Il y a 60 ans, l’histoire retient de mars 1962, les 18 et 19, la mise en place d’un cessez-le-feu résultant de la signature des accords d’Évian. La Légion est alors en totalité déployée en Algérie et au Sahara, à l’exception du Bataillon de Légion étrangère à Madagascar. Le magazine KB rend visite aux unités Légion et raconte justement dans son numéro de mars, un périple de 5 000 km, reliant les deux frontières marocaine et tunisienne, en passant par l’Algérois, le Constantinois, les Némentchas jusqu’aux confins du Sahara. Les 1er RE, 2e REI, 3e REI, 4e REI, 5e REI, 13e DBLE, 2e REP, 1er REC, 2e REC, 1er Escadron saharien porté de la Légion, les 2e et 4e CSPL(1) poursuivent leur mission et contrôlent le terrain, sans pour autant pouvoir réellement intervenir.
Malgré le succès militaire, l’ambiance est lourde et les plaies sont profondes chez les légionnaires. L’année écoulée, depuis avril 1961, fut probablement la pire que la Légion eut à connaître. Le sentiment de tristesse et d’impuissance est répandu dans les unités : le départ de l’Algérie est inéluctable et douloureux par les drames accumulés depuis 1954(2) mais au-delà par la charge historique qui lie la Légion étrangère à cette terre nord-africaine. La Légion étrangère est née pour l’Algérie. Les premiers légionnaires connurent leur baptême du feu dès 1832 au sud d’Alger, près de Maison–Carrée. Le lieutenant Cham fut le premier des
904 officiers tués au combat sous la grenade à sept flammes. C’est en 1840 que la Légion pose son bivouac à Sidi Bel Abbès qui est alors uniquement le lieu-dit d’une Kouba(3).
De rien, la Légion en fit sa maison mère et sa ville. Les légionnaires assainirent, défrichèrent, créant les premières exploitations agricoles et bâtirent. Le développement de Sidi Bel Abbès a été fulgurant : 431 habitants en 1849, 5 259, dix ans plus tard, pour atteindre les 80 000 en 1959.
En ce mois de mars 1962, l’angoisse au cœur, le départ se prépare. Le général Morel, inspecteur de la Légion étrangère, déclare lors d’une visite : “ce jour même, 5 avril 62, une première unité fait route sur Djibouti, d’autres suivront vers de nouveaux territoires où de nouveaux destins les appellent. Fidèle à ses traditions, la Légion immortelle poursuit sa route.”
Dans cette période troublée, le chef de corps du 1er Régiment étranger, le colonel Vaillant, tient la barre du paquebot Légion et pense l’avenir. Il tient les troupes, maintient l’ordre dans la ville de Sidi Bel Abbès. Il déclarera : “l’honneur de l’Armée, c’est d’avoir été opposée à un adversaire désigné et de l’avoir battu. Le pays fait ce qu’il veut des succès de son armée.”(4)
Il était une fois Sidi Bel Abbès…
Ce sera le thème de l’exposition temporaire du Musée qui ouvrira le 30 avril prochain. De Sidi Bel Abbès à Aubagne, la Légion s’est résolument enracinée dans sa nouvelle ville provençale et fête les 60 ans de son implantation. Un concert de prestige ouvrira les festivités illustrant ce lien fort entre la Légion et Aubagne le 9 mars. Le lendemain, la ville d’Aubagne recevra, en la personne de son maire, monsieur Gérard Gazay, la distinction de légionnaire d’honneur, marquant notre reconnaissance à notre ville.
Que vive Aubagne et sa Légion étrangère !
(1) Pour la troisième fois, le 1er REP a disparu, le 30 avril de l’année précédente.
(2) Drames qui a valu près de 2000 légionnaires tués au combat.
(3) Tombe d’un Saint musulman.
(4) Albéric Vaillant ou la passion de la Légion de Michel Tirouflet, édition nuvis, p.143.
Général Alain Lardet
Commandant la Légion étrangère
Editorial Képi Blanc Magazine - Mars 2022