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Légionnaire toujours...

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1928

Le Journal. 01/12/1928

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Un monument commémorera è Sidi-Bel-Abbès le centenaire de la Légion étrangère.

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Le Journal. 01/12/1928



Le Petit Parisien. 14/02/1928

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LES MÉMOIRES D'UN DÉSERTEUR AMERICAIN DE LA LÉGION ÉTRANGERE

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Le Petit Parisien. 14/02/1928

 

Doty raconte son évasion manquée, sa comparution devant le conseil de guerre, sa condamnation, sa grâce, puis sa libération complète, qui contrariait son vif désir de reprendre du service dans la légion.

 

 

III

 

 

Après maints combats victorieux, au cours desquels Doty reçoit la croix de guerre, les légionnaires ont participé à la délivrance de Soueida, et, contrairement à ce qu'ils espéraient, on les emploie à la reconstruction de la citadelle. Ce sont, déclare avec dédain le légionnaire, des « travaux de civils » qu'on ne devrait pas infliger à des gens qui s'enrôlent pour se battre. Et c'est ainsi qu'il explique le « cafard » qui s'empare de lui.

A Bzra, il a fait connaissance. quelques mois plus tôt, avec trois autres légionnaires l'Anglais Harvey et les deux Allemands Lass et Wesser. Lorsqu'ils apprennent qu'on va les occuper quelques mois encore à Soueida, ils n'y tiennent plus. Dans les conversations qu'il a avec ses trois camarades, nous dit Doty, il n'est guère question que de la « promenade », ce qui, en argot de légionnaire, signifie la désertion.

Nous avions réussi, conte-t-il, à nous procurer une carte que nous étudions avec passion et qui nous révéla que la frontière britannique était à peine à une quarantaine de kilomètres à vol d'oiseau. Cette découverte triompha de nos hésitations. L'évasion fut vite décidée.

Nous mîmes en commun nos ressources pour acheter des vivres de conserve, des cigarettes et autres petits objets.

C'est le 12 mai 1926 que nous entreprîmes la « promenade ». Après la sieste de midi, nous fîmes semblant d'aller laver nos vêtements et, au crépuscule, Harvey et moi, entraînant les deux Allemands qui paraissaient Indécis, nous descendîmes la colline.

La première et la deuxième nuits se passent sans accident, mais le lendemain, les quatre déserteurs Harvey ayant pris avec lui son mousqueton ont à lutter contre les Bédouins. Ils réussissent à s'échapper après en avoir tué deux et arrivent à El Umtalyo, où, un instant captifs du caïd, ils parviennent encore à triompher de leurs adversaires et à prendre le large, mais c'est pour tomber sur une patrouille de gendarmes syriens embusqués derrière des murailles. La lutte serait trop inégale. Harvey jette son ferme/ Le dernier chapitre dé la fuite est révolu.

Les gendarmes nous traitèrent fort bien, écrit-il. Ils nous conduisirent à leur poste, nous donnèrent ù manger, nous offrirent des cigarettes et nous permirent de dormir dans un endroit confortable.

Le jour suivant, sous la garde d'un caporal et d'un gendarme, nous fûmes conduits à Doora, où se trouve un camp d'aviation gardé par des troupes indigènes.

Le capitaine français qui commandait le camp nous accueillit sévèrement et nous fit mettre en cellule.

Après onze jours à Doora, en route pour Damas.

Nos déserteurs vont faire connaissance avec la prison de la citadelle, qui n'est évidemment pas un palace, et où on ne sert pas des mets de choix. Encore Doty, qui a conservé quelque argent, a-t-il la faculté de se faire préparer du chocolat par le cuisinier.

Si, au surplus, la vie à la prison est dure. et si la présence de puces l'aggrave, tous les hôtes subissent le même sort, qu'ils soient légionnaires ou non et, dans son récit, Doty ne témoigne pas qu'il y ait eu dans la façon dont ils furent traités quoi que ce soit d'inhumain ou de personnellement vexatoire.

Une semaine après mon arrivée dans la citadelle, poursuit^ le reçus la visite du consul américain, M. Keely. Il venait me voir parce qu'un correspondant de journal que j'avais rencontré à Soueida l'avait informé que j'avais été condamné par une cour martiale et que j'allais être fusillé.

Je tiens à déclarer tout de suite que jamais nous n'eûmes pareille crainte.

Personne ne me croirait, et é bon droit, si je disais que les Français fusillent les déserteurs de la légion ou tous autres déserteurs, à moins qu'il ne s'agisse d'une désertion sur le champ de bataille.

