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2020

Légion étrangère : les "Fortes têtes" ont 100 ans

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https://www.ladepeche.fr/

Publié le 16/11/2020

Le 4e Régiment étranger est commandé par le colonel Capdeville.

Les Fortes têtes ont fêté ce dimanche, leurs 100 ans d’existence. Les festivités liées à cet anniversaire ont dû être ajournées, la faute à la pandémie. Rencontre avec le colonel Capdeville, commandant le 4e Régiment étranger.

 

Qu'est-il prévu pour cet anniversaire très spécial  ?

Nous avions travaillé sur un centenaire très ambitieux pour le mois de juin dernier. Ce centenaire devait se passer en présence de hautes autorités dont notre marraine ainsi que d’une représentation symbolique de chacun des 8 régiments étrangers de métropole de façon à bien signifier, qu’aujourd’hui, le 4e Régiment étranger est la pierre angulaire qui sert à bâtir la Légion étrangère. Nous avions ainsi demandé à tous nos camarades de faire venir une délégation avec leur matériel majeur de façon à bien montrer à la population chaurienne et tous nos invités que le 4 travaille au profit de la Légion étrangère.

C’est donc une très belle manifestation qui devait avoir lieu pour ces 100 ans?

Ce n’était pas quelque chose entre nous que nous avions prévu mais quelque chose de très ouvert avec beaucoup de personnalités civiles. Nos camarades de Calvi avaient prévu un lâcher de parachutistes, ceux de Carpiane devaient nous mettre à disposition un équipage de chars. Sauf que dans le contexte actuel, les rassemblements de masse sont strictement prohibés, suspendus ou reportés. Nous pensions pouvoir nous réorganiser autour de la date historique du régiment, le15 novembre. Nous sommes malheureusement tombés dans la période du 2e confinement national et à l’instar de beaucoup d’organisations, nous avons également été obligés de reporter les festivités du centenaire.

On fêtera tout de même cet anniversaire?

Oui mais je n’ai pas de date précise. Il risque d’être difficile mobiliser les énergies une troisième fois consécutive et le rythme du régiment étant assez dense, je ne suis pas, aujourd’hui, en mesure d’annoncer une nouvelle date. J’en suis désolé car 100 ans, c’est une date symbolique, à la fois symbole de pérennité, de stabilité. Il y a des unités de l’Armée de Terre qui sont bien plus jeunes. Sans être la plus ancienne, nous ne sommes pas  parmi les plus jeunes. L’armée de l’Air est née en 1933, le régiment étranger parachutiste dans les années « 50 ».Nous souhaitons à nos camarades du 1er régiment étranger de Cavalerie de Carpiane qui, eux, fêtent leur centenaire en 2021, d’avoir plus de chance que nous et nous nous associerons à tout ce qu’ils prévoient.

Quid du livre consacré au centenaire qui vient d’être publié?

Un contexte qui fait que nous sommes très heureux d’avoir achevé la rédaction de notre livre que nous distribuons à nos amis, nos familles de façon à pouvoir, au moins, symboliquement marquer le centenaire du régiment. Nous avons souhaité réaliser cet ouvrage  pour mettre en valeur et rendre hommage à tous ceux qui travaillent au profit de la Légion étrangère, quotidiennement, qu’ils soient d’active ou de réserve. Il a été réalisé par le major Richard Charpentier qui s’est beaucoup investi dans cet ouvrage de très grande qualité et je l’en remercie. C’est tout un travail de recherches historiques qu'il a réalisé, de conception, de rédaction, de dialogues avec le maquettiste, l’éditeur, les financiers, c’est un travail considérable pour lequel le major a, une fois de plus donné un très bel exemple.

Le « 4 », creuset de la Légion étrangère est un régiment de formation?

Il est en effet régiment de formation depuis 1976, avec le GILE, groupement d’instruction de la Légion étrangère, lequel est devenu RILE, régiment d’instruction, en 1977. En 1980, le RILE est passé 4e R.E. L’histoire du régiment est inscrite temporellement et géographiquement dans un premier temps au Maroc, là où il est né, puis en Algérie, où il a combattu pendant la guerre et au-delà puisqu’il a été engagé dans la protection des premiers essais nucléaires, dans la base du sud algérien de Réggane. On le retrouve ensuite sur le territoire métropolitain d’abord en Corse et ensuite à Castelnaudary où nous sommes depuis plus de 40 ans. Le « 4 » a été dissous et recrée à plusieurs reprises.il a été dissous juste après l’Algérie et il a eu, pendant la période marocaine, quelques intermittences. Il s’est illustré lors de la campagne de Tunisie à Djebel Zaghouan en 1943 ainsi qu’en Algérie, AFN, Afrique du Nord, des faits d’armes qui sont portés sur le drapeau avec Camerone.

Le « 4 », régiment du socle, un régiment unique?

Nous sommes un des rares régiments à avoir une marraine et un régiment unique dans sa mission et dans sa structure. Nous avons plusieurs missions comme former des jeunes engagés mais également former des sergents et des spécialistes. Dans le reste de l’Armée française, cette mission est dévolue à plusieurs entités distinctes. Nous, nous centralisons, à la Légion étrangère, ces formations. Tout légionnaire vient ici, au régiment plusieurs fois dans sa carrière: quand il  arrive, quand il obtient ses galons de caporal, ses galons de sergent, pour passer son permis de conduire. C’est la raison pour laquelle, le 4e RE c’est un peu la deuxième maison du légionnaire, - c’est là où il grandit en maturité, en expérience et en compétences. Sa première maison étant son régiment de cœur, celui qu’il rejoint à l’issue de l’instruction et dans lequel il se spécialise, bien souvent symbolisé par un tatouage.

Des jeunes engagés qui viennent du monde entier?

Nous avons environ 135 nationalités différentes. À part les 600 cadres et formateurs permanents, j’ai ici, 600 à 700 stagiaires ou jeunes légionnaires. Ça change toutes les semaines. Nous sommes en ce moment aux capacités maximales de formation avec trente stages activés simultanément, soit au quartier Danjou de Castelnaudary, soit dans les 5 centres extérieurs, soit en terrain libre, ou les camps nationaux d’entraînement.

