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Légionnaire toujours...

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L'Algérie à Madagascar.

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Le Progrès de Bel-Abbès 10/02/1895

 

Depuis tantôt trois mois que l'expédition de Madagascar a été décidée, il serait difficile de dire qui, des sociétés appelées savantes ou des journaux, a débité le plus de sottises à son sujet.

On aurait juré de couper bras et jambes aux troupes chargées d'aller enlever le nid d'aigle, Antanarivo ou Tananarive (les mille villages, rien que cela mes enfants ! ), capitale du royaume Hova, où règne, sous le gouvernement de son premier ministre, une grenouille quelconque, Rana... qu'on ne s'y serait pas mieux pris. ,

Ici, c'est le Petit Journal qui, pour faire" trembler les concierges, ses lecteurs, jette dans les tibias du corps expéditionnaire, des boules fantastiques, apocalyptiques, armées de prolongement semblable aux tentacules de la pieuvre légendaire des Travailleurs de la mer, avec ce nom horrible : Hématozoaire du paludisme.

Là ce sont des gâteux, d'une société médicastre quelconque, qui rêvent de faire passer dans l'estomac de nos soldats des flots de quinine « comme ceux, disent-ils; que les inviteuses de la banlieue équatoriale d'Alger servent à leurs clients apeurés de fièvres », ou qui veulent encore garnir le sac de nos hommes, non pas de bons et solides godillots, mais de tabloïdes quiniques avec instruction précise d'avoir à en ingurgiter du matin au soir, pour le plus grand profit des spécialistes roublards qui seront chargés d'en faire la fourniture au corps expéditionnaire.

Un peu partout c'est le vent de la peur qui souffle en tempête ; et les cuistres qui sèment ainsi la terreur, l'un pour placer ses petites bêtes, qu'on ne parviendra jamais à voir, l'autre pour rappeler que la maison n'est pas au coin du quai, ces pleutres ne s'aperçoivent pas qu'ils font la plus détestable et antipatriotique besogne qui se puisse imaginer !

Le grotesque le dispute à l'ignorance dans leurs élucubrations. Semblables à ces fakirs de l'Inde qui se complaisent dans la contemplation de leur nombril, ils adorent d'un amour réciproque les incongruités qu'ils pondent autour de la fameuse « Fièvre de Madagascar ». O Fièvre que de bêtises on dit en ton nom !

Si, pour la raison et l'Algérie, nous prenions voix au chapitre ?

Et qui d'ailleurs a, plus que nous droit de parler de Madagascar, ce satellite brillant du continent noir ?

Madagascar ! mais c'est à nous, Algériens, plus qu'à tous autres qu'il appartient.

Son histoire ne commence-t-elle point aux migrations des Arabes au septième siècle, pour finir à Le Myre de Vilers, l'ancien secrétaire général du Gouvernement de l'Algérie ?...

La suite au prochain numéro... et qui sait, peut-être avec un autre secrétaire général comme gouverneur.

A la première tête que les camarades les tirailleurs (li tiraillours) vont couper dans la brousse, ils s'écrieront : « Mais je l'ai vu quelque part cette tête là », et ils croiront, à la voix du sang qui en dégouttera, reconnaître quelqu'un de leurs ancêtres. On sait du reste que ce n'est pas ce qui les gêne.

Les écoles peuplées comme celles de la Kabylie au temps de l'égide bienveillante et moqueuse de l'infortuné Areski; les tatouages affectionnés des tribus malgaches; les cheveux torturés et pétris d'argile, remplaçant le henné ; les femmes traitées comme des chiens la plupart du temps, mais toujours reines adorées la nuit ; les vertus plus faciles encore que celles des Ouled-Naïl, tout cela leur redira l'Algérie, « par une nuit d'été ».

Les chasseurs d'Afrique(les vieux chass-d'Af) pousseront, s'il le faut, sur ces méfiants et traitres de Hovas, des charges à faire regretter à Galiffet de ne plus être simple cavalier.

Les légionnaires se rappelleront que si les Portugais toujours gais pourtant ne réussirent point à Madagascar, c'est que l'un de leurs explorateurs s'appelait par extraordinaire et par malheur Tristan... d'Acunba et que son nom jeta la guigne sur leurs entreprises.