Ce n'était pas le cas. Nous savions parfaitement que nous serions punis si nous étions pris, mais nous ne redoutions guère plus de deux ans de prison.

Le procès des quatre légionnaires s'ouvrit devant le conseil de guerre de Damas le 16 juillet 1926.

Le colonel président interroge Doty.

Je répondis que j'aimais la légion en tant qu'unité militaire, mais que, sinon la transformait en corps d'ouvriers manuels, elle m'inspirait de l'antipathie. J'ajoutais que, à mon avis, le gouvernement n'avait pas agi équitablement en nous promettant un poste de repos après une campagne aussi dure et en ne tenant, pas sa promesse.

Mon défenseur, un lieutenant d'artillerie, cita comme témoin un sergent turc, Rechad bey, mon ancien chef de section. Celui-ci déclara que j'avais été un excellent soldat, que mes officiers me tenaient en grande estime et que je n'avais jamais manqué à mon devoir. Il produisit mes états de service sur le champ de bataille et mon défenseur lut une appréciation du lieutenant Venion corroborant le témoignage du sergent.

Doty espérait à ce moment-là s'en tirer avec un an de prison. A sa grande surprise il fut. condamné à huit ans, ainsi qu'Harvey, tandis que les deux Allemands s'en tiraient avec cinq ans.

Nous étions ahuris, dit-il, par cette inégalité de traitement. Mais nous avions cependant une consolation on ne nous avait pas inculpés pour la mort des Bédouins. Le colonel déclara qu'ils s'étaient mis dans leur tort en attaquant des soldats français en uniforme.

A notre retour à la prison, nos codétenus nous entourèrent vivement. La plupart avaient commis la même faute que nous et Ils furent atterrés par la sévérité du verdict. C'était la peine la plus forte qui eût été infligée par le conseil de guerre pour une désertion dans les conditions de la nôtre.

De Damas, les condamnés sont transférés à Beyrouth où ils trouvent là une prison propre, avec une bonne nourriture et de bons gendarmes ». Après Beyrouth, c'est Marseille, puis Albertville, et enfin Clairvaux mais à vrai dire la légion n'est plus en cause ici et les impressions de Doty sur sa captivité ressemblent à celles de la plupart des détenus purgeant une peine.

C'est le 23 septembre dernier que Doty reçut, à la prison de Clairvaux, la nouvelle qu'il était gracié et qu'il retournait à la légion. Cette perspective l'enchante, et la façon dont il narre ses impressions est une nouvelle preuve que s'il a trouvé la vie dure à la légion, il n'est pas de ceux qui nient la justice des chefs.

Quand j'arrivai au quartier général de la légion, à Sidi-Bel-Abbès, la première personne que je rencontrai, ce fut mon vieil ami, Rechad bey, mon témoin à décharge au conseil de guerre. Je retrouvai aussi le sergent Etienne de mon ancienne compagnie, d'autres encore qui avaient été en Syrie avec moi.

A ce moment, on envoyait des renforts au Maroc. Je brûlais du désir d'y aller et de réaffirmer Gilbert Clare comme un combattant de premier ordre.

Après avoir attendu vainement pendant plusieurs jours, je crus un instant que mon espoir allait se réaliser. On m'administra les vaccins réglementaires et je me préparai pour la revue, à 9 heures du matin, lorsqu'on m'invita à me présenter au bureau du colonel, où je fus informé qu'un télégramme du ministère de la Guerre ordonnait ma libération immédiate. Je fus aussi surpris de cette décision que de celle qui m'avait été communiquée à la prison de Clairvaux.

Je m'attendais Il terminer mon engagement à la légton et je l'eusse fait avec joie.

C'est à ce moment que le colonel Rollet fit à Doty la recommandation de dire la vérité. Il en fit la promesse.

Doty affirme en terminant qu'il a tenu parole.

La légion étrangère, écrit-il, est une unité de combat soumise à une discipline de fer. Je le savais en m'enrôlant et j'ai connu le régime que j'avais prévu. Notez, d'ailleurs, que lorsqu'un étranger s'engage à la légion il ne prête pas serment d'allégeance à la France et on ne lui demande pas d'abdiquer sa nationalité. On s'explique, dans ces conditions, le contrôle rigide que les officiers doivent exercer sur les hommes.

