mondiale", a déclaré le président Nicolas Sarkozy, dans un communiqué.

"Je salue l'enfant italien venu à Paris pour gagner sa vie et qui choisit de devenir Français, une première fois en août 1914, lorsque, trichant sur son âge, il s'engagea à 16 ans dans la Légion étrangère pour défendre sa patrie d'adoption. Une deuxième fois en 1921, lorsqu'il décida de s'y établir définitivement", a ajouté M. Sarkozy.

Lazare Ponticelli, qui vivait au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), près de Paris, avait dans un premier temps refusé l'idée d'avoir des obsèques nationales comme le proposait le gouvernement, mais avait finalement décidé d'accepter, "au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes" pendant la première Guerre mondiale.

L'avant-dernier survivant français de la Grande guerre était Louis de Cazenave, mort le 20 janvier, également à l'âge de 110 ans.


L'âpre vie des poilus dans l'enfer des tranchées


Alors que le dernier poilu vient de disparaître, l'enfer des tranchées, symbole de la Grande guerre, reste difficilement imaginable: les combats sporadiques, les gazages, les pilonnages toujours plus violents, les attaques au lance-flammes mais surtout la peur, omniprésente.

"Ce que nous avons fait, c'est plus qu'on ne pouvait demander à des hommes et nous l'avons fait", écrira l'académicien Maurice Genevoix, alors étudiant précipité dans la guerre de tranchées.

Longtemps, ceux qui survécurent à l'enfer des tranchées eurent du mal à en parler. Certains, atrocement mutilés, sombrèrent même dans la folie.

Trous d'obus aménagés et reliés par des fossés creusés par les soldats, les tranchées étaient le thé?tre de l'horreur, de l'attente de la mort. Malgré la peur, les poux, les rats, la boue et le froid, elles étaient aussi un monde de camaraderie, d'une solidarité sans faille entre soldats d'une même unité qui trouvaient le réconfort dans les plaisanteries, les chansons ou les lettres écrites à leurs familles.

Les poilus, baptisés ainsi parce qu'ils ne pouvaient ni se laver, ni se raser, restaient un mois dans les tranchées avant d'être relevés et envoyés à l'arrière où il pouvaient manger chaud, à leur faim et dormir au sec.

Leur emploi du temps était toujours le même. Le jour, ils dormaient ou se reposaient. Les activités hors de la tranchée étaient très limitées parce que risquées. Des tireurs isolés, embusqués, tiraient sur tous ceux qui osaient abandonner la protection de la tranchée.

La nuit, en revanche, tout s'animait. Les troupes profitaient de l'obscurité pour transporter les munitions, les rations et les provisions à travers le réseau de couloirs.

Une fois les activités nocturnes terminées, les soldats regagnaient leur position et attendaient patiemment et en silence le lever du soleil. Des bombardements intensifs avaient souvent lieu à l'aube ou au crépuscule. C'était en général le meilleur moment pour attaquer.

Un légionnaire déserteur vole un blindé et l'abandonne au centre de Reims

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Publié le 29/02/2008

Insolite

Un militaire de la Légion étrangère - AFP/Archives
Un militaire de la Légion étrangère AFP/Archives

Un déserteur de la Légion étrangère a abandonné jeudi matin en plein centre de Reims un véhicule blindé qu'il avait volé la nuit précédente lors de manoeuvres militaires dans l'Aisne, avant de se rendre à la gare pour prendre un train, a-t-on appris vendredi auprès des gendarmes.

A l'issue de manoeuvres au camp de Sissone (Aisne) dans la nuit de mercredi à jeudi, le militaire n'a pas trouvé mieux et plus discret pour déserter que de subtiliser un Véhicule de l'avant blindé (VAB), généralement utilisé pour le transport de troupes.

Au volant de l'imposant véhicule -long de 6 mètres et large de près de 3 mètres-, le légionnaire a parcouru environ 40 km pour se rendre à Reims, la ville la plus proche où se trouvait une gare, selon la gendarmerie de Reims, confirmant une information du quotidien l'Union.

