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Légionnaire toujours...

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1888

Le Bel-Abbèsien. Journal républicain indépendant. 08/12/1888

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Le Monde Illustré - 07/12/1888

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La Légion étrangère - Récits militaires par M. ROGER DE BEAUVOIR. Illustrations de M. DOLDIER.

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Le Monde Illustré - 07/12/1888

 


(Voir les numéros 1649, 1651, I652 et 1653.)
(Suite et fin.)


Le capitaine de Castries, ayant pris le commandement de l'arrière-garde, réussit à rallier son monde sur un petit plateau et à former un carré au centre duquel on plaça les blessés. Toutes les attaques de l'ennemi échouèrent devant la résistance des survivants.

Informé par un espion de la situation où se trouvait le détachement de Castries, le colonel de Négrier se mit aussitôt en route d'Aîn-bel-Khelil avec 5oo hommes, franchit 5o kilomètres en une nuit et dégagea nos braves.

Ce fut seulement par des prisonniers qu'on apprit que la petite troupe du capitaine Barbier avait eu à lutter contre tous les contingents de Bou-Amema.

Nous avons dit, au commencement de cette notice, que la légion renfermait des hommes de toutes les classes de la société, des personnages ayant joué un rôle dans leur pays, des savants même, des gens sur le visage desquels il est difficile de ne pas remarquer une distinction native, de grandes douleurs, quelquefois aussi, de grands vices.

Les anecdotes que nous allons raconter sont absolument vraies; elles sont, du reste, à l'honneur de la Légion.A Géryville, l'eau potable étant venue à manquer dans le camp, on dut la chercher à une assez grande distance. Comme les officiers s'entretenaient entre eux des calculs nécessaires pour la trouver, un caporal les entendit; sans rien dire, il se mit à l’œuvre, et quarante huit heures après, il indiquait l'endroit où il fallait creuser un puits. Tous ses Calculs étaient justes; au bout de quelques jours, l'eau arrivait dans le camp. Ce caporal avait été officier du génie de l'armée autrichienne; il était sorti le second de l'école militaire de Vienne.

Dans un combat en Kabylie, où un bataillon de la légion avait été fort éprouvé, il n'y avait plus personne pour donner des soins aux blessés, le médecin major étant au nombre des morts.

Le commandant rassemble son bataillon.

— Y a-t-il des médecins parmi vous ? demande-t-il.

Aussitôt, quatre hommes se détachent des rangs et se présentent au chef.

Tous les quatre étaient reçus docteurs, venant des facultés des quatre coins de l'Europe. Et tous firent leur métier de médecin et de chirurgien, en gens parfaitement expérimentés, habiles et dévoués.

 

***

A une revue qu'il passait des bataillons de la légion, le général de X. s'arrêta devant un homme de belle tenue et d'aspect tout à fait martial, dont la figure l'avait frappé et remuait ses souvenirs.

— Eh!. mais. je vous ai vu quelque part( demanda le général.

L'homme ne répondit que par un geste de dénégation.

— Mais si. à coup sûr, votre figure ne m'est pas inconnue! Attendez donc!

A M. si je ne me trompe.

— Non, mon général, fit le soldat.

Le général le regarda fixement et passa outre, ne voulant pas pousser plus loin l'interrogation, mais bien convaincu qu'il ne se trompait pas et qu'il était en présence d'un personnage de rang élevé, rencontré par lui dans des circonstances dont il n'avait qu'un vague souvenir.

— Il a des raisons sans doute pour vouloir garder l'incognito, pensa-t-il; inutile d'insister.

Quelques mois plus tard, il le retrouva grièvement blessé dans une ambulance.

Il s'approcha de lui, s'enquit avec intérêt de ses besoins.

Et toujours le visage de cet homme lui rappelait quelque chose du passé.