Pourquoi les « Fortes têtes » ?

Les Fortes têtes, c’est une expression du passé désignant depuis longtemps le légionnaire en général,- les légionnaires ayant tous du caractère! Petit à petit, cette expression n’a été employée que pour les légionnaires à l’instruction. Enfin, au milieu des années 1990, un ouvrage sur le 4e RE intitulé « Les Fortes têtes » a définitivement ancré l’expression vis-à-vis des hommes du « 4 », ne faisant plus la distinction entre encadrants et encadrés.

Avec ce centenaire, le "4" a désormais une devise?

Nous avons profité du centenaire pour faire un travail historique et connaître les origines du régiment, notamment les plus lointaines. Nous nous sommes ainsi rendus compte que le régiment n’avait pas de devise propre. Nous nous sommes donc lancés dans un concours en interne pour la trouver, et avons ainsi retenu et proposé au général commandant la légion étrangère celle qui nous semblait le plus à même de refléter la mission du 4 et qui permettait à chaque légionnaire du régiment, quel que soit son métier de se retrouver. D’où la devise «Ad legionem aedificandam » : « Pour bâtir la légion» qui est également le titre du livre.

100 ans d’histoire

Le 4e régiment ea été créé le 15 novembre 1920 à Marrakech, au Maroc. Dissous en 1940, le régiment est recréé en 1941 ; il porte le nom de  4e demi-brigade de la Légion étrangère. En 1948, il reprend celui de 4e régiment étranger d’infanterie. Le 25 avril 1964, le régiment est dissous, à l’issue de la fermeture du site d’essais nucléaires français de Reggane, en Algérie. En 1976, le GILE (groupement d’instruction de la Légion étrangère) est déplacé à Castelnaudary et prend le nom de RILE (régiment d’instruction de la Légion étrangère) le 1er septembre 1977. Il reçoit alors la garde du drapeau du 4e RE. Le 4e régiment étranger est recréé le 1er juin 1980.

Propos recueillis par Gladys Kichkoff


Général Burkhard : « Le soldat qui meurt pour son pays ne tombe jamais pour rien »

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Le 10 novembre en fin de journée, la flamme du soldat inconnu a été ravivée par de jeunes soldats de l'armée de terre après une course à pied entre Verdun et l'Arc de Triomphe, sur cette même Voie sacrée qu'empruntaient les Poilus pour rejoindre le front. Cinq jours de relais, avec équipements de combat et armes, sur ce même itinéraire par lequel fut rapatriée la dépouille du soldat inconnu.

Portrait du général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major de l'armée de Terre. © Arnaud KLOPFENSTEIN / Sirpa Terre

Il y a tout juste cent ans, c'était un autre jeune soldat français, Auguste Thin, qui désignait un cercueil parmi les huit qui lui étaient présentés. Chacun contenait le corps d'un soldat non identifié et retrouvé dans l'un des secteurs du front. Le lendemain, le soldat inconnu était transféré sous l'Arc de Triomphe, où il faisait une arrivée solennelle.

 

Mémoire vivante

Il fallut attendre le 11 novembre 1923 pour qu'une flamme du souvenir marque l'emplacement de la sépulture et rappelle à tous le sacrifice de tant de Français et d'étrangers pour notre pays. Depuis, le ravivage de la flamme sous l'Arc de Triomphe est un geste immuable, renouvelé tous les jours. Quel sens mettons-nous derrière le symbole de la transmission de cette flamme ? Que recevons-nous de nos anciens, de nos aînés ? Et que devons-nous transmettre à nos jeunes soldats et aux plus jeunes générations ?

La flamme est d'abord symbole de mémoire vivante. Chaque 11 novembre, nous honorons les militaires tombés pour la France durant la Grande Guerre et pendant les conflits que nous avons traversés jusqu'à aujourd'hui. Ils sont plus d'un million et demi à qui nous avons tout demandé. Nous leur devons une seule chose en retour : notre reconnaissance qui ne doit jamais faiblir.

 

« Aller au feu »

Leur sacrifice peut paraître difficile à comprendre pour une société qui n'a pas connu la guerre sur son sol depuis plusieurs décennies. Mais leur engagement a fait ce que nous sommes aujourd'hui. Les combats auxquels ils ont participé et les victoires qu'ils ont remportées résonnent encore en 2020, au travers de notre manière de vivre libres et en paix. Cette reconnaissance s'exprime de bien des façons, par les témoignages de nos anciens combattants auprès des plus jeunes, par nos cérémonies civiles et militaires et par nos monuments aux morts, comme celui inauguré il y a un an, en hommage aux militaires morts pour la France en opération extérieure.

La flamme est ensuite symbole de combativité. Partir en guerre, c'est « aller au feu ». Car ne nous y trompons pas, les conflits où tombent nos soldats ne sont pas cantonnés aux seuls livres d'histoire. Ces dernières années, nos régiments ont connu des opérations de combat sans discontinuer avec l'Afghanistan, la République centrafricaine, le Mali, l'Irak, le Liban et d'autres théâtres encore. Ce haut niveau d'engagement, l'armée de terre le paie dans sa chair. Depuis dix ans, en opération, 110 de nos frères d'armes ont donné leur vie pour leur pays et plus de 2 500 ont été blessés.

Lire aussi 89 soldats français tués en Afghanistan… et déjà oubliés ?

 

Admiration féconde

La flamme est aussi chaleur, celle du réconfort que nous devons à celles et ceux qui sont en difficulté. Ce sont nos blessés, dans leur corps ou dans leur esprit, que nous soutenons au travers de nombreux projets conduits par nos associations d'entraide, sous l'égide de la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre. Ce sont aussi nos familles endeuillées. Le 11 novembre est un moment privilégié pour les entourer et leur rappeler que le soldat qui meurt pour son pays ne tombe jamais pour rien. Sa vie n'est pas perdue. Elle est donnée à la France et aux Français, que nous avons pour mission de protéger. Notre identité de soldat se nourrit de cette fraternité d'armes.

