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Mon opinion : du risque de dénationalisation de l'armée française 24042010

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  24 avril 2010

Le «lien armée-nation» : je n’aime pas cette expression, mais c’est de cela dont je vais quand même parler. Je n’aime pas ces mots parce qu’ils présupposent que l’armée serait extérieure à la nation. Je ne le crois pas, mais je le redoute. Plusieurs signaux d’alarme clignotent - dont quelques réactions sur ce blog. L’armée française court aujourd’hui le risque de se dénationaliser. Pour au moins cinq  raisons :

1) Le retour dans l’Otan. L’armée française se remodèle entièrement pour être otan-compatible. Il suffit de fréquenter les militaires pour constater avec quel plaisir ils emploient des termes anglais (ou plutôt américains) que le civil moyen, même journaliste de défense, a parfois du mal à comprendre. L’anglais devient la langue de travail : j’ai appris hier que l’armée de l’air comptait désormais dans les rangs de ses état-majors des Civads, Civil Advisors... La langue que parlent les militaires devient de plus en plus étrangère aux Français. Sans compter la multiplication abberante des acronymes : qui peut comprendre ce qu’est un GTIA ? «Bataillon» est pourtant un joli mot.  Ajoutons que l’armée française n’agit plus, ou presque, que dans le cadre de coalitions. En Afghanistan, un militaire français est un militaire de l’Otan. Ailleurs, des Nations Unies ou de l’Union européenne.

2) La fin du service national et la panne de la réserve. Il n’était pas raisonnable de vouloir maintenir le service militaire tel qu’il existait jusqu’à la fin des années 90. Couteuse, injuste, l’armée de conscription ne répondait plus aux besoins militaires du monde de l’après-guerre froide. La professionnalisation était nécessaire. Mais il faut l’accompagner de mesures favorisant la porosité entre les mondes civils et militaires. La réserve, sous toutes ses formes, est faite pour cela. Or, elle ne se porte pas bien, pour des raisons essentiellement budgétaires et parce que l’armée professionnelle, qui a d’autres priorités, n’en a, au fond, que faire. Les Américains, dont nous devrions pour une fois nous inspirer, ont un principe : il ne peut y avoir d’engagments militaires à l’étranger sans la participation de réservistes ou de gardes nationaux. Pas pour des raisons d’efficacité militaire, mais pour des questions de principe politique, de ceux qui fondent la Cité.

3) Les opérations extérieures. L’armée française est, depuis 20 ans, engagée sur des théâtres d’opérations lointains. Le contexte international et la politique de la France dictent cette nécessité. Plus que la majorité de leurs concitoyens, les militaires français se sentent concernés par ce qui se déroule en Afghanistan, au Sud du Liban, au large de la Somalie, au Tchad ou en Cote d’Ivoire. Ils y servent leur pays, mais loin des yeux de leurs compatriotes. Y assurent-ils une nouvelle forme de «défense de l’avant» que devrait théoriser le prochain concept stratégique de l’Otan ? C’est possible, mais cela renforcera l’éloignement du pays.

4) La gendarmerie à l’Intérieur. «Force militaire chargée de mission de police», la gendarmerie nationale était la représentante de l’armée sur l’ensemble du territoire national. Son rattachement à l’Intérieur, même si elle conserve son statut militaire, les risques de sa «démilitarisation» pour cause de rapprochement avec la police, participe de ce mouvement d’éloignement. Les armées conserveront le grand large, mais combien de Français savent que la Kapisa existe ?

5) La culture militaire. Comme toutes les institutions et toutes les professions, l’armée à sa culture, ses traditions, sa mémoire. C’est un bien précieux. Mais lorsque tout se conjugue pour distendre les liens entre l’armée et la pays, cette culture porte en elle les risques d’un enfermement, voire d’un repli.

Faut-il se satifaire de cette évolution ? D’aucuns peuvent y trouver leur compte. Les militaires par exemple, qui pourront à loisir cultiver leur spécificité et regretter, entre eux, que décidemment, les Français ne les comprennent pas, ne les méritent pas... Les élites dirigeantes (politiques, économiques, médiatiques...) également, qui disposent ainsi d’un bras armé très professionnel, que l’on peut engager dans les opérations les plus improbables.

Le général Henri Poncet, ancien commandant du COS, écrivait ses lignes il y a quelques mois : «Force est de constater que, dans les engagements actuels, les temps ne sont plus où on peut faire accepter le sacrifice suprême par le combattant en invoquant la terre charnelle de Péguy. Aussi, il est peut être judicieux de se tourner à nouveau vers Alfred de Vigny et son Gladiateur, « l’homme soldé », qui exécute ce qu’un César, un pouvoir, un gouvernement lui commande, le suivant, voire le même, pouvant lui demander son contraire un peu plus tard : « Ave, Caesar, morituri te salutant ». La seule règle qui vaille pour une armée professionnelle, règle que la Légion Etrangère a parfaitement intégré dans sa devise Légio, patria nostra : c’est pour elle que vous mourrez. Au bilan, si l’on ne veut pas créer le trouble dans l’esprit des combattants, il importe soit que leur engagement soit légitime et reste légitime devant le tribunal des opinions publiques, soit que, professionnel du métier des armes, ils ne se posent pas de question sur le sens de leur mission du moment. »

C’est une vision d’une grande lucidité, mais je persiste à croire qu’il est possible de continuer à se faire une autre idée de «la France et son armée». C’est, aussi, la raison d’être de ce blog.


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