AALEME

Légionnaire toujours...

  • Plein écran
  • Ecran large
  • Ecran étroit
  • Increase font size
  • Default font size
  • Decrease font size

1895

Courrier de Tlemcen du 02/08/1895

Envoyer

Madagascar

Envoyer

Le Courrier de Tlemcem du 2 août 1895.


Les nouvelles de la vaillante petite phalange que nous avons envoyée à Madagascar,nous arrivent, peu fréquemment.

Le général Duchesne doit avoir des raisons majeures pour nous laisser aussi longtemps dans l'incertitude, mais comme notre confiance en lui est complète nous ne songeons pas à nous en plaindre.,

Une dépêche en date du 18 Juillet nous donne des détails sur le combat de Mévatanana.

Disons d'abord que nous n'avons pas eu de blessés malgré le tir très régulier des Hovas ; ajoutons qu'ils se battent fort bien et que s'ils étaient aussi tenaces que courageux, nous aurions fort à faire pour arriver à Tananarive.

Les résultats brillants de la journée du 9 Juillet, nous les devons d'abord à l'effroi causé par nos obus à mélinite, puis au peu d'entêtement ou de fermeté de l'ennemi qui se bat merveilleusement mais se lasse très vite de se battre.

Nos troupes, pleines d'entrain, se sont disputé l'honneur d'arborer le drapeau sur les hauteurs du Rouve. Le bataillon de chasseurs à pied était désigné, paraît-il, mais l'élan des vieilles troupes de la légion étrangère a dépassé toutes prévisions, et lorsque le général Metzinger donna l'ordre de hisser nos couleurs, trois drapeaux ou fanions tricolores flottaient déjà; les légionnaires les avaient arborés.

L'élan a été ce qu'il devait être ; tirailleurs, chasseurs et légionnaires, grimpant par des sentiers de «chèvres,> sont arrivés presque simultanément, et, grâce à la rapidité de l'attaque, n'ont pas souffert de l'énergie de la défense.

Nous occupons actuellement la région de l'or, mais nos braves considèrent sans émotion ces blocs de quartz, et gouaillent volontiers les quelques travailleurs qui s'obstinent à extraire des pépites trop peu nombreuses.

La santé des hommes en marche est excellente ; nous ne pouvons en dire autant de ceux qui, stationnaires, nous paraissent résider trop longtemps dans la région insalubre.

On a tort de nous dire que la fièvre qui les atteint est sans grand danger. Nous la connaissons cette fièvre qui vous glace d'abord, vous inonde de sueurs ensuite et vous laisse inerte, incapable de toute œuvre matérielle, et découragé jusqu'à ce que la mort qui en est la conséquence presque inévitable vous délivre des souffrances intolérables qu'elle engendre.

Nous croyons pouvoir nous permettre une légère critique. Comment l'absence d'eau, expose t-il le commandement à n'expédier les troupes que par bataillon unique?

Est-ce qu'il n'y a pas en rade de Majunga vingt-cinq navires immobilisés, impuissants ? Ils ont leur provision d'eau, je suppose !

Ne pourraient-ils en céder une partie? Nous disons oui ! car ils se muniraient assez rapidement pour n'éprouver aucune souffrance.

Aux combattants nous envoyons un bon souvenir de France ; aux malades nos sympathies.

L. R.


Le Monde illustré du 27/07/1895

Envoyer

L'expédition de Madagascar

Envoyer

Le Monde illustré du 27/07/1895

 

Les documents de M. L. Tinayre notre envoyé spécial, ont trait à l'enlèvement du dernier et du plus fort retranchement des Hovas dans le Boéni. Avec ce fait d'armes voici terminée la première partie de l'expédition.

Vue d'ensemble de Mevatana et de Suberbieville - Vue prise de l'Ikopa.

Le bataillon de la Légion étrangère ( commandant Barre ) en réserve.

Nous empruntons à M. Boudouresque, un de nos confrères faisant partie du corps expéditionnaire en qualité de membre de la presse, quelques passades d'une correspondance fort intéressante et fort détaillée, sur la prise de Mevatanana :

« Ce grand village, situé à 4 kilomètres environ au nord-est de Suberbieville, et bâti sur un plateau élevé d'environ 80 mètres, était le lieu de résidence de Ramasombasaha, gouverneur général du Boéni avant la guerre. Ce Ramasombasaha, qui est un de nos ennemis les plus acharnés et qui était fort en faveur auprès du premier ministre, s'était fait nommer à ce poste justement parce qu'il y pouvait surveiller de près et ennuyer à l'occasion le plus important centre français à Madagascar, je veux dire Suberbieville.