La flamme éclaire et nous guide. Elle nous propose un chemin de courage et d'exigence. Pour l'emprunter, nous avons besoin d'admirer, de suivre des exemples singuliers. Nous avons besoin d'être inspirés par des figures qui nous élèvent, des hommes ou des femmes d'action, de grands soldats, des aventuriers et même des héros : Maurice Genevoix, les Compagnons de la Libération et notamment Pierre Simonet qui vient de nous quitter, et tant d'autres, humbles et discrets, d'hier et d'aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'une admiration qui aveugle, mais d'une admiration féconde qui nous dit quelque chose sur nos propres capacités et nous donne envie de passer à l'action.

 

Lire aussi Pierre Simonet, l'un des trois derniers Compagnons de la Libération, est décédé

 

Au combat, on perd tout

Dans l'armée de terre, cette possibilité d'admirer est cultivée par la mémoire des actes de bravoure de nos aînés et des batailles dans lesquelles nos régiments se sont illustrés. Voilà l'essence de nos traditions militaires. Elles inspirent chaque soldat et nous aident à nous dépasser lorsque les circonstances l'exigent.

Mais si la flamme peut vaciller, il restera toujours des braises ardentes. Au combat, on perd tout : le confort, la tranquillité et la paix, que l'on échange contre la fatigue, la peur et le danger. Tout est ramené à l'essentiel : la fraternité et le don de soi. En opération, nombre de nos jeunes se transcendent pour leurs camarades, leur groupe de combat, leur section. Beaucoup de soldats trouvent dans nos engagements difficiles un sens à leur existence, bien conscients qu'aller jusqu'au bout de leur mission signifie qu'il pourrait leur être demandé de s'exposer physiquement et même de mettre leur vie en danger.

Transmettre la flamme

Cette flamme a donc besoin d'être transmise. C'est ce que fait l'armée de terre avec ses jeunes. Telle est la belle mission de nos centres de formation initiale, de nos régiments et de nos écoles, Saint-Cyr Coëtquidan pour les officiers ou Saint-Maixent pour les sous-officiers. Transmettre la flamme, c'est transmettre ce qu'il y a probablement de plus structurant pour nos soldats : la confiance. Confiance en eux, confiance dans les autres – leurs camarades, leurs chefs, leurs subordonnés –, confiance dans leur armée et confiance dans leur pays. Cet apprentissage n'est pas théorique, mais passe par l'action, par cette rencontre avec les autres et avec le monde.

Oui, la flamme que nos anciens nous transmettent est un vrai motif d'espérance ! Dès lors, peut-être est-ce cette interrogation que nous pouvons soulever : que faisons-nous, chaque jour, pour transmettre ce bien précieux que nos anciens nous ont confié ?

Général d'armée Thierry BURKHARD, chef d'état-major de l'armée de terre


Le dernier compagnon de la Libération parle

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https://www.lepoint.fr/

Publié le 22/10/2020


        Guerre du desert. Le capitaine Arnault et le sous-lieutenant Germain a El Alamein (Egypte), en 1942. Les Allies viennent d'essuyer << l'enfer des Stukas >> de l'Afrikakorps.

Après le décès de Daniel Cordier et de Pierre Simonet , Hubert Germain est le dernier compagnon de la Libération vivant. En octobre, nous publions les extraits de son dernier livre. Il clôt une mémoire résistante qui a contre elle le passage des générations et l'entropie temporelle, mais qui relève la tête depuis une à deux décennies. Un tel ouvrage relève du choix, de la mémoire sélective. Deux choses frappent. Le sentiment d'avoir appartenu à une chevalerie, qui s'accompagne d'une critique du peuple français, de sa passivité et de son ingratitude. Le ton aussi pétaradant et enjoué, qui traduit bien l'indécrottable liberté de cet homme qui fut ministre sous Pompidou et négocia à Tours en 1961 la reddition des généraux putschistes d'Alger. L'esprit de révolte ne meurt jamais, la preuve avec ce texte qui en ces temps de miasmes fait souffler un vent de fraîcheur et d'espoir : on comprend ce qu'est la force fière, spontanée, sans compromis, de la jeunesse.

Esprit de révolte. Hubert Germain, doyen des compagnons de la LIbération, est l’aîné de quatre jours de Daniel Cordier.


En plus des extraits choisis, on retiendra une anecdote datant de 1938. Alors que son père commandait l'artillerie en Indochine, le jeune Hubert Germain est convié avec lui chez le général en chef pour un dîner avec des officiers qui évoquent Hitler et renâclent à l'idée de refaire la guerre : du haut de ses 18 ans, il les interrompt : « De toute façon, ce n'est pas vous qui ferez la guerre, c'est nous, ceux de ma génération. » On ne s'étonnera pas de la suite de l'histoire…

Libération. Le général de Gaulle à Bayeux, en 1948. Devant lui, les compagnons André Brunel, Hubert Germain et Jules Muracciole (de g. à dr).


Extraits

« C’est inutile, je pars faire la guerre »

Le 14 juin 1940, nous apprenons l’entrée des Allemands dans Paris. Or, nous étions en train de passer les concours des écoles militaires. Je passais les épreuves pour l’entrée à l’École navale et l’École de l’air. Lors d’une épreuve, je méditais devant ma copie : « À quoi bon poursuivre un examen qui, dans le cas où tu serais reçu, t’obligera à obéir à un commandement allemand ? » Je me suis levé, j’ai remis ma copie blanche à l’examinateur surpris : « Mais ? vous avez quatre heures.

– C’est inutile, je m’en vais. Je pars faire la guerre. »

Comment voulez-vous qu’à dix-neuf ans, avec ce qui s’était forgé en moi, l’amour de mon pays, de ma terre, mon désir de devenir officier, je ne refusasse pas de servir les Allemands ? Avec des copains nous nous sommes dit : « Partons au Maroc, sinon ce sera l’Angleterre ! » Et nous avons cherché alors un bateau pour nous embarquer. Nous avons même rassemblé tout l’équipement nécessaire : cartes, boussole, sextant… Notre plan était d’en chaparder un à Saint-Jean-de-Luz. Nous étions alors bien téméraires car, au premier coup de vent, nous aurions été balayés ! Quand nous nous sommes aperçus que le Maroc se ralliait à Pétain, nous avons revu notre plan initial. À ce moment-là, en descendant de mon immeuble, je croise ma concierge qui me parle d’un certain général qui à la radio aurait appelé à poursuivre le combat. Ma réaction a alors été de lui dire qu’au regard de la déculottée que l’armée avait reçue, je me foutais éperdument de ce général !

