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Un Lieutenant de la Légion

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Le Progrès de Bel-Abbès 14/07/1895

 

Dans l'armée française, la Légion Étrangère a joui dé tout temps d'une réputation de bravoure incontestable.

Recrutée un peu partout, véritable ramassis de toutes les Dations, on y parle toutes les langues et aucun idiome n'y est inconnu.

N'allez pas demander à ces soldats une parfaite régularité de mœurs, voire une conduite incomparable à celle de nos petits lignards. Mais si, en dehors du service, leurs officiers ferment volontiers les yeux sur leurs écarts, par contre, ils se montrent impitoyables pour l'observation de la discipline. Sans une main de fer, impossible de maintenir de pareils hommes.

Employée dans nos colonies, la Légion Étrangère est de toutes les escarmouches et de tous les combats. On retrouve ces bataillons au Tonkin, dans le Sud oranais, au Cambodge et dans lé golfe du Bénin ; partout, en un mot, où il y a des coups de-fusil à échanger.

En Algérie, où elle a rendu d'immenses services, ses exploits sont demeurés légendaires, et, à l'appui de notre assertion, il suffira de raconter cette épisode de l'expédition de la Grande-Kabylie, en juin 1857,

Après la guerre de Crimée, nous croyant épuisés et jugeant le moment venu de jeter les Roumis à la mer, pour la seconde fois, les marabouts prêchèrent la guerre
sainte. A leur parole enflammée, comme une traînée de poudre, les feux s'allumèrent sur les hautes cimes du Djurdjurah I

Pour écraser l'insurrection d'un seul coup, le gouverneur général de l'Algérie prit ses dispositions en conséquence. Le corps expéditionnaire commandé par le maréchal Randon lui-même, comprenait trois divisions et deux colonnes d'observation, soit près de 35.000 hommes.

La seconde division, sous les ordres du général de Mac-Mahon, avait été renforcée sur sa demande d'un.bataillon de la Légion Étrangère. Connaissant de longue date la bravoure de cette troupe, l'ayant surtout vue à l’œuvre trois années auparavant dans le massif montagneux qui sépare Dellys de Bougie, il savait quelle part on pouvait en tirer.

Mais, dans cette guerre atroce et sauvage, pleine de surprises et d'embûches, l'unité d'actions s'imposait pour la réussite et le salut commun ; aussi, une implacable discipline fut-elle exigée de la part de ces turbulents enfants perdus. Entre autres injonctions : défense, sous peine de mort, de se porter en avant et de prendre contact avec l'ennemi, sans l'ordre formel du commandant en chef.

Au moment de la concentration de l'armée, à trois kilomètres environ de Tizi-Ouzou, au sommet d'une colline boisée, en avant d'un pittoresque village aux toits de briques rouges, l'ennemi avait construit une redoute et, de là, surveillait tous les mouvements.des nôtres.

Tout en face, un peu en contrebas, une section de compagnie du bataillon de la Légion Étrangère avait établi son campement. Hors: de la portée des.balles, elle n'en recevait pas moins chaque jour quelques coups de fusil de la part de ses dangereux voisins. Mais fidèles à la consigne, avec néanmoins la rage ,dans le cœur, les légionnaires ne ripostaient pas.

Enhardis par cette inaction pour eux inexplicable, cédant d'ailleurs à leur humeur batailleuse, un beau matin une vingtaine de Kabyles, sortant de leurs retranchements, se déployèrent en tirailleurs aux flancs de la colline et poussèrent l'audace jusqu'à venir narguer nos soldats aux approches du camp.

Mordillant sa moustache, les veines du cou gonflées, l’œil injecté de sang, du seuil de sa tente, le lieutenant Ziegler ne les perdait pas de vue."Leurs provocations et leurs cris l'horripilaient mais il avait su jusqu'alors se contenir quand une balle égarée vint frapper près de lui un de ses hommes. Oh ! simple contusion à cette distance ; cependant elle suffit à combler la mesure...

Ses dispositions furent vite arrêtées.
Laissant la moitié de ses soldats à la garde du camp, prenant là tête de l'autre petite colonne, il donna le signal de l'attaque et s'élança résolument en avant.

S'aidant des plis du terrain raviné, mettant à profit ses crevasses,, s'abritant derrière les roches et les troncs noueux des oliviers, sous un feu plongeant, en un instant les nôtres eurent couronné la hauteur. La porte du retranchement, enfoncée à coup de hache, comme un torrent les légionnaires se ruèrent dans le village, à l'assaut de chaque maison, semant partout la mort sur leur passage. Ah ! ce fut une mêlée et, certes, héroïque des deux côtés.