Certains gros commerçants français de Majunga avaient des représentants à Mevatanana. pour les échanges avec l'intérieur, et une nuée de rapaces Indiens s'était dès longtemps abattue sur la capitale du Boéni, « Entre Beratsimana et Mevatanana coule une rivière, l'Anandrojia, peu profonde en cette saison, et qu'il fallait traverser à gué. »

« Le matin du 9 juin, à sept heures seulement, car elles se ressentaient encore des fatigues de la veille, les troupes de l'avant-garde quittaient Beratsimana et une heure après, étaient concentrées sur la rive gauche de YAnandrojia, le gué traversé.

« Là, elles se déployèrent pour l'attaque.

« La distance exacte connue, on chargea à la mélinite, et en avant les grand moyens. Ah! ils amenèrent de grands et prompts résultats !

« Au premier obus à mélinite qui éclata au beau milieu de leur batterie sud, un hurlement de terreur retentit, que nous entendîmes malgré la distance; avec ma lorgnette je pus voir les Hovas s'enfuir à toutes jambes, les artilleurs abandonnant leurs pièces, les tirailleurs quittant leurs abris, et c était un spectacle véritablement digne de pitié que ces silhouettes d'hommes désorientés aperçues à travers les gerbes de terre que soulevaient nos obus, tombant sans relâche maintenant et bouleversant leurs ouvrages. »

« Les batteries hovas éteintes, les nôtres cessèrent le feu pour permettre aux troupes à pied de monter à l'assaut. A proprement parler il n'y eut pas d'assaut, donné, car les Hovas s'étaient repliés précipitamment, laissant sans défense des retranchements derrière lesquels 1,000 hommes résolus eussent arrêté longtemps le corps expéditionnaire tout entier; non, l'assaut se transforma en une course, un concours de vitesse où les chasseurs du 40e et les légionnaires, montant à la file indienne par deux sentiers différents, luttèrent à qui entrerait tout d'abord. Les légionnaires débouchèrent
les premiers, ayant laissé leurs sacs en route pour aller plus vite; ils trouvèrent le fort vide de Hovas, mais le village plein d'Indiens qui avaient décoré leurs boutiques du pavillon anglais, comme avaient fait leurs confrères de Marovoay; tous ces gens claquaient des dents de peur et se jetaient à deux genoux au-devant de nos soldats, leur tendant des paquets de tabac et toutes sortes de provisions pour s'attirer leurs bonnes grâces.

« A midi, le drapeau français flottait sur Mevatanana et au même moment Suberbieville était occupé par une compagnie dont le capitaine faisait fusiller sur-le-champ, sur l'ordre du général, deux ou trois fuyards au moment où ils tentaient d'incendier cette ville : les constructions en sont d'ailleurs presque intactes, et les dégâts qu'y ont commis les Hovas insignifiants.

« Depuis lors, les méritants soldats que le général Metzinger avait l'honneur de commander à l'avant garde goûtent un repos bien gagné à Suberbieville. »

Parmi les papiers trouvés dans le rova de Mevatanana par les Hovas en déroute, on a trouvé un bien curieux document, que nous communique M. L. Tinayre.

C'est une lettre écrite au crayon par Randrianarivo. 7e honneur, aide de camp de Ramasombasaha, et adressée à Havelo, 7e honneur, qui faisait partie du corps de troupe chargé de la défense de Mevatanana et à sa famille.

En voici la traduction :

Randrianarivo, 7e honneur, à Ravelo, 7e honneur, à Mévélanana et Rahansa et Ratahaka et aux enfants.

Mahatombo, 7 mai 1895.


(Formules de politesse ordinaires).

Nous sommes arrivés à Amparihilava avec Ramasombasaha, 14e honneur, le dimanche 28 avril 1895.