D’ailleurs, au moment de mon départ, je suis allé voir le général Bührer que j’avais connu en Indochine et qui commandait maintenant les troupes coloniales à Bordeaux. Mon père n’était pas encore rentré depuis l’annonce de l’armistice. Je lui ai demandé alors de prendre soin de ma sœur et de ma mère en jetant un coup d’œil sur elles. Étonné, il me répondit : « Mais n’es-tu pas là ?

– Oui, mais je m’en vais, mon général.

– Comment, tu t’en vas ? L’armistice a été signé.

– Mon général, je me fous de votre gouvernement et de cet armistice ! Je vais faire la guerre que vous avez perdue. »

Des Français bien ingrats

Et, peu de temps après, je devais apprendre la différence entre la France et les Français. Il faut bien comprendre qu’il n’y a jamais eu de levée en masse au moment de la Libération. Alors que nous avançons avec ma compagnie en direction de Toulon, laissant Cavalaire derrière nous, nous approchons de La Londe-les-Maures où les gars sont attablés, prenant le pastis. Mes légionnaires se tournent vers moi stupéfaits et me demandent : « Mais, mon lieutenant, ils ne viennent pas avec nous ? C’est leur pays que nous libérons. » Ces légionnaires avaient participé aux campagnes de Norvège, d’Afrique du Nord et d’Italie. Ils débarquaient en France et tombaient sur des gars qui prenaient l’apéritif et leur réclamaient des cigarettes. Gêné et écœuré, j’arrivais tout de même à blaguer : « Mais regardez, ils n’ont pas fini l’apéro. Après, ils nous rejoindront. » J’arrivais le cœur riche, prêt à offrir aux Français toute ma personne, et ils m’ont dégoûté par leurs attitudes.

L’absurdité administrative

Le général Koenig ayant été nommé [en 1945, NDLR] commandant des forces françaises en Allemagne à Baden-Baden, nous devions donc faire nos valises. Le jour du départ, viennent sonner à ma porte deux gendarmes. J’ouvre, ils sont un peu surpris de me voir en uniforme avec mes médailles et rectifient la position. Je les mets au repos et leur demande ce qu’ils veulent. Ils me répondent : « Nous venons arrêter Hubert Germain.

– Ah ! qu’est-ce qu’il a fait ?

– Eh bien, en 1940, il n’a pas répondu à l’appel de sa classe et a déserté.

– Ah oui, ça, ce n’est pas bien ! Alors je vais vous dire : Hubert Germain, c’est moi. Mais que voulez-vous, je n’avais pas le don d’ubiquité. Entre de Gaulle et Pétain, j’ai choisi de Gaulle. »

C’est beau, quand on y pense, l’administration française ! Vous vous êtes crevé la paillasse pendant six ans, vous êtes chevalier de la Légion d’honneur à 21 ans, compagnon de la Libération à 23 ans et elle vous retrouve parce que vous n’avez pas répondu à l’appel en 1940. Ce n’est pas croyable !


Louis Ricardou, un authentique héros lespignanais

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Publié le 07/09/2020

Louis Ricardou.

Si la cérémonie anniversaire n’a pu avoir lieu, le 22 août dernier pour cause de Covid, on garde tout de même en mémoire le nom de Louis Ricardou, qui est évoqué quand on célèbre la libération du village. Ce natif de Lespignan a dédié sa vie à l’armée. Fils de cantonnier, le jeune homme est pupille de la Nation.

Alors âgé de 18 ans, il s’engage comme volontaire. Il connaît des mutations et des promotions avant de quitter l’armée, en 1938. Mais un an après, Louis Ricardou s’engage dans la Légion étrangère et part en Algérie. Il se bat au nom de la France dans différents pays et continents : en Norvège puis durant la campagne d’Érythrée.

En Syrie, le 21 juin 1941, il est durement touché. Amputé de la cuisse droite, il parvient, malgré ce handicap, à intégrer l’aviation. Il s’engage dans les Forces aériennes françaises libres en juin 1942 et rejoint le groupe de bombardement Lorraine et multiplie les missions de guerre : une trentaine, d’avril à juillet 1944.

Dans la nuit du 4 au 5 août 1944, quatre hommes prennent place dans un avion qui décolle de l’Angleterre. L’objectif était de harceler les blindés et les troupes allemandes, pour les cantonner dans le secteur sud de Caen, près de Falaise. L’avion est frappé par la mitraille ennemie. Le moteur droit est le premier touché et l’appareil perd rapidement de l’altitude, tout en continuant à subir les tirs ennemis. Seuls deux membres d’équipage survivent à l’atterrissage en catastrophe. Malheureusement, Louis Ricardou périt dans l’accident.

Détenteur de multiples décorations et chevalier de la Légion d’Honneur, Louis Ricardou est aussi un compagnon de la Libération. Il aura eu le temps d’accomplir de multiples prouesses avec l’armée de l’Air.


"La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore" : en Franche-Comté, dernier hommage à Kevin Clément, tombé au Mali

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Publié le 02/09/2020 Par Vladimir de Gmeline

"La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore" : en Franche-Comté, dernier hommage à Kevin Clément, tombé au Mali

Kévin Clément.

Il avait vingt-et-un ans, était légionnaire et originaire d'un petit village de Franche-Comté, Abelcourt, près de Luxeuil-les-bains. Il est tombé au Mali le 4 mai. Trois mois plus tard, ceux qui n'avaient pas pu lui rendre hommage à cause du confinement se sont retrouvés ce samedi 29 août.

 

C'est un coin de campagne pluvieux, un samedi matin de la fin du mois d'août, entre Luxeuil-les-bains et le petit village d'Abelcourt, au cœur de la Franche-Compté. C'est loin, c'est beau, et à l'aube, dans l'avenue des Thermes encore faiblement éclairée par le halo des lampadaires, d'élégantes vieilles dames tenant leur petit sac de sport se rendent à leur séance de cure. La station de Luxeuil est réputée pour la douceur de son eau et ses bienfaits pour la peau.