Lorsque sur le bloçkaus les trois: couleurs françaises flottèrent au vent et que le clairon sonna la victoire, assis en rond, avec l'impassibilité caractéristique de leur race, une trentaine de Kabyles désarmés attendaient qu'il fût statué sur leur sort.

C'est alors qu'à l'entrée nu village, au moment où l'on s'y attendait le moins, apparut Mac-Mahon.

En tournée d'instruction aux avant postes, il avait entendu les premiers coups de feu. Comme plus tard à Magenta où il devait courir au canon, il braqua sa lorgnette dans la direction du bruit et, non sans surprise, contrairement aux ordres formels, il avait aperçu les légionnaires bondir sur le mamelon et s'élancer comme des lions à la poursuite des burnous blancs.

Bon juge en matière de bravoure, il avait franchement admiré la furie de l'attaque, le sang-froid du lieutenant, droit et insouciant sous une grêle de balles, et le bouillant courage de chacun de ses hommes.

Puis, quand les derniers coups de fusil eurent cessé de résonner, lançant son cheval au galop et suivi de son état-major, le général gagna le village.

A. la vue du divisionnaire, pareil à un éclair, le sentiment de sa coupable infraction à la discipline traversa l'esprit du lieutenant Ziegler : néanmoins, très pâle, comme aussi sans faiblesse ni défaillance, il attendit au port d'armes l'arrivée de son chef.

— Votre épée, lieutenant, dit Mac-Mahon quand il fut à la portée de la voix.
— La voici, mon général.
— Malheureux ! quel exemple venez- ' vous de donner au reste de l'armée!...
— Un officier de votre valeur, Ziegler !
— Je n'ai su me maîtriser, mon général.
— Mauvaise excuse, car votre imprudence pouvait compromettre la division...

Du reste, vous relevez maintenant du conseil de guerre et ne m'appartenez plus.

Se tournant vers les soldats qui, consternés, gardaient le silence :
— Quant à vous, mes braves, qui avez obéi au commandement de votre chef, sans avoir à-le discuter, recevez toutes mes félicitations... "Votre général est fier de vous et son cœur de Français a tressailli de joie en voyant l'entrain avec lequel vous avez délogé ces Kabyles; Ce brillant fait d'armes tout à votre honneur, est d'un heureux augure pour le reste de la campagne. Lorsqu'elle sera finie, je me souviendrai de votre compagnie.

Traduit devant le conseil de guerre, le lieutenant Ziegler fut condamné à mort ; mais ses juges, à l'unanimité, le recommandèrent à la clémence du maréchal Randon. Huit jours se passent dans une cruelle incertitude quand, le matin du neuvième, le prisonnier est mandé devant le commandant en chef.

Escorté de ses deux divisionnaires, les généraux Mac-Mahon et Renault, le maréchal Raudon reçoit le condamné au seuil de sa tente.


— Reconnaissez vous, lieutenant, la justice de la sentence prononcée contre vous par le Conseil de guerre 1
— Parfaitement, monsieur le maréchal, répondit-il d'une voix ferme.
— Sans la discipline, lieutenant, pas d'armée.
— Rien de plus vrai, monsieur le maréchal.

Emporté par la fougue de mon tempérament, j'ai enfreint la consigne, et je vous en demande pardon ainsi qu'aux camarades. Pour racheter ma faute et servir d'exemple aux autres, je vous le jure, je saurai mourir en brave.

Il y eut un moment de pénible silence.

A son tour, le général de Mac-Mahon prenant la parole :
— A ma recommandation et à celle de vos juges, monsieur le maréchal a bien voulu vous accorder la grâce de la vie, lieutenant. Mais, dès aujourd'hui, vous rentrez dans le rang et vous servirez désormais comme simple soldat.

Très ému, une larme perlant au bord de sa paupière, incapable d'articuler un mot, le lieutenant Ziegler se contenta de saluer militairement.

Rien ne vous empêche, Ziegler, de reconquérir vos premiers galons au cours, de cette campagne, dit en souriant le maréchal Randon.. J'aurai du reste l’œil sur vous.

— J'espère me montrer digne de votre haute bienveillance, monsieur le maréchal,

ce sera pour moi le meilleur moyen de vous remercier.

Quatre ans plus tard, lé lieutenant dégradé comptait à son actif plusieurs actions d'éclat, trois citations à l'ordre du jour de l'armée et recevait son brevet de capitaine.


Henri DATIN (Akhbar)


Traduction

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