Le blessé s'en aperçut et, confidentiellement, lui dit:

— Vous avez raison, mon général, j'ai eu l'honneur de vous voir autre part, dans un temps meilleur. A M..., en effet, j'étais au nombre des officiers qui avaient reçu l'agréable mission de vous faire les honneurs des palais de la ville.

— Le colonel K., fit le général se souvenant tout à coup.

— Oui, mon général; j'ai eu le malheur, dans un moment de folie, de manquer gravement de respect à un haut dignitaire et l'empereur m'a enlevé mon régiment et rayé des cadres. Désespéré, dépouillé, sans espoir de pardon, j'ai fui mon pays et suis allé là où l'on se bat faire mon métier de soldat et mourir au service de la nation que j'aime et estime le plus après la mienne.

Voilà, mon général, ma triste histoire. Si je reviens de cette blessure-là, ajouta-t-il, j'espère être plus heureux la prochaine fois!

On sait la part brillante que les légionnaires prirent à tous les combats du Tonkin où ils retrouvèrent leur ancien chef, le général de Négrier.

A peine débarqués, les voilà prêts à combattre les Pavillons noirs, à les repousser, à leur enlever leurs places d'armes principales: Sontay et Bac-Ninh.

Entrés les premiers dans Sontay, ils ont à venger les morts profanés et les blessés torturés et décapités; aussi, détruisent-ils tout ce qui leur tombe sous la main; ils s'habillent en mandarins, font des trophées avec les drapeaux. conquis et pavoisent au moyen d'étoffes multicolores le quartier, qui leur est affecté.

Au moment d'attaquer Bac-Ninh, le jeune général de Négrier dit au lieutenant-colonel Duchesne: « A la légion, l'honneur d'entrer dans la place! Prenez ce que vous avez sous la main, je vous fais soutenir. Emmenez le génie avec des pétards de dynamite; il" faut prendre ce soir une porte de la ville. »

Le soir, en effet, les compagnies de la légion occupaient la citadelle, et, le lendemain, elles entraient dans Bac-Ninh.

Puis, vint le siège de Thuyen-Quari, — le plus beau fait d'armes de cette campagne, — dont la prodigieuse défense rendit célèbre le commandant Dominé, et qui eût suffi à immortaliser la légion.

On se rappelle que la garnison se composait de quelques sapeurs du génie; de plusieurs tirailleurs tonkinois et de deux compagnies du régiment étranger, lesquelles perdirent 158 hommes, c'est-à-dire plus du tiers des combattants.

Aux noms glorieux de Sébastopol (1855), de Kabylie (1857), de Magenta (1859), de Camerone (i863), le drapeau de la légion étrangère peut ajouter Thuyen-Quan (1884).

Un des officiers de cette phalange héroïque, M. de Borelli, a célébré en beaux vers, colorés et énergiques, la gloire de ses anciens compagnons d'armes: son poème porte cette dédicace: Très particulièrement, je dédie ceci à la mémoire de Théobald Streibler qui m'a donné sa vie le 3 mars 1885.

Nous en détachons quelques strophes parmi les plus vibrantes, avec le regret de ne pouvoir donner en entier, cette noble inspiration:

Mes compagnons, c'est moi : mes bonnes gens de guerre,
C'est votre chef d'hier qui vient parler ici,
De ce qu'on ne sait pas ou que l'on ne sait guère.
Mes morts, je vous salue et je vous dis: Merci!

Jamais gardi de Roi, d'Empereur, d'Autocrate,
De Pape ou de Sultan; jamais nul régiment
Chamarré d'or, drapé d'azur ou d'écarlate,
N'alla d'un air plus mâle et plus superbement.

Vous aviez des bras forts et des tailles bien prises,
Que faisaient mieux valoir vos hardes en lambeaux;
Et je rajeunissais à voir vos barbes grises,
Et je tressaillais d'aise à vous trouver si beaux.

Votre allure était simple et jamais théâtrale ;
Mais le moment venu, ce qu'il eût fallu voir,
C'était votre façon, hautaine et magistrale,
D'aborder « le Céleste» ou de le recevoir.