Des immeubles fatigués, des hôtels fermés, signes d'une prospérité passée, comme dans beaucoup de ces villes à l'écart des grands axes, mais où l'on sent pourtant l'énergie de ceux qui continuent d'y croire. Le casino, son cinéma, les restaurants, et les adolescents qui filent à deux sur un vélo, à fond dans la pente une fois la nuit tombée. Kevin était sans doute de ceux-là, rêveur, enthousiaste et avide de sensations. Le 4 mai, alors que la France confinée espérait retrouver la vie à l'air libre, il a donné la sienne, loin dans les sables du Mali. Il avait vingt-et-un ans, il était légionnaire, et Luxeuil-les-bains a perdu un enfant du pays.

Kevin Clement, en mission au Mali - DR

« Kevin !? J'ai été son surveillant au lycée Lumière, pendant trois ans, de la seconde à la terminale. On discutait beaucoup, il était plus mûr que les jeunes de son âge ». Guillaume Locatelli, le chauffeur de taxi, a appris la nouvelle par les réseaux sociaux, comme tout le monde. Aujourd'hui, on apprend tout par les réseaux sociaux. Il porte un masque pour conduire, et tous les participants à la cérémonie de ce matin en porteront un. Les funérailles du brigadier Kevin Clément, tué lors d'un accrochage avec les jihadistes de l'EIGS, dans le Liptako Gourma, dite région des trois frontières (Mali, Niger, Burkina-Fasso), se sont faites en mai dans la plus stricte intimité, Covid oblige. Aux Invalides et à Carpiagne, où est stationnée son unité, le 1er REC (Régiment étranger de cavalerie).

"il était affirmé, avenant"

Jean-Marc, son père, Christine, sa mère, et Morgane, sa petite sœur, y avaient rencontré, unis dans la peine, les parents du brigadier Martynyouk, ukrainien appartenant lui aussi au REC, mortellement touché quelques jours plus tôt par l'explosion d'un IED (Improved explosive device), une bombe artisanale. Trois mois plus tard, en ce jour où le nom de Kevin sera dévoilé sur le monument aux morts de son village d'Abelcourt, aux côtés de ceux de 14-18 et de 39-45, et de Luxeuil, où il sera le seul sur la nouvelle stèle « Opex » qui vient d'être dressée, les visages seront toujours dissimulés. Mais les proches, les amis, les anonymes et les légionnaires, en service et anciens, venus de toute la France, seront là.
« Il était affirmé, avenant, ce n'était pas le genre de gars qui posait de problème », continue l'ancien pion du lycée, « pendant trois ans, de tous les élèves, c'est celui dont j'ai été le plus proche, avec lequel j'ai le plus échangé. Je crois qu'il était plus avancé dans ses choix, dans ses projets, il cherchait la compagnie des adultes, des conseils. » Son désir de s'engager dans la Légion étrangère, comme son père Jean-Marc, vétéran de la première guerre du Golfe, il en parlait souvent : « Quand il m'a annoncé qu'il partait, j'étais content pour lui. Dans sa tête, c'était ça ou rien. Il n'aura pas profité longtemps de son rêve... »

"Kevin voulait faire carrière"

Devant le cimetière où attend déjà la foule, il y a Théo, Judikael et Julien, trois copains de lycée et de fête. Ils se connaissaient depuis leur adolescence, et Théo, qui s'est ensuite engagé dans un régiment du Génie, a servi avec lui comme sapeur-pompier volontaire : « La dernière fois qu'on l'a vu, c'était l'année dernière, à Fresse-sur-Moselle. » « Quand on faisait une soirée, il était présent » sourient-ils, « il savait déconner, mais dans la journée il était droit. Une fois engagé, on l'a trouvé encore plus mature, ouvert, épanoui, il nous racontait sa passion, ce qu'il faisait en dehors, des tas d'anecdotes. » Théo se souvient des gardes, de leur dernière intervention sur un feu de cheminée, de son goût pour l'organisation et l'encadrement, de sa transformation physique après ses classes au 4ème RE (Régiment étranger) de Castelnaudary, la maison mère, là où passent tous les futurs képis blancs - les légionnaires : « Kevin voulait faire carrière, aller plus loin. Il voulait écrire son parcours. » Quelques jours avant l'accrochage, ils se parlaient « sur snap », évoquaient la soirée qu'ils feraient au retour de leur ami : « Quand on a appris la nouvelle, on n'y croyait pas, on a dû relire plusieurs fois l'article. Voir des gens partir au combat et ne pas revenir, on sait que ça arrive, mais quand c'est un proche... »
Le lieutenant Leconte, le chef du centre des sapeurs-pompiers de Luxeuil, évoque la photo de Kevin qui devrait bientôt orner le hall de la caserne, à côté de celle du sergent Bonnot, un autre volontaire, mort au feu en 1959 : « Kevin, on avait du mal à l'imaginer dans la Légion, il avait une tête d'enfant. » Une tête d'enfant, oui, mais sur toutes les photos, au milieu de ce visage poupin, il y a ce regard bleu incroyablement décidé. Cette détermination, c'est ce dont se souvient aussi le maréchal des logis Arnaud, son chef de groupe au REC, un jeune homme originaire de l'Ile Maurice, discret mais bloc de muscles, arrivé par le train de Marseille : « Je voulais être là, aux cotés de la famille et de son père, avec lequel je communique régulièrement par Skype. Kevin, quand il est arrivé, il était timide, et puis il s'est affirmé. On a tellement de souvenirs ensemble, le stage d’aguerrissement aquatique en Martinique, il était leader, toujours volontaire, emmenait tout le monde sur le même chemin. » « Son père, il en parlait tout le temps, il en était très fier » continue-t-il, « et puis Kevin il avait quelque chose de particulier, c'était un des rares Français képi blanc. Chez nous, l'écrasante majorité est d'origine étrangère. »
Quand Kevin a été touché à la tête, le maréchal des logis était détaché sur un autre élément du GTD (Groupe tactique désert) Montclar : « J'étais sur Carmin, avec les fantassins du 2ème REI (Régiment étranger d'infanterie), lui était avec Jaune. On a appris qu'il y avait un blessé « alpha ». On savait que c'était grave. Quand j'ai su que c'était lui, j'étais mal, je ne vais pas mentir. Kevin c'est un de mes légionnaires, mais c'est aussi un ami. Mais je commande des bonhommes, on est au combat, je ne pouvais pas être affaibli. » Il reprend : « C'est une grosse perte pour la Légion. Il aurait pu faire carrière facilement. Il avait tout. »