Doty n'est pas passé en vain par la légion. Il a saisi l'esprit de sa discipline et ce n'est pas sans quelque fierté qu'il observe dans son dernier mot que Gilbert Mare a vécu d'une intensité de vie qui ne se peut dépasser.

Jean Massip.


Le Petit Parisien. 12/02/1928

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Le Petit Parisien. 12/02/1928

 

Doty raconte sa période d'instruction sa désignation pour le service actif, sa campagne en Syrie et, en passant, il fait le plus vif éloge de ses chefs

 

 

II

 

 

Doty et ses camarades viennent de se préparer à la revue du colonel Rollet, commandant du premier régiment étranger. Bien que ce soit en juin, ils portent leurs capotes, pans relevés, la ceinture bleue autour des reins, le bidon à droite et ta musette à gauche. Le sergent passe une première inspection, très sévère, puis il range ses hommes sur une seule ligne, devant le corps principal de la caserne.

Un cri de « Garde à vous ! » et voici le colonel Rollet.

C'est, dit Doty, un homme petit, droit, carré, avec uue barbe en pointe et des moustaches grisonnantes, violemment retroussées. Sa mise est simple on dirait, à première vue, qu'il porte l'uniforme de simple soldat, mais lorsque vous voyez de près son visage, vous comprenez tout de suite pourquoi il commande une des plus admirables machines de guerre du monde. Cela se lit dans ses yeux, deux terribles yeux bleus dont personne ne peut soutenir le regard. Il entra à la légion comme sous-lieutenant, il y a vingt-huit ans, et il ne l'a jamais quittée. Et que de services et de hauts faits à son crédit. Pendant la guerre, il se battit comme un lion à la tête d'un bataillon d'infanterie. Couvert de blessures et de cicatrices, comme aussi de décorations, il est commandeur de la Légion d'honneur et porte invariablement la double fourragère de sa bien aimée légion. Tel est le colonel Rollet.

Il m'a certainement maudit, mais je lui garde ma plus vive admiration. S’il avait servi sous Napoléon, je suis sûr qu'à cette heure il serait maréchal de France.

Dès qu'il parut, chacun fit encore un effort pour rectifier sa position. Il s'arrêta devant chaque homme, s informant de sa nationalité et de son nom. De ses yeux perçants, on eût dit qu'il sondait les cœurs. Quand il rencontrait devant lui un regard droit assuré, il se bornait à dire Bien et passait. Arrivé au bout de la file, il nous annonça que nous partions le jour même pour Saïda, rejoindre la compagnie d'instruction n° 3.

Le récit de ce voyage, de ses péripéties, de l'installation au centre d'instruction et des exercices d'entraînement auxquels les légionnaires sont soumis fournit à Doty l’occasion de souligner tout à la fois la sévérité et l'équité de la discipline.

La moindre faute, écrit-il, est punie avec rigueur. Un fusil mal astiqué vaut huit jours de prison, et on n'accepte pas d'excuse. Il est vrai, d'ailleurs, qu'on a tout le temps nécessaire pour nettoyer son fusil et que ceux qui y manquent sont coupables. De la poussière sous les lits ou sur les étagères, des gamelles malpropres ou des vêtements sales dans le paquetage suffisent à vous faire infliger huit jours de « pelote ». Ce genre de punition, qui consiste à marcher en rond, en file régulière, dans la cour de la caserne, pendant neuf heures consécutives avec une halte de dix minutes au terme de chaque heure, un sac de sable de 30 kilos attaché aux épaules, a pour but de calmer les têtes brûlées et il me faut convenir, pour l'avoir éprouvé, qu'il est très efficace.

Mais je dois à la vérité de déclarer que je n'ai jamais vu ni entendu dire que des hommes avaient été battus ou chasses dans le désert, ainsi qu'on le voit dans un film récent de cinéma.

La période d'instruction est terminée. A sa grande joie, Doty est désigné pour passer en service actif'. Il ignore si c'est pour le Maroc ou pour la Syrie. Le voilà de nouveau à Sidi-Bel-Abbès, à la « compagnie de passage ». Echange complet de tout l'équipement et constitution de la fameuse compagnie de marche du 1er étranger, qui reçut enfin l'ordre de se rendre à Bizerte, en route pour la Syrie.

Cette compagnie, dit-il, comprenait une vingtaine de bleus dans un effectif de cent vingt hommes, qui détenaient la record de l'inconduite ivrognerie, insubordination, sorties sans permission, etc., mais qui jamais n'avaient tremblé devant le péril. Des gens rudes et dissolus, mais capables de se battre comme des démons et qui, au surplus, devaient se montrer dignes d'un régiment pourtant célèbre par ses magnifiques exploits.