Jeudi au petit matin, le blindé a été découvert en plein centre-ville, impeccablement garé en face d'une boutique, sur un emplacement de stationnement pour voiture.

Après avoir suscité l'étonnement des passants et de la gendarmerie dépêchée sur place, le VAB a été récupéré dans l'après-midi par des militaires du 1er Régiment étranger de génie (1er REG), basé à Laudun (Gard), auquel appartenait le déserteur.

Ce dernier, dont la nationalité n'a pas été précisée, avait lui-même alerté ses camarade et leur avait fait part de son intention de résilier son contrat d'engagé. Il était toujours en fuite vendredi.

© 2008 AFP


Lazare Ponticelli, le dernier visage de la Grande Guerre

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Publié le 12/02/2008

Arrivé en France à l'âgede 9 ans, le petit ramoneur qui a consacrésa vie au travail  la société Ponticelli emploie aujourd'hui 2 000 salariés   s'est révélé être un soldat héroïque pendant la sanglante et interminable boucherie de 1914. Ci-dessus,l'ancien combattant français d'origine italienne, entouré des siens, était accueilli le 17 décembre dernier à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.

Arrivé en France à l'âgede 9 ans, le petit ramoneur qui a consacrésa vie au travail  la société Ponticelli emploie aujourd'hui

2 000 salariés  s'est révélé être un soldat héroïque pendant la sanglante et interminable boucherie de 1914. Ci-dessus, l'ancien

combattant français d'origine italienne, entouré des siens, était accueilli le 17 décembre dernier à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Crédits photo : AFP

Par Max Gallo de l'Académie Française

La vie de Lazare Ponticelli, français,né italien en décembre 1897 il y a plus de cent dix ans ! , est l'un des miroirs du XXe siècle.

Ce n'est pas seulement le destin exceptionnel d'un homme qui s'y reflète, mais une part exemplaire de l'histoire collective de millions de ses contemporains que la mort a emportés.

Lazare Ponticelli a survécu, dernier des combattants de la Grande Guerre. Il est ainsi devenu le témoin, le héros, la figure de proue d'une foule d'anonymes, d'oubliés, de victimes dont les traces s'effacent. On les célèbre chaque 11 Novembre. On incline les drapeaux devantles monuments aux morts. Mais on oublie qu'ils furent hommes de chair donc de souffrance, d'amour, d'espoir. Lazare Ponticelli nous le rappelle et le rituel abstrait se met à trembler. Lazare est parmi nous. Il était aux côtés de ces jeunes hommes fauchés en Champagne ou dans les Dolomites. Car Lazare Ponticelli fut à la fois soldat sur le front français et le front italien. En 1914, il doit dissimuler son âge 16 ans afin de pouvoir s'engager dans la Légion étrangère. Il combattra en 1914 et 1915 dans les tranchéesde l'Argonne et devant Verdun. Mais l'Italie entreà son tour dans la guerre mai 1915 et Lazare Ponticelli, toujours italien, est démobilisé contre son gré, conduit à Turin. Enrôlé dans les troupes alpines, il combat les Autrichiens.

Ponticelli, lorsqu'on le fête et l'honore ainsile 9 décembre 2007 aux Invalides , rappelle toujours le souvenir de ses camarades tombés à l'aube de leur vie. Il évoque l'âpreté des combats, et comme en passant ses actes valeureux,et aussi, devant le grand massacre, les scènes de fraternisation avec les Autrichiens.

Il ne recherche pas les honneurs. Il s'est même montré réticent à l'idée de funérailles nationales. Il ne veut pas usurper une gloire, une mémoire, qui appartiennent à tous les combattants et dont il ne recueille un si vif éclat que parce qu'il est cet homme d'autrefois, resté seulvivant parmi nous.