Le manque d'un fils

Du cimetière au monument aux morts, où la sonnerie retentit, jouée par deux hommes d'un régiment de zouaves en uniforme traditionnel, puis à Luxeuil dans l'après-midi, les discours se succèdent, maire, sous-préfet, préfet, sénateur, député. Le maire d'Abelcourt, évoque la famille, la mère qui travaillait au centre communal d'action sociale, ces gens que tout le monde ici a toujours connu, au milieu de ces champs et de ces bois, devant cette église : « Pour nous, ce nom inscrit au monument aux morts de la commune a un visage : Le visage de l’enfant qui jouait avec ses camarades dans les rues. Le visage de l’adolescent qui a 14 ans s’engageait chez les pompiers. Le visage du jeune homme qui a 19 ans s’engageait dans l’armée française quittant ses parents, sa famille, ses amis. Le visage du militaire, venu d’un petit village de Haute-Saône, qui est mort pour la France en opération dans le désert malien à 3.500 km de chez lui. »
Sur les rangs, impeccablement alignés et visages burinés, des bikers en gilet de cuir. Ce sont les membres du « Béret vert Brotherhood », des motards, anciens légionnaires ou sympathisants cooptés. Une confrérie créée en mémoire du sergent Penon, du 2ème REP (Régiment étranger de parachutistes), tué le 18 août 2008 lors de l'embuscade d'Uzbin, en Afghanistan. Une trentaine de passionnés, venus de toute l'Europe. Gone, Pat, Porter, Doume et Padre ont roulé sous la pluie, sur leur Harley, pour venir soutenir Jean-Marc, leur frère d'armes dont les yeux ne cessent de rougir, et qui lutte contre la culpabilité d'avoir fait naître chez son fils le désir de porter l'uniforme.
Kevin et Jean-Marc prenaient leurs gardes ensemble à la caserne de Luxeuil, où le père, qu'on appelle « le vieux », est une institution, comme le raconte Fabien, volontaire qui ne se voyait « pas ne pas venir aujourd'hui ». Une culpabilité dont le général Mistral, qui commande la Légion étrangère et est arrivé comme jeune lieutenant au régiment quand Jean-Marc le quittait, en 1991, et ses camarades, ses amis de partout, cherchent à le débarrasser. Mais outre ce sentiment, on sent surtout ce manque d'un fils qui était aussi un frère, avec lequel il partageait passions et enthousiasmes, goût du service, des autres et du pays, un amour de la France qui pousse à l'oubli et au don de soi.

"Cette fraternité, c'est essentiel"

« On est là pour ça », dit Padre, barbu souriant qui fut dans le même escadron que Jean-Marc, qu'il n'avait pas vu depuis 1989. Après la cérémonie au village, le vin d'honneur prévu a été annulé en raison des « conditions sanitaires ». Mais dans le hangar de la maison de Jean-Marc, qui travaille comme conducteur de chaudière dans une scierie voisine, on s'est arrangé... On a garé les Harley à l'extérieur, sous le grenier où dort le « Brotherhood » dans ses duvets, comme avant. « Cette fraternité, c'est essentiel » continuent-ils, « on sera toujours là, on est marqués à vie et on se reconnaît. Il faut se rappeler de deux choses : « La Légion ne pleure pas ses morts, elle les honore ». Et « Legio Patria Nostra » : la Légion est notre patrie. » Ils sont civils maintenant, travaillent dans le transport, les assurances et la sécurité, mais de leurs valeurs, rien n'a bougé.
Le capitaine Baudouin, trente-deux ans, était le commandant d'unité de Kévin. Ce Saint-Cyrien déjà aguerri, avec trois séjours au Mali, appartient à ces nouvelles générations d'officiers qui, depuis le début des années 2000, ont accumulé les missions de combat. Son escadron faisait partie des deux qui, avec une compagnie du 2ème REP, ont été déclenchées pour partir et renforcer le dispositif français à la suite du sommet de Pau : « J'ai rappelé Kevin, qui était en stage de brigadier à Catelnaudary, pour qu'il participe à la mission. Sa spécialité d'auxiliaire sanitaire était précieuse. Cet escadron, mélange de jeunes et d'anciens, a très bien fonctionné, et nous avons travaillé avec les Maliens et les Nigériens, qui sont très bons et montent en puissance. »
Il évoque les liens très forts noués entre ces hommes qui souvent n'ont pas de famille et qui en trouvent une à la Légion, l'importance de fêter Noël tous ensemble pour ne laisser personne, seul au quartier, la responsabilité et les questionnements du chef : « On a énormément bougé durant cette mission, cinq mille kilomètres dans le Liptako-Gourma. Kevin, je le connaissais bien. Parce que c'était un garçon marquant, tourné vers les autres. Il allait bientôt être affecté à l'infirmerie. Des accrochages, avec des groupes de djihadistes en pick-up et à moto, nous en avons eu une demi-douzaine. » Ce n'était pas le baptême du feu de Kevin, qui s'était déjà battu quelques jours plus tôt : « Le jour où il a été touché, c'est nous qui les avons débusqués dans un village et les avons poursuivis. » A ses camarades, le jeune capitaine a dit que sa mort, pour combattre les djihadistes, loin de chez eux, loin de chez lui, « avait du sens ».
Devant le hangar, avant de rejoindre Luxeuil pour la cérémonie de l'après-midi, les bikers ont fait tourner les moteurs et emmené ceux qui le voulaient faire un tour. Morgane a adoré. Ils lui ont promis qu'ils l'emmèneraient à nouveau. Et chez eux, les promesses, on n'a pas besoin de les répéter.

Charles Mangold, au nom d’un certain idéal

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Par Ch. K - 28 août 2020


Mercredi 12 août, les représentants du Souvenir français ont déposé une gerbe sur la tombe de Charles Mangold, fusillé en août 1944 par les nazis. Une date anniversaire commémorée chaque année au cimetière Saint-Urbain où repose cet ancien résistant.


