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Guerre de 14-18 : Vis ma vie de poilu

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Publié le 11/11/2013

Sur un front de 800 kilomètres, s'étendaient les tranchées, lieux aux conditions de vie désastreuses où les soldats attendaient les ordres.

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La guerre ne devait pas durer, les stratégies envisagées par les états-majors des armées française et allemande n'envisageaient pas un enlisement du conflit, et pourtant ce dernier a duré jusqu'en novembre 1918 dans un quotidien rythmé au jour le jour par le danger et la mort. Le 3 août 1914, le plan Schlieffen est mis à exécution, la guerre de mouvement a commencé, mais elle va rapidement donner suite à un nouveau type de guerre pour lequel l'armée française n'était pas préparée : la guerre défensive et souterraine.

La première ligne, synonyme d'enfer sur terre

L'adversité ne se résumait pas à l'ennemi, à l'homme d'en face, mais plutôt à un ensemble de fléaux imprégnant le quotidien de chaque soldat. Les affrontements directs n'ont jamais été incessants durant ce conflit. La boue, le froid, la faim, l'incertitude ou encore les corvées marquaient le quotidien du fantassin de la première ligne. Les tranchées n'étaient séparées parfois que de quelques mètres, il fallait être aux aguets en permanence, de jour comme de nuit. Les tirs d'artillerie, les coups de main, généralement nocturnes, ou encore la guerre des mines engendraient une incertitude constante, synonyme d'énorme pression psychologique. Le silence, le calme n'avaient rien d'apaisant, et, face à cette détresse psychique, les armées se sont évertuées à aménager une relève régulière. On passait des premières lignes au cantonnement selon des périodes incertaines en raison des vicissitudes inhérentes à cette drôle de guerre.

L'une des missions affectées aux soldats des tranchées était de fournir des renseignements aux autorités militaires. Pour ce faire, des sections de volontaires risquaient leur vie en organisant des patrouilles et des coups de main. Ces entreprises nocturnes permettaient aux membres de la section d'échapper aux corvées habituelles mais furent également motivées par l'appât du gain, 50 francs par prisonnier ramené. C'est sur un sol boueux ou gelé que les corps francs rampaient, dans l'optique d'obtenir la moindre information sur le belligérant, au risque d'être confrontés à un poste ennemi ou bien même aux tirs de camarades non informés de leurs mouvements.

À l'instar des coups de main et patrouilles, les corvées avaient lieu majoritairement la nuit mais n'étaient pas réalisées par n'importe qui. En effet, le grade procurait un certain nombre d'avantages matériels et dispensait par la même occasion de bien des occupations exténuantes. Le répit n'existait pas pour les biffins, actifs de jour comme de nuit. Ainsi, les gradés ne laissaient jamais les troupes inactives en leur confiant des missions périlleuses. Ces corvées imposées aux soldats du "bas de l'échelle" furent nombreuses et conscrées par exemple à la consolidation des tranchées - installation de rondins, claies, gabions -, à l'aménagement du sol - pose de caillebotis -, à l'amélioration des défenses - par le biais de l'installation de réseaux barbelés, de chevaux de frise, de hérissons - ou encore au transport périlleux de fardeaux, grenades ou explosifs. Les déplacements entre les lignes arrière et la première ligne s'exécutaient à travers d'étroits boyaux sinueux et marécageux, quasiment à découvert, ralentissant les hommes et les exposant directement aux tirs des mitrailleuses adverses.

L'accoutumance à la misère

En parallèle à ces missions-suicides, les fantassins devaient lutter contre la malnutrition et les maladies. Les évolutions technologiques sur le plan militaire ne sont pas sans conséquence pour les soldats dont le quotidien est marqué par la souffrance morale et physique. Les pathologies furent liées aux conditions de vie précaires dans les tranchées, et c'est ainsi qu'à de nombreuses reprises il y eut des évacuations pour cause de bronchite aiguë, de pleurésie et d'autres maladies pulmonaires. On note également l'apparition d'infections spécifiques au théâtre des tranchées, comme ce fut le cas avec les pieds gelés et "le pied de tranchée", conséquence directe de la confrontation permanente des pieds avec l'eau boueuse des tranchées, qui pouvait déboucher sur la gangrène. À cela se greffait une hygiène corporelle déplorable se traduisant par les parasites (poux, puces), le linge inchangé pendant des semaines, l'absence de toilette régulière, à laquelle s'ajoutaient les longues fosses d'aisance nauséabondes, les cadavres en putréfaction synonymes de jardin d'Éden pour la prolifération des rats, comme en témoigne Louis Barthas dans ses Carnets de guerre : "Les rats arrivaient affamés et par centaines dans nos abris. Si la nuit on n'avait pas pris la précaution de se couvrir la tête, plus d'un aurait ressenti au nez, au menton et aux oreilles, les dents aiguës de ces maudites bêtes."