Peut-être aussi Lazare Ponticelli exprime-t-il ainsi son désir de ne pas voir toute sa vie enfouie dans l'abîme tragique de la Grande Guerre. Elle fut certes pour lui, de 1914 à 1918 il ne fut renduà la vie civile qu'en 1920 , l'épreuve majeure. La confrontation à chaque instant de chaque jour avec la mort. Et pas un seul ancien combattant,un homme du front qui n'ait à tout jamais été marqué par cette ordalie sanglante et interminable.

La guerre est aussi pour lui et d'autres dizaines de milliers d'étrangers l'occasion de montrerqu'ils sont prêts à verser leur sang pour la nation, en signe de reconnaissance.

«J'ai voulu défendre la France, parce qu'elle m'avait donné à manger. C'était une manière de dire merci», déclare Lazare Ponticelli. Car c'est la faim qui a d'abord marqué sa vie.

Sa devise : «Union-Travail-Sagesse»

Né en Emilie, à Bettola, petite ville entre Parme et Plaisance, il habite dans une masure de Cordani, un village situé à 1 000 mètres d'altitude. Il est le fils de la misère. Entre 1880 et 1914, des millions d'Italiens quittent leur pays et se répandent dans le monde entier, et d'abord en France et aux États-Unis. La vie de Lazare Ponticelli est ainsi exemplaire de cette fin du XIXe siècle. Pas de pain. Pas de chaussures. Pas d'école. Pas de travail. La mère dans les rizières de la vallée du Pô. Riz amer.Les sept enfants faméliques. Le père cordonnier, menuisier, aidant les paysans à vendre leurs bêtes. Puis le départ de la mère pour la France, «ce paradis où l'on mange». Le père, un frère qui meurent. La famille qui se désagrège. Lazare, enfant presque abandonné, se met seul en route pour la France et débarque à 9 ans à la Gare de Lyon.

On découvre, à le suivre, la vie des émigrés d'alors ! Les Italiens. Il s'installe parmi eux à Nogent-sur-Marne, prêt à accepter toutes les tâches pour survivre, proposant de travailler gratuitement pour montrer au compagnon,à l'artisan ce dont il est capable.

En 1913, après avoir obtenu son livret de travail,il fonde avec un jeune camarade italien une entreprise de ramonage. Et à 16 ans il conduit ainsi ses premiers chantiers.

Mais en 1914 commence le grand massacre. Le suicide collectif des Européens. Engagé dans la Légion étrangère, Lazare multiplie les actes de bravoure. « Je ne voulais pas quitter mon bataillon et laisser mes camarades pour rejoindre l'Italie. La Légion avait fait de moi un Français, c'était profondément injuste. »

Dès 1921, il retourne en France et, avec ses deux frères Céleste et Bonfils , il crée une société de chauffage, de ramonage, puis de tuyauterie industrielle et de lavage. Les Ponticelli ont adopté une règle : aucune action de la société ne peut être vendue sans l'accord des trois frères. Ils se donnent une devise : «Union-Travail-Sagesse».

On est fasciné par l'énergie, le courage, l'esprit d'initiative, l'engagement de Lazare. Sur les chantiers il choisit les tâches les plus dangereuses, accroché à une corde le long des cheminées hautes de plusieurs dizaines de mètres.

«Les responsables, les chefs, explique-t-il, doivent en toutes circonstances montrer l'exemple afin de pouvoir dire : puisque je le fais vous pouvez le faire.»

Les contrats se multiplient, la société Ponticelli prospère et la vie se déroule. Lazare s'est marié,en 1923, avec une Française du Nord, brodeuse.

Malheur, le seul fils meurt

Bonheur : trois enfants naissent. Malheur, le seul fils meurt. Puis la guerre vient. Lazare a enfin obtenu en 1939 la nationalité française. Il participe à la Résistance et, dès la fin de l'Occupation et de la guerre, la société Ponticelli, qui a difficilement survécu, se déploie à nouveau.

Elle compte bientôt une cinquantaine de chefs de chantier, des ingénieurs. Des filiales ont été créées, des participations prises. La société est une multinationale qui emploie, dans les secteurs du pétrole et du nucléaire, près de 2 000 salariés !

