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A MADAGASCAR - TAMATAVE - LES COMBATS DE TSARASOTRA

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Le Monde illustré du 10/08/1895

Lorsque le fort de Tamatave tire le canon, Tamatave ne vit plus, le commerçant, le traitant, l'indigène, tout court, tout se remue ; les magasins ferment leur porte ; le commerce s'arrête. Tamatave se porte aux abords du fort pour admirer l'effet « des pruneaux », et l'on croirait vraiment ne pas assister à un tir de guerre, mais à un vrai tir d'honneur, comme il s'en donne en France, où les assistants, invités et curieux, font foule. Cela vous étonnera sans doute lecteur ? car enfin, tir de guerre, mort d'homme, etc., rassurez-vous, cette quiétude vient simplement de ce que nos pauvres ennemis ne peuvent comme reponse à ce tir de guerre, que nous faire voir la fumée de leurs bouches à feu? quant à leurs obus, pauvre d'eux ! c'est tout au plus si leur effet destructif se fait sentir à un kilomètre de nous sur un pauvre bambou isolé.

Le 26 juin au soir, donc, cette même foule curieuse et affamée de poudre! oh! combien! (voir la suite), cette foule, dis-je, était invitée à assister à un de ces spectacles; le tir était d'abord dirigé sur Samafy, puis sur Farafate, le Farafate de 1883, et chaque fois l'obus portait bien; décidément, le pointeur était en veine. Naturellement, chaque obus était anxieusement suivi jusqu'à complet effet ; mais, au 6e coup de canon, ah ! mes amis, quel spectacle ! un éclatement se produit à Farafate, aussitôt accompagné d'une immense explosion; un nuage épais s'élève au-dessus du fort ennemi ; des milliers d'explosions partielle se produisent dans ce nuage, les cartouches sans doute, la fumée s'étend, grossit à vue d'oeil, Farafate disparaît à nos yeux, une formidable explosion nous arrive: Aïe! Ah quelle secousse ! tout est ébranlé, les vitres tombent de toutes parts, le vieux fort de Tamatave est ébranlé sur ses bases, et nous en ressentons les secousses; ce n'est qu'un cri. Farafate vient de sauter ! L'on ne peut le croire, l'on regarde encore ce gros nuage terrible s'élevant au-dessus d'une masse de terre fumante; c'est pourtant vrai, oh alors ! quel tapage! que de cris ! Hourra ! Vive la France ! des milliers d'applaudissements. La foule devant le fort est dans le délire, les Malgaches ne savent comment exprimer leur joie ; l'on a devant soi une foule grouillante, se contorsionnant de mille façons et tapant des mains.

Au fort, le pointeur, est encore à sa pièce ; le brave garçon ne peut s'expliquer encore tout ce tumulte ; il se découvre ; le colonel Colonna ne peut que lui serrer la main, essayant en vain un compliment, ovations de toutes parts : le capitaine d'artillerie de marine Barrera est enlevé, les marsouins envahissent le port, chacun veut son canonnier, et l'on fraternise; au dehors la foule assiste toujours au tableau qui l'enivre ; le feu a suivi l'explosion et les flammes s'élèvent d'entre les arbres qui masquaient la batterie ; le gros nuage subsiste toujours; un vent d'ouest le pousse vers nous, semblant vouloir l'amener au-dessus de la pièce, comme pour la couronner !

Le lendemain matin, 27 juin, le tir recommence dans la même direction ; il s'agit de couvrir une reconnaissance qui est allée constater les dégâts du tir de la veille ; naturellement les Hovas sont heureux de nous prouver immédiatement que l'explosion de la grande poudrière ne les a pas dépourvus de munitions et pour ce, ils commencent à canonner sérieusement nos pauvres marsouins qu'ils aperçoivent à leur droite. Hélas ! mal leur en prit, nos canonniers sont à leur poste depuis le matin, et dame, la réponse n'a pas été longue! boum, boum! feu partout ! pauvres Hovas, pensais-je ! Mais quoi donc ? qu'est-ce, des cris, des clameurs, une détonation tout près de nous, je vois tout le monde courir, ah ! lecteurs, je n'ai jamais tant ri ! Les Hovas, dans un effort désespéré, ont réussi à faire tomber un obus à 50 mètres en avant du fort et tout près de cette foule
curieuse et affamée de poudre ! ah ! quel sauve-qui peut ! les Malgaches surtout n'ont point assez de leurs jambes pour courir ; en cinq minutes, tout est déblayé ; pan, un deuxième obus heureusement trop à droite ; puis un troisième. Inutile de vous dire que nous ne sommes pas inactifs et nos pièces tirent sans discontinuer ; nous réussissons à mettre un peu de plomb dans leur cervelle! (sic). car ils comprennent leur impuissance, ils se taisent; la reconnaissance rentre fort heureusement et nous cessons le tir.

