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Hans Hartung, l’abstraction avant tout

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Libération

8 janvier 2017
Par Clémentine Mercier Envoyée spéciale à Landerneau

 

 

En Bretagne, les toiles de l’Allemand et celles d’une vingtaine d’autres peintres lyriques se répondent dans une expo colorée.

«T1989-R43», peint par Hans Hartung en 1989, l'année de sa mort. Photo Fondation Hartung-Bergman

 

Achtung. Hans Hartung revient. L’artiste né à Leipzig en 1904, naturalisé français, et mort à Antibes en 1989, met le cap sur Paris en passant par la Bretagne. L’exposition de Landerneau, au Fonds Hélène et Edouard Leclerc pour la culture, «Hartung et les peintres lyriques», met en appétit pour une rétrospective au centre Pompidou annoncée à l’horizon 2019-2020. Déjà, l’été dernier, une exposition au musée de la Légion étrangère à Aubagne (Bouches-du-Rhône) rappelait l’histoire du peintre, réfugié en France en 1935 pour fuir le régime nazi : engagé deux fois dans la Légion, Hartung est blessé alors qu’il est brancardier lors de l’attaque de Belfort en 1944. Amputé de la jambe droite, celui qui s’est battu sous le drapeau français, pionnier de l’abstraction passé maître de l’abstraction lyrique, méritait une attention particulière et un regard neuf.

Griffes. Mais comment retrouver le goût d’une peinture tombée dans le désamour, proche d’un courant pictural carrément passé de mode ? «C’est le bon moment pour Hartung. Il a été englué dans la scène d’après-guerre française. Le but est de lui offrir une nouvelle possibilité de regard, débarrassé des formatages, en lui offrant un nouveau vocabulaire», avance Xavier Douroux, commissaire de l’exposition. Aux Capucins de Landerneau, l’idée est de lui dérouler un parcours serpentin en le confrontant à d’autres peintres. Hans Hartung a le tapis rouge magistral, ses congénères prestigieux ou moins connus (Willem de Kooning, Cy Twombly, Simon Hantaï, Sigmar Polke, Georges Mathieu, Christopher Wool ou Jean Degottex), habitent des antichambres nichées dans les courbes du parcours. A l’entrée, les dix pastels, fusains et traits à la craie noire sur papier datant d’avant-guerre emportent le morceau. Le parcours s’organise de façon chronologique. Une première niche abrite des toiles de Georges Mathieu, Schneider, Hantaï, chargées de larges tracés sombres, de tâches boueuses et de couleurs terreuses étouffantes. On ressort vite suffoqué par ces toiles marronnasses. Pourtant, «il faut arrêter de diaboliser tous ces artistes. Mathieu, certes, c’est les affiches d’Air France mais c’est aussi un grand peintre et, après-guerre, on a découvert la peinture américaine grâce à lui, notamment Jackson Pollock et Mark Rothko», défend Xavier Douroux.

Au cœur de l’expo, dans les années 60-70, les peintres abstraits paraissent plus tendres que Hartung, qui y va à grands coups de rouleaux noirs sur des panneaux de bois colorés. La seconde alcôve lui oppose un rose et délicat De Kooning et un étonnant Christopher Wool, avec de l’encre dégoulinant sur du lin comme les vertèbres d’un animal préhistorique imaginaire. Pas de doute, tous ces peintres ont des formules communes (traits à bout de pinceaux, tracés énigmatiques, explosions soudaines) et des affinités électives (couleurs châtaigne, noirs vibrants, matières crissantes, grattées à même la toile et expérimentées en tant que telles). Dans un aller-retour fécond, l’œil cherche ses préférences parmi toutes ces griffes.

Hans Hartung, maître des lieux, allume un feu d’artifice final. Les dernières toiles, de très grands formats, presque psychédéliques, sont un festival de taches roses, bleues avec nuage jaune strié de jets noirs. Comment s’y prenait-il pour imbiber ses toiles, vissé dans sa chaise roulante ? «L’œuvre est posée de manière frontale sur un chevalet. En fonction de l’effet recherché, il s’installe plus ou moins loin. Il utilise ensuite deux types d’outils : le pistolet airless avec de l’air comprimé qui donne l’effet de poussière et une sulfateuse bricolée, utilisée normalement pour traiter les arbres, qui va envoyer la peinture par paquet et donner des effets beaucoup plus compacts. En fonction de la dilution de la peinture, peuvent être obtenus des affaissements, des coulures…», explique Thomas Schlesser, directeur de la Fondation Hartung-Bergman. Il faut voir les photographies montrant le peintre à l’œuvre, armé de son pistolet, protégé par de drôles de lunettes de type aviateur…

Râteaux. L’autre intérêt de l’exposition est de dévoiler dès le début une technique méconnue utilisée par Hartung : celle du report. Aux origines du geste et des grands formats abstraits, le peintre a d’abord dessiné de toutes petites encres sur papier d’une vingtaine de centimètres, pas plus, qu’il reproduit ensuite en grand. «Tout ce qui relève de l’élégance du geste, de la maladresse, du hasard sera reporté en grand, comme un agrandissement photographique. Il ne l’a jamais caché mais il sera pris dans le mouvement de l’abstraction lyrique de l’après-guerre un peu malgré lui. La critique s’empare de la notion d’exaltation du geste mais, à la différence de Mathieu, Hartung n’est pas là-dedans», analyse Xavier Douroux. Ainsi, une partie du mythe de la gestuelle débridée et grandiose, de la fulgurance jaillissante, du débordement émotionnel propulsé à même la toile part en fumée. Hans Hartung joue avec la gestualité, les couleurs, les matières, en totale maîtrise de son corps et de ses intentions. Et, au fur et à mesure de son affaiblissement physique, il adapte sa technique avec des ustensiles : lames, pistolets de carrossier, brosses, balais, branchages, râteaux… On retrouve cette maîtrise rigoureuse dans les titres de ses toiles, qu’il classe par ordre chronologique de réalisation. Par exemple, T1948-12 est la 12e œuvre de l’année 1948. Hartung, qui peignait bercé par la musique spirituelle de Bach, contrôlait ainsi sa production et les contrefaçons.

Le regard peut changer. Celui du commissaire, Xavier Douroux, a d’ailleurs évolué puisqu’il propose des toiles qu’il n’aurait pas défendues auparavant, comme T1964-R15, ce vinylique vert d’eau et bleu roi balafré d’une pulvérisation noire. Le regard de Michel-Edouard Leclerc a lui aussi fluctué, puisqu’il avait promis une ligne ferme autour de la figuration à l’ouverture de son Fonds. Avec cette exposition, la ligne s’emmêle comme un dessin enchevêtré au fusain, d’un lyrisme méthodique très cérébral.


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