la Marseillaise
11-08-2011
Équipé de bouteilles d’eau et de café, le tandem de
la Croix-Rouge accompagne les SDF de la ville durant
l’été. LAURENT SACCOMANO
Un tandem de la Croix-Rouge arpente Marseille pour apporter assistance sanitaire et administrative aux SDF. Reportage aux côtés de l’unique maraude de l’été.
En ces jours de chaleur, il fait bon s’attarder dehors. De là à y vivre, il y a un monde. Si la situation des sans-abri émeut les esprits en ces hivers de plus en plus froids, on a tendance à oublier leur existence l’été, comme si, en l’espace d’une saison, tous les problèmes de la vie dans la rue avaient disparu.
Non, il ne fait pas bon vivre dehors. Les besoins sont encore plus forts en ces grosses chaleurs, à l’heure où les associations ralentissent le mouvement.
A Marseille heureusement, certains bénévoles ont choisi de ne pas partir en vacances et consacrent leur temps à maintenir un lien social avec les plus démunis. Maxime et Hervé Gamez, père et fils, un gilet estampillé du logo de la Croix-Rouge, arpentent les rues de la ville toute la journée, du mardi au vendredi.
Une présence, besoin premier des habitués
Manifestement heureux de les voir, un homme à la maigreur inquiétante, des cicatrices sur les jambes, interpelle immédiatement les deux compères en gilet rouge, sourire aux lèvres. Hervé s’empresse de s’enquérir de son état de santé, lui demande si ses jambes ne le démangent pas. « Tout va bien », rassure le SDF, savourant un de ces trop rares moments de partage. « Notre présence suscite toujours de bonnes réactions », s’enthousiasme Hervé. Et le père d’ajouter : « Le logo de l’organisation aide beaucoup, les gens savent directement qu’on vient sans autre intention que de les aider. »
Difficile d’écouler le café préparé et le stock d’eau et de compotes, malgré les besoins évidents de ceux qui sont devenus leurs amis, qui refusent la plupart du temps, gênés.
« Accompagner » pour maintenir le lien social
Yvo, un autre SDF du palais de justice, doit se rendre chez le docteur avant la fin du mois. Suite à la mort de son chien, il a enfin accepté de suivre une cure pour soigner son addiction à l’alcool. L’ancien légionnaire, originaire de Bosnie Herzégovine, dort sur le banc sur lequel il discute posément avec Hervé et Maxime, auxquels il montre ses lettres de convocation chez le médecin. En ville depuis sept ans, l’homme à la barbe grisonnante et à la casquette au logo de Marseille, un léger accent de l’Est, se plaît à discuter dans un parfait anglais. Globe trotter dans ses jeunes années, il maîtrise une quinzaine de dialectes différents.
Le fléau alcool, pour oublier l’enfer de la rue
« L’alcool aide à mieux dormir, explique Yvo. Lorsque je suis imbibé, je parviens à dormir plus longtemps. »
L’alcool est le problème récurrent chez les sans-abri. Hervé et Maxime s’emploient sinon à stopper, du moins à modérer l’addiction de ces hommes pour qui l’alcool semble raccourcir un brin le temps. Un cercle vicieux dans lequel il est difficile d’espérer pouvoir abandonner ses addictions sans quitter la rue.
A la recherche d’un certain Zahir, Hervé et Maxime ratissent au peigne fin le pourtour du Vieux-Port. Ils doivent annoncer au jeune SDF qu’il a rendez-vous en fin de semaine avec l’Association de psychothérapeutes pour le traitement des addictions (Apta). Le jeune homme reste introuvable. En quête de renseignements, père et fils retrouvent Bruno, Eric et Mohammed, trois SDF qui vivent dans un campement de fortune, à côté du square Lamy, non loin de l’abbaye Saint-Victor. « Père et fils contre la misère », c’est ainsi que les trois « frères de la rue » décrivent l’action de la seule équipe de la Croix-Rouge encore en maraude cet été. Les deux bienfaiteurs repartiront sans avoir trouvé Zahir, avec bon espoir de le rencontrer le lendemain.
Quelques heures quotidiennes qui illuminent le visage marqué des vagabonds de la ville, avant d’affronter une nouvelle nuit empreinte de solitude.