Poème écrit à l'occasion de son inauguration, le 7 avril 1957.
Maison du Légionnaire, havre de grâce
Après qu'il eut longtemps marché dans la poussière sous la pluie et le vent,
Après qu'il eut traîné dans boue des rizières fourbu, brûlé, râlant,
Après qu'il eut écrit sa part de la légende en des lettres de sang,
Après qu'il eut cent fois de sa vie fait offrande aux dieux des combattants,
Après qu'il eut forgé de sa main des victoires qu'on raconte aux enfants,
Après qu'il fut entré vivant dans nos mémoires avec son képi blanc,
Il tomba sur la route …. Il avait tout donné, il lui restait la vie,
Quelques décorations aux vieux rubans fanés et sa peine infinie…
Les Héros qui sont morts restent présents encore dans le coeur des vivants,
La patrie se souvient. Le Pays les honore et s'incline en pleurant,
De grands discours sont dits. Des couronnes s'entassent au pied des monuments,
La gloire les accueille et leur fait une place parmi les conquérants,
Mais ceux qui n'ont pas eu cette faveur insigne de mourir au combat,
Qui condamnés à vivre veulent se montrer dignes de leur nom de soldat,
Ceux qui n'ayant plus rien que de faim qui gronde au creux de l'estomac,
Ceux qui ne veulent pas mendier à la ronde, ceux qui ne veulent pas,
Etre des déclassés, des rebuts, des épaves vivant en parias,
Voulant bien être humbles, mais non pas être esclaves,
Devront-ils ici bas mourir sans un soutien, sans amis, sans adieux,
Mourir tristes et las sans qu'une main clémente vienne fermer leurs yeux,
Au moments du trépas ?
Non ! ... Comme le naufragé vers le Havre de grâce, ils s'en iront confiants,
Tout au bout du chemin illuminant l'espace le Havre les attend,
Leurs muscles fatigués par le rude voyage auront l'apaisement…
Repose-toi, guerrier. Dépose ton bagage inutile à présent,
Respire chaque fleur, dis bonjour au nuage qui flâne au firmament,
Ferme les yeux mi-clos. Savoure ton breuvage et mange ton pain blanc,
Toi qui as tout donné, il est bon qu'en échange il te soit tout rendu,
Et que sur ton sommeil, veillant sur toi les anges du ciel soient descendus,
Ta journée est finie … Ta tâche bien remplie. Merci. Tu es chez toi :
Entre. C'est la Légion qui au soir de ta vie t'ouvre tout grand les bras !
Paul Bellat