Le jeudi 2 mai 1895, les Français, ainsi que Rasalimo. prince, et ses gens — (un grand-nombre d'entre eux conduisaient beaucoup de chevaux et de chiens) — ont attaqué le village d'Amparihilava. Grâce à la protection divine, nous avons échappé à un enveloppement de l'ennemi qui se serait certainement emparé de Ramasombasaha, 14e honneur, et de tous ses gens, car Ramasombasaha, 14e honneur, ne voulait pas quitter le village ; il disait qu'il préférait mourir là avec toutes ses troupes plutôt que d'avoir à affronter la honte, non seulement du peuple, mais encore de la reine et du premier ministre. — L'ennemi était au sommet, au nord du village, lorsque les siens l'ont forcé de partir; les obus et la mitraille pleuvaient alors sur les gens qui étaient dans le village, et il est impossible de fixer le nombre des morts; les cadavres étaient amoncelés et la mitraille faisait toujours des ravages, tandis qu'on évacuait le village. La conduite de Ramasombasaha, 4e honneur, a été des plus fermes.


Quant au nombre des personnes, hommes ou femmes, petits ou grands, qui ont été engloutis dans la rivière profonde, il est impossible de l'évaluer; d'un côté l'eau faisait ses victimes, tandis que la mitraille, comme le riz que l'on sème, pleuvait sur ceux qui étaient dans la rivière, leur seule voie de retraite, car ils étaient enveloppés de toutes parts; seuls, ceux qui avaient un bon destin ont pu échapper à la mort. C'est grâce à la protection de Dieu que je n'y suis pas resté, car j'étais à peine dans l'eau qui était profonde en cet endroit, que trois personnes se sont cramponnées à moi, et si je n'avais pas plongé immédiatement, je serais certainement aussi au nombre des morts. J'ai perdu mon fusil' dans la rivière, je n'ai pas pu le retrouver, comme d'ailleurs les canons qui étaient tombés à l'eau. Les Français se sont emparés, dans le village, de trois canons, deux petits canons en cuivre se chargeant par la bouche et un canon à sept coups. Nous avons perdu cinq canons dans la rivière. Nous n'avons rien pu reprendre de notre matériel de guerre.

Les Vazahas sont établis à Marovoay.

Quant à mes objets personnels, Inaivo a tout jeté : tente, matelas, marmite, assiettes, verres, il n'a emporté qu'une petite boite; il a prétexté qu'il avait peur des obus. Je dois vous dire, en outre, que Naivo m'a abandonné tout à fait et durement, je ne le tiens plus; d'autre part, je suis très occupé par mes fonctions qui m'empêchent de quitter Ramasombasaha, 14e honneur, même pour un seul jour. Naivo n'a pas reparu, mais il est resté au camp de Marovoay où il a suivi une femme, et la détresse où je me trouve est vraiment très grande, je n'ai même pas quelqu'un pour faire cuire mes aliments et, cependant, nous venons d'échapper, à Amparilava, à de grands périls.

Naivo reste au camp de Marovoay, qui est au nord en bas d'Ankarafantsika, tandis que nous sommes ici à Mahatombo. Envoyez-nous quelqu'un, soit Ramimarolaly, soit Ramanambina et remettez-lui 10 piastres, une marmite, des assiettes, une tente en étoffe légère, et pressez-le, car j'ai perdu mon argent qui était dans ma ceinture qui a disparu en même temps que mon lamba et mon fusil. J'ai remplacé mon fusil par celui d'un soldat mort devant moi.

Les officiers tués dans le combat sont : Rabibivato, 11e honneur, ainsi qu'un grand nombre de ses artilleurs, récemment recrutés, et beaucoup de soldats.

Il n'a pas été possible de connaître le nombre des morts ni des prisonniers, hommes et femmes, faits par l'ennemi. Ramiketaka, 8e honneur, a été tué dans le village. Le combat commencé à 6 heures du matin n'a cessé qu'à 3 heures du soir.

Ont disparu : Ramitsimba, 10e honneur, Randriamastera, 8e honneur, et ses soldats, et Ramimanana, 10e honneur. Aucun d'entre eux n'a encore paru à Mahatombo; ils s'étaient séparés du gros de nos troupes pendant le combat. Nous allons, maintenant, retourner à Ambolomoty opérer notre jonction avec Randriantavy, 13e honneur, car nous nous étions croisés avec lui en chemin, nous étions passés par l'est, tandis qu'il avait pris la route de l'ouest. J'ignore si Naivo s'est débarrassé ou non de la boîte qu'il portait, car il n'a pas encore reparu et il ne va que là où il lui plaît d'aller.

