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Kevin Clément, tombé au Mali : légionnaire en Afrique, sapeur-pompier volontaire en Franche-Comté

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Publié le 15/05/2020 Par Vladimir de Gmeline

Kevin Clément, tombé au Mali : légionnaire en Afrique, sapeur-pompier volontaire en Franche-Comté


Il avait vingt et un ans, aimait le rugby, sa famille, l'aventure, et aider les autres. Pompier à Luxeil-les-bains depuis l'âge de seize ans, il est mort au Mali au cours des combats avec le islamistes de l'EIGS (Etat islamique au grand Sahara). Son père, ancien légionnaire et pompier volontaire également, et un de ses anciens chefs, témoignent.

 

Son stage à Castelnaudary, la maison mère de la Légion étrangère, ça ne lui plaisait pas trop, à Kevin. Passer brigadier, d'accord, mais ce qu'il voulait c'était partir au Mali. Il lui fallait de l'action. Depuis son engagement le 15 septembre 2017, il s'était baladé, avait vu du pays, en Martinique, en Guadeloupe et en République dominicaine, mais ce n'était pas encore l'aventure à laquelle il aspirait. Autant dire qu'il a été content quand son régiment l'a rappelé au bout de dix jours : « Je l'ai eu au téléphone, il m'a dit 'ça y est papa, je pars au Mali !' » Jean-Marc Clément ne peut rien dire, même si, comme tout parent, il ressent un peu d'appréhension à savoir que son jeune fils part là où ça se bat vraiment. Lui-même était légionnaire.

Même régiment, le 1er REC (Régiment étranger de Cavalerie), aujourd'hui à Carpiagne mais que lui a connu à Orange, et même escadron : « J'étais très fier, je l'ai toujours soutenu. Bien-sûr j'en parlais beaucoup, il admirait ça. » Kevin est tombé le lundi 4 mai au matin, lors d'un accrochage avec les islamistes de l'EIGS (Etat Islamiste au Grand Sahara), filiale de Daech, qui en reproduit la violence et les méthodes, dans la région du Liptako Gourma, dite « des trois frontières ». Son peloton opérait côté Malien, dans une vaste opération de harcèlement contre des terroristes qui passent en permanence du Mali au Burkina Fasso et au Niger. De plus en plus sous pression, l'EIGS multiplie les « contacts », notamment en utilisant de petits groupes qui ont pour mission de protéger la fuite de leurs chefs.

Seize ans, déjà au-dessus du lot

Kevin a été rappelé parce qu'il avait une spécialité. Il était auxiliaire sanitaire. Elle ne venait pas de nulle part, puisqu'il avait servi comme sapeur-pompier volontaire à la caserne de Luxeil-les-bains, en Haute-Saône, d'où il était originaire. Là aussi, comme son père, et avec lui : « Il avait commencé chez nous comme jeune sapeur-pompier, de 2012 à 2014, puis volontaire jusqu'en 2017, quand il s'est engagé dans l'armée » raconte le lieutenant Leconte, qui dirige le centre. Né le 5 juin 1998, c'est un garçon décrit comme respectueux, fédérateur, toujours prêt à rendre service et toujours souriant : « A seize ans il était opérationnel » continue son ancien chef, « et déjà au-dessus du lot, avec une rigueur et une volonté qui le distinguaient. Chez nous, des gens qui s'engagent dans la Légion étrangère, c'est rare. La plupart du temps, ils rejoignent la BSPP, les marins-pompiers de Marseille, ou le centre de secours de la base aérienne de Luxeil. » C'est sur cette base que sa mère aurait préféré qu'il s'engage, « mais ça ne lui disait rien du tout » continue Jean-Marc Clément.

« C'était un super fils, simple, discret, volontaire, il aimait bouger, beaucoup » continue-t-il, « il avait plein d'amis et était très proche de sa petite sœur, Morgane, qui a douze ans. Ils se chamaillaient, comme tous les frères et sœurs, mais ils s'adoraient. » Il joue au rugby et admire ce père, conducteur de chaudière dans une scierie, qui lui raconte la fraternité d'armes et les sables d'Irak, les feux de pétrole au loin. Loin des forêts de Franche-Comté. Jean-Marc, pour lui, le premier escadron, c'était le meilleur, celui où il avait servi après s'être engagé en mai 1987, et avec lequel il était parti pour la première guerre du Golfe, comme tireur sur AMX 10RC. Il y passe huit mois, de septembre 1990 à avril 1991. Alors, après son bac, Kevin réalise enfin son rêve de porter le képi blanc et le béret vert à son tour. Au 1er REC. Pendant sa formation initiale à Castelnaudary, il écrit à sa famille des lettres d'une écriture ronde où il parle "d'une marche de plus de 70 km où d'ailleurs j'ai pensé fort à vous", des footings de deux heures qui l'endurcissent mentalement, des caporaux qui commencent à lui faire confiance et termine par "passez le bonjour à la caserne et à tous les collègues qui j'espère vont bien."

Un corps d'élite

« C'est un corps d'élite, la camaraderie, et quand il y en a un qui est en difficulté, les autres sont là, on ne lâche pas ses potes » continue le père, « et quand un légionnaire tombe, pour moi, c'est un frère d'armes qui tombe. » C'est ce qu'il éprouve quand le 2 mai, il apprend la mort du brigadier Martynyouk, légionnaire cavalier lui aussi, blessé gravement par l'explosion du camion-citerne qu'il conduisait sur la route qui mène de Gao à Menaka, dans le Liptako Gourma, nord-est du Mali. Comme Kevin, cet ukrainien de vingt-huit ans, ultra sportif et blagueur, passionné de musculation, avait servi dans un peloton de VBL, chasseur-traqueur de terroristes. La Légion avait réussi à prévenir une partie de sa famille, et son père qui avait rejoint Paris et les Invalides, puis Carpiagne, quarante-six heures de route en continue, et des frontières qui s'ouvraient au fur et à mesure : « On les a vus, on s'est salués, mais il y avait la barrière de la langue. Ils étaient dévastés » continue Jean-Marc Clément, qui l'est tout autant.
Le jour où des hommes en uniforme viennent lui apprendre la mort de son fils de vingt et un ans, dans un « combat très rapproché », Jean-Marc poste sur la page Facebook un message où il exprime sa culpabilité : « Je n'ai pas changé, dit-il aujourd'hui, Ce n'était pas à lui de partir. Je me sens responsable. J'ai parlé avec le général Mistral, qui commande la Légion étrangère, et que j'ai croisé alors qu'il était jeune chef de section au REC, il m'a dit que ce n'était pas de ma faute. » La cérémonie aux Invalides est forcément réduite, pour cause de confinement. Le père de Kevin parle encore de l'accueil du régiment, de la fraternité, des messages, du soutien. A la caserne de Luxeil, le lieutenant Leconte conclut : « On en parle beaucoup, pour nous il a toujours été sapeur-pompier. On est fiers de lui, de savoir qu'il s'est battu, qu'il est mort pour la France. Il avait une tête de jeune homme. Maintenant on attend une vraie cérémonie, où on pourra se retrouver tous ensemble. » A Luxeil-les-bains, un nouveau monument aux morts vient d'être édifié. Il y aura une stèle « Opex », avec le nom du brigadier Kevin Clément, l'enfant du pays. Il avait vingt et un ans.


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