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«Il n'y a pas besoin de maltraiter les gens pour former des soldats d'élite»

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Publié le 19.02.2009

Des parachutistes de la Légion étrangère en patrouille en Côte d'Ivoire, en mars 2003. 
Des parachutistes de la Légion étrangère en patrouille en Côte d'Ivoire, en mars 2003.  - REUTERS/Luc Gnago

Le 5 mai 2008, le légionnaire slovaque Josef Tvarusko, 25 ans, s’écroule au terme d’un long calvaire dans la caillasse ardente de Djibouti. Il décède des suites d’une «hémorragie digestive haute», provoquée par un très grave coup de chaleur. Trois autres légionnaires du 2e REP de Calvi l’ont frappé, son lieutenant, Médérick Bertaud a refusé deux fois de le faire boire parce qu’il croyait que Tvarusko simulait.

Bertaud est interrogé par les gendarmes dès la mort du légionnaire, mais il faudra attendre le 19 novembre pour qu’il soit mis en examen par la juge d’instruction auprès du Tribunal aux armées de Paris, seul compétent pour les affaires concernant les militaires à l’étranger. Les trois autres légionnaires sont également mis en examen pour «actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner». La suite se passera en Cour d’assises.

L’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil) a notamment contribué à la médiatisation de ce drame. Tricard par certains soldats, redoutée par la hiérarchie, ses rangs grossissent pourtant continuellement depuis sa création en 2001. Michel Bavoil, ancien capitaine des troupes de Marine, et Jacques Bessy, ancien colonel de gendarmerie, ont répondu à 20minutes.fr. Respectivement président et vice-président de l’asso, ils viennent de publier un rapport détonant sur les Droits de l’homme dans l’armée française (2005-2008).

Combien de cas traitez-vous chaque année?
Chaque année, on rencontre environ 200 personnes de toutes les armées qui rencontrent des difficultés professionnelles. On les écoute, on les oriente, on intervient auprès des ministères. Alors, rapporté au nombre de militaires, cela peut paraître faible. Mais lorsqu’on connaît la peur des militaires de prendre contact avec notre association, c’est beaucoup. Il faut se rappeler qu’en 2002, le directeur de cabinet du ministre de la Défense avait interdit qu’on adhère à l’Adefdromil.

A la lecture de ce rapport, on est frappé par les exactions dans la Légion étrangère.
Il y a un vrai problème dans la Légion. D’abord celui de l’identité. Dans les faits, on oblige les nouveaux entrants à prendre une «identité déclarée». Pour un réfugié politique ou en délicatesse avec la législation de son pays, cela peut se comprendre. Mais pour un type lambda, un Français par exemple c’est d’abord une vraie galère. L’armée récupère tout. Passeport, carte d’identité, permis, tout est transféré à Aubagne. Le légionnaire paie ses impôts sous une fausse identité, son assurance-vie est sous une fausse identité. Mais quand il quitte la Légion, c’est un véritable chemin de croix pour retrouver son vrai nom et les droits qui vont avec. Par ailleurs, les commandants profitent de leur pouvoir sur eux, parce qu'ils sont presque tous étrangers (95% des 7.600 légionnaires le sont, ndlr): ils décident des certificats de bonne conduite, dont dépend l'attribution des titres de séjour.

Que prévoient les textes?
La loi oblige une régularisation au bout d’un an de service. Mais quand on ne va pas au bout des cinq ans du premier contrat, la procédure est extrêmement longue. On a le cas d’un soldat biélorusse, il a dû attendre six ans avant d’être naturalisé. Récemment, un légionnaire bulgare, réformé parce qu'inapte physiquement, nous a contactés parce qu’il devait subir une opération à l’hôpital. Et il était toujours sans-papiers... Ils n’ont rien, sauf cette identité déclarée, ils sont sous la menace des contrôles de police. Ils ne peuvent se loger, excepté chez des camarades. On crée des SDF.

Et les déserteurs, au nombre de 250 par an selon le général Louis Pichot de Champfleury, commandant de la Légion étrangère?
C’est encore plus obscur. L’armée peut bloquer leur compte bancaire créé avec la fausse identité, même chose pour leur assurance-vie. Nous, on se demande aussi une chose. Où va l’argent? On refuse de nous le dire. Il n’y a aucune traçabilité.

