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« Ironclad » : les Anglais débarquent à Madagascar

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Publié le dimanche 06 mai 2012

Pourquoi les plans détaillés proposés par le général de Gaulle pour que les Forces françaises libres débarquent à Madagascar avec l'appui de la Royal Navy et de la RAF sont-ils remisés dans les tiroirs du ministère de la Guerre britannique ? La raison ne tient pas à une négligence britannique surtout après la chute de Singapour. La perte de contrôle de l'océan Indien est un lourd handicap. Mais, les Anglais n'ont pas gardé de bons souvenirs de l'échec de Dakar à l'automne 1940 et la situation au Levant ne leur convient pas, aussi s'interrogent-ils sur la pertinence d'opérations conjointes qui n'assureraient pas une domination régionale à Londres. Churchill est inquiet d'une résistance farouche opposée aux troupes gaullistes. Il a été très marqué par l'intensité de l'épisode syrien. Le Premier ministre ordonne l'élaboration d'un plan strictement anglais. Il ne croit pas contrairement à ce qu'il dit que le gouverneur général de Madagascar, M. Annet empêchera un débarquement.

Cap sur Diégo-Suarez

C'est dans ce climat de méfiance que l'opération Ironclad est déclenchée le 5 mai 1942 au lever du jour. La priorité des Anglais est de prendre le contrôle de Diégo-Suarez. C'est chose faite le 7. En revanche Tamatave et Majunga ne figurent pas parmi leurs objectifs immédiats. L'amiral Syfret qui coordonne les opérations d'invasion doit dans un premier temps trouver un casus belli envers le représentant de Vichy pour justifier son intervention mais par télégramme, le gouvernement de Londres lui demande de concevoir un modus vivendi avec les autorités françaises pétainistes de Tananarive !

Le chef de la France libre est informé à 3 heures par un coup de téléphone d'une agence de presse, du déclenchement de l'opération malgache. De Gaulle est furieux et il invective la photo de Churchill. Le général se calme et prépare une adresse au Foreign Office dont les termes choisis sont vigoureux. Il refuse de rencontrer Antony Eden le ministre des Affaires étrangères et lorsqu'enfin les deux hommes acceptent d'échanger, la tension est perceptible et leurs postures, celles d'un affrontement. Eden est agacé aussi engage-t-il la discussion sur le sujet qui est sûr de fâcher : Madagascar. « Vous n'êtes pas content ? Je reconnais que j'aurais pu vous prévenir, mais nous avons craint que dans ce cas, vous vouliez participer à l'opération ; or nous préférons que l'on ne puisse pas nous reprocher d'amener des Français à se battre contre d'autres Français ». De Gaulle réplique cinglant : « Je prends ces raisons pour ce qu'elles valent ».

Le ministre anglais reprend : « Je regrette beaucoup que vous ne soyez pas venu me voir lundi 7 mai, nous aurions pu faire ensemble un communiqué dans lequel nous aurions dit que vous participiez à l'administration de l'île ». Le général répond tout de go : « Je n'avais aucune raison de venir, je n'étais informé de rien. D'ailleurs, à l'heure actuelle, savez-vous, vous-même, ce que vous allez faire à Madagascar ? Êtes-vous décidé à prendre toute l'île ? Au cas où vous le décideriez, je maintiens l'offre d'une collaboration militaire. Nous ne savons même pas quelles sont les conditions d'armistice que vous avez conclues avec les gens de Vichy ». Eden ne répond pas directement mais se dit surpris du fait que le Comité national n'ait pas félicité les Britanniques pour la pertinence de leur opération coup de poing dans l'océan Indien.

De Gaulle considère que son interlocuteur ne manque pas de toupet aussi hausse-t-il la voix : « Comment pouvons-nous nous déclarer d'accord alors que nous ne connaissons pas vos intentions et que vous-même ne savez pas encore ce que vous allez faire ? ». Pour noyer le poisson, le ministre assure que les informations en sa possession attestent que l'occupation britannique est très bien reçue par la population française et en métropole.

L'estocade du général

S'il croit ainsi rassurer le chef des Français libres, Eden se trompe : « Je suis sceptique. Je sais ce qui se passe en France par les nombreux émissaires qui vont et viennent. Je sais que lorsqu'en France on a le sentiment que le gouvernement britannique et le Comité national ne sont pas d'accord, ce n'est pas le gouvernement britannique que l'on approuve ».

Le général porte alors l'estocade : « Comprenez la situation difficile que vous nous faites. Vous ne nous soutenez qu'à moitié. Les Américains font tout ce qu'ils peuvent pour nous nuire. Vous nous empêchez de nous développer. Si les conditions actuelles durent, un jour ou l'autre, nous nous disloquerons. Si c'est ce que vous cherchez, il vaut mieux le dire ; mais rendez-vous compte des conséquences. Avec nous, c'est la France elle-même qui se disloquera ».

Eden est alors ébranlé et ne veut pas que la conversation s'achève sur un quiproquo ou un désaccord capable de fragiliser les relations bilatérales. De Gaulle est prêt à le croire mais il revient à la charge pour s'insurger contre ce comportement de défiance à l'égard de la France libre. L'occasion est trop bonne pour lui redire que l'attitude anglaise en Syrie est déraisonnable et qu'elle n'est pas constructive. Piqué au vif, le ministre déclare : « Les difficultés ne viennent pas simplement de nous. Elles proviennent bien souvent de chez vous ». « Mais c'est bien vous qui les cherchez », tonne le Général. Lorsque les deux hommes prennent congé, la situation de crise est actée. De Gaulle prévient qu'il peut être amené dans les prochains jours à prendre de graves décisions. Il ne les précise pas mais il sait quelle est la teneur des propositions faites par les Britanniques au gouverneur général Annet. Le texte mentionne : « Si le gouverneur collabore avec les Anglais, il sera maintenu en fonction et il ne lui sera pas demandé de faire rentrer Madagascar dans la guerre aux côtés des Alliés ». Cette posture ressemble à s'y méprendre avec les suggestions faites par les Américains à l'amiral Robert en Martinique. Le Général assimile cela à une trahison envers son mouvement.

Quitter Londres ?

C'est la raison pour laquelle, il envisage alors plusieurs scénarios de rupture. Il pense à un repli en Afrique équatoriale, à une dénonciation publique de l'attitude des Anglais et des Américains, à la suspension de toute coopération avec le gouvernement britannique, à un retrait de sa représentation aux Etats-Unis, à un déménagement en URSS avec tout son état-major. Churchill dont le sens politique ne fait aucun doute est très préoccupé par l'évolution de la situation relative à la question de Madagascar et cela au moment où les Japonais sont aux portes de l'Inde.

De Gaulle veut partir en inspection en Afrique pour manifester sa mauvaise humeur, ce que refuse Churchill et ce qu'Eden lui traduit en des termes diplomatiques : « Votre absence de Londres serait inopportune dans la mesure où le gouvernement de sa Majesté pourrait avoir à vous consulter en ce moment critique de la guerre ». Le Général feint d'être flatté et accepte de différer son déplacement d'au moins un mois. Eden redit alors au Premier ministre qu'il doit avoir une séance d'explications avec de Gaulle. Une épreuve d'autant que le Général a appris que les Anglais et les Américains envisagent une action au Niger et à Dakar sans concours des Français libres ! Aussi Churchill se hâte lentement pour sortir son agenda déjà complet jusqu'à la fin du mois.

Textes : Hervé Chabaud

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