On fait des songes fous, parfois, quand on chemine,
Et je me surprenais en moi-même à penser
Devant ce style à part et cette grande mine,
Par où nous pourrions bien ne pas pouvoir passer?

Je sais où retrouver, à leur suprême étape,
Tous ceux dont la grande herbe a bu le sang vermeil.
Et ceux qu'ont engloutis les pièges de la sape.
Et ceux qu'ont dévorés la fièvre et le soleil.

D'ici, je vous revois, rangés à fleur de terre
Dans la fosse hâtive où je vous ai laisses,
Rigides, revêtus de vos habits de guerre
Et d'étranges linceuls faits de roseaux tressés.

Les survivants ont dit, — et j'ai servi de prêtre, —
L'adieu du camarade à votre corps meurtri;
Certain geste fut fait bien gauchement peut-être —
Pourtant, je ne crois pas que personne en ait ri !

Mais Quelqu'un vous prenait dans sa gloire étoilée,
Et vous montrait d'en haut ceux qui priaient tout bas,
Quand je disais pour tous, d'une voix étranglée,
Le Pater et l'Ave que tous ne savaient pas!

Ces vers, si bien frappés, si délicats, si touchants sont dédies à un brave de la légion auquel M. de Borelli doit la vie.

De tous les capitaines du régiment étranger, M. de Borelli est le seul qui soit sorti vivant de Thuven-Quan, après s'y être conduit vaillamment.

Streibler servait dans sa compagnie; c'était un Alsacien bon teint, un vrai, — car à la légion, tout ce qui mâche de la paille, de Koenigsherg à Radstadt, se prétend Alsacien. — Il était fils d'un vieux garde du génie, décoré et retraité. M. de Borelli avait pris en affection ce brave garçon qui, paraît-il, le lui rendait bien. Au combat de Yuoc (19 octobre 1884), il n'avait pas voulu aller se faire panser en arrière, bien qu'ayant le bras traversé. Son capitaine l'avait proposé pour la médaille militaire, mais elle ne lui fut accordée que par décret du 4 mars 1885.

Or, il était mort la veille! On mit tout de même un bout de ruban jaune sous un morceau de verre casse à la croix de la fosse, dans la citadelle de Tuyen-Quan.
Ce fut le dernier tué de ce siège.

 

***


Quels merveilleux soldats au combat! Quels lions, dès que la poudre a parlé! La bataille, c'est pour eux une distraction, une tête. Aussi, que de souvenirs, que de pages resplendissantes dans leur histoire !

C'est pourquoi en ne saurait trop recommander aux jeunes officiers ainsi qu'aux engagés volontaires qui ont l'âme bien trempée, de choisir, au début de leur carrière, la légion. Avec elle, on marche, on fait campagne toujours, on apprend a tout supporter, à connaître les hommes, leur nature et leurs besoins.

A de très rares exceptions-prés,ce beau corps a constamment eu de vigoureux Officiers dont les personnalités et les caractère ont conquis la Renommée. La vie aventureuse de la Légion a servi leur ambition légitime. Presque tous sont arrivés au summum de la hiérarchie militaire.

H. Roger de BEAUVOIR.
FIN

Le Monde Illustré - 01/12/1888

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La Légion étrangère - Récits militaires par M. ROGER DE BEAUVOIR. Illustrations de M. DOLDIER.

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Le Monde Illustré - 01/12/1888

 

(Voir les numéros 1649, 1651 et 1652.)

Quand les légionnaires vendent leurs effets pour boire, « ils les payent sur le ventre» selon la pittoresque expression consacrée, c'est-à-dire qu'ils remboursent sur leur ration; à cette condition, ils ne passent pas devant le conseil de guerre, et ils préfèrent cela.


S'ils se volent entre eux, les chefs ne se mêlent pas de l'affaire; ils sont jugés par l'escouade ou la compagnie, et l'on peut croire que 1?. justice des camarades n'est pas tendre.

