A la Légion, on l'appelait « Charly ».
Christian Stemler a fait le Tchad en 1984, et c'est là, selon un de ses anciens camarades de chambrée, qu'il a commencé à picoler : « A cause du stress sans doute. Là-bas, on était confronté à l'ennemi tous les jours et lui, il était trop gentil pour la Légion. »
L'alcool est entré très tôt dans la vie du caporal-chef Stemler : issu d'une famille lorraine de 9 enfants, il a vécu entre un père, charbonnier, aussi sévère que porté sur la boisson et une mère lourdement handicapée. Pas longtemps, car le couple s'est séparé.
C'est une histoire de vie qui s'est achevée, misérable, comme elle avait commencé. Dans le drame : Stemler a eu une fin violente le 26 septembre 2006, à Calvi. Il a reçu une balle en plein coeur, tirée par Stéphane Acquaviva, 36 ans, qui « regrette son geste », assure « qu'il ne voulait pas », et réclame « le pardon ».
« Un bon soldat »
Personne n'est venu réclamer le corps de la victime qui devait être mis en terre dans le carré des indigents, à Calvi, mais la Légion étrangère l'a inhumé parmi les siens. Il n'y avait pas non plus de « famille éplorée » dans la salle d'audience de la cour d'assises, c'est pourquoi l'avocat de la partie civile, Me Sébastien Sébastiani qui représentait un des frères Stemler, a dû revêtir quelques instants la robe de la...défense.
Pour démontrer que Christian Stemler avait été aussi « un bon soldat, respectueux des ordres » et pas toujours cet homme « buveur, voleur, et violent ».
Pour l'accusation aussi, le portrait que l'on veut dresser de Stemler « dépasse sûrement la réalité ».
Mais l'accusé n'est pas un voyou : « C'est un citoyen ordinaire que l'on juge, non violent, respectueux des lois », convient l'avocat général, Benoît Couzinet, qui va requérir 10 ans de réclusion contre de Stéphane Acquaviva, poursuivi pour « meurtre ».
« Un tir de semonce »
S'appuyant sur le rapport balistique selon lequel « un tir, avec une arme de chasse de ce type, ne peut être que la conséquence d'une action exercée sur la détente », il affirme que le premier coup de feu étant « un avertissement, un tir de semonce », le second est bien « l'exécution de la menace ». Et à cet égard, il renvoie aux premières déclarations « sans ambiguïté » de Stéphane Acquaviva lors de sa garde à vue, lequel « ne parlait pas alors de bousculade, ni de bagarre.
Il s'est emporté parce que Stemler s'est effectivement montré menaçant, mais il savait son arme chargée, ajoute-t-il, demandant une peine dissuasive, afin de mettre un terme à ce type de comportement : « il est trop courant que les citoyens ordinaires fassent usage de leurs armes ».
La Défense va s'inscrire en faux : l'accusé n'a jamais varié dans ses dépositions, « même le gendarme en charge de l'enquête considérait qu'il n'y avait pas eu intention de donner la mort », rappelle Me Joëlle Acquaviva pour qui Stemler était « un homme sans foi, ni loi », dont la vie était « vide de sens, d'affect, vide d'attaches, et qui a voulu arracher un fils à sa mère au nom de son seul confort ».
« Requalifier les faits »
Elle demande, comme Me Jacques Raffalli, qui va s'employer à démonter les conclusions de la balistique, la requalification des faits en « coups mortels ». « S'il avait eu l'intention de tuer, nul besoin de sommation, explique l'avocat, selon lequel le second tir ne peut être un acte conscient.
« Une telle volonté c'est la faculté de déterminer librement ses actes, il doit y avoir volonté de résultat et atteinte du résultat. Et s'il y a doute, il doit bénéficier à l'accusé » ajoute Me Raffalli qui s'en tient au scénario d'une dispute : « il y a eu mouvement, crispation, le coup est parti ».
La cour, présidée par Marie-Laure Piazza, a rendu son verdict après un peu moins de deux heures de délibérations. Elle a suivi la Défense et requalifié les faits.
Cependant, allant au-delà des réquisitions, la cour a condamné Stéphane Acquaviva à 12 ans de réclusion criminelle.