 

Sur sa tombe, on peut lire, apposé à côté de son nom : « Commandant Vernois, mort pour la France ». C’est sous ce nom de code que l’Alsacien Charles Mangold, né à Ostwald le 21 août 1891, est entré dans l’Histoire sur le front de la résistance.

Son histoire, c’est celle d’un patriotisme qui le poussera, en 1914, à l’âge de 23 ans, à refuser d’endosser l’uniforme allemand lors de la mobilisation générale. Considéré comme sujet allemand, il ne pourra cependant pas servir l’armée française, et c’est dans la Légion étrangère qu’il fera ses armes. Des Dardanelles en 1915 à l’Algérie en 1917, il combattra jusqu’à la fin de la guerre à Verdun.

À la tête de l’armée secrète

Son destin est en marche lors de la déclaration de la guerre en 1939, quand l’administration pour laquelle il travaille est transférée à Périgueux, ville qu’il rejoindra en 1940. Sur place, il crée le groupe d’entraide des réfugiés d’Alsace, et c’est à nouveau le patriotisme qui le guidera pour défendre son pays et résister à « l’ennemi ». Chef de l’armée secrète, (1943-1944), il entre officiellement dans la résistance et dans la clandestinité. Son destin est scellé mais s’achève tragiquement lorsqu’il est intercepté, alors qu’il circule à vélo sous un faux nom, entre Bordeaux et Périgueux. Torturé puis fusillé le 12 août 1944 par les nazis, il sera jeté dans une fosse commune.

Mercredi, jour anniversaire, de cette funeste date, Richard Seiler, président du Souvenir français de Strasbourg et historien, entouré de François-Xavier Weibel, Willy Wolff et Bernard Huntzinger, a déposé une gerbe sur la tombe du héros au cimetière Saint-Urbain, où il repose depuis 1954. Une cérémonie informelle, sans public et sans discours, mais qui rend hommage à cette figure alsacienne de la résistance, une des plus connues après Marcel Weinum. Des lieux, telle une place à Ostwald, portent son nom. Des événements, comme ce concert donné à la Maison française à Washington en 1998, rappellent la destinée de cet homme qui s’est battu au nom d’un idéal. En 2011, la Ville a fait de la tombe du résistant une sépulture d’honneur. Le Souvenir français, de son côté, dépose une gerbe chaque 12 août, et fidèle à ses missions, veille à ce que ces héros d’hier, ne soient oubliés, selon la devise « A nous le souvenir, à eux l’immortalité ».

 

Bibliographie : Charles Mangold, chef de l’Armée secrète en Périgord ; Vie et mort d’un grand résistant alsacien , Richard Seiler, L’Harmattan.


Kevin Clément, tombé au Mali : légionnaire en Afrique, sapeur-pompier volontaire en Franche-Comté

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Publié le 15/05/2020 Par Vladimir de Gmeline

Kevin Clément, tombé au Mali : légionnaire en Afrique, sapeur-pompier volontaire en Franche-Comté


Il avait vingt et un ans, aimait le rugby, sa famille, l'aventure, et aider les autres. Pompier à Luxeil-les-bains depuis l'âge de seize ans, il est mort au Mali au cours des combats avec le islamistes de l'EIGS (Etat islamique au grand Sahara). Son père, ancien légionnaire et pompier volontaire également, et un de ses anciens chefs, témoignent.

 

Son stage à Castelnaudary, la maison mère de la Légion étrangère, ça ne lui plaisait pas trop, à Kevin. Passer brigadier, d'accord, mais ce qu'il voulait c'était partir au Mali. Il lui fallait de l'action. Depuis son engagement le 15 septembre 2017, il s'était baladé, avait vu du pays, en Martinique, en Guadeloupe et en République dominicaine, mais ce n'était pas encore l'aventure à laquelle il aspirait. Autant dire qu'il a été content quand son régiment l'a rappelé au bout de dix jours : « Je l'ai eu au téléphone, il m'a dit 'ça y est papa, je pars au Mali !' » Jean-Marc Clément ne peut rien dire, même si, comme tout parent, il ressent un peu d'appréhension à savoir que son jeune fils part là où ça se bat vraiment. Lui-même était légionnaire.

Même régiment, le 1er REC (Régiment étranger de Cavalerie), aujourd'hui à Carpiagne mais que lui a connu à Orange, et même escadron : « J'étais très fier, je l'ai toujours soutenu. Bien-sûr j'en parlais beaucoup, il admirait ça. » Kevin est tombé le lundi 4 mai au matin, lors d'un accrochage avec les islamistes de l'EIGS (Etat Islamiste au Grand Sahara), filiale de Daech, qui en reproduit la violence et les méthodes, dans la région du Liptako Gourma, dite « des trois frontières ». Son peloton opérait côté Malien, dans une vaste opération de harcèlement contre des terroristes qui passent en permanence du Mali au Burkina Fasso et au Niger. De plus en plus sous pression, l'EIGS multiplie les « contacts », notamment en utilisant de petits groupes qui ont pour mission de protéger la fuite de leurs chefs.

Seize ans, déjà au-dessus du lot

Kevin a été rappelé parce qu'il avait une spécialité. Il était auxiliaire sanitaire. Elle ne venait pas de nulle part, puisqu'il avait servi comme sapeur-pompier volontaire à la caserne de Luxeil-les-bains, en Haute-Saône, d'où il était originaire. Là aussi, comme son père, et avec lui : « Il avait commencé chez nous comme jeune sapeur-pompier, de 2012 à 2014, puis volontaire jusqu'en 2017, quand il s'est engagé dans l'armée » raconte le lieutenant Leconte, qui dirige le centre. Né le 5 juin 1998, c'est un garçon décrit comme respectueux, fédérateur, toujours prêt à rendre service et toujours souriant : « A seize ans il était opérationnel » continue son ancien chef, « et déjà au-dessus du lot, avec une rigueur et une volonté qui le distinguaient. Chez nous, des gens qui s'engagent dans la Légion étrangère, c'est rare. La plupart du temps, ils rejoignent la BSPP, les marins-pompiers de Marseille, ou le centre de secours de la base aérienne de Luxeil. » C'est sur cette base que sa mère aurait préféré qu'il s'engage, « mais ça ne lui disait rien du tout » continue Jean-Marc Clément.