Plus d'un siècle sépare cette réalité forgée par Lazare Ponticelli et ses frères de celle qu'il découvrait, enfant misérable et affamé,fils de cette Emilie, de ce siècle si dur pour les plus pauvres. Et cependant, dans cet enfant de 9 ans qui a lui-même fabriqué ses chaussures à semelles de bois sur le modèle de celles que confectionnait son père pour entreprendre seul le voyage de Paris, on repère déjà toutes les qualités qui feront le soldat héroïque de 1914. L'ouvrier audacieux et entreprenant. Cet enfant illettré est comme un poing serré par la volonté.Il ne se résigne pas à sa condition. Il ne compte que sur lui-même, sur son travail. Il sait que rien n'est dû, qu'il faut faire ses preuves, toujours.

Il s'accroche à la terre de la tranchée. Il continue de tirer malgré ses blessures. Il va secourir sous le feu, au-delà des barbelés, un camarade qu'un éclat d'obus a amputé et qui appelle à l'aide.Il se hisse au sommet d'une cheminée, et quand la corde lâche, il s'accroche, survit.

Il a acquis ces vertus la volonté, la détermination, l'obstination, la fraternité en regardant vivrele père et la mère. Il sait que chaque jour est un combat pour la survie. Et peut-être ses qualités sont-elles liées à la civilisation rurale qui a appris aux hommes, depuis des millénaires, que pour récolter il faut labourer et semer. Morale conservatrice ? Simple rappel des valeurs d'une civilisation qui a fait, dans le sang et les larmes, les peuples d'Italie, de France, d'Europe. Et le destin exceptionnel de Lazare Ponticelli, dernier combattant de la Grande Guerre.


Lazare, le dernier des poilus

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29/01/2008

Depuis la disparition, dimanche dernier, de Louis de Cazenave, Lazare Ponticelli, 110 ans, est le dernier survivant. Né italien, doyen des Légionnaires, résistant, il incarne désormais les 8,5 millions de soldats français engagés dans la Grande Guerre.

La cadence sèche de sa mitrailleuse et les cris des blessés résonnent toujours dans sa tête. Lazare Ponticelli n'a rien oublié de la Grande Guerre. Ni les combats qu'il a menés, ni les camarades qui sont tombés. Dernier survivant des poilus, il a 110 ans. Pourtant, dans ses yeux aujourd'hui presque aveugles, brille encore le regard de l'enfant qu'il fut. Ceux de ce gamin sans le sou qui avait les pieds nus et la rage de vivre. Ceux aussi de cet émigré italien prêt à tout pour garder la tête haute et dont la vie entière est à l'image d'un siècle de fer, de sang et d'espoir infini. Depuis son plus jeune âge, il a combattu. La pauvreté et la faim d'abord, puis sur le front et dans les tranchées. Dans les ateliers et sur les échafaudages. Avec les FFI pendant la Libération de Paris. Toujours, il a tenu bon.

A Bettola, petite commune d'Emilie-Romagne, dans le nord de l'Italie, où il naît le 7 décembre 1897, Lazare Ponticelli n'a connu que la misère. Son père travaille sur les foires comme maquignon, tandis que sa mère s'occupe des enfants et exploite un petit bout de terrain. Mais les affaires sont difficiles et l'argent ne rentre pas tous les jours. Souvent, avec ses frères et soeurs, il se couche le ventre vide ou se contente d'une maigre soupe. A Bettola, on est dur au mal. On serre les dents en silence en espérant que la chance va enfin tourner. Mais le sort s'acharne. Faute de pouvoir payer le médecin, son frère aîné est emporté par la maladie. Puis son père meurt brutalement.