Les officiers sont bons et humains, autant que possible; ils savent le parti que l'on peut tirer de pareils hommes mais il leur faut une main de fer.


Quant à la pénalité pour désertion en présence de l'ennemi, il n'y a ni grâce, ni merci; le code militaire est appliqué dans toute sa rigueur.

Ceux qui, par exemple, sont passés à l'ennemi, pendant la campagne du Tonkin, espérant un gracieux accueilles Pavillons noirs, ont été cruellement déçus et ont dû regretter même les procédés expéditifs de la cour martiale.

A ce sujet, un officier supérieur qui a fait toute l'expédition racontait ceci:

Un jour, à Hué, on aperçut au loin quelque chose comme une vaste épave descendant le fleuve; on ne distinguait au-dessus de l'eau qu'un amas informe çà et là coupé de taches rouges; à mesure que cette masse approchait et que les objets devenaient plus perceptibles, les spectateurs éprouvaient une angoisse profonde; les taches rouges semblaient être des pantalons de soldat, l'épave flottante était un radeau qui,'chose étrange, suivait doucement le lit de l'eau, sans qu'on remarquât à bord le moindre conducteur.

On se jeta dans les "barbues et l'on se porta à sa rencontre.


Et alors, on vit, étendus sur le radeau, Les cadavres de sept légionnaires déserteurs, affreusement mutilés.
Deux perches étalent plantées, réunies à leur extrémité par une ficelle dans laquelle étaient enfilés les nez, les langues, les oreilles de ces malheureux. C'était ainsi que les barbares les renvoyaient.

***

Assure, les vivres et marcher avec eux,vous obtiendrez tout!

Ceci est une maxime du général de Négrier qui les connaît bien pour les avoir conduits partout où il y a à combattre.

Il est vrai qu'avec un tel homme, qui a le don d'électriser une armée, où n'irait-on pas? que ne ferait-on pas?


L'affaire du Chott- Tigri en est un exemple:

Le colonel de Négrier avait formé, à la légion, une- compagnie franche, compoée de soldats les plus détermines.

Une section de cette compagnie avait été détachée sous les ordres du lieutenant Massone pour accompagner la mission topographique du capitaine je Castries.

Cette mission, qui allait achever un travail entre Aïn-bel-Khélil et le Chott-Tigri, était escorée par deux compagnies de la légion, onze chasseurs d'Afrique et dix goumiers, sous le commandement du capitaine Barbier.

Lorsque ce dernier se vit attaqué dans le bas-fond du Chott-Tigri par quelques milliers d'Arabes, voulant gagner une position sur la lisière du Chott, il chargea de l'arrière-garde les vingt-trois hommes de la section Massone. Tous ces braves se nrent tuer avec leur officier. Celui-ci tomba frappé de cinq balles et de six coups de sabre.

Barbier reconstitua alors l'arrière-garde avec une de ses compagnies, mais, à son tour, il fut cerné et tué.
On retrouva plus tard son corps qui portait la trace de seize blessures et d'une infâme mutilation; la tête était séparée du tronc. Le vaillant officier avait reçu neuf balles et sept coups de sabre. Son cadavre ainsi que celui du lieutenant Massone furent enveloppés dans des toiles de tente et dirigés sur Ain-bel-Khelil où on les enterra. (A suivre.)


Le Monde Illustré - 24/11/1888

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Le Monde Illustré - 24/11/1888

C'est encore au Mexique, à Parras, qu'une compagnie placée sous les ordres du lieutenant Bastidon se retrancha dans l'église et y fut cernée pendant trois jours.

Elle résista à toutes les attaques, à toutes les sommations, et ne dut sa délivrance qu'à l'arrivée de la colonne Saussier, qui mit promptement l'ennemi en déroute.

Le commandant Saussier avait alors trente-cinq ans. On ne saurait croire les résultats qu'il obtint des légionnaires. Officier digne de pareils soldats auxquels son intrépidité faisait accomplir des prodiges.