A la tête de la compagnie, un jeune officier, le lieutenant Vernon, que Doty dépeint en ces termes : Vernon était le plus franc, le plus brave et le plus populaire des officiers que j'aie connus à la légion. Bien qu'il fût jeune, mon lieutenant a avait servi pendant la Grande Guerre et il portait la croix de guerre, ainsi que le ruban de la Légion d'honneur. Il devait mourir glorieusement à Soueida, et il n'y avait pas un homme dans la compagnie qui n'eût affronté joyeusement l'enfer si, ce faisant, il avait pu lui conserver la vie.

Doty relate ensuite les péripéties de son voyage à Bizerte, son séjour d'une semaine dans le port tunisien, l'arrivée à Beyrouth. Il est enfin en route pour le front de Syrie. Nous laisserons de côté ses descriptions du paysage syrien, comme aussi le récit de la lutte contre les Druses, où le rôle des légionnaires se confond avec celui des autres troupes. Les souvenirs de l'Américain s'accordent d'ailleurs généralement avec ce qui a été déjà publié sur la campagne, et sa relation du combat de Mousseifre, très vivante, met seulement en lumière le mordant dont fit preuve la compagnie des « mauvaises têtes » sous le commandement de l'héroïque lieutenant Vernon.

Nous dormions par un beau clair de lune devant Mousseifre. Vers 3 h. 30 du matin, une sentinelle perçut le roulement sourd d'un galop de chevaux sur les pentes rocheuses de la colline qui se dressait devant nous.

« Aux armes »  En une minute nous étions debout. Du sommet de la colline qu'ils avaient atteint, les Druses dévalaient en coulée de lave. Ils étaient bien cinq mille, poussant leur cri de guerre, qui se mêlait au grognement des chameaux. La bataille fut âpre de part et d'autre, meurtrière aussi, mais c'est à nous que devait, en fin de compte, revenir la victoire.

Au plus fort de l'action, alors que les canonniers avaient été tués à leurs postes et que la cavalerie ennemie menaçait de rompre nos lignes, le lieutenant Vernon, aidé de deux volontaires, se mit lui-même à une pièce. Aucun des deux hommes n'avait jamais manié un canon. Ils réussirent cependant à le faire fonctionner et à briser l'attaque. Les Druses se retirèrent avec de lourdes pertes.

Le dernier chapitre du récit de Doty, que nous publierons prochainement, concerne la dramatique odyssée de la tentative de désertion, la capture, le procès, la condamnation, l'envoi en France, la grâce, le retour à la légion et la libération définitive.

(A suivre.)

Jean MASSIP.


Le Petit Parisien. 06/02/1928.

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Le Petit Parisien. 06/02/1928

 

L'Américain Doty a gardé du corps où il a servi une forte et plutôt favorable impression, nettement opposée à celle que reflètent les récits de son compagnon d'évasion, l'Anglais Harvey

 

Londres, 5 février (d. Pet. Parisien.')

Depuis qu'ils ont été graciés par le gouvernement français, les déserteurs de la légion Harvey et Doty, le premier Anglais, le second Américain, ont été promus au rang des vedettes dans quelques journaux d'Europe et d'outre-Atlantique.

Harvey, qu'un tribunal de Londres vient de condamner à trois mois de prison pour avoir abandonné sa femme et ses enfants, tombés sans ressources à la charge de l'Assistance publique, s'est prêté ici, dans la presse et sur l'écran, à une vilaine campagne de propagande contre la légion.

Son ex-camarade américain, Bennett Doty, me semble d'une autre classe. Il a, lui aussi, certes, failli à sa parole librement donnée, et de cette faute contre l'honneur, son nom demeure marqué. Mais on lui doit de reconnaître, en toute justice, que le récit qu'il a fait de son passage à la légion, et qui s'étend sur vingt articles, témoigne d'un effort d'impartialité qu'on chercherait en vain dans celui d'Harvey.

Ce récit, dont la N. A. N. A. s'est assuré le copyright, est en quelque sorte dominé par le conseil que le colonel Rollet, commandant du 1er régiment étranger, donna à Doty au moment de son départ, le 1er décembre dernier.