Servant sous le drapeau de la France, la Légion montera à l'assaut au son du fifre aigu et railleur, lançant dans les oreilles du premier ministre terrifié, l'air en vogue aujourd'hui comme il y à vingt ans : l'Amant d'Amanda.
Les zouaves — nous demandons place pour eux à la fête — appuyant les tirailleurs, ces enfants perdus de la colonne, leur chanteront gaiement :

Grains pas l'Arbi !
Les chacals sont par ici

et tous, avec leurs camarades de France, au moment décisif.

« La Marseillaise » ailée et volatil dans les balles »

balaieront comme un fétu de paille cette singulière armée des Hovas, forte, dit-on, de 30.000 hommes, mais sans vivres pour deux jours seulement, faute d'intendance, sans autres armes que tous les vieux rossignols de la chrétienté, et incapable, paraît-il, de montrer un peu de solidité ailleurs que derrière des retranchements dont il serait malheureux que les obus à mélinite n'eussent pas d'abord raison.

Ah ! chères et vaillantes troupes qui allez là-bas soutenir avant tout l'honneur du drapeau, combien en est-il, comme moi, de la vieille armée d'Afrique, qui envient votre sort et voudraient le partager !

Nous étions, comme nos pères, de ceux qui ne craignaient ni les balles, ni la fièvre, qui marchaient au besoin, comme les vieux chasseurs d'Afrique, pendant, quarante-huit heures avec un simple champoreau dans le corps, et sans quinquina, sans quinine préventive (!) bien entendu. Vous serez de même, moins les privations, car vos chefs, mieux approvisionnés, auront soin de vous.

Ils se rappelleront, eux, l'armée française débarquant à Sidi-Ferruch, le 14 juin 1830, dans des conditions climatériques bien autrement fâcheuses que celles que vous allez trouver à Madagascar; l'armée, se battant tous les jours sous un soleil de feu, contre des ennemis singulièrement plus braves et plus dangereux que les Hovas, et luttant, en outre, on peut dire à armes presque égales ; l'armée, traversant sans encombre des terrains dits fiévreux, parce qu'elle changeait de camp tous les jours et qu'elle laissait chaque matin ses déchets et ses microbes derrière elle ; l'armée, n'ayant de malades que du jour où elle s'installait à Alger, cultivant alors, comme à plaisir, les germes morbides du « marais » intra-muros, le plus dangereux de tous.

Vos médecins se souviendront peut-être que la médecine au début  — soyons conciliant — de la conquête, a causé, en Algérie, plus de mal que n'en firent jamais les maladies les plus graves et les balles des indigènes ; que les purgatifs et les vomitifs sont de sales drogues, déprimant les malades, aggravant presque toujours les affections, ouvrant la porte aux infections secondaires, et le sulfate de quinine le dernier des médicaments à employer, la fièvre étant en elle-même une « quantité négligeable ».

Vous, soldats d'Afrique, débrouillards et aguerris, vous êtes assurés d'avance, ayant subi déjà le double entraînement climatérique et militaire, de bien résister aux fatigues et à la chaleur, parce que vous éviterez
surtout de commettre des excès quels qu'ils soient, de boire en dehors de vos repas et de trop vous charger l'estomac aux heures brûlantes de la journée, réservant le bon et fort repas pour le soir, comme les Arabes.

Vous repousserez catégoriquement les propositions fallacieuses qui pourraient vous être faites de quinine, pour vous préserver soi-disant de la fièvre ; quelle fièvre, d'ailleurs, il y en a tant ! Car vous n'ignorez pas-que, dans les garnisons d'Algérie ce sont les hommes faisant usage de la quinine préventive qui tombent le plus malades.

Et si par impossible, ce que je ne puis et ne veux croire, on vous forçait à en prendre, vous vous inclineriez sans murmurer, comme le soldat de Scribe, devant les ordres, mais vous cracheriez cette drogue amère, nauséabonde et nuisible, — soyons parlementaire — à la face des Hovas !

Alcide TREILLE.


Traduction

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