Dans une marche sur Monterey, que menaçaient les troupes du général Escobado, il avait fait faire à son bataillon trente lieues en trente-deux heures, et ses hommes avaient dû garder pendant presque tout ce temps le sac au dos.

Rentré en Algérie, le régiment étranger reçut une ovation enthousiaste. Le commandant Saussier fut nommé lieutenant-colonel; il servait à la légion depuis dix-sept ans.

De 1867 à 1870, le corps eut des détachements à Mascara, à Tiaret, à Djebel-Amour, à Géryville, à Figuig, travaillant aux routes, établissant des lignes télégraphiques, ravitaillant les postes ou marchant en colonne pendant de longs mois à la recherche d'un ennemi se dérobant toujours.

Lorsque le 19 juillet 1870, la guerre fut déclare, le régiment étranger se trouvait donc disséminé dans la province d'Oran. Il s'attendait à être dirigé sur le Rhin afin de servir devant-garde à l'armée, mais à la nouvelle que toute l'Allemagne marchait contre nous, on reconnut l'impossibilité d'envoyer la légion à la frontière.

Il fallait, en effet, éviter aux Hessois, Badoi., Wurtembergeois, Bavarois, Saxons et autres appartenant au régiment étranger de se rencontrer avec leurs compatriotes.

Le corps resta en Algérie, où les engagements volontaires devinrent nombreux.

Après le désastre de Sedan, la délégation de Tours fit venir deux bataillons et en créa un cinquième qui reçut à Orléans le baptême du feu. Ce bataillon, composé en grande partie de recrues et d'hommes peu solides, se détendit néanmoins énergiquement quand les Bavarois attaquèrent pendant la nuit du 11 octobre le faubourg Bannier. Là, fut tué raide le commandant Arago.

A Coulmiers, le régiment étranger charge les Prussiens en avant du village et les déluge de leur position.

A la Croix-Briquet, sous le feu d'une artillerie formidable, son attitude est telle, qu'un officier de l'état-major du prince Frédéric-Charles, le capitaine Milson de Botte, qui avait fait l'expédition du Mexique dans les rangs du régiment étranger, s'enorgueillit lui-même de la solidité de son ancien corps. -

Pendant la retraite d'Orléans, les trois bataillons de la légion soutiennent des combats incessants; ils passèrent ensuite à l'armée de l'Est, avec Bourbaki.

Depuis ce moment, jusqu'à la fin de la campagne, ce ne furent que privations et souffrances de toutes sortes; le froid et la faim firent de grands ravages dans les rangs. A peine vêtus, mal chaussés, plus mal nourris, campés le plus souvent sous de mauvaises petites tentes, les hommes étaient atteints de congélations qui réduisirent considérablement l'effectif; aussi les vides furent-ils difficiles à combler.

La paix vint heureusement mettre un terme à toutes ces atroces misères.


Aujourd'hui, la légion se compose de deux régiments à quatre bataillons.

Avant 1870, le recrutement avait lieu par engagements de cinq ans devant un sous-intendant. Parmi ces engagés se trouvaient un grand nombre de déserteurs, d'insoumis ou de démissionnaires des armées étrangères, auxquels venaient s'adjoindre des volontaires français servant au même titre et destinés à former des cadres de sous-officiers. On devait être âgé de dix-huit ans au moins, de quarante au plus, et produire des pièces d'identité, un certificat de bonne vie et mœurs, etc., etc., papiers

Le luxe dont beaucoup négligeaient de se munir; en ce cas, le générai commandant avait le droit de décider si, malgré cet oubli, l'homme pouvait être reçu.

C'était déjà très libéral.

En 1881, on le devint davantage, et l'on admit à la légion quiconque, jeune et bien portant, d'où qu'il vint,voulait contracter un engagement de cinq ans.