Voilà le récit des malheurs qui m'ont frappé et je vous en fait part.


P.-S. — Ramena, commandant de Miadana, a été fait prisonnier ainsi que sa troupe ; il gardait le village de Manjakatompo qui a été enveloppé par l'ennemi.


Le Monde illustré du 20/07/1895

Envoyer

Expédition de Madagascar.

Envoyer

Le Monde illustré du 20/07/1895

 

Expédition de Madagascar. — L'état sanitaire de nos troupes à Madagascar est l'objet d'une sollicitude générale. C'est sur la côte occidentale de Madagascar, dans l'île de Nossi-Komba, que le génie a établi des baraquements pouvant contenir tous les malades ou blessés du seul corps de troupes devant rester dans la vallée du Betsiboka, pour assurer les communications entre Majunga et Suberbieville.

Le sanatorium de Nossi-Komba remplit ces conditions; il est en état, nous l'avons dit, de recevoir aujourd'hui 200 malades, et 500 y trouveront place quand il sera complètement installé; le service médical aurait disposé par conséquent d'installations plus que suffisantes, si les troupes destinées à occuper les hauts plateaux avaient pu, ainsi qu'il le fallait, arriver en trois ou quatre jours à Suberbieville sur des chalands remorqués par des canonnières. Mais le matériel fluvial n'a pas été prêt en temps utile, et le général Duchesne qui redoutait pour le gros du corps expéditionnaire un séjour trop prolongé dans les parties malsaines de l'île, pressé d'ailleurs par le temps, a dû prendre la voie de terre ; nos soldats ont fait ce long trajet à pied, sac au dos ; ils ont marché ou séjourné dans les rizières et les marais du Betsiboka pendant plus d'un mois. Le nombre de ceux qui ont été atteints de paludisme a été naturellement plus élevé qu'il n'était à prévoir, et le sanatorium de de Nossi-Komba est devenu insuffisant.

L'autorité militaire a dû prendre des décisions pour rapatrier en France les malades et les convalescents expéditionnaires.

Cette mesure préoccupe fort l'opinion en raison des fatigues inévitables de la traversée, et sans doute on trouvera quelque solution pour éviter à des soldats anémiées, les périls d'une traversée dans de si mauvaises conditions.

Le général Duchesne s'est rendu au sanatorium pour en examiner l'installation, et pour y étudier cette grave question sanitaire. C'est cette excursion à Nossi-Komba qui a inspiré à notre artiste le curieux dessin que nous reproduisons.


Le Progrès de Bel-Abbès 14/07/1895

Envoyer

Un Lieutenant de la Légion

Envoyer

Le Progrès de Bel-Abbès 14/07/1895

 

Dans l'armée française, la Légion Étrangère a joui dé tout temps d'une réputation de bravoure incontestable.

Recrutée un peu partout, véritable ramassis de toutes les Dations, on y parle toutes les langues et aucun idiome n'y est inconnu.

N'allez pas demander à ces soldats une parfaite régularité de mœurs, voire une conduite incomparable à celle de nos petits lignards. Mais si, en dehors du service, leurs officiers ferment volontiers les yeux sur leurs écarts, par contre, ils se montrent impitoyables pour l'observation de la discipline. Sans une main de fer, impossible de maintenir de pareils hommes.

Employée dans nos colonies, la Légion Étrangère est de toutes les escarmouches et de tous les combats. On retrouve ces bataillons au Tonkin, dans le Sud oranais, au Cambodge et dans lé golfe du Bénin ; partout, en un mot, où il y a des coups de-fusil à échanger.

En Algérie, où elle a rendu d'immenses services, ses exploits sont demeurés légendaires, et, à l'appui de notre assertion, il suffira de raconter cette épisode de l'expédition de la Grande-Kabylie, en juin 1857,

Après la guerre de Crimée, nous croyant épuisés et jugeant le moment venu de jeter les Roumis à la mer, pour la seconde fois, les marabouts prêchèrent la guerre
sainte. A leur parole enflammée, comme une traînée de poudre, les feux s'allumèrent sur les hautes cimes du Djurdjurah I

Pour écraser l'insurrection d'un seul coup, le gouverneur général de l'Algérie prit ses dispositions en conséquence. Le corps expéditionnaire commandé par le maréchal Randon lui-même, comprenait trois divisions et deux colonnes d'observation, soit près de 35.000 hommes.