L’affaire Tvarusko a également mis en lumière les brimades physiques et psychologiques dans la Légion.
Il a fallu cinq mois pour que nous soyons au courant. L’un des légionnaires qui a frappé Tvarusko est venu nous voir en octobre après avoir été exclu. C’est un événement très rare, on est tombé des nues. L’armée française n’avait rien dit à ce sujet. La cérémonie des honneurs militaires à Tvarusko s’est déroulée en toute discrétion. L’armée pense qu’à chaque fois qu’il y a une bavure, on va la salir si elle communique honnêtement.

Rien ne sort.
Tout est vraiment verrouillé dans la Légion. C’est un corps prestigieux, les officiers qui sortent de Saint-Cyr la rejoignent pour se faire une carte de visite, lors de la première sélection, il y a huit candidats par poste. Le problème c’est qu’on y estime que prendre des coups fait partie du jeu, que ça apporte de la cohésion, qu’il faut souffrir pour servir. Mais dans l’armée de terre, on a toujours lutté contre ces brimades, sans concessions. Bon, on laissait passer la baffe amicale. Mais le coup de poing dans la figure, le tronc d’arbre qu’il faut porter, les injures répétées, la dizaine de verres de vin à avaler cul sec, les punitions collectives ou sur son binôme parce que le soldat a fauté, tout ça, c’est interdit, nous le refusons et le dénonçons. Il n’y a pas besoin de maltraiter les gens pour former des soldats d’élite. Au contraire, les effets sont inverses, on brise le légionnaire et on crée de la haine contre le chef. Beaucoup de légionnaires nous racontent qu’on les insulte toute la journée, sauf quand ils sont sur le pas de tir. Quand ils ont le Famas en main, le supérieur reste calme, il suffirait que le soldat fasse une crise de nerfs...

La Légion vous répondra que cela fait partie du rite d’initiation.
Mais attendez, on ne parle pas d’un bizutage à Polytechnique! Là, c’est tous les jours, tous les soirs. Nous ne voyons pas pourquoi c’est interdit de donner un coup de poing dans la gueule à un civil, et pas à un militaire! Les soldats, on les soude dans une longue marche par exemple, ils s’entraident, l’un va porter le sac de celui qui est fatigué. Les brimades créent à terme des petits gradés livrés à eux-mêmes. Le caporal reproduit ce qu’on lui a fait quand il était simple légionnaire. Pire, avec le temps, les sévices s’améliorent, il y a une certaine émulation dans le vice, certains veulent rajouter une touche personnelle dans la maltraitance.

L’autre corps qui ressort de votre rapport, c’est la gendarmerie. Près de la moitié de vos 200 visiteurs annuels...
Avec le rattachement à l’Intérieur, les choses sont en train de changer. Par exemple, sur la liberté d’expression et d’association, le système est toujours figé, mais à force de côtoyer les policiers, un ajustement se produira. Espérons que ce soit par le haut, que l’Etat devancera les contestations futures des gendarmes.

D’autres problèmes existent derrière ces droits civiques...
Comme dans les autres corps, des discriminations, notamment envers les femmes (corpulence, grossesse et congés maternité). Et puis il existe dans la gendarmerie un système de harcèlement pernicieux, avec des notes ciblées, des courriers pour faire pression. Alors c’est une technique de management, comme dans le secteur privé. Sauf que le gendarme n’a pas de représentation syndicale apparente, il encaisse beaucoup plus. Le soutien psychologique est aussi en retard par rapport à la police, on ne prévient pas les comportements suicidaires.

Qu’est ce qui rend le gendarme fragile?
Le vase clos du casernement. On se dit que le gendarme peut aussi plus supporter. Or, s’il n’a pas de fortes attaches familiales, dans sa privée, il a peu de recours professionnel contre l’isolement.

Quels retours avez-vous des ministères?
On a toujours été écouté par Michèle Alliot-Marie. Par exemple, l’Intérieur vient juste de nous répondre sur un cas et d’accorder une promotion à une gendarme méritante, qu’on lui refusait malgré ses bonnes notes car elle était grosse. En revanche, Hervé Morin ne nous reconnaît pas. 


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