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Afghanistan : veillée d’armes avec les Bisons 29042010

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Jeudi 29 Avril 2010

La contre-insurrection à la française repose sur une culture innée et une préparation intensive. Reportage au sein de la 3e brigade mécanisée, avant son départ en opérations.

Que les Français continuent à faire ce qu’ils font actuellement, ils abattent un travail impressionnant! Venant du général Stanley McChrystal, patron de l’Otan en Afghanistan et l’un des généraux les plus charismatiques du monde occidental, le compliment vaut de l’or. Il l’a fait à Paris devant l’IHEDN, dans un point de situation lucide et franc : « Nous ne sommes pas en train de gagner, mais nous ne sommes pas en train de perdre. Les insurgés ne sont pas en train de gagner non plus. »

Sa stratégie de reconquête des bastions des insurgés, lancée le mois dernier dans la province du Helmand, s’annonce dure : « Il y aura encore plus de blessés et de tués. 2010 sera une année critique. »

D’autres offensives sont attendues ces prochains mois à Kandahar, à Kunduz et à Khost, afin de redonner l’initiative à l’armée afghane et de susciter la confiance de la population. Un colonel venu de Kaboul donne une autre clé à la tournée de son chef en Europe : « Il voulait redonner de l’allant aux décideurs militaires européens, aux responsables politiques et aux opinions publiques. »

À Paris, McChrystal a tenu à féliciter la “Task Force La Fayette”, nom donné à la brigade française (3000 hommes) déployée à l’est de Kaboul. « Les Français sont engagés depuis longtemps dans cette nouvelle culture militaire que nous appelons de nos voeux », dit encore ce colonel. Les soldats français que McChrystal a vus sur le terrain illustrent bien cette French touch si adaptée à la contre-insurrection: la maîtrise de la violence et le respect des populations locales.

C’est une question de culture militaire acquise de longue date, mais aussi de formation. « Nous nous préparons depuis un an, avec un jalonnement encore plus précis ces six derniers mois », explique le général Pierre Chavancy, 50 ans, patron de la 3e brigade mécanisée (BM) de Limoges. Héritière des traditions de la 3e division d’infanterie algérienne, cette grande unité placée sous le signe du croissant de l’islam a bénéficié d’une préparation exceptionnelle pour sa mission en terre afghane, effective à partir de ce 1er mai.

Passé par le Tchad, le Centrafrique, le Golfe et la Bosnie avant de commander la prestigieuse 13e demi-brigade de la Légion étrangère à Djibouti, le général Chavancy devait prendre, ce 29 avril, le commandement de la Force La Fayette pour succéder au général Marcel Druart, en partance pour le quartier général de l’Otan à Bruxelles.

“Il faut aussi que les familles aient l’explication du pourquoi”

Chavancy et son état-major ont achevé leur longue phase de préparation au Centre d’entraînement des postes de commandement (CEPC) du camp de Mailly (Aube), en compagnie de cadres des unités projetées pour ce nouveau mandat, dont ceux du 126e régiment d’infanterie (RI) de Brive-la-Gaillarde et du 21e régiment d’infanterie de marine de Fréjus. Des officiers américains et afghans, dont le général Izmeraï, commandant des forces afghanes dans la zone française, avaient aussi été mobilisés à Mailly pour “jouer” un environnement international réaliste.

« Le but est de nous permettre de chausser les bottes de nos prédécesseurs, avec qui nous étions connectés depuis des mois, explique Chavancy. Mes successeurs sont déjà connectés à moi. » Les successeurs de ses successeurs, présents à Mailly, viennent d’entrer à leur tour dans ce cycle de “tuilage”.

En janvier, une délégation de la 3e BM était aussi allée passer quinze jours aux États-Unis, aux côtés de la 101e division aéroportée, leur futur partenaire sur le terrain : « Pour être parfaitement dans l’esprit et assurer la continuité des actions. » Le leitmotiv de tous est clair : agir au profit des forces afghanes, mettre en musique l’“approche globale” ordonnée par l’Otan, une combinaison d’effets militaires et civils pour assurer la sécurité, le développement, la gouvernance.