La seconde division, sous les ordres du général de Mac-Mahon, avait été renforcée sur sa demande d'un.bataillon de la Légion Étrangère. Connaissant de longue date la bravoure de cette troupe, l'ayant surtout vue à l’œuvre trois années auparavant dans le massif montagneux qui sépare Dellys de Bougie, il savait quelle part on pouvait en tirer.

Mais, dans cette guerre atroce et sauvage, pleine de surprises et d'embûches, l'unité d'actions s'imposait pour la réussite et le salut commun ; aussi, une implacable discipline fut-elle exigée de la part de ces turbulents enfants perdus. Entre autres injonctions : défense, sous peine de mort, de se porter en avant et de prendre contact avec l'ennemi, sans l'ordre formel du commandant en chef.

Au moment de la concentration de l'armée, à trois kilomètres environ de Tizi-Ouzou, au sommet d'une colline boisée, en avant d'un pittoresque village aux toits de briques rouges, l'ennemi avait construit une redoute et, de là, surveillait tous les mouvements.des nôtres.

Tout en face, un peu en contrebas, une section de compagnie du bataillon de la Légion Étrangère avait établi son campement. Hors: de la portée des.balles, elle n'en recevait pas moins chaque jour quelques coups de fusil de la part de ses dangereux voisins. Mais fidèles à la consigne, avec néanmoins la rage ,dans le cœur, les légionnaires ne ripostaient pas.

Enhardis par cette inaction pour eux inexplicable, cédant d'ailleurs à leur humeur batailleuse, un beau matin une vingtaine de Kabyles, sortant de leurs retranchements, se déployèrent en tirailleurs aux flancs de la colline et poussèrent l'audace jusqu'à venir narguer nos soldats aux approches du camp.

Mordillant sa moustache, les veines du cou gonflées, l’œil injecté de sang, du seuil de sa tente, le lieutenant Ziegler ne les perdait pas de vue."Leurs provocations et leurs cris l'horripilaient mais il avait su jusqu'alors se contenir quand une balle égarée vint frapper près de lui un de ses hommes. Oh ! simple contusion à cette distance ; cependant elle suffit à combler la mesure...

Ses dispositions furent vite arrêtées.
Laissant la moitié de ses soldats à la garde du camp, prenant là tête de l'autre petite colonne, il donna le signal de l'attaque et s'élança résolument en avant.

S'aidant des plis du terrain raviné, mettant à profit ses crevasses,, s'abritant derrière les roches et les troncs noueux des oliviers, sous un feu plongeant, en un instant les nôtres eurent couronné la hauteur. La porte du retranchement, enfoncée à coup de hache, comme un torrent les légionnaires se ruèrent dans le village, à l'assaut de chaque maison, semant partout la mort sur leur passage. Ah ! ce fut une mêlée et, certes, héroïque des deux côtés.

Lorsque sur le bloçkaus les trois: couleurs françaises flottèrent au vent et que le clairon sonna la victoire, assis en rond, avec l'impassibilité caractéristique de leur race, une trentaine de Kabyles désarmés attendaient qu'il fût statué sur leur sort.

C'est alors qu'à l'entrée nu village, au moment où l'on s'y attendait le moins, apparut Mac-Mahon.

En tournée d'instruction aux avant postes, il avait entendu les premiers coups de feu. Comme plus tard à Magenta où il devait courir au canon, il braqua sa lorgnette dans la direction du bruit et, non sans surprise, contrairement aux ordres formels, il avait aperçu les légionnaires bondir sur le mamelon et s'élancer comme des lions à la poursuite des burnous blancs.

Bon juge en matière de bravoure, il avait franchement admiré la furie de l'attaque, le sang-froid du lieutenant, droit et insouciant sous une grêle de balles, et le bouillant courage de chacun de ses hommes.

Puis, quand les derniers coups de fusil eurent cessé de résonner, lançant son cheval au galop et suivi de son état-major, le général gagna le village.

A. la vue du divisionnaire, pareil à un éclair, le sentiment de sa coupable infraction à la discipline traversa l'esprit du lieutenant Ziegler : néanmoins, très pâle, comme aussi sans faiblesse ni défaillance, il attendit au port d'armes l'arrivée de son chef.