A. D.


LES COMBATS DE TSARASOTRA

 

Pour commenter les très intéressants croquis de notre envoyé spécial, M. Louis Tinayre, sur les derniers et importants épisodes de l'expédition, nous empruntons à notre confrère de l'Autorité le récit très circonstancié de ces combats : 1er juillet 1895.

Tout Suberbieville est joyeux des nouvelles qui arrivent des avant-postes.

Le 28 au soir, la petite garnison du poste de Tsarasotra (prononcez Tsarasoutre) commandée par le commandant Lentonnet, des tirailleurs, avait reconnu la proximité de bandes hovas, une fusillade sans aucun intérêt avait même éclaté dans la nuit.

Le 29 au matin, deux ou trois turcos, qui s'étaient éloignés de leur campement un instant, revinrent avertir en toute hâte que l'ennemi s'avançait.

On vit, en effet, à environ 800 mètres, des Hovas au nombre de 12 à 1,500, et tout faisait supposer que ce n'était là qu'une fraction des forces ennemies.

Une compagnie et demie de tirailleurs, un peloton de chasseurs d'Afrique et une section d'artillerie, soit deux canons, formaient seuls la défense de Tsarasotra.

Selon la coutume, le commandant des troupes de Ranavalo, ayant fait faire un roulement de tambour, harangua ses hommes. Le kabar précédant l'attaque est de tradition forcée. Après quoi, l'ennemi s'élança avec une grande impétuosité vers nous. « Telle fut la rapidité de son attaque, a dit un témoin, qu'il parvint d'abord, jusqu'aux gamelles où se préparait le café du matin. »

Mais cette pointe audacieuse ne devait être suivie d'aucun succès, car immédiatement la vaillante petite garnison refoulait vigoureusement les agresseurs, et, à son tour, prenait l'offensive.

Rejetés, les Hovas, après un temps d'arrêt, engagèrent un nouveau combat dont l'issue fut là même, malgré l'énorme disproportion numérique.

C'est dès le début de la première action que tomba le lieutenant Augey-Dufresse, frappé d'une balle dans le côté.

Un caporal de tirailleurs nommé Sapin, fut tué raide d'une balle en pleine poitrine.

Les Hovas, selon leur coutume, ont enlevé leurs blessés ; mais, comme il arrive toujours, un certain nombre de ceux-ci meurent ensuite dans la brousse, ou dans des cases abandonnées par les Sakalaves.

Un officier me racontait qu'aux alentours de Behama il avait vu, le 30 juin, un homme encore vivant blotti entre deux cadavres en décomposition. Ces hommes étaient des débris des troupes hevas qui, le 9 juin, défendirent Mevatanana. Voilà donc une vingtaine de jours que le malheureux blessé survivait.

On a dû farcir la tête des Hovas des histoires les plus absurdes, auxquelles ils ont cru, et pourtant ceux que nous prenons sont traités avec humanité ; s'ils sont valides, on les fait travailler et on les nourritconvenablement. Si jamais le gouvernement hova fait courir le bruit d'actes de cruauté commis par nos troupes, ce sera un mensonge impudent.

Cependant, les troupes cantonnées en arrière de Tsarasoatra, à Behomana, étaient arrivées au bruit du canon pour donner à la garnison attaquée un concours décisif. Une section d'artillerie, notamment, s'était portée en avant et d'autant plus à propos que la section engagée dès le début de l'attaque avait épuisé ses munitions. Toutefois, vu les dispositions de l'ennemi, ce renfort ne suffisait pas à assurer ultérieurement le succès.

En mandant au général en chef le résultat du combat du 29, le général Metzinger demanda donc une compagnie de secours. Le général Duchesne estima qu'il fallait faire plus et il expédia de Suberbieville, le même jour, deux compagnies du 40e chasseurs à pied qui partirent à midi et qui firent lestement les 20 kilomètres qui séparent cette ville de Tsarasotra. Un renfort d'artillerie et un convoi d'artillerie se mirent également en route.

Aussi, le 30 au matin, le général Metzinger ordonnait-il l'attaque. Les Hovas couronnaient les crêtes qui sont désignées sur les dernières cartes parues sous le nom d'Ibérissa, et par d'autres, sous celui de Betsiroka. On pouvait estimer largement à trois ou quatre mille les contingents Hovas. Ceux-ci avaient avec eux deux pièces à tir rapide excellentes et bien approvisionnées.

L'ennemi tira le premier et couvrit de ses feux, heureusement fortt mal dirigés, nos troupes, qui s'avançaient sans répondre, suivant les ordres donnés, et ce fut vraiment un beau coup d’œil que celui de cette marche accomplie avec calme et précision. A deux cents mètres, nos chasseurs ouvrirent le feu, et ce fut avec une grande justesse. Les Hovas tombaient, mais évidemment nous avions affaire à de meilleures troupes qu'autrefois; elles ne lâchaient pas pied.