« C'était un super fils, simple, discret, volontaire, il aimait bouger, beaucoup » continue-t-il, « il avait plein d'amis et était très proche de sa petite sœur, Morgane, qui a douze ans. Ils se chamaillaient, comme tous les frères et sœurs, mais ils s'adoraient. » Il joue au rugby et admire ce père, conducteur de chaudière dans une scierie, qui lui raconte la fraternité d'armes et les sables d'Irak, les feux de pétrole au loin. Loin des forêts de Franche-Comté. Jean-Marc, pour lui, le premier escadron, c'était le meilleur, celui où il avait servi après s'être engagé en mai 1987, et avec lequel il était parti pour la première guerre du Golfe, comme tireur sur AMX 10RC. Il y passe huit mois, de septembre 1990 à avril 1991. Alors, après son bac, Kevin réalise enfin son rêve de porter le képi blanc et le béret vert à son tour. Au 1er REC. Pendant sa formation initiale à Castelnaudary, il écrit à sa famille des lettres d'une écriture ronde où il parle "d'une marche de plus de 70 km où d'ailleurs j'ai pensé fort à vous", des footings de deux heures qui l'endurcissent mentalement, des caporaux qui commencent à lui faire confiance et termine par "passez le bonjour à la caserne et à tous les collègues qui j'espère vont bien."

Un corps d'élite

« C'est un corps d'élite, la camaraderie, et quand il y en a un qui est en difficulté, les autres sont là, on ne lâche pas ses potes » continue le père, « et quand un légionnaire tombe, pour moi, c'est un frère d'armes qui tombe. » C'est ce qu'il éprouve quand le 2 mai, il apprend la mort du brigadier Martynyouk, légionnaire cavalier lui aussi, blessé gravement par l'explosion du camion-citerne qu'il conduisait sur la route qui mène de Gao à Menaka, dans le Liptako Gourma, nord-est du Mali. Comme Kevin, cet ukrainien de vingt-huit ans, ultra sportif et blagueur, passionné de musculation, avait servi dans un peloton de VBL, chasseur-traqueur de terroristes. La Légion avait réussi à prévenir une partie de sa famille, et son père qui avait rejoint Paris et les Invalides, puis Carpiagne, quarante-six heures de route en continue, et des frontières qui s'ouvraient au fur et à mesure : « On les a vus, on s'est salués, mais il y avait la barrière de la langue. Ils étaient dévastés » continue Jean-Marc Clément, qui l'est tout autant.
Le jour où des hommes en uniforme viennent lui apprendre la mort de son fils de vingt et un ans, dans un « combat très rapproché », Jean-Marc poste sur la page Facebook un message où il exprime sa culpabilité : « Je n'ai pas changé, dit-il aujourd'hui, Ce n'était pas à lui de partir. Je me sens responsable. J'ai parlé avec le général Mistral, qui commande la Légion étrangère, et que j'ai croisé alors qu'il était jeune chef de section au REC, il m'a dit que ce n'était pas de ma faute. » La cérémonie aux Invalides est forcément réduite, pour cause de confinement. Le père de Kevin parle encore de l'accueil du régiment, de la fraternité, des messages, du soutien. A la caserne de Luxeil, le lieutenant Leconte conclut : « On en parle beaucoup, pour nous il a toujours été sapeur-pompier. On est fiers de lui, de savoir qu'il s'est battu, qu'il est mort pour la France. Il avait une tête de jeune homme. Maintenant on attend une vraie cérémonie, où on pourra se retrouver tous ensemble. » A Luxeil-les-bains, un nouveau monument aux morts vient d'être édifié. Il y aura une stèle « Opex », avec le nom du brigadier Kevin Clément, l'enfant du pays. Il avait vingt et un ans.


Les Fortes têtes ont leur devise

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Publié le 06/06/202

Batir la Légion, la mission du "4", creuset de la Légion.

Bâtir la légion, la mission du "4", creuset de la Légion.

 

Malgré ses 100 ans d’existence et une histoire riche, le 4e Régiment étranger ne possédait pas de devise. En cette année de centenaire, le régiment a décidé d’en adopter une ! Et avant de demander officiellement au général commandant la Légion étrangère de lui en attribuer une, il a déjà fallu réfléchir sérieusement sur le projet.

Sous l’impulsion de son chef de corps, le colonel Capdeville, un cahier des charges particulier a été arrêté. Il a été décidé que la devise devrait respecter plusieurs critères : la compréhension "facile", quelle que soit la nationalité du jeune légionnaire ; la concision, afin de pouvoir être retenue par cœur ; le rassemblement, pour convenir aux compagnies d’instruction mais aussi au soutien ; la prestance, pour figurer dignement auprès des belles devises Légion existant déjà comme Legio patria nostra (devise du 3e REI) ou More majorum (devise du 2e REP et de la 13e DBLE); la cohérence, pour évoquer sans ambiguïté la vocation du régiment.

Plusieurs projets de devises ont ainsi été proposés par les cadres et légionnaires du régiment. Au final, 4 ont été retenues par le commandement : Flos pristini (Former l’élite) ; Mundi legionem(du monde entier pour la légion) ; Ad legionem aedificandam (Pour bâtir la légion) ; Præcipe optimis (Instruire les meilleurs).

Ces propositions ont ensuite été soumises au vote de l’ensemble du régiment. La marraine des Fortes têtes, Marie-Laure Buisson a été associée au processus de sélection.

Enfin, c’est la 3e proposition qui a remporté le plus grand nombre de votes au sein du régiment.Le régiment qui a donc soumis à l’approbation du commandant de la Légion étrangère, le général Mistral, ces quelques mots en latin :

Ad legionem aedificandam

(Pour bâtir la légion).Cette devise a donc été officiellement attribuée au 4e Régiment étranger en 2020.

Prochainement, cette belle devise, forte de sens, qui en trois mots résume à merveille la belle mission du "4", creuset de la Légion étrangère, devrait être installée au sein du quartier Danjou afin de pouvoir être vue de tous.

La Dépêche du midi


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