Évidemment, ce recrutement de guerre laisse à désirer et ouvre la porte à une société un peu mêlée. Les Alsaciens-Lorrains, heureusement en majorité, assurent au corps un cadre solide, énergique et honnête. C'est le plus beau cadre permanent de sous-officiers de l'armée, car la plupart se rengagent pour faire campagne

Les officiers sont presque tous Français, toutefois on compte une vingtaine d'officiers d'origine étrangère.

On entend parler toutes les langues dans cette Babel, lll'eat surtout l'allemand, ou plutôt le patois alsacien qui domine.

Cependant, l'instruction se fait en français.

La discipline y est nécessairement inflexible et, en campagne surtout, les moyens de répression sont plus durs que dans les autres corps, parce que là, plus que partout ailleurs, se rencontrent des natures violentes, indomptées et rebelles, qui pourraient compromettre le salut de toute une colonne.

Les punitions de rigueur exceptionnelle contre lesquelles s'insurgent les humanitaires inconscients du danger que font courir les indisciplinés à la sécurité de tous, sont quelquefois indispensables, quelles que puissent être les révoltes de la charité, au cœur de ceux même à qui s’impose la cruelle nécessité d'infliger ces peines. Il y a telles contrées, — le sud oranais, entre autres — où manquent tous les moyens de répression habituelle et où la désertion fréquente, mettant au service de l'ennemi des hommes déterminés, condottieri sans scrupules, des armes perfectionnées et des renseignements, peut entraîner des détachements entiers aux embuscades, aux trahisons, à la mort et aux supplices.


(A suivre.)


Le Monde Illustré - 17/11/1888

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La Légion étrangère - Récits militaires par M. ROGER DE BEAUVOIR. Illustrations de M. DOLDIER.

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Le Monde Illustré - 17/11/1888

Un entre autres :

Pendant le siège de Puebla, une compagnie du régiment étranger, forte de trois officiers et de soixante deux hommes, sous les ordres du capitaine Danjou, est commandée pour aller à Palo-Verde au-devant de deux convois venant de la Vera-Cruz, l'un porteur de trois millions, l'autre composé de l'artillerie destinée au siège.

Le détachement s'arrête à Palo-Verde pour y faire le café, quand des cavaliers mexicains sont signalés du côté de Chiquihuite. Aussitôt, le capitaine Danjou ordonne à ses hommes de renverser les marmites, de charger le campement sur les mulets, de rappeler l'escouade laissée à la garde de l'eau et de se diriger sur le village de Camerone.

A peine la petite colonne a-t-elle dépassé les dernières maisons de ce village, que tout à coup elle se trouve en présence de nombreux cavaliers qui l'assaillent de toutes parts. C'est l'avant-garde du corps mexicain commandée par le colonel Milan, au nombre de trois cent cinquante guérilleros, trois bataillons d'infanterie, représentant en tout douze cents fantassins et huit cent cinquante cavaliers.

— Formez le carré! crie le capitaine Danjou. Et ne tirez qu'au commandement !

Il laisse approcher l'ennemi à cinquante pas, et alors des feux de salve font une brèche énorme dans la masse profonde des cavaliers mexicains qui, épouvantés, vont se reformer à l'abri de la fusillade.

Danjou profite de ce moment de répit, charge à la baïonnette, s'ouvre un passage et parvient à gagner une maison située au sud de la route.

Cette habitation est connue sous le nom de Camerone, et elle fut le théâtre d'une défense si opiniâtre, si extraordinaire, si héroïque, que le nom de Camerone, par décision impériale, dut être inscrit sur le drapeau de la légion, comme celui d'une grande victoire.

« Une lutte de géants ! » dit de cette journée le maréchal Forey.

La maison où s'était réfugiée la compagnie du capitaine Danjou, déjà éprouvée par le feu des Mexicains, a derrière elle une cour entourée sur trois côtés de hangars ouverts. Le capitaine fait occuper la cour et une chambre située au nord-ouest.