Sa famille prend alors le chemin de l'exil, vers la France où ses frères pensent trouver du travail. Livré à lui-même, Lazare reste seul, car l'argent manque pour payer son voyage. En attendant, il devient berger et économise le moindre sou, jusqu'à ce qu'il puisse acheter son billet de train pour Paris. Un matin, les chaussures autour du cou, pour ne pas les abîmer, il quitte enfin l'Italie. Sans regrets. Il a tout juste 9 ans quand il débarque à la gare de Lyon. Trois jours et deux nuits, l'enfant erre sous ses hautes verrières, dormant sur un banc, jusqu'à ce qu'un commissionnaire le remarque et lui demande ce qu'il fait là. Lazare, qui ne comprend pas le français, ne fait que répéter le nom et l'adresse d'un bistrotier dont on lui a parlé avant son départ. Par chance, le cheminot connaît l'endroit et l'y conduit. Très vite, l'épouse du cafetier le prend sous son aile. Il y reste pendant huit mois, rendant de menus services aux commerçants du quartier.

En 1908, Lazare a 10 ans et quitte Paris pour rejoindre ses frères, Céleste et Bonfils, dont il a retrouvé la trace à Nogent-sur-Marne, là où de nombreux Italiens ont posé leur sac. Les premiers mois sont difficiles et les retrouvailles, houleuses. Il enchaîne les petits boulots et couche parfois dehors. Mais rien ne l'arrête. Lazare est tour à tour livreur de charbon, ramoneur, puis crieur de journaux. En mars 1913, avec un ami, il lance une entreprise de ramonage. Les affaires démarrent plutôt bien, mais, en août 1914, son monde s'écroule. La France mobilise contre l'Allemagne. La guerre est déclarée. Il n'y a plus de travail. Par milliers, les Italiens rentrent chez eux. A Nogent, on exhorte Lazare à partir et à regagner Bettola. C'est mal le connaître.

Bille en tête, il se présente à la caserne du boulevard Richard-Lenoir et s'engage pour la durée de la guerre dans le premier régiment de marche de la Légion étrangère. Il n'a que 16 ans et a triché sur son âge. « J'ai voulu défendre la France parce qu'elle m'avait donné à manger, explique- t-il en levant la tête. C'était ma manière de dire merci. »

Engagé volontaire à 16 ans

Dans la file des volontaires, il retrouve son frère Céleste. Comme des centaines de jeunes recrues, ils rejoignent Nîmes puis Avignon. Un mois d'instruction plus tard, l'armée estime qu'ils sont prêts pour le front. Fiers de leur nouvel uniforme, les deux hommes font les bravaches. C'est vrai qu'ils ont de l'allure, avec leur pantalon garance, leur vareuse bleue et le képi légèrement de travers. A l'épaule, leur fusil Lebel pèse d'un poids rassurant. Avec une telle arme, les Boches n'ont qu'à bien se tenir ! Lazare bout d'impatience. Mais au fond, ni l'un ni l'autre ne savent vraiment ce qui les attend.

C'est vers Soissons qu'ils reçoivent leur baptême du feu et découvrent la guerre. Les premiers mois sont les plus meurtriers et la Légion est de tous les coups durs. Céleste est blessé puis évacué. « Au début, nous savions à peine nous battre et nous n'avions presque pas de munitions, raconte-t-il. Nous creusions sans cesse. D'abord des fosses pour enterrer les morts, puis des sapes et des tranchées. On avait la peur au ventre. Parfois on se dévisageait en silence, en se demandant lequel d'entre nous ne reviendrait pas. En Argonne, sur la cote 707, j'ai secouru un type qui avait perdu sa jambe. Il hurlait de douleur pendant que je le traînais jusqu'à notre tranchée. En face, les Allemands nous tiraient dessus. Avant que les infirmiers ne se précipitent sur lui pour le soigner et l'évacuer, il a voulu me serrer dans ses bras en me disant : "Merci pour mes quatre enfants." Je ne sais pas ce qu'il est devenu. »

La guerre l'emporte. A Verdun, il fait partie des hommes chargés de reprendre le fort de Douaumont. L'artillerie allemande pilonne sans relâche. Les pertes sont énormes. Lazare survit. En mai 1915, tout bascule. L'Italie vient d'entrer en guerre contre l'Autriche-Hongrie. Conformément aux accords signés entre les deux pays, la France démobilise les Italiens engagés dans son armée. Le soldat Ponticelli doit quitter la Légion, écoeuré.