Je sais que vous allez écrire au sujet de la légion, me dit-il. Fort bien

Ecrivez. Mais dites la vérité. Nous sommes durs ici, nous le sommes terriblement. Il le faut. Mais nous essayons d'être justes. N'oubliez jamais cela. Appliquez-vous à être impartial. Bon voyage et bonne chance

Les paroles du colonel étaient vraies. La vie A la légion, je l'ai trouvée très dure, mais on s'y montre juste.

Doty a vingt-sept. ans. Il est né au milieu des plantations d'Alabama.

Quand l'Amérique entra en guerre, il s'enrôla dans le premier régiment d'infanterie de l'Etat de Tenessee, lequel devint plus tard le 115e d'artillerie de campagne, 30e division.

C'est en juin qu'il s'engagea dans la légion. Pourquoi ? Il avoue qu'il a surtout cédé à son goût de l’aventure.

Le voici à Bordeaux, où il débarque le l1 juin. L'officier qui dirige le bureau le reçoit courtoisement et lui demande son nom et sa nationalité.

Je répondis que j'étais Américain et que je m’appelais Gilbert Clare. J'avais appris que les Clare, originaires de Normandie, étaient allés s'établir en Irlande au temps de Guillaume le Conquérant et que leur famille avait compté de hardis soldats. C'est probablement ce détail qui, charmant ma fantaisie, me fit adopter ce pseudonyme.

Le lendemain, visite médicale. Acceptation. Doty est légionnaire et quitte Bordeaux pour Port-Vendres, où il s'embarque quelques jours plus tard avec deux autres recrues, deux Espagnols, à bord du Mustapha-II, pour Oran. Au débarquement, un jeune caporal légionnaire, un Russe, qui à une extrême propreté joignait un grand air de commandement, les conduit au petit dépôt de la légion, où ils sont reçus par « un petit sergent français aux moustaches férocement retroussées ».

Mais Oran n'est qu'un lieu de passage. Le quartier général est à Sidi-bel-Abbès. En compagnie d'une soixantaine de recrues. Doty arrive quelques jours plus tard. Installation dans la chambrée des «bleus», façon de faire le lit, confection du paquetage, soins de propreté individuelle, tout cela est conté avec bonne humeur. Mais voici la visite médicale à l'arrivée.

C'est un examen très sévère. Nous ne portions que nos habits de dessous et nous étions un peu nerveux. Si l'un de nous élevait la voix, un caporal nous rappelait à l'ordre et nous menaçait de la botte Nous apprîmes ainsi qu'un « cabo » est un personnage à redouter.

Dès que j'entendis le nom de Gilbert Clare, je me précipitai en avant. Le médecin m'examina de la façon la plus minutieuse. J'étais en proie aux plus vives appréhensions.

Vous êtes Américain

Oui, mon capitaine.

J'ai servi dans un secteur occupé par les Américains, pendant la guerre, et je connais plusieurs officiers de votre jeune et splendide armée. Vous êtes en excellente condition. Efforcez-vous de vous y maintenir. Méfiez vous du pinard.. Bonne chance !

Si dans le « cabo » Doty vit un être redoutable, le sergent lui apparut comme la cheville ouvrière du régiment.

A la légion, écrit-il, les sergents ont une autorité et un prestige qu'ils ne connaissent pas ailleurs. Mais cette puissance, ils la méritent par leurs services.

C'est sur eux que retombe toute la responsabilité de l'instruction et de l'ordre et ils s'en acquittent avec un zèle digne de tous éloges et une grande fierté.

Voici le texte de l'allocution que fit, aux jeunes recrues du groupe Doty, le sergent commis à leur instruction

Votre carrière à la légion commence aujourd'hui. Avant d'être admis au service actif, vous devrez subir une instruction de quatre mois. Peut-être faudra-t-il la prolonger. Cela dépendra de vos progrès. Vous allez connaitre une dure période. Les rudesses de langage des instructeurs vous blesseront il faudra les supporter. Quand vous sentirez le sang vous monter au visage, rappelez vous ceci moi, votre chef instructeur, les caporaux, les sergents, les adjudants, les adjudants chefs, nous avons tous passé par là. Vous aurez votre part de gloire et votre part d'épreuves. De notre devise « Valeur et Discipline », je vous engage à vous bien pénétrer. Rompez !

Après ce discours les nouveaux légionnaires reçurent chacun un uniforme complet, absolument neuf, et furent passés en revue par le colonel Rollet que Dotv appelle le « great old man » de ta légion et dont il trace un portrait empreint d’une profonde admiration.

(A suivre)

Jean Massip


Traduction

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