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Le dernier compagnon de la Libération parle

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Publié le 22/10/2020


        Guerre du desert. Le capitaine Arnault et le sous-lieutenant Germain a El Alamein (Egypte), en 1942. Les Allies viennent d'essuyer << l'enfer des Stukas >> de l'Afrikakorps.

Après le décès de Daniel Cordier et de Pierre Simonet , Hubert Germain est le dernier compagnon de la Libération vivant. En octobre, nous publions les extraits de son dernier livre. Il clôt une mémoire résistante qui a contre elle le passage des générations et l'entropie temporelle, mais qui relève la tête depuis une à deux décennies. Un tel ouvrage relève du choix, de la mémoire sélective. Deux choses frappent. Le sentiment d'avoir appartenu à une chevalerie, qui s'accompagne d'une critique du peuple français, de sa passivité et de son ingratitude. Le ton aussi pétaradant et enjoué, qui traduit bien l'indécrottable liberté de cet homme qui fut ministre sous Pompidou et négocia à Tours en 1961 la reddition des généraux putschistes d'Alger. L'esprit de révolte ne meurt jamais, la preuve avec ce texte qui en ces temps de miasmes fait souffler un vent de fraîcheur et d'espoir : on comprend ce qu'est la force fière, spontanée, sans compromis, de la jeunesse.

Esprit de révolte. Hubert Germain, doyen des compagnons de la LIbération, est l’aîné de quatre jours de Daniel Cordier.


En plus des extraits choisis, on retiendra une anecdote datant de 1938. Alors que son père commandait l'artillerie en Indochine, le jeune Hubert Germain est convié avec lui chez le général en chef pour un dîner avec des officiers qui évoquent Hitler et renâclent à l'idée de refaire la guerre : du haut de ses 18 ans, il les interrompt : « De toute façon, ce n'est pas vous qui ferez la guerre, c'est nous, ceux de ma génération. » On ne s'étonnera pas de la suite de l'histoire…

Libération. Le général de Gaulle à Bayeux, en 1948. Devant lui, les compagnons André Brunel, Hubert Germain et Jules Muracciole (de g. à dr).


Extraits

« C’est inutile, je pars faire la guerre »

Le 14 juin 1940, nous apprenons l’entrée des Allemands dans Paris. Or, nous étions en train de passer les concours des écoles militaires. Je passais les épreuves pour l’entrée à l’École navale et l’École de l’air. Lors d’une épreuve, je méditais devant ma copie : « À quoi bon poursuivre un examen qui, dans le cas où tu serais reçu, t’obligera à obéir à un commandement allemand ? » Je me suis levé, j’ai remis ma copie blanche à l’examinateur surpris : « Mais ? vous avez quatre heures.

– C’est inutile, je m’en vais. Je pars faire la guerre. »

Comment voulez-vous qu’à dix-neuf ans, avec ce qui s’était forgé en moi, l’amour de mon pays, de ma terre, mon désir de devenir officier, je ne refusasse pas de servir les Allemands ? Avec des copains nous nous sommes dit : « Partons au Maroc, sinon ce sera l’Angleterre ! » Et nous avons cherché alors un bateau pour nous embarquer. Nous avons même rassemblé tout l’équipement nécessaire : cartes, boussole, sextant… Notre plan était d’en chaparder un à Saint-Jean-de-Luz. Nous étions alors bien téméraires car, au premier coup de vent, nous aurions été balayés ! Quand nous nous sommes aperçus que le Maroc se ralliait à Pétain, nous avons revu notre plan initial. À ce moment-là, en descendant de mon immeuble, je croise ma concierge qui me parle d’un certain général qui à la radio aurait appelé à poursuivre le combat. Ma réaction a alors été de lui dire qu’au regard de la déculottée que l’armée avait reçue, je me foutais éperdument de ce général !

D’ailleurs, au moment de mon départ, je suis allé voir le général Bührer que j’avais connu en Indochine et qui commandait maintenant les troupes coloniales à Bordeaux. Mon père n’était pas encore rentré depuis l’annonce de l’armistice. Je lui ai demandé alors de prendre soin de ma sœur et de ma mère en jetant un coup d’œil sur elles. Étonné, il me répondit : « Mais n’es-tu pas là ?

– Oui, mais je m’en vais, mon général.

– Comment, tu t’en vas ? L’armistice a été signé.

– Mon général, je me fous de votre gouvernement et de cet armistice ! Je vais faire la guerre que vous avez perdue. »

Des Français bien ingrats

Et, peu de temps après, je devais apprendre la différence entre la France et les Français. Il faut bien comprendre qu’il n’y a jamais eu de levée en masse au moment de la Libération. Alors que nous avançons avec ma compagnie en direction de Toulon, laissant Cavalaire derrière nous, nous approchons de La Londe-les-Maures où les gars sont attablés, prenant le pastis. Mes légionnaires se tournent vers moi stupéfaits et me demandent : « Mais, mon lieutenant, ils ne viennent pas avec nous ? C’est leur pays que nous libérons. » Ces légionnaires avaient participé aux campagnes de Norvège, d’Afrique du Nord et d’Italie. Ils débarquaient en France et tombaient sur des gars qui prenaient l’apéritif et leur réclamaient des cigarettes. Gêné et écœuré, j’arrivais tout de même à blaguer : « Mais regardez, ils n’ont pas fini l’apéro. Après, ils nous rejoindront. » J’arrivais le cœur riche, prêt à offrir aux Français toute ma personne, et ils m’ont dégoûté par leurs attitudes.

L’absurdité administrative

Le général Koenig ayant été nommé [en 1945, NDLR] commandant des forces françaises en Allemagne à Baden-Baden, nous devions donc faire nos valises. Le jour du départ, viennent sonner à ma porte deux gendarmes. J’ouvre, ils sont un peu surpris de me voir en uniforme avec mes médailles et rectifient la position. Je les mets au repos et leur demande ce qu’ils veulent. Ils me répondent : « Nous venons arrêter Hubert Germain.

– Ah ! qu’est-ce qu’il a fait ?

– Eh bien, en 1940, il n’a pas répondu à l’appel de sa classe et a déserté.

– Ah oui, ça, ce n’est pas bien ! Alors je vais vous dire : Hubert Germain, c’est moi. Mais que voulez-vous, je n’avais pas le don d’ubiquité. Entre de Gaulle et Pétain, j’ai choisi de Gaulle. »

C’est beau, quand on y pense, l’administration française ! Vous vous êtes crevé la paillasse pendant six ans, vous êtes chevalier de la Légion d’honneur à 21 ans, compagnon de la Libération à 23 ans et elle vous retrouve parce que vous n’avez pas répondu à l’appel en 1940. Ce n’est pas croyable !


Traduction

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