« Je ne voulais pas partir de mon bataillon et laisser mes camarades. La Légion avait fait de moi un Français, explique le vieil homme. C'était profondément injuste. » Rendu à la vie civile, Lazare retourne à Paris et tente de se rengager dans l'armée française. En vain. Il pense qu'on l'a oublié quand deux gendarmes, un peu gênés, viennent l'arrêter et le conduisent de force à Turin, où il est incorporé à la 159e compagnie de mitrailleuses du 3e régiment d'Alpini, les chasseurs alpins italiens.

A nouveau, les combats s'enchaînent. Dans le fracas des tirs et des explosions, la douleur et le murmure des prières. Puis un matin, à Pal Piccolo, en pleine montagne, le silence. Timidement, on se fait signe de part et d'autre des tranchées. Des mains se tendent, offrent des cigarettes ou un morceau de pain. « Cela faisait des semaines que l'on vivait à quelques mètres les uns des autres, se souvient Lazare. Si près qu'on entendait les conversations. Dans ma section, les trois quarts des hommes étaient des Italiens germanophones. L'"ennemi" était souvent le voisin d'en face. Alors est arrivé ce qui devait arriver : on a fraternisé. » L'état-major ne leur pardonnera pas. Les hommes passent en conseil de guerre et sont envoyés en Slovénie, sur le Monte Cucco, face à une compagnie d'élite autrichienne qui engage aussitôt le combat.

Deux jours durant, Lazare repousse les assauts ennemis derrière sa mitrailleuse. Il est blessé au visage, mais il continue à tirer. « Le sang me coulait dans les yeux. Je me suis dit que, si je m'arrêtais, j'étais mort. Alors, malgré ma blessure, j'ai continué à presser la détente comme un automate. Et tout à coup, les Autrichiens sont sortis, ils agitaient des chiffons blancs... C'était fini. Nous avons fait 200 prisonniers. Puis j'ai été évacué. »

Il se réveille à Naples dans un hôpital militaire, une médaille agrafée sur la poitrine. Mais la guerre n'est pas finie. Lazare remonte en ligne au cours de l'année 1918. Cette fois, partout sur le front, les Autrichiens reculent. « Puis, alors que le bataillon se préparait à monter à l'attaque, on a appris la signature de l'armistice. Fallait voir ça ! C'était incroyable ! On s'est embrassés, Italiens et Autrichiens ensemble. Nous étions fous de joie ! » Il s'y revoit et sourit en silence.

Mais son enthousiasme est de courte durée. Le 3e régiment d'Alpini n'est pas démobilisé et participe à des missions de sécurité intérieure. Lazare doit attendre 1920 pour être libéré. Mais un autre problème l'attend. S'il est dégagé des obligations militaires en tant qu'ancien combattant italien, il lui sera très difficile d'obtenir des papiers pour rentrer à Paris.

Déterminé, l'ancien légionnaire fait alors le siège du consulat de France à Milan où l'on traîne des pieds pour le recevoir. Tant pis. Il attend. « Finalement, s'amuse-t-il, j'ai réussi à montrer mon livret militaire de 1914 que j'avais précieusement gardé. On m'a alors reconnu en tant que soldat français et libéré en tant que tel. »

De retour en France, Lazare veut oublier la guerre. Avec ses deux frères, il se spécialise dans le montage et le démontage de cheminées. En 1921, ils créent ensemble Ponticelli Frères, une société de fumisterie. Les chantiers se succèdent. Au cours de l'été 1923, Lazare se marie avec Clara, une Française, qui lui donne trois enfants. Dans les années 30, l'entreprise prend de l'essor et se diversifie dans l'industrie pétrolière. Le Rital illettré de Bettola a pris sa revanche.

