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Afghanistan : les légionnaires l'appellent «Padre» 18062010

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Publié le 18/06/2010

Afghanistan : les légionnaires l'appellent «Padre»

Par Adrien Jaulmes

Son premier colonel lui a dit:«Allez avec les paras, et sautez !»  Le Padre a suivi ce conseil, il a aujourd'hui plus de 1.000 sauts à son  actif. (Sébastien Dufour)

Son premier colonel lui a dit:«Allez avec les paras, et sautez !» Le Padre a suivi ce conseil, il a aujourd'hui plus de 1.000 sauts à son actif. (Sébastien Dufour)

Il est aumônier, il court et saute en parachute avec les bérets verts du 2e REP. Ce qui a vite fait de lui une figure aussi populaire que respectée dans ce régiment d'élite qui vient encore de perdre un homme la semaine dernière. Refusant les demi-mesures et les compromis, le père de Pommerol a tout du curé de combat.

En d'autres temps, le père Benoît Jullien de Pommerol aurait fait un parfait martyr, dans le genre de Thomas Beckett ou de sir Thomas More, admirables autant qu'insupportables d'intransigeance, se heurtant sans cesse à un monde trop prompt aux compromissions. Il aurait pu aussi être un moine soldat, un Templier voué à la défense du royaume latin de Jérusalem, ou endosser l'armure d'un prélat batailleur du Moyen Age, sûr de sa foi et de son épée. Ou bien encore devenir un ascète, émule du Père de Foucauld, éperdu de prière au fond d'un désert. Né au XXe siècle, le père de Pommerol est devenu aumônier militaire. Ce jeune prêtre épris d'absolu est le «Padre», comme on appelle familièrement les aumôniers dans l'armée, du 2e régiment étranger de parachutistes, en mission depuis le début de l'année en Afghanistan. Grand et maigre, un long visage de saint du Greco, le Padre dit la messe tous les matins, son aube enfilée par-dessus sa tenue camouflée et ses bottes de saut. Sa petite chapelle est aménagée en sous-sol dans un ancien bunker soviétique. Elle se trouve au sommet de la base française de Tora, dans le district de Sarobi, à l'est de Kaboul, perchée sur un éperon rocheux perdu au milieu des montagnes afghanes.

 
Le père de Pommerol a fait construire un petit clocher, repeindre le plafond en bleu, et a dédié l'édifice à Notre-Dame-des-Victoires. Les soeurs de l'église parisienne du même nom lui ont offert une statue de saint Michel, patron des parachutistes, qu'il a placée sur l'autel. «C'est évidemment mon saint patron », dit le père, qui distribue autour de lui des petites médailles de l'archange, que les légionnaires accrochent à l'intérieur de leur béret vert. Son goupillon a été fabriqué par l'un des mécaniciens du régiment. «On s'en souviendra quand je serai là-haut, hein, Padre?», lui a dit le mécano en lui donnant le solide objet fait de pièces de métal soudées. Le père de Pommerol est une figure populaire au régiment. Il court le matin avec les légionnaires, embarque dans les blindés qui partent en patrouille, ou se rend dans les postes isolés, dans la vallée de Tagab ou d'Uzbine, avec les compagnies déployées. A Tora, on l'arrête dans les allées poussiéreuses du camp, entre les blindés garés devant les bâtiments des compagnies, comme ça, parfois sans raison, juste pour discuter. «Les légionnaires appartiennent à une génération qui ne connaît pas ou peu la religion. Mais ils ne la rejettent pas, explique le Padre. Ils ont souvent laissé tomber Dieu, mais pas par refus, plus par manque d'occasion. Ils n'iront pas voir un curé, mais si un curé vient à eux, ils n'hésiteront pas à “raccrocher les wagons”. C'est la pastorale de la poignée de main, dit-il. Un jour, l'un d'eux m'a dit:“Padre, je ne peux pas venir à la messe, je ne me suis pas confessé depuis le Kosovo.” Ce n'est pas une attitude indigne. C'est plutôt une marque de respect…, raconte le père de Pommerol. Je leur parle avec simplicité. Ce qui ne veut pas dire simplement, ajoute-t-il. Ma paroisse, c'est le régiment. Je vis au milieu de mes paroissiens. Mais le sacerdoce ministériel ne suffit pas à se faire respecter auprès d'eux, précise le Padre. Les légionnaires sont des gens qui ont tout quitté pour servir à la Légion. Ils regardent ceux qui n'ont pas fait le même choix avec réserve. Leur respect se mérite. Il faut marcher avec eux, aller sur le terrain avec eux, sauter avec eux.»

 Le père de Pommerol a appris cette leçon dans l'une de ses premières affectations, à l'Ecole des troupes aéroportées de Pau. «A mon arrivée, j'ai demandé à mon chef de corps, le colonel Rideau, ce que je devais faire. Il m'a répondu que j'avais carte blanche. Je lui ai demandé qui allait évaluer mon travail. “Mais c'est Dieu, Padre !”, m'a-t-il répondu. En ajoutant simplement comme consigne d'aller voir les paras. “Et les paras, a-t-il poursuivi, ils sont dans les avions : alors, allez avec eux, et sautez !” J'y suis allé, poursuit le père de Pommerol, et j'ai sauté.» Le père a, depuis, suivi à la lettre ces premières instructions. Il est devenu un parachutiste émérite, avec plus d'un millier de sauts à son actif, dont plusieurs centaines en ouverture commandée. Il pratique parfois même la chute libre en soutane. «Ce n'est pas idéal pour se stabiliser pendant la chute», reconnaît-il en riant.