L'omniprésence du danger et de la mort engendrait parallèlement des traumatismes psychologiques. Les cadavres en décomposition, les corps démembrés, les séquelles engendrées par les tirs d'artillerie imprègnent la journée du poilu au point d'aboutir à des troubles psychiques liés au stress, dont certains troubles post-traumatiques - comme l'obusite - qui provoquent des séquelles à long terme allant des troubles du sommeil aux maladies psychosomatiques graves. D'autres maladies viennent accabler les hommes des tranchées, comme la typhoïde, la dysenterie et les maladies intestinales qui résultent de la mauvaise qualité de l'alimentation. Légalement, il était prévu par soldat une ration journalière composée entre autres de 700 grammes de pain, 400 grammes de viande fraîche ou en conserve, 75 grammes de fromage, 35 grammes de café, 45 grammes de margarine ou de lard, entre 25 et 40 grammes de féculents (haricots blancs, petits pois, riz...), mais, en réalité, les quantités furent moins importantes et de moindre qualité. Le ravitaillement en nourriture constituait en lui-même une corvée puisque des soldats (volontaires ou désignés) devaient se rendre à l'arrière jusqu'aux cuisines pour ensuite effectuer le chemin inverse chargés de bidons. Il était donc fréquent que la nourriture soit livrée froide, soit déversée en raison des conditions d'acheminement difficiles ou encore non distribuée face à l'ampleur des affrontements. La malnutrition prédominait donc, tout comme la déshydratation et la mauvaise qualité de l'eau que les soldats faisaient bouillir pour la purifier.

Les occupations et les quelques réjouissances...

Dans le désoeuvrement, les diverses occupations s'orientaient vers les jeux de cartes - la manille pour les soldats -, la conversation et l'écriture. Certains passe-temps n'étaient pas accessibles à tous, comme la photographie. Les soldats des milieux urbains pouvaient se faire offrir un petit appareil photo, le Vest Pocket Kodak, dans l'optique de ramener des souvenirs du front. D'autres s'improvisaient collectionneurs ou plutôt pilleurs et se livraient à la chasse aux trophées (aigles impériales, fusils Mauser...). Certains fabriquaient des objets, des bijoux avec toutes sortes de matériaux fournis par les douilles, les ceintures d'obus, les boutons d'uniforme. Ces réalisations étaient préservées, vendues ou bien troquées. Pour autant, ces moments passés à l'arrière n'étaient pas perçus comme un havre de paix, comme l'a écrit Blaise Cendrars, volontaire étranger dans l'armée française puis membre de la légion étrangère, dans son ouvrage intitulé La main coupée : "L'on restait quatre jours en ligne et l'on redescendait pour quatre jours à l'arrière, et l'on remontait à l'avant pour quatre jours, et ainsi de suite jusqu'à la fin s'il devait y avoir une fin à cette triste histoire. Les poilus étaient découragés. Ce va-et-vient était bien la plus grande saloperie de cette guerre, et la plus démoralisatrice."

Le poilu trouve de la consolation dans la camaraderie et les beuveries, dans les courriers ou parfois les colis qu'il reçoit de l'arrière, malgré la censure, comme l'exprime Marcel dans un courrier à sa femme, le 31 juillet 1915 : "On vous dit le soldat est bien nourri sur le front, il a tout de reste, ce n'est pas difficile car ce que l'on nous donne est immangeable [...]. Heureusement qu'avec les colis que nous recevons tous nous pouvons presque vivre." La livraison du courrier était un moment très attendu, privilégié, réconfortant, mais malgré tout douloureux face à l'incertitude du lendemain.

Le soldat de la première ligne a connu l'enfer sur terre à travers un quotidien tellement difficile à relater, à imaginer, tant il apparaît comme irrationnel. Ce conflit marqua à jamais les esprits mais n'empêcha pas, vingt ans plus tard, un second conflit mondial lourd en conséquences et en désolation.


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