Pendant ce temps, l'ennemi prend possession de la chambre de l'angle oppose de la même maison, laquelle chambre a une fenêtre donnant sur la cour.

Et le feu commence.

A neuf heures et demie, l'officier français est sommé de se rendre. - Jamais !

A onze heures, il était évident pour tous que la résistance de cette poignée d'hommes devait être tôt épuisée. Eh bien! on mourra, mais on ne se rendra pas. Tous prêtent le serment de lutter jusqu'à la mort.

Danjou, à ce moment même, tombe foudroyé, une balle l'a atteint au cœur.

Le sous-lieutenant Vilain prend le commandement et dirige la défense avec la même opiniâtreté.

Un bruit de tambours; des sonneries de clairons !.


C’est du secours; c'est un bataillon français envoyé pour les délivrer ! l'espérance renaît et le feu redouble d'intensité.

Hélas! ce sont trois bataillons mexicains, qui viennent s'ajouter à ce millier de soldats acharnés contre une trentaine de braves, non encore atteints.

La chaleur est suffocante ! Les hommes n'ont pas mangé depuis la veille, ni bu depuis le matin. Le martyre des blessés est horrible; quelques-uns boivent leur sang et même leur urine.

A deux heures, le sous-lieutenant Vilain est tué.

Le commandement passe alors au seul officier qui reste, au porte-drapeau Maudet.

Les Mexicains, décimés par cette poignée de héros et désespérant de les réduire, entassent des fagots, des broussailles autour des hangars extérieurs et y mettent le feu. Bientôt toute la cour disparaît dans une masse opaque de fumée. Et malgré tout, malgré les flammes et la suffocation, les enragés sont toujours aux créneaux et le feu ne discontinue pas !

A cinq heures, l'attaque est suspendue, le colonel Milan place, ses troupes à l'abri d'une maison voisine, et, là, harangue ses deux mille hommes avant de les lancer sur les vingt-cinq survivants.

— Il faut en finir avec cette poignée d'hommes épuisés ! s'écrie-t-il.

Un légionnaire, de nationalité espagnole, entend ces paroles et les traduit à ses camarades.

— Non, mille fois non, ne nous rendons pas !

Alors, l'ennemi fait ce grand effort de se ruer par toutes les ouvertures précédemment pratiquées. A la porte principale, il reste encore un homme: il est pris.

Quatre soldats qui défendent la brèche sont enveloppés et entraînés. Le sous lieutenant Maudet, barricadé avec quatre hommes dans les débris d'un vieux hangar, s'y défend héroïquement quelque temps encore, puis donne l'ordre de charger à la baïonnette, mais, à sa sortie, tous les fusils sont braqués sur lui; un des légionnaires lui fait un rempart de son corps et tombe foudroyé; lui même est grièvement blessé par deux balles et renversé à terre. Enfin, les Mexicains se précipitent sur les quelques survivants et ont la gloire de faire prisonniers les dix-neuf hommes que le feu avait épargnés.

Il était six heures du soir. La lutte durait depuis dix longues heures. Deux officiers étaient tués, le troisième mortellement blessé; vingt sous-officiers et soldats avaient été tués, vingt-trois blesses, parmi lesquels sept moururent de leurs blessures; les autres furent faits prisonniers à l'exception d'un tambour, laissé pour mort et qui, recueilli le lendemain par une reconnaissance du régiment étranger, donna les premiers détails sur l'attaque et la défense de Camerone.

Les Mexicains avaient perdu trois cents hommes, dont deux cents morts. Grâce à la sublime résistance de cette compagnie de la légion, le colonel Milan rétrograda avec sa colonne et laissa passer les convois sans les inquiéter.

Du reste, on doit cette justice à l'ennemi qu'il traita avec humanité ses prisonniers, s'honorant lui-même par les égards dont il entoura les vaincus. Quand le sous-lieutenant Maudet mourut de ses blessures, les Mexicains lui rendirent les honneurs militaires.


(A suivre.)


Le Monde illustré 10/11/1888

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