Alors, notre infanterie mit baïonnette au canon, les clairons sonnèrent la charge et l'on aborda l'ennemi avec un magnifique entrain. Culbutés, éperdus, les hommes en lambas blancs tombèrent dans un ravin où beaucoup restèrent. Les survivants s'enfuirent à travers la brousse avec l'incroyable agilité qui leur est habituelle.

Dans cette marche brillante, nos troupes avaient enlevé deux camps, le premier de 200, le second de 250 tentes, avec tout l'approvisionnement et le matériel du petit corps d'armée malgache auquel nous venions d'avoir affaire. Un drapeau était entre nos mains.

Environ 400 fusils furent ramassés à terre ou pris en faisceaux.

200 tués Hovas ont été trouvés sur le terrain.

Les 450 tentes que nous avons prises permettent d'évaluer le nombre des contingents ennemi, sur ce point, à 4000 hommes au moins.

Les Hovas n'attachent nullement à leur drapeau la même importance que les Européens.

Pour les Hovas, c'est un morceau d'étoffe. On l'a parce que l'on sait que les armées civilisées ont ces emblèmes.

Il parait cependant que celui qui fut pris à Héritsa avait été confié solennellement par la reine à Rainianzala, le nouveau général promu, et battu. Ce Rainianzala est une sorte de banquier malgache qui tenait le haut du pavé à Tananarive.

Les défaites successives de Ramashombaza et des chefs secondaires qui ont commandé l'armée du Boueni ont forcé la cour de l'Imérina à bombarder des nouveaux venus dans les mêmes fonctions, d'une manière un peu empirique.

A la suite des deux combats de Tsarasotra, l'ordre général suivant a été adressé aux troupes :

Le général commandant en chef cite à l'ordre du corps expéditionnaire, pour leur belle conduite dans les combats des 29 et 30 juin, autour de Tsarasotra :

Service d'état-major. - M. le capitaine Aubé, du service des renseignements, pour avoir sollicité le commandement de la principale contre-attaque, l'avoir dirigé avec la plus grande énergie et avoir réussi à conserver, jusqu'à l'arrivée des renforts, un point très important pour la défense ( combat du 29 juin. )

 

Régiment d'Algérie. - MM. le commandant Lentonnet, pour l'intelligente énergie avec laquelle il a défendu le poste confié à son commandement ( combat du 29 juin. )

Le lieutenant Grass, pour être arrivé des premiers sur la crête derrière laquelle se trouvait le second camp Hova, s'être jeté avec quelque hommes sur un groupe ennemi qu'un chef ramenait au combat et avoir  tué ce chef d'un coup de revolver (combat du 30 juin).

Le sous-lieutenant Kacy, pour avoir conduit une des contre-attaques et avoir fait subir à l'ennemi des pertes importantes en tués, blessés et prisonniers ( combat du 29 juin. )

Les sergents Chéreau, Moktar-ben-Daïf et Brochet; les caporaux Rodersdof et Mohamed-M'Ahmed, pour avoir, des premiers, escaladé une crête rocheuse défendue par un ennemi très supérieur en nombre, l'avoir chargé à la baïonnette et l'avoir coupé de son camp. Le caporal Camisard pour, étant blessé à l'attaque d'une crête défendue par un ennemi supérieur en nombre, avoir poussé son escouade en avant, sans se préoccuper de rester (combat du 30 juin).

40e bataillon de chasseurs. — M. le capitaine Delanney, pour avoir poussé la chaîne qu'il commandait jusqu'à deux cents mètres de l'ennemi, sans riposter, et, après quelques feux bien dirigés, l'avoir résolument chargé à la baïonnette (combat du 30 juin).

 

10e escadron de chasseurs d'Afrique. - MM. le lieutenant Corhumel, pour avoir défendu avec ses hommes à pied une des faces du camp et avoir, par son sang-froid, arrêté l'ennemi qui le prenait d'écharpe (combat du 29 juin).

Le maréchal des logis Millet, le brigadier Clavère, pour avoir très vigoureusement secondé leur officier de peloton qui défendait avec ses hommes à pied une des faces du camp (combat du 29 juin).

16e batterie.— M. le capitaine Chamblay, pour avoir après une longue marche de jour et de nuit, amené sa batterie au combat, en triomphant de tous les obstacles du terrain et avoir réussi à éteindre par son feu celui de l'ennemi (combat du 30 juin).

Le maréchal des logis Lesage, pour avoir montré une grande énergie dans la conduite de sa pièce et le réglage du feu, donnant à tous le meilleur exemple de sang-froid et de bravoure (combat du 30 juin).


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