En 1939, les trois frères obtiennent la nationalité française. C'est la prospérité. Mais une nouvelle guerre éclate, et la France mobilise à nouveau. L'enthousiasme n'est pas le même qu'en 1914 et le pays se prépare au combat les tripes nouées. En 1940, la défaite de l'armée française et l'exode le conduisent en zone libre avec sa famille. Mais l'inactivité lui pèse. Fin 1942, il rejoint la Résistance, détourne des wagons d'obus destinés à l'Allemagne et participe à la libération de Paris avec les FFI.

La paix revenue, Lazare décroche de nouveaux contrats, et sa société ne cesse de grandir. Quand il prend sa retraite, au début des années 60, Ponticelli Frères est en passe de devenir la multinationale aux 2 000 salariés qu'elle est aujourd'hui.

Avec le temps, les souvenirs de la Première Guerre mondiale sont revenus le hanter. Dans sa maison du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), où il vit avec sa fille, ses nombreux visiteurs ne lui parlent que d'explosions et de batailles. Lazare les écoute et raconte avec passion. Puis savoure le calme revenu, gère son portefeuille boursier avec passion et reçoit les siens. En décembre 2007, il a fêté son cent dixième anniversaire à la Cité de l'immigration. Un symbole fort, pour cet Italien qui a tout fait pour être français. Dernier des poilus, Lazare Ponticelli ne s'est pas décidé à accepter des funérailles nationales - un refus toutefois nuancé par sa famille -, comme Jacques Chirac l'avait promis en 2005. Mais tant que sa force le lui permettra, il s'est juré de témoigner. Et chaque 11 novembre, on peut voir sa frêle silhouette s'incliner devant le monument aux morts de sa commune. « Je leur dois bien cela, dit-il soudain ému. Si je suis là, c'est aussi grâce à eux. » Leur rendre hommage est son dernier combat.

Cyril Hofstein


Lazare Ponticelli: «oui aux obsèques nationales»

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Publié le 24/01/2008

Lazare Ponticelli, lors d'une cérémonie commémorant l'armistice, le 11 novembre 2006.

Lazare Ponticelli, lors d'une cérémonie commémorant l'armistice, le 11 novembre 2006.

Après avoir longtemps refusé cet hommage, le dernier poilu en vie accepte, mais pose ses conditions.

C'est «au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes» avant lui, qu'il a décidé d'accepter les obsèques nationales, rapporte le quotidien Le Parisien. Lazare Ponticelli, dernier poilu survivant de la Grande Guerre, refusait jusque-là cet hommage promis par Jacques Chirac pour le dernier poilu qui disparaîtrait. «Ce serait un affront à ceux qui sont morts oubliés», avait-il expliqué.

Le dernier poilu est donc revenu sur sa décision, mais en posant des conditions. «D'accord si c'est dans la dignité. Pas de tapage important ni de défilé». Surtout, il n'oublie pas ses camarades, «morts dans cette horreur de la guerre», et souhaite «une messe aux Invalides» pour leur rendre hommage.

«Je ne pense qu'à tous mes frères d'armes qui sont tombés. C'est à eux que les honneurs reviennent», insiste-t-il. «Je ne suis que leur humble représentant ayant eu la chance de survivre. Moi je suis passé au travers de la guerre injuste et horrible».

«Que la jeunesse n'oublie pas»

Un autre souhait aussi pour Lazare Ponticelli : «J'espère que la jeunesse d'aujourd'hui n'oubliera pas les combattants des deux guerres qui ont sacrifié leur vie afin qu'elle puisse vivre dans une France libre.»

Lazare Ponticelli, 110 ans, vit dans le Val de Marne, entouré de sa fille et de ses petits-enfants. Soucieux de témoigner, il raconte la guerre de 1914-1918 dans les écoles, ainsi que son parcours. Celui d'un petit Italien parti tout seul de son village natal, au nord de l'Italie, à 9 ans et demi, pour fuir la misère et gagner la France. En 1914, il a 16 ans quand il s'engage dans la Légion étrangère. Un mois de classes et le voilà sur le front du nord-est de la France. Puis il poursuit la guerre en tant que chasseur alpin. Il a retenu une chose de ces années : «Vous tirez sur des pères de famille, c'est complètement idiot la guerre».


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