La pédagogie a joué un grand rôle : « Il est extrêmement important que nos soldats comprennent bien la logique de cet engagement. Non seulement pour qu’ils ne se trompent pas sur place, mais pour qu’eux-mêmes et leurs familles aient l’explication du pourquoi. » Grand lecteur de Kessel, Gallieni, Archinard, le général insiste sur le respect de la culture des Afghans : « Il ne s’agit pas de leur imposer un pseudo-modèle occidental, mais de leur permettre de trouver eux-mêmes les solutions à leurs affaires. Tout cela n’est pas très nouveau pour le soldat français. On a tous un peu de Lyautey en nous. »

Un panneau proclame la fière devise de la 3e BM: “Un seul but, la victoire”. Le général sourit. Comme son prédécesseur, il proscrit ce mot, préfère parler de succès : « Il n’y a pas de victoire particulière à attendre ni même à viser, ce n’est pas le but. » Ses indicateurs de succès seront difficiles à cerner : « Ils ne relèvent pas que du seul domaine sécuritaire. Plus on est accroché, plus on est sûr d’approcher du but. C’est parce qu’elle est prise au collet que la bête s’agite. »

Son souci prioritaire est la population : « Le succès sera le nombre de gens qui nous contactent pour travailler, pour nous prévenir d’un danger. A contrario, l’indicateur très négatif serait que la population nous tourne le dos. » Ne l’ont-ils pas toujours fait devant les étrangers? « Mais nous ne sommes pas des envahisseurs, s’insurgent Chavancy et ses cadres, même si la propagande des insurgés vise à faire croire le contraire à la population. On ne vient conquérir ni leur sol, ni même leurs coeurs. Nous voulons leur offrir les conditions de leur propre libération. »

Costaud, déterminé, le colonel Jérôme Goisque,42 ans,est l’un des “maréchaux” du général Chavancy pour cette mission de six mois qui commence. Ce saint-cyrien, père de quatre enfants, commande le 126e RI, ossature du groupement tactique déployé en Surobi, dans le sud de la zone La Fayette. La devise de son régiment est un état d’esprit, que revendique le colonel :“Fier et vaillant”

Ses “Bisons”, le surnom traditionnel de ses fantassins, vont patrouiller dans la région d’Uzbin, où dix soldats français ont été tués au combat, le 18 août 2008 : « L’évocation de ce nom est particulière, mais je suis dans une logique de dédramatisation. Cela aurait pu se passer ailleurs et on fait en sorte que cela ne puisse plus se passer du tout.  Aujourd’hui, cette vallée d’Uzbin est plutôt moins dangereuse que d’autres zones situées en Kapisa. »

Goisque martèle sa formule : « Pas un pas sans renseignement, pas un pas sans appui, pas un pas sans l’ANA [armée nationale afghane]. » Il est confiant. Sa “Task Force Bison”s’est autant entraînée à utiliser la violence de ses armes qu’à la maîtriser : « Nous devons toujours disposer d’un vrai rapport de force dissuasif pour les insurgés. La violence doit toujours être sous-jacente dans notre action pour, si possible, ne pas être utilisée. » La moitié environ de ses 500 soldats connaissent déjà le théâtre afghan : « On n’est pas là pour partir à la chasse aux talibans, parce que cela n’apportera pas plus de sécurité. C’est la population qu’il faut convaincre qu’elle n’a rien à gagner à être du côté de l’insurrection. »

Les six mois d’entraînement ont mûri ses Bisons.Leur appréhension initiale a fait place à la confiance : « Ils voient qu’ils sont bien équipés et bien entourés, préparés de façon sérieuse, mais, dans cette mission plus que dans d’autres,ils ont pris conscience qu’ils peuvent être tués, que les modes d’action sont sournois. C’est un peu la lâcheté de l’ennemi qui fait peur. » Et aussi, souvent, la pression des familles. Le colonel Goisque s’est adressé à elles avant le départ : « N’ayez pas peur. Il peut toujours arriver quelque chose, mais je vous assure que les soldats sont préparés, équipés et engagés dans un environnement où tout est fait pour ne pas prendre de risques inconsidérés. »

À Mailly, les officiers de la 3e BM avaient placardé quelques citations utiles. Kessel et Lawrence d’Arabie, bien sûr, mais aussi ce mot du général Druart, premier patron de la brigade La Fayette, de retour cette semaine du “royaume de l’insolence” et de toutes les incertitudes : « Vouloir comprendre est une vertu. Croire comprendre est une faute. »

Frédéric Pons


Traduction

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