Et surtout, il n'a jamais reconnu d'autre hiérarchie que celle de Dieu. Quitte à s'attirer régulièrement quelques déboires avec celle, terrestre, de l'autorité militaire. Dès que l'occasion se présente de dénoncer un compromis, de soulever une question délicate, le père de Pommerol fonce. Dans un environnement aussi délicat que l'Afghanistan, ses sorties agacent parfois le commandement. Lorsque l'armée envisage un moment de faire porter un voile aux personnels féminins déployés en Afghanistan, le père de Pommerol monte au créneau et dénonce l'idée avec virulence. Ses discussions avec l'aumônier musulman sont aussi parfois houleuses. Le père de Pommerol cite dans ses sermons l'archevêque de Smyrne, Mgr Bernardini, prélat connu pour mettre en garde contre la montée de l'influence de l'islam en Europe. « Le combat contre les talibans est un combat de la civilisation contre la barbarie, dit le Padre. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut les mépriser. Ils ont la foi, et cherchent à plaire à Dieu. Comme disait le maréchal de Lattre en Indochine à propos des Viêt-minh, ce sont des gens qui se battent bien pour une mauvaise cause.»

«More  majorum» («selon l'exemple de nos anciens»). La devise gravée sur le  monument du 2e REP à Calvi reste le credo des légionnaires  parachutistes. «Le sens de notre mission, c'est de donner notre vie au  service des autres», dit le père de Pommerol dans son homélie.  (Sébastien Dufour)
«More majorum» («selon l'exemple de nos anciens»). La devise gravée sur le monument du 2e REP à Calvi reste le credo des légionnaires parachutistes. «Le sens de notre mission, c'est de donner notre vie au service des autres», dit le père de Pommerol dans son homélie. (Sébastien Dufour)

Lyautey et le Père de Foucauld lui servent de guides

Le père de Pommerol est conscient de l'embarras que causent parfois ses sorties. L'aumônerie militaire s'inquiète parfois de ce jeune prêtre enflammé, capable de dire leurs quatre vérités à des généraux, voire même au ministre de la Défense en visite. « Je suis peut-être un peu encombrant. Je suis un peu excessif, c'est vrai. Ma chère mère me répète depuis longtemps de mettre de l'eau dans mon vin, reconnaît le Padre.Mais je ne veux pas être modéré.Qu'est-ce que c'est qu'un aumônier modéré, d'ailleurs? J'ai sans doute des opinions tranchées, mais au moins je suis cohérent. La passion de Jésus-Christ, ce n'est pas un pique-nique!» Une chose est sûre, le père de Pommerol est un curé de combat. «L'Eglise se meurt du silence des prélats, disait déjà sainte Catherine de Sienne. Si je me tais, je raccroche les gants», répète-t-il. Ses ennemis sont la lâcheté, la faiblesse, le compromis. Rien ne l'énerve plus que la tendance de certains prêtres à s'accommoder d'une version allégée de la religion. «Je bondis quand j'entends des curés qui parlent de questions sociales ou de commerce équitable, je me dis qu'ils ne sont pas dans leur rôle. Aujourd'hui, chacun a sa vérité. Chacun dit:“Je suis croyant mais pas pratiquant.”» Ce genre d'attitude n'est pas celle du père de Pommerol. Demi-mesure et compromis ne font assurément pas partie de son vocabulaire. «J'ai endossé mon sacerdoce comme une armure», dit-il.

«Ma  place est avec les légionnaires.» Le Padre part en opération avec la 3e  compagnie. (Sébastien Dufour)
«Ma place est avec les légionnaires.» Le Padre part en opération avec la 3e compagnie. (Sébastien Dufour)

Un oncle jésuite, un grand-oncle cardinal, Benoît de Pommerol n'est pas un prêtre du genre contemplatif. Ordonné en 1997, il rejoint l'aumônerie militaire en 1999. Ses exemples sont ceux de grands soldats chrétiens, le maréchal Lyautey, le Père Charles de Foucauld ou le général de Sonis, qui combattit à la tête des zouaves pontificaux. «Ils ont écrit des choses lumineuses. » Il lit chaque jour la vie des saints, ou les écrits de prison de Thomas More. Il aime aussi citer la phrase du cardinal André Jullien:«S'en tenir en tout et toujours au vrai, au juste, à l'équitable, ne sera-ce pas souvent une vraie torture? Ce sera comme un martyre pour la vérité et la justice.»

 En dix ans de service comme aumônier militaire, le père de Pommerol a participé à huit opérations extérieures, et en est à son troisième séjour en Afghanistan. Il a aussi célébré six enterrements depuis le début de son sacerdoce. Deux légionnaires du 2e REP sont morts en Afghanistan depuis le début de la mission du régiment à Sarobi. Le dernier était le sergent Konrad Rygiel du groupe de commandos parachutistes, tué le 7 juin dans un accrochage avec des insurgés dans le village de Payendakhel, dans la vallée de Tagab. En avril dernier, le Padre avait célébré l'enterrement du légionnaire Robert Hutnik, tué aussi à Tagab. «Dans mon prêche, ce jour-là, j'ai dit aux légionnaires:“Vivez comme si vous alliez mourir aujourd'hui.”»

Le père de Pommerol était, le jour de la mort d'Hutnik, dans un poste voisin, trop loin pour pouvoir donner l'extrême-onction au mourant. «Je m'en veux encore de ne pas avoir pu être là, dit le Padre. Je pense en permanence aux morts, dit-il, depuis le premier d'entre eux, le maître principal Loïc Le Page, du commando Trépel, tué à Spin Boldak dans le sud de l'Afghanistan en mars 2006, dont j'avais célébré les obsèques, jusqu'à nos légionnaires.»

(Sébastien Dufour)

(Sébastien Dufour)


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