— Votre épée, lieutenant, dit Mac-Mahon quand il fut à la portée de la voix.
— La voici, mon général.
— Malheureux ! quel exemple venez- ' vous de donner au reste de l'armée!...
— Un officier de votre valeur, Ziegler !
— Je n'ai su me maîtriser, mon général.
— Mauvaise excuse, car votre imprudence pouvait compromettre la division...

Du reste, vous relevez maintenant du conseil de guerre et ne m'appartenez plus.

Se tournant vers les soldats qui, consternés, gardaient le silence :
— Quant à vous, mes braves, qui avez obéi au commandement de votre chef, sans avoir à-le discuter, recevez toutes mes félicitations... "Votre général est fier de vous et son cœur de Français a tressailli de joie en voyant l'entrain avec lequel vous avez délogé ces Kabyles; Ce brillant fait d'armes tout à votre honneur, est d'un heureux augure pour le reste de la campagne. Lorsqu'elle sera finie, je me souviendrai de votre compagnie.

Traduit devant le conseil de guerre, le lieutenant Ziegler fut condamné à mort ; mais ses juges, à l'unanimité, le recommandèrent à la clémence du maréchal Randon. Huit jours se passent dans une cruelle incertitude quand, le matin du neuvième, le prisonnier est mandé devant le commandant en chef.

Escorté de ses deux divisionnaires, les généraux Mac-Mahon et Renault, le maréchal Raudon reçoit le condamné au seuil de sa tente.


— Reconnaissez vous, lieutenant, la justice de la sentence prononcée contre vous par le Conseil de guerre 1
— Parfaitement, monsieur le maréchal, répondit-il d'une voix ferme.
— Sans la discipline, lieutenant, pas d'armée.
— Rien de plus vrai, monsieur le maréchal.

Emporté par la fougue de mon tempérament, j'ai enfreint la consigne, et je vous en demande pardon ainsi qu'aux camarades. Pour racheter ma faute et servir d'exemple aux autres, je vous le jure, je saurai mourir en brave.

Il y eut un moment de pénible silence.

A son tour, le général de Mac-Mahon prenant la parole :
— A ma recommandation et à celle de vos juges, monsieur le maréchal a bien voulu vous accorder la grâce de la vie, lieutenant. Mais, dès aujourd'hui, vous rentrez dans le rang et vous servirez désormais comme simple soldat.

Très ému, une larme perlant au bord de sa paupière, incapable d'articuler un mot, le lieutenant Ziegler se contenta de saluer militairement.

Rien ne vous empêche, Ziegler, de reconquérir vos premiers galons au cours, de cette campagne, dit en souriant le maréchal Randon.. J'aurai du reste l’œil sur vous.

— J'espère me montrer digne de votre haute bienveillance, monsieur le maréchal,

ce sera pour moi le meilleur moyen de vous remercier.

Quatre ans plus tard, lé lieutenant dégradé comptait à son actif plusieurs actions d'éclat, trois citations à l'ordre du jour de l'armée et recevait son brevet de capitaine.


Henri DATIN (Akhbar)


Nouvelles militaires

Envoyer

Le Progrès de Bel-Abbès 14/07/1895

 

— M. le capitaine Rogerie, du 2e batailjon du 1er Étranger, au Tonkin, a pris le commandement de ce bataillon, en remplacement du commandant Coville, récemment rapatrié.

— M. le médecin-aide-major de 1re classe Dormand, de l'hôpital militaire de Bel-Abbès, est désigné pour la relève de Madagascar.


Médaille Militaire

Envoyer

Le Progrès de Bel-Abbès 14/07/1895

 

1er Étranger. — MM. Gasc, Linnecker, et De Peretti, adjudants ; Guéri et Audubey, sergents-majors, sont décorés de la médaille militaire.


Page 11 sur 21

Traduction

aa
 

Visiteurs

mod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_countermod_vvisit_counter
mod_vvisit_counterAujourd'hui7841
mod_vvisit_counterHier9598
mod_vvisit_counterCette semaine52442
mod_vvisit_counterSemaine dernière92304
mod_vvisit_counterCe mois32131
mod_vvisit_counterMois dernier189579
mod_vvisit_counterDepuis le 11/11/0920081046

Qui est en ligne ?

Nous avons 2361 invités en ligne

Statistiques

Membres : 17
Contenu : 14344
Affiche le nombre de clics des articles : 42988713
You are